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07/10/2020 | FRANCE | N°18/11169

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 07 octobre 2020, 18/11169


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 07 Octobre 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11169 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6P5F



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX RG n° 12/01259





APPELANT



Monsieur [I] [O]

[Adresse 4]

[Localité 3]

né le [Date naissance

2] 1964 à [Localité 14]



représenté par Me Sylvie QUEILLE, avocat au barreau de MEAUX





INTIMEES



Me [R] [B] (SELARL [K]-[R]) - Mandataire liquidateur de SAS ASJ FABRICATION

[Adr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 07 Octobre 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11169 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6P5F

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX RG n° 12/01259

APPELANT

Monsieur [I] [O]

[Adresse 4]

[Localité 3]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 14]

représenté par Me Sylvie QUEILLE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEES

Me [R] [B] (SELARL [K]-[R]) - Mandataire liquidateur de SAS ASJ FABRICATION

[Adresse 5]

[Localité 6]

représenté par Me Florence FREDJ-CATEL, avocat au barreau de MEAUX

Association AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 8]

représenté par Me Florence ROBERT DU GARDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0061 substitué par Me Julien MOURRE, avocat au barreau de PARIS

Société FAIN ASCENSEURS FRANCE venant aux droits de la SAS ASJ

[Adresse 7]

[Localité 9]

représentée par Me Florence RAMONATXO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0763

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Septembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre

Monsieur Nicolas TRUC, Président de Chambre

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 27 août 2020

Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 18 mai 2009, Monsieur [O] a été recruté par la société ASJ dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée comme chargé d'affaires, statut cadre, moyennant un salaire brut de 3 500 euros

A compter du 1er septembre 2009, la relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée .

Au mois d'août 2012, la société ASJ a cédé son activité de fabrication et d'installation d'appareils de levage à la société ASJ FABRICATION, dont le nom commercial est FDM, qui a pour activité la fabrication et la pose de tous appareils de levage (ascenseurs, monte-charge) travaux de serrurerie, de 2 ème 'uvre.

Consécutivement à la cession de l'activité de fabrication et d'installation d'appareils de levage à la société ASJ FABRICATION, le 1 er août 2012, le contrat de travail de Monsieur [O] qui était affecté à l'activité de fabrication et de pose d'appareils de levage a été transféré de plein droit auprès de cette société .

La société ASJ a conservé l'activité d'entretien et maintenance des appareils de levage.

Le 3 décembre 2012, Monsieur [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société ASJ FABRICATION, et en paiement d'indemnités de rupture, de rappels de salaire pour des heures supplémentaires, d'astreintes et de frais kilométriques,

Le 7 février 2013 Monsieur [O] a été licencié pour faute grave par la société ASJ FABRICATION.

Le 12 février 2013, Monsieur [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux à l'encontre de la société ASJ et a sollicité les mêmes condamnations que celles préalablement présentées à l'encontre de la société ASJ FABRICATION outre la condamnation solidaire de la société ASJ (aux droits de laquelle vient la société Fain Ascenseurs France) et de la société ASJ FABRICATION au paiement des sommes suivantes :

- 2 326,08 euros au titre de la mise à pied ;

- 232,60 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 4 333,20euros au titre de ses frais de déplacements ;

- 121 262,32 euros au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents ;

- 124 078 euros au titre d'astreintes ;

- 12 407,00 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 12 249,99 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 224,99 euros au titre ses congés payés y afférents ;

- 3 198,60 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

Le 1er août 2013, la société ASJ a fait l'objet d'une fusion absorption par la société Fain Ascenseurs France assurant la maintenance et l'entretien d'ascenseurs en région parisienne. La société ASJ a été radiée. La société Fain Ascenseurs vient aux droits de la société ASJ.

Par jugement rendu le 27 novembre 2014, le conseil de prud'hommes de Meaux a mis hors de cause la société Fain Ascenseurs France et a condamné la société ASJ FABRICATION à verser à Monsieur [O] les sommes suivantes :

- 3 336,60 € au titre de la mise à pied ;

- 322,66 € au titre des congés payés y afférents ;

- 12 249,99 € au titre de l'indemnité de préavis ;

- 1 224,90 e au titre de congés payés y afférents ;

- 3 198,60 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 24 500 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

Monsieur [O] a interjeté appel du jugement.

