RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2020
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/16947 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B57ZP
Décision déférée à la cour : jugement du 29 mai 2018 -tribunal de commerce de MEAUX - RG n° 2017000167
APPELANTE
SARL [X] [S] FRANCE
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
N° SIRET : 504 052 168
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427
Ayant pour avocat plaidant la SCP LERIDON BEYRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P95
INTIMÉE
SASU BBL TRANSPORT
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 410 881 148
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Matthieu BAGARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1524
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Michel FONTANET, avocat au barreau de CHERBOUG
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 janvier 2020, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre, chargée du rapport
Mme Christine SOUDRY, conseillère
Mme Camille LIGNIERES, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme PRIGENT dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Gérald BRICONGNE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre et par Mme Hortense VITELA-GASPAR, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE :
La société [X]-Carré France exerce l'activité de transport routier de marchandises sur le territoire français et à l'international.
La société BBL Transport exerce entre autres, les activités de transport routier de marchandises et de commissionnaire de transport en France et à l'international.
La société CNI a confié à la société BBL le transport de machines de refroidissement au départ de France et à destination du Maroc. Ces machines avaient été vendues par M. [K] exerçant sous le nom commercial « Havie » à une société marocaine Le Froid Polaire.
Le 12 avril 2013, la société BBL Transport a confié à la société [X]-Carré France le transport des marchandises, au moyen de deux ordres de transport.
Le chargement a été effectué le 16 avril 2013 et les marchandises devaient être réceptionnées le 22 avril par l'agent commercial au Maroc de la société [X]-Carré, la société Kay Logistics.
Le 30 avril 2013, la société BBL Transport a donné l'ordre à la société [X]-Carré de bloquer la marchandise en faisant état d'un défaut de paiement de son donneur d'ordre.
Les marchandises sont ainsi restées dans les entrepôts du transitaire, la société Sonatrans à Casablanca.
Le 24 juin 2013, la société Kay Logistics a informé la société [X]-[S] qu'elle était convoquée devant le tribunal de commerce de Casablanca le 27 juin suivant, cette dernière ayant transféré le courriel à la société BBL Transport.
Le 27 septembre 2013, la société BBL Transport demandait à la société Kay logistics de la tenir informée du suivi de la procédure marocaine et précisait avoir assigné en France son donneur d'ordres et l'expéditeur.
Par jugement du 14 octobre 2014, le tribunal de commerce de Meaux a condamné solidairement M. [K] et la société CNI à régler à la société BBL Transport les frais de transports d'un montant de 9.725,50 euros.
Par jugement du 26 janvier 2015, le tribunal de commerce de Casablanca a ordonné à la société Kay Logistics de remettre les marchandises au destinataire, la société Le Froid Polaire.
La société [X]-[S] a réglé par voie de compensation la facture du 17 juillet 2015 établie par la société Kay Logistics à hauteur de 53.527,26 euros, correspondant aux frais de magasinage, aux lieux et place de la société BBL Transport.
Le 27 août 2015, la société [X]-[S] a adressé une mise en demeure à la société BBL Transport de lui rembourser la facture d'un montant de 53.527,26 euros, émise le 17 juillet 2015 et correspondant aux frais de stockage de la marchandise.
Par acte d'huissier de justice du 2 janvier 2017, la société [X]-[S] a fait assigner la société BBL devant le tribunal de commerce de Meaux en paiement notamment d'une somme de 53.527,26 euros au titre des frais d'entreposage pris à sa charge.
Par jugement du 29 mai 2018, le tribunal de commerce de Meaux a :
-pris acte de ce que la société [X] [S] France s'est désistée de sa demande de paiement de la facture FE 1504236 d'un montant de 4.245,77 euros,
-dit que la société BBL Transport a agi en qualité de commissionnaire de transport,
-constaté l'acquisition de la prescription extinctive,
-dit la demande en paiement de la somme de 53.527,26 euros irrecevable,
-débouté les sociétés [X] [S] France et BBL Transport de leurs autres demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive et procédure abusive,
-condamné la société [X] [S] France à payer à la société BBL Transport la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision,
-dit que tous les dépens, qui comprendront le coût de l'assignation qui s'élève à 67,48 euros T.T.C., ainsi que les frais de greffe liquidés à 77,08 euros T.T.C., en ce non compris le coût des actes qui seront la suite du présent jugement, resteront à la charge de la société [X] [S] France.
Par déclaration du 4 juillet 2018, la société Casina [S] France a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
-dit que la société BBL Transport a agi en qualité de commissionnaire de transport,
-constaté l'acquisition de la prescription extinctive,
-dit la demande en paiement de la somme de 53.527,26 euros irrecevable,
-débouté les sociétés [X] [S] France et BBL Transport de leurs autres demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive et procédure abusive,
-condamné la société [X] [S] France à payer à la société BBL Transport la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit que tous les dépens, qui comprendront le coût de l'assignation qui s'élève à 67,48 euros T.T.C., ainsi que les frais de greffe liquidés à 77,08 euros T.T.C., en ce non compris le coût des actes qui seront la suite du présent jugement, resteront à la charge de la société [X] [S] France.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 3 décembre 2019, la société [X] [S] France demande à la cour de :
Vu la convention CMR du 19 mai 1956,
Vu l'article L.133-6 du code de commerce,
Vu l'article 2234 du code civil,
- dire et juger que l'action de la société [X] [S] France contre la société BBL Transport n'était pas prescrite au jour de son exploit introductif d'instance, soit le 2 janvier 2017 ;
- infirmer de ce chef le jugement attaqué ;
En conséquence,
- dire et juger que l'action de la société [X] [S] France est recevable et bien fondée ;
- condamner la société BBL Transport à rembourser la somme de 53.527,26 euros à la société [X] [S] France, outre les intérêts légaux sur cette somme à compter de la mise en demeure du 27 août 2015 ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- condamner la société BBL Transport au paiement d'une somme de 5.000 euros au profit de la société [X] [S] France à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive à paiement ;
- condamner la société BBL Transport à payer à la société [X] [S] France une indemnité de 7.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société BBL Transport aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de la Selarl LM Avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 04 décembre 2019 , la société BBL Transport demande à la cour de :
Vu la Convention CMR du 19 mai 1956,
Vu l'article L.133-6 du code de commerce,
- dire et juger la société [X] [S] France recevable mais mal fondée en son appel dirigé contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Meaux le 29 mai 2018 ;
- l'en débouter ;
- confirmer, en conséquence, le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- dire et juger que la convention CMR ne s'applique pas au présent litige ;
- A ce titre, dire et juger que l'action introduite par la société [X] [S] France, par exploit en date du 2 janvier 2017, est irrecevable comme prescrite par application de l'article L.133-6 du code de commerce ;
- dire et juger, à titre subsidiaire, que l'action introduite par la société [X] [S] France, par exploit en date du 2 janvier 2017, est également irrecevable comme prescrite par application des dispositions de la Convention CMR ;
- dire et juger, de surcroît, que tant les sociétés Calsine [S] France que BBL Transport sont intervenues dans le transport en qualité de commissionnaires de transport ;
- dire et juger que la société [X] [S] France est mal fondée à prétendre bénéficier d'une quelconque cause d'interruption ou de suspension de la prescription et défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe de la faute inexcusable qu'elle tente imputer à la société BBL Transport ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [X] [S] France de ses demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société [X] [S] France à payer à la société BBL Transport une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Y ajoutant,
- condamner [X] [S] France à payer à la société BBL Transport la somme de 7.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel;
- condamner la société [X] [S] France aux entiers dépens d'appel ;
Subsidiairement,
- dans l'hypothèse où par impossible la cour écarterait la prescription opposée à l'action de la société [X] [S] France ;
- dire et juger que la société [X] [S] France ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du paiement de la somme de 53.527,26 euros qu'elle allègue ;
- dire et juger, en conséquence, la société [X] [S] France mal fondée en ses demandes dirigées contre la société BBL Transport ;
- l'en débouter ;
- condamner [X] [S] France à payer à la société BBL Transport la somme de 7.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
- condamner la société [X] [S] France aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 décembre 2019.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
***
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la qualité de commissionnaire ou de transporteur de la société BBL Transport
La société [X] fait valoir qu' il appartient à la société BBL Transport de prouver la réalité de ce rapport juridique avec son commettant, ce qu'elle ne fait pas car aucune pièce n'a été produite à ce titre, à l'exception de la procédure qu'elle a introduite à l'encontre de son donneur d'ordres (la société CNI) et de l'expéditeur M [K], que l'action directe que la société BBL Transport a mise en 'uvre en 2013, est un aveu judiciaire de sa qualité de voiturier.
Elle ajoute qu'en l'absence d'un accord du client pour autoriser une substitution, l'opérateur qui se voit confier une expédition internationale et la sous-traite à un confrère doit être considéré comme un transporteur soumis aux dispositions de la CMR.