Par un jugement du 2 mai 2018, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société ASJ Fabrication et désigné la Selarl [K] [R] en tant que mandataire liquidateur.

Dans le dernier état de ses demandes telles que présentées lors des débats, Monsieur [O] sollicite la condamnation solidaire de la société Fain Ascenseurs France et de la Selarl [K] [R] ès qualités à lui payer les sommes suivantes:

- 4 333,20 euros au titre de l'indemnisation de ses frais de déplacement.

- 121 262,32 euros au titre des heures supplémentaires

- 12 126,23 euros au titre des congés payés sur les heures supplémentaires.

- 124 078 euros au titre de l'astreinte outre 12 407 euros pour les congés payés sur l'astreinte

Il demande encore à la cour de:

* prononcer la résolution de son contrat de travail au 7 mai 2013

* condamner solidairement la société Fain Ascenseurs France et la Selarl [K] [R], ès qualités à lui payer :

- une indemnité de préavis de 12 249,99 euros

- les congés payés sur préavis de 1224,99 euros

- une indemnité de licenciement de 3198,60 euros

- des dommages et intérêts à hauteur de 30 000 euros

- 2326,08 euros au titre du salaire relatif à la mise à pied et 232,60 euros au titre des congés payés y afférents

Subsidairement :

* dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

* condamner solidairement la société Fain Ascenseurs France Ascenseurs et la Selarl [K] [R] ès qualités à lui payer:

- 124 078 euros au titre de l'astreinte outre 12 407 euros pour les congés payés sur l'astreinte

- 12 249,99 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1224,99 euros pour les congés payés afférents

- 3198,60 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 2 326 ,60 euros au titre du salaire relatif à la mise à pied et 232,66 euros au titre des congés payés y afférents

* Condamner le CGEA AGS ILE DE France Est à garantir la Selarl [K] [R] ès qualités des condamnations qui seront prononcées contre lui

* lui donner acte de ce qu'il propose d'imputer la somme de 21 715,21 euros déjà versée sur l'indemnité de préavis, l'indemnité de congés payés , le rappel de salaire relatif à la mise à pied et l'indemnité de licenciement.

* condamner solidairement la société Fain Ascenseurs France et la Selarl [K] [R] ès qualités à payer les intérêts sur les sommes ci-dessus à compter de la saisine du conseil

* condamner solidairement la société Fain Ascenseurs France et la SELARL [K]-[R] ès qualités à lui payer la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , en sus de la condamnation prononcée en première instance

La société Fain Ascenseurs France demande à la cour de débouter Monsieur [I] [O] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner reconventionnellement au paiement de la somme 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [K] [R] ès qualités relève qu'il n'est formulé aucune demande de fixation de créance à l'encontre du passif de la liquidation judiciaire de la société ASJ Fabrication et, à titre subsidiaire, conclut au débouté de Monsieur [O].

A titre infiniment subsidiaire, il considère que la créance du salarié pourrait être arrêtée à la somme de 3 500 euros et rappelle que la procédure collective a interrompu le cours des intérêts.

En tout état de cause, il réclame une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

L'AGS conclut à sa mise hors de cause, s'oppose aux demandes du salarié, précise que, seule, la société Fain Ascenseurs France est solvable et rappelle les limites de sa garantie.

Monsieur [O] soutient que :

* sur la détermination de l'employeur,

- Il a été amené à travailler indifféremment et simultanément pour les 2 sociétés ASJ et ASJ fabrication au service des 2 activités « de fabrication et de pose » et « d'entretien,de dépannage et de réparation »,

- Il était en tout état de cause salarié de la société ASJ avant le 1er août 2012 et travaillait déjà pour la société ASJ fabrication en sorte que la demande de solidarité est fondée au moins pour les créances portant sur la période antérieure au 1er août 2012 à savoir, les heures supplémentaires et l'astreinte

- le président des 2 sociétés s'est efforcé d'entretenir un certain flou, en l'absence de contrat de travail écrit et de lettre de transfert du contrat de travail,

* sur les manquements de nature à justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, dont le conseil de prud'hommes a été saisi par lettre du 27 novembre 2012, soit antérieurement à son licenciement prononcé le 7 février 2013,

- Il n'a pas été réglé de ses frais professionnels à concurrence de 9200 km effectués dans l'intérêt de son employeur,

- il a été amené à accomplir un grand nombre d'heures supplémentaires à raison de 25 heures par semaine sans avoir été rémunéré pour ces heures ,

- il a partagé une astreinte en alternance à raison d'une semaine sur 2 avec Monsieur [H], et ce pour assurer le service après-vente,

subsidiairement sur le licenciement,

- conteste la réalité et le sérieux des 3 griefs invoqués.

Après avoir souligné qu'aucune demande n'était formulée à son encontre en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ASJ Fabrication, en ce qu'initialement les demandes étaient adressées à la société Fain Ascenseurs France et à son administrateur Maître [P], la Selarl [K] [R] ès qualités fait valoir que :

- Monsieur [O] ne rapporte pas la preuve que les 9200 kms réalisées au-delà de l'indemnité qui lui a déjà été versée par la société ont bien été réalisés dans un cadre professionnel ni que le salarié en avait réclamé le paiement,

- l'employeur n'était pas informé des dépassements d'horaires invoqués par le salarié ni n'avait expressément donné son accord pour la réalisation d'heures supplémentaires,

- les plannings produits ne sont pas contresignés par l'employeur, certains rendez-vous notés visent des périodes pendant lesquelles il était en congés payés ou en arrêt travail, correspondent à des rendez-vous personnels concernant sa vie de famille,

- s'agissant des astreintes, les fonctions confiées au salarié n'incluaient pas de telles astreintes dès lors qu'il n'était pas chargé de l'entretien des ascenseurs, ni du service après-vente.

La Selarl [K] [R], ès qualités, conclut donc au rejet de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et soutient que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse résultant d'une insubordination caractérisée et des retards importants. Il fait particulièrement état du refus du salarié de quitter le lieu de travail alors qu'il était sous le coup d'une mise à pied conservatoire.

La société Fain Ascenseurs France conteste être l'employeur de Monsieur [O] dès lors que, depuis le 1er août 2012, il n'existait plus aucun lien de droit entre eux Monsieur [O] et la société ASJ radiée du registre du commerce depuis la fusion-absorption. Elle rappelle que l'application des dispositions de l'article L. 1224'1 du code du travail est de droit en cas de transfert d'une entité autonome et s'impose au salarié.

Elle note que l'activité de Monsieur [O] concerne l'activité fabrication et pose, et en aucun cas, celle de l'entretien et de la maintenance des ascenseurs.

En tant que de besoin, elle soutient que le salarié ne justifie pas avoir effectué 59 200 km à la demande et pour le compte de l'employeur, qu'exerçant des fonctions de chargé d'affaires, il n'assurait pas l'entretien des ascenseurs ni le service après-vente et qu'il ne peut avoir été soumis à des astreintes.

Elle rappelle que l'astreinte ne constitue pas un temps de travail effectif.

Elle souligne les incohérences du planning communiqué, le salarié ayant sollicité des heures supplémentaires sur des périodes pendant lesquelles il était en congé ou en arrêt de travail, ayant également pris des rendez-vous personnels pendant son temps de travail.

Enfin, elle souligne que les indemnités de rupture du contrat de travail sont à la charge du seul employeur lors de la rupture, en l'occurrence la société ASJ Fabrication.

L'AGS sollicite sa mise hors de cause aucune demande n'étant formulée à l'encontre de la société en liquidation, soutient que le licenciement repose sur une faute grave, s'oppose aux demandes formulées.