La société BBL Transport réplique que la CMR ne prévoit pas le remboursement de frais d'entreposage et que la créance de la société [X] n'entre pas dans le champ d'application de ladite convention, que la notion de transporteur ou voiturier « s'entend du professionnel qui effectue personnellement la prestation de déplacement de la marchandise, qu'elle a, en l'espèce, librement organisé, en son nom, le déplacement de marchandises au départ de FRANCE et à destination du MAROC, qu'elle a tout aussi librement choisi son prestataire en l'espèce, la société [X].
Le contrat de commission est défini comme une convention par laquelle le commissionnaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement d'une marchandise d'un lieu à un autre ; elle se caractérise non seulement par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et les moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, mais aussi par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout, du seul fait qu'il s'est substitué un tiers dans l'exécution de l'expédition s'il ne justifie pas du consentement de son donneur d'ordres à l'existence de cette substitution.
La qualité de commissionnaire nécessite la réunion de trois critères cumulatifs : le commissionnaire est un intermédiaire, il organise le transport de bout en bout en disposant du choix des voies et des moyens, il traite en son nom personnel.
En l'espèce, la société BBL indique dans ses conclusions qu'elle a reçu mission par une société CNI, dont l'activité porte sur le « démontage, remontage, maintenance, achat, vente de matériels industriels. » d'organiser le transport, au départ de France et à destination du Maroc, de machines de refroidissement vendues par un commerçant, M. [K] exerçant sous le nom commercial « Havie » à une société marocaine Le Froid Polaire.
La société BBL Transport, qui n'est pas intervenue dans le transport lui-même, a confié à la société [X]-[S] France, le transport des marchandises susvisées au moyen de deux ordres de transport n°3008453 et 3008455, en date du 12/4/2013.
Le 16 avril 2013, la société BBL Transport a adressé à la société [X] son bon pour accord pour le chargement de deux camions depuis FR Lille Five vers Casablanca Maroc.
Ces confirmations de transport à en tête de la société BBL Transport contiennent toutes les mentions nécessaires au transport de la marchandise.
Il résulte de courriels échangés entre la société BBL Transport et la société [X] lors de la demande de blocage de la livraison des marchandises que cette dernière a bien réalisé elle-même les opérations de transports. De plus, la société BBL Transport a confié les opérations de transport à la société [X] et bien que mettant en doute sa qualité de transporteur dans le présent litige, elle ne démontre qu'elle a agi sous une autre qualité.
La société [X] n'a pas été en mesure de fournir les lettres de voiture, son gérant ayant attesté n'être plus en possession de ces documents qui font foi, jusqu'à preuve du contraire, des conditions du contrat.
Le fait que les mentions suivantes figurent sur les ordres de transport 'pour le paiement, envoyez votre facture avec la CMR émargée' et « impératif d'adresser une copie de CMR et TIR » (procédure de douane) n'a pas d'incidence sur l'application de la convention.
La société BBL Transport a assigné devant le tribunal de commerce de Meaux M. [K] et la société CNI, en paiement des frais de transport et il a été fait droit à sa demande par jugement en date du 14 octobre 2014.
Aux termes de ses conclusions devant le tribunal de commerce de Meaux, M. [K] a indiqué que n'ayant contacté que la société CNI, pour acheminer des groupes de froid au Maroc, il n'avait pas connaissance de l'intervention de la société BBL Transport.
Aux termes de l'assignation devant le tribunal de commerce de Meaux ayant donné lieu au jugement du 14 octobre 2014, la société BBL Transport s'est présentée comme commissionnaire de transport et a indiqué avoir organisé à la demande de société CNI le transport des groupes de froid bien que cette action directe introduite sur le fondement de l'article L.132-8 du code de commerce, n'est ouverte qu'au voiturier et non au commissionnaire de transport mais cette qualification ne lui a pas été contestée ni discutée devant le tribunal de commerce. Cependant, tout en se présentant comme commissionnaire, la société BBL Transport a agi comme un voiturier.
Si la société BBL Transport se prévaut de la qualité de commissionnaire de transport, elle ne verse aucune pièce démontrant que la société CNI lui a confié les marchandises plutôt pour en organiser l'acheminement que les transporter alors que s'agissant d'un contrat, la volonté des parties est déterminante pour la qualification de celui-ci et notamment la volonté du donneur d'ordre.
Le fait que la société BBL Transport n'ait pas effectué elle-même le transport ne permet pas de lui attribuer la qualité de commissionnaire, le transporteur pouvant lui-même sous-traiter l'opération. Si les opérations menées par la société BBL Transport peuvent s'analyser tout autant comme un commissionnement de transport que comme une sous-traitance de transport, la société BBL Transport échoue à démontrer sa qualité de commissionnaire en ce qu'elle n'établit pas que son donneur d'ordre lui a confié la charge d'organiser le transport des marchandises et non de réaliser le transport.