À titre subsidiaire, elle considère que la société ASJ Fabrication étant insolvable, il incombe à la seule société Fain Ascenseurs France de supporter l'ensemble des créances susceptibles d'être reconnues au bénéfice de Monsieur [O].

Elle demande, en tant que de besoin, que les condamnations soient ramenées de plus justes proportions et rappelle les limites de la garantie.

MOTIFS

Sur la détermination de l'employeur ;

Il est admis par les parties que Monsieur [O] a d'abord été engagé suivant un contrat de travail à durée déterminée du 18 mai 2009 par la société ASJ, que la relation s'est poursuivie dans le cadre d'un travail à durée indéterminée.

Les éléments communiqués confirment qu'à compter du 1er août 2012, la société ASJ a cédé l'activité de fabrication et d'installation d'appareils de levage à la société ASJ fabrication, ce que ne remettent pas en cause les parties en présence.

D'après les conclusions mêmes, Monsieur [O] a fait écrire qu'il occupait le poste de chargé d'affaires, qu'il réalisait à ce titre les études de faisabilité avec le client, établissait les devis et les traitait, assurait les réunions de chantier, manageait les techniciens, commandait le matériel, gérait les procédure de certification, gérait tous les fax arrivant directement sur sa boite mail en même temps que sur celle de la société, qu'il intervenait essentiellement au stade de l'étude et du suivi de l'installation des appareils de levage en sorte que ses missions s'inscrivaient dans le cadre de l'activité cédée.

A partir de ce constat, c'est vainement que Monsieur [O] soutient que le transfert de son contrat de travail n'est pas régulier dès lors qu'il n'a reçu aucune lettre l'en informant.

En effet, selon l'article L. 1224-1 du code du travail « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise » sans qu'il soit nécessaire qu'un lien de droit existe entre les employeurs successifs.

Ces dispositions, qui sont d'ordre public, s'imposent tant aux salariés qu'aux employeurs et s'appliquent à tous les contrats qui existent au jour de la modification.

Par ailleurs, Monsieur [O] fait valoir qu'il a toujours été le salarié des deux sociétés y compris après la cession de l'activité de fabrication et d'installation d'appareils de levage à la société ASJ Fabrication.

Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard de personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

Il est patent que les deux sociétés ASJ devenue Fain Ascenseurs France et la société ASJ Fabrication, bien que domiciliées à la même adresse et ayant le même président, Monsieur [X], n'ont pas les mêmes activités, l'une assurant la fabrication et l'installation d'appareils de levage, l'autre se réservant l'entretien, la réparation et le dépannage des appareils de levage.

Néanmoins, il résulte des éléments communiqués par Monsieur [O] que le 9 juin 2013, soit postérieurement à la cession et par suite, au transfert du contrat de travail, Mr [X] a envoyé un mail de rappel des horaires à Mr [O], le mail étant à l'en-tête « ASJ » et l'adresse mail étant « d .asj ».

Il est aussi remarquable que l'adresse mail de Mr [O] n'ait pas changé postérieurement au transfert de son contrat de travail puisqu'il était toujours mentionné « h.asjf » avec un en-tête « ASJ» (pièce n° 25, 27, 28).

La réalité de l'exercice d'un pouvoir de contrôle, de direction et de sanction par le gérant de la société ASJ, Monsieur [X], corollaire de l'exercice d'une prestation dans le cadre d'un lien de subordination est établie par ce rappel à l'ordre sur le nécessaire respect des horaires en date du 9 janvier 2013 soit, bien au delà du transfert du contrat de travail à la société ASJ Fabrication. De même, aucune consigne n'a été fournie à Monsieur [O] pour un changement de coordonnées .

Il s'en déduit que les deux sociétés étaient co-employeurs de Monsieur [O] ainsi qu'il le soutient, jusqu'au moment de la rupture.

Il sera rappelé à toutes fins que le nouvel employeur, à la suite d'un transfert de plein droit du contrat de travail, est tenu de toutes les dettes de salaire et autres éléments de rémunération qui n'ont pas été entièrement réglées par l'ancien employeur, quitte à ce que ce nouvel employeur exerce un recours contre l'ancien pour lui réclamer le montant des sommes correspondant à sa quote-part.