En conséquence, la société BBL Transport doit être qualifiée de transporteur dans la présente procédure.
L'article 1 de la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) stipule qu'elle « s'applique à tout contrat de transport de marchandises par route à titre onéreux au moyen de véhicules, lorsque le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu'ils sont indiqués au contrat, sont situés dans deux pays différents dont l'un au moins est un pays contractant. Il en est ainsi quels que soient le domicile et la nationalité des parties. »
S'agissant d'un transport international de marchandises par route à titre onéreux au moyen de véhicules, entre deux pays différents, la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) a vocation à s'appliquer.
Il résulte de l'article 1 de la CMR que la créance réclamée doit avoir été contractée dans le cadre du contrat de transport sans autre exigence quant à sa nature.
En l'espèce, le transporteur demande le remboursement des frais induits par les instructions qu'il a reçus de la société BBL Transport et qui ont entraîné des frais d'entreposage durant les opérations de transport ce qui rentre dans le champ d'application de la convention en ce qu'il s'agit d'une créance contractée dans le cadre du contrat de transport des marchandises.
Sur la prescription
La société [X] allègue que selon l'article 39 4° de la convention CMR, la prescription court à partir du jour du paiement effectif des frais exposés, soit à compter du 25 août 2015, qu'au sens de l'article 32 3°, la réclamation écrite qu'elle a adressée à la société BBL Transport le 27 août 2015 a suspendu le délai de prescription jusqu'à ce que le transporteur repousse cette réclamation par écrit ce que n'a pas fait la société BBL Transport.
La société BBL Transport réplique que l'article L.133-6 du code de commerce s'applique en matière de prescription (Le délai d'un an est compté dans tous les autres cas que celui de perte totale, du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire), que même en retenant que la prescription a commencé à courir le 25 août 2015, comme l'invoque la société [X], elle serait donc arrivée à échéance le 25 août 2016 et l'action introduite le 2 janvier 2017 est donc prescrite, qu'elle a adressé à la société [X] plusieurs courriels repoussant sa réclamation.
L'article 37 de la CMR dispose que : « Le transporteur qui a payé une indemnité en vertu des dispositions de la présente Convention a le droit d'exercer un recours en principal, intérêts et frais contre les transporteurs qui ont participé à l'exécution du contrat de transport, conformément aux dispositions suivantes : '/' »
L'article 39 §4 in fine précise que : « la prescription court, toutefois, soit à partir du jour d'une décision de justice définitive fixant l'indemnité à payer en vertu des dispositions de la présente Convention, soit, au cas où il n'y aurait pas eu de telle décision, à partir du jour du paiement effectif. »
L'article 32-1 de la CMR énonce que les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la présente Convention sont prescrites dans le délai d'un an. Toutefois, dans le cas de dol ou de faute considérée, d'après la loi de la juridiction saisie, comme équivalente au dol, la prescription est de trois ans.
La prescription court dans les cas autres que ceux de perte partielle, d'avarie ou de retard, ou de perte totale à partir de l'expiration d'un délai de trois mois à dater de la conclusion du contrat de transport.
Le jour indiqué ci-dessus comme point de départ de la prescription n'est pas compris dans le délai.
L'article 32-2 de la CMR précise « qu'une réclamation écrite suspend la prescription jusqu'au jour où le transporteur repousse la réclamation par écrit et restitue les pièces qui y étaient jointes.
En cas d'acceptation partielle de la réclamation, la prescription ne reprend son cours que pour la partie de la réclamation qui reste litigieuse. La preuve de la réception de la réclamation ou de la réponse et de la restitution des pièces est à la charge de la partie qui invoque ce fait. Les réclamations ultérieures ayant le même objet ne suspendent pas la prescription. »
L'article 32-1 de la CMR qui précise que toutes actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la présente Convention sont prescrites dans le délai d'un an s'applique au présent litige. En revanche, les dispositions des articles 37 et suivants de la CMR qui sont relatives au recours entre transporteurs successifs pour recouvrer une indemnité payée en vertu des dispositions de la CMR dans le cadre d'une action en responsabilité pour perte, avarie ou retard ne s'appliquent pas en ce qu'elles ne correspondent pas à la créance litigieuse.