Mais dans le cas d'espèce, dans la mesure où la société Fain Ascenseurs France ayant absorbé la société ASJ et repris son passif, et la société ASJ Fabrication sont co-employeurs, les condamnations et fixations de créances prononcées, les concerneront toutes les deux, sous réserve de l'analyse de la pertinence des demandes et des moyens évoqués.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Lorsqu' un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat de travail, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire que le juge doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Tout salarié peut poursuivre la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements par ce dernier à ses obligations

Ces manquements doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Dans le cas présent, le salarié fait mention de manquements graves de la part de son employeur à savoir le non remboursement de ses frais professionnels, le non-paiement des heures supplémentaires qu'il a accomplies et le non règlement des astreintes qu'il a assumées

Sur les frais professionnels,

Les éléments communiqués et non discutés révèlent qu'il a d'abord été attribué à Mr [O] un véhicule de fonction, qu'à compter du 1 er septembre 2010, et jusqu'au 16 octobre 2012, il a utilisé son véhicule personnel, qu'il a été indemnisé sur la base d'un forfait annuel de 25 000 kilomètres.

Mr [O] expose et justifie par les documents communiqués avoir revendu son véhicule personnel le 16 octobre 2012 affichant 122 800 euros au compteur lequel comptait 48000 kms lors de son acquisition le 1er septembre 2010.

Il fait observer qu'il a donc, pendant la période du 1 er septembre 2010 au 16 octobre 2012, effectué 74 000 kilomètres, soit, en déduisant un nombre de kilomètres à hauteur de 20 % pour son utilisation personnelle, (pièce n° 17, 18 , 19,20), 59 200 kilomètres pour le compte de son employeur, en 24 mois.

Ayant été indemnisé pour 50 000 kilomètres, il évalue les remboursements à lui revenir à la somme de 4333,20 euros.

Toutefois, ce comparatif des kilométrages ne présente pas de force probante s'agissant de la preuve de l'engagement de frais professionnels réels dans l'intérêt de ses employeurs.

Le jugement déféré l'ayant débouté de sa demande à ce titre sera confirmé.

Sur les heures supplémentaires ;

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il incombe au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Il est patent que Mr [O] était payé 3500 euros pour 151,67 heures ou 35 heures hebdomadaires, ainsi que cela résulte de ses bulletins de salaire, ses horaires étant les suivants :

- de 8 heures à 12 heures

- de 14 heures à 17 heures

Monsieur [X] a repris ces horaires aux termes du courriel du 9 janvier 2013.

Mr [O] soutient avoir dépassé ces horaires faisant état d'un travail effectif à raison de 60 heures par semaine, en moyenne.

Pour présenter sa demande, il produit des fax professionnels, datés, avec l'heure d'envoi (pièces n° 25) ainsi qu'une copie de son agenda de mai 2012 à novembre 2012 (pièce n° 29).

Il propose de retenir qu'en moyenne, il arrivait au bureau à 7 heures et en repartait vers 20 heures, que sa pause déjeuner entre 12 et 14 heures ou 13 h 30 n'était pas respectée puisqu'il pouvait être amené à envoyer des fax dans ce créneau.

Il explique plus avant que lorsqu'il n'arrivait pas au bureau à 7 heures, c'est en raison du fait qu'il commençait sa journée par un rendez vous de chantier, tels ceux qu'il a honorés pour le chantier tous les lundis matins au Kremlin-Bicêtre. Il précise qu'il partait pour visiter ce chantier dès 6 heures 30 de son domicile, alors que son trajet habituel domicile/Bureau prenait 10 minutes.

Il ajoute qu'il a effectué des déplacements en province ([Localité 11], [Localité 10], [Localité 13], [Localité 15] ) ou à l' étranger comme à [Localité 12] et ce, à 8 reprises.

Ce faisant, le salarié présente des éléments suffisamment précis pour permettre aux employeurs de répondre.

Les parties intimées répondent que les pièces justificatives produites ne sont pas précises et que les fax peuvent avoir été envoyés de son domicile.

La société Fain Ascenseurs France met en exergue les incohérences de l'agenda en ce qu'il est fait mention d'heures supplémentaires alors que Monsieur [O] était en congés ou en arrêt maladie et qu'il comporte les mentions de rendez-vous à caractère privé.

Il est fait état du rappel à l'ordre adressé au salarié sur les horaires qu'il devait respecter.

Au regard des éléments communiqués dès lors que le planning ne porte que sur la période de mai à novembre 2012, qu'il y est fait mention de rendez-vous à caractère privé, que les horaires d'envoi et de réception des fax ne permettent pas de déduire que le salarié a travaillé de façon continue entre les heures matinales d'envoi et de réception et les heures tardives d'envoi et de réception desdits courriels, que l'employeur avait connaissance de l'heure d'envoi de courriels qui lui étaient destinés, la cour a la conviction, au sens des dispositions légales, que Monsieur [O] a réalisé des heures supplémentaires, nécessaires à l'accomplissement de ses missions, avec l'accord au moins implicite de l'employeur selon les modalités suivantes:

115,40 x 42 semaines x mois de juin 2009 au mois de juillet 2012 = 14 540 euros .

La créance de Monsieur [O] à ce titre sera en conséquence arrêtée et fixée à la somme de 14 540 euros et comprendra en sus les congés payés afférents.

Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société ASJ Fabrication tandis que la société Fain Ascenseurs France sera condamnée à la régler.

Il s'agit néanmoins d'un obligation in solidum entre les employeurs

Sur les astreintes,

L'astreinte correspond à une période pendant laquelle le salarié doit pouvoir intervenir pour effectuer une tâche nécessaire à l'entreprise. 

Le salarié n'est pas obligé d'être sur son lieu de travail ni d'être à la disposition de son employeur de manière permanente et immédiate (article L3121-9 du Code du travail).

La durée de l'astreinte n'est pas considérée comme du temps de travail effectif mais elle donne obligatoirement droit à une compensation en faveur du salarié.

Mr [O] fait valoir qu'il a dû partager une astreinte avec Mr [H], de 18 heures le soir à 8 heures le matin en semaine, et la totalité des samedis et dimanches selon une alternance de 2 semaines.

Il expose qu'il lui appartenait de prévenir les techniciens appelés à intervenir.

Il communique, outre son numéro de téléphone, ceux des techniciens qu'il soutient avoir saisi des incidents exigeant leur intervention.

Il produit un relevé des appels reçus et donnés révélant l'existence d'appels avec les numéros des techniciens au cours de samedis et de dimanches ainsi des jours en semaine notamment en dehors de ses horaires journaliers de travail.

Il relève que ces astreintes n'étaient pas rémunérées.

Il considère que compte tenu d'une astreinte à raison de 14 jours par mois, de juin 2009 à août 2012, soit pendant 37 mois, dont il déduit 5 mois de congés, il est fondé à réclamer 5376 heures d'astreinte, à 23, 08 euros de l'heure.

Les parties intimées contestent que le salarié ait jamais assumé quelques astreintes que ce soient, alléguant qu'il a toujours été chargé d'affaires et qu'il n'assurait pas l'entretien des ascenseurs ni le service après-vente.

La cour relève toutefois que les parties intimées ne remettent pas en cause l'authenticité des numéros de téléphone des techniciens, ni ne fournissent une explication pertinente sur les appels donnés à ces personnes par le salarié à des heures et des jours, hors son temps habituel de travail.

La cour note aussi que Monsieur [O] ne soutient pas avoir assumé les astreintes alléguées après la cession de l'activité de fabrication et d'installation des appareils de levage à la société ASJ Fabrication.

La réalité des astreintes est établie.

En   l'absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles quant à la rémunération des heures d'astreintes, la convention collective de la métallurgie région parisienne ne prévoyant pas de rémunération minimale pour les astreintes, il incombe au juge de fixer le montant à revenir au salarié.