Si l'article 32-1 de la CMR prévoit que la prescription court à partir de l'expiration d'un délai de trois mois à dater de la conclusion du contrat de transport, ce délai a été en l'espèce suspendu jusqu'au jour où la société [X] a eu connaissance de la créance à régler soit le 17 juillet 2015, date à laquelle son agent, la société Kay Logistics, lui a refacturé lesdits frais après les avoir réglés à la société Sonatrans.
Il s'ensuit que la prescription a commencé à courir le 17 juillet 2015.
La prescription étant encourue, la société [X] invoque l'interruption de la prescription fondée sur l'article 32-2 de la CMR.
La prescription n'a pu être interrompue que du jour où elle a commencé à courir. En conséquence, les échanges d'emails entre les parties antérieurs au 17 juillet 2015 (entre le 13 avril et le 4 juin 2015) et invoqués par la société BBL Transport ne peuvent être pris en considération.
En l'espèce, la société [X] a adressé une mise en demeure à l'intimée le 27 août 2015 aux termes de laquelle elle lui réclame le paiement de la facture des frais de magasinage qu'elle joint à sa demande.
Par courriels des 8/09 et 8/12/2015, la société BBL Transport a indiqué que le dossier avait été transféré chez son assureur et son avocat et ensuite à sa direction générale ce qui ne constitue pas un rejet de la réclamation.
La société BBL Transport ne s'étant plus manifestée postérieurement au 8/12/2015, la prescription n'a pas repris son cours et le 2 janvier 2017, date de la délivrance de l'assignation, l'action n'était pas prescrite.
Sur la demande en paiement de la facture
La société BBL Transport fait valoir que la créance n'est pas justifiée.
La société [X] réplique qu'elle a pris le soin de préciser à son interlocuteur au sein de la société BBL Transport que celle-ci devrait assumer toutes les frais et conséquences induits par sa décision de blocage des marchandises et a justifié de la somme qu'elle a payée à ce titre.
Il est versé un courrier de la société BBL Transport à la société [X] en date du 30 avril 2013 lui demandant de bloquer la marchandise aux motifs que le donneur d'ordre n'avait payé ni les factures de transport, ni les factures d'immobilisation et lui demandait d'atttendre ses instructions avant de déloquer la marchandise. Par courriel du 24 juin 2013, la société Kay Logistics prévenait qu'elle était convoquée devant le tribunal de commerce de Casablanca.
Plusieurs courriels ont été échangés entre la société [X], la société BBL Transport et la société Kay Logistics entre le 24 juin 2013 et le mois de juillet 2015 relatifs à cette demande de BBL Transport et à ses conséquences.
Par emails en date du 24 juin 2013, la société [X] et la société Kay Logistics avisaient la société BBL Transport qu'elles répercuteraient sur elle tous les frais liés à cette instruction de blocage des marchandises et la société [X] répondait le même jour qu'elle était dans son droit et qu'elle avait transmis le message à son responsable contentieux et à son avocat.
Il est versé aux débats une facture en date du 17/07/2015 d'un montant de 53.527,26 euros émise par la société Kay Logistics à la société [X] et correspondant à des frais de magasinage de la marchandise.
La société [X] a produit le compte courant fonctionnant entre elle et la société Kay Logistics sur lequel apparaît en crédit la somme de 53.527,26 euros correspondant au paiement par compensation de la facture.
La société BBL Transport conteste le montant de la somme réclamée sans opposer de moyen pertinent à l'appui.
En conséquence, la société BBL Transport sera condamnée à verser à la société [X] la somme de 53.527,26 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 août 2015.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil.
Sur la demande de la société [X] pour procédure abusive
Il résulte de l'article 1240 du code civil, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.
En l'espèce, la société BBL Transport ayant été reçue en ses demandes en première instance et un litige s'étant élevé quant à la prescription de l'action, la société [X] qui est appelante ne démontre pas que la défense opposée par la société BBLTransport soit abusive ; elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de condamner la société BBL Transport à verser à la société [X] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; l'intimée sera déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement sauf en ce que la société [X] Carré France s'est désistée de sa demande en paiement de la somme de 4.245,77 euros,
Statuant à nouveau et ajoutant,
DIT que la société BBL Transport a agi en qualité de transporteur,
DIT que la demande de la société [X] [S] France en remboursement de la facture d'un montant de 53.527,26 euros n'est pas prescrite,
CONDAMNE la société BBL Transport à payer à la société [X] [S] France la somme de 53.527,26 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 2015,
ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil,
DÉBOUTE la société [X] [S] France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE la société [X] [S] France à payer à la société BBL Transport la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande,
CONDAMNE la société BBL Transport aux dépens d'appel.
Hortense VITELA-GASPAR Marie-Annick PRIGENT
Greffière Présidente