Dans la mesure où l'astreinte ne correspond pas à un temps de travail effectif, l'astreinte sera rémunérée à raison de 23,08 euros pendant 14 jours par mois sur 32 mois, soit à hauteur de la somme de 10 339,84 euros.

L'indemnité d'astreinte, élément de la rémunération, entre dans l'assiette des congés payés.

Cette somme sera complétée par celle de 1033,98 euros au titre des congés payés afférents.

Parallèlement, il est justifié que l'accès à la boite mail de la société a été retiré à Monsieur [O] à la faveur de l'intervention courant septembre 2012 d'une société informatique sans que le nouveau mot de passe ne lui ait été transmis.

Les manquements graves en ce qu'ils ont trait aux défaillances des employeurs au regard de la rémunération due au salarié et de l'accès à son moyen de travailler justifient la résolution judiciaire du contrat de travail à leurs torts.

La résiliation dont les effets seront ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse remontera à la date de la rupture du contrat de travail soit à la date du 7 février 2013.

Mr [O] est bien fondé à réclamer la condamnation de la société Fain Ascenseurs France au paiement et la fixation de ses créances au passif de la société ASJ Fabrication selon les modalités suivantes :

- indemnité de préavis 3 mois 12 249,99 euros

- congés payés sur préavis 1224,99 euros

- indemnité de licenciement calculée sur la base d'une durée du contrat de travail du 18 mai 2009 au 7 mai 2013, soit 3 ans et 11 mois, soit 3198,60 euros.

Le jugement sera confirmé sur les montants ainsi reconnus au profit du salarié.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, (4083,33 euros) , de son âge, (49 ans)de son ancienneté, remontant au 18 mai 2009, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour reteint que les premiers juges ont justement apprécié le préjudice de Monsieur [O] en fixant à la somme de 24 500 euros le montant des dommages et intérêts à lui revenir en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce.

Sur la demande au titre de la mise à pied.

Mr [O] a été mis à pied à titre conservatoire par l'employeur à compter du 21 janvier 2013.

Il est fondé à obtenir la reconnaissance d'une créance d'un montant de 2326,08 euros au titre du salaire et de 232,60 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera réformé.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Des raisons tenant à l'équité commandent d' allouer à Monsieur [O] une indemnité 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'opposabilité du présent arrêt à l'AGS,

Le présent arrêt sera opposable à l'AGS qui devra sa garantie à titre subsidiaire étant observé qu'il incombe à la société Fain Ascenseurs France, condamnée au paiement des sommes de régler les condamnations prononcées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [O] de sa demande de remboursement des frais professionnels,

le confirme sur ce point,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts des co-employeurs, la société Fain Ascenseurs France venant aux droits de la sociét ASJ et la Selarl [K] [R] mandataire liquidateur de la société ASJ Fabrication,

Condamne la société Fain Ascenseurs France venant aux droits de la société ASJ au paiement des sommes ci dessous énumérées et Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société ASJ Fabrication la créance de Monsieur [O] aux mêmes sommes suivants les modalités suivantes ;

- 14 540 euros euros au titre des heures supplémentaires outre celle de 1454 euros au titre des congés payés,

- 10 339,84 euros au titre de l'astreinte outre 1033,98 euros pour les congés payés afférents,

- 12 249,99 euros au titre du préavis outre 1224,99 pour les congés payés afférents

- 3198,60 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 25 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2326,08 euros au titre du salaire relatif à la mise à pied conservatoire et 232,60 euros au titre des congés payés y afférents

Dit que le présent est opposable à l'AGS dans les limites de la garantie, qui exclut l'allocation de l'indemnité au titre des frais de procédure,

Ordonne le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Monsieur [O] dans la limite d'un mois,

Condamne in solidum la société Fain Ascenseurs France venant aux droits de la société ASJ et la Selarl [K] [R] en qualité de mandataire liquidateur de la société ASJ Fabrication aux entiers dépens et à verser à Monsieur [O] une indemnité de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/11169
Date de la décision : 07/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°18/11169 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-07;18.11169 ?
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