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02/10/2020 | FRANCE | N°18/08885

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 02 octobre 2020, 18/08885


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 02 Octobre 2020



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08885 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6DU5



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/01449





APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires



TSA 80028

[Localité 4]

représenté par Mme [K] [E] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE

SARL ORTAKAHA

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Christine CHEVAL, avocat au ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 02 Octobre 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08885 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6DU5

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/01449

APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Localité 4]

représenté par Mme [K] [E] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

SARL ORTAKAHA

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Christine CHEVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0584

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Localité 3]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juillet 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pascal PEDRON, président de chambre

Monsieur Lionel LAFON, conseiller

Madame Bathilde CHEVALIER, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Pascal PEDRON, président de chambre, et par Mme Venusia DAMPIERRE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'URSSAF d'Ile de France, ci-après "l'URSSAF" à l'encontre d'un jugement rendu le 25 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la société ORTAKAHA SARL.

FAITS , PROCÉDURE , PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffira de rappeler que le 18 avril 2016 à 13h05, dans le cadre d'un contrôle opéré avec les services de police, les inspecteurs de l'URSSAF ont constaté la présence dans le restaurant "Mille et une nuits"sis à [Localité 5] de deux personnes en situation de travail, M. [T] [P] et M. [N] [F], qui n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche.

L'URSSAF a procédé à des recherches complémentaires qui ont fait apparaître que sur la période du 2 septembre 2013 au 18 avril 2016 la société avait établi 18 déclarations préalables à l'embauche qui étaient toutes postérieures à la date d'embauche des salariés concernés. Elle a également considéré que les salaires déclarés avaient été minorés.

Par lettre d'observations du 24 juin 2016, l'URSSAF a procédé à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de cotisations AGS, comportant deux points :

1 - Travail dissimulé avec verbalisation dissimulation d'emploi salarié redressement forfaitaire pour un montant de 86 722 euros, outre majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé à hauteur de la somme de 21 681 euros

2 - Annulation des réductions générales de cotisations suite au constat de travail dissimulé en découlant, à hauteur de la somme de 53 893 euros; le tout outre les majorations de retard.

La société, par lettre de son conseil datée du 18 juillet 2016, a contesté le redressement et a fait des observations auprès de l'URSSAF, qui a maintenu intégralement le redressement par lettre datée du 2 août 2016.

Le 7 novembre 2016 l'URSSAF a délivré à la société Ortakaha mise en demeure de lui verser la somme de 139 615 euros, outre la majoration de redressement de 21 681 euros et les majorations de retard pour la somme de 18 705 euros.

La société Ortakaha a saisi par lettre datée du 21 novembre 2016 la commission de recours amiable pour contester le redressement.

La société Ortakaha a saisi par lettre du 27 février 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale de paris, en l'état d'un rejet implicite de son recours.

La commission de recours amiable a rejeté le recours de la société par décision du 20 mars 2017.

Par jugement du 25 mai 2018, le tribunal a:

- annulé la lettre d'observations du 24 juin 2016, la mise en demeure et le redressement subséquent,

- infirmé la décision de la commission de recours amiable du 20 mars 2017,

- débouté l'URSSAF de l'intégralité de ses prétentions,

- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que le fait pour l'URSSAF de refuser de communiquer à la société Ortakaha le procès-verbal de police privait la procédure de contrôle de tout caractère contradictoire.

L'URSSAF a interjeté appel de ce jugement, qui lui avait été notifié le 14 juin 2018, par lettre datée du 9 juillet 2018. L'acte d'appel précise les chefs de jugement critiqués et saisit valablement la cour du litige.

L'URSSAF fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions invitant la cour:

- à infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- à condamner la société Ortakaha à lui verser la somme de 139 615 euros au titre des cotisations et contributions de sécurité sociale, la somme de 21 681 euros au titre des majorations complémentaires de redressement et la somme de 18 705 euros au titre des majorations de retard provisoires, soit une somme totale de 180 001 euros, ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à débouter la société de toutes ses plus amples demandes,

faisant valoir que le tribunal, en exigeant de l'URSSAF qu'elle joigne à la lettre d'observations le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé, a ajouté à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale et méconnu l'état du droit;

que les faits de travail dissimulé sont établis par l'autorité de chose jugée du pénal sur le civil, la société ayant été condamnée par jugement du 14 décembre 2016 du tribunal correctionnel de Paris;

que la procédure de contrôle est régulière, comme la procédure de redressement;

que la méthode de chiffrage utilisée et la prescription retenue sont pertinents.

La société Ortakaha fait déposer et soutenir à l'audience par son conseil des conclusions par lesquelles elle demande à la cour:

- de confirmer le jugement déféré,

- de condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en toutes hypothèses de débouter l'URSSAF de toutes demandes dirigées contre elle,

faisant valoir que le contrôle est irrégulier pour absence d'avis préalable,

que la lettre d'observations est nulle pour ne pas avoir été signée par le directeur de l'URSSAF,

pour ne pas mentionner tous les documents par elle remis, pour ne pas chiffrer les majorations de retard,

que les droits de la défense ont été bafoués par l'URSSAF qui ne lui a pas communiqué la procédure de police,

que l'URSSAF ne justifie pas lui avoir adressé un rapport de contrôle après expiration du délai ouvert pour faire valoir ses observations,

que la mise en demeure est nulle pour ne pas mentionner le détail des calculs aboutissant aux sommes demandées,

elle soutient que le travail dissimulé n'est pas établi,

qu'aucune cotisation ne peut lui être réclamée pour l'année 2012,

qu'elle verse aux débats les bulletins de salaire sur la période du 1er janvier 2012 au 31 mai 2016 ainsi que ses déclarations qui justifient de son activité,

et conteste en totalité le redressement opéré.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .

SUR CE,

- Sur la régularité de la procédure de redressement :

En application de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale tout contrôle effectué en application de l'article L.243-7 du même code est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par tout moyen lui permettant de rapporter la preuve de sa date, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L.8221-1 du code du travail.

En l'espèce la société Ortakaha soutient que le contrôle serait irrégulier de par l'absence d'envoi de cet avis, soutenant que le contrôle était "plus global" qu'un contrôle portant sur le seul travail dissimulé.

Mais en l'espèce le contrôle qui a été effectué le 18 avril 2016 par les services de police et un inspecteur de l'URSSAF avait précisément pour objet la recherche de travail dissimulé. Une procédure de nature pénale pour travail dissimulé a d'ailleurs été dressée par les services de police et transmise au parquet.

A la suite de ce contrôle, l'inspecteur de l'URSSAF a procédé le 24 mai 2016 à l'audition de la gérante de la société et à un contrôle sur pièces qui s'est terminé le 24 juin 2016 par la remise en main propre à la gérante de la société d'une lettre d'observations.

Cette lettre d'observations comporte deux points qui sont le travail dissimulé et l'annulation des réductions de cotisations qui découlent légalement de la constatation d'une infraction de travail dissimulé.

Ainsi et contrairement à ce que soutient la société intimée ce contrôle n'était pas "global" mais portait exclusivement sur le travail dissimulé et ses conséquences légales, comme confirmé par la lettre d'observations du 24 juin 2016 qui précise que son objet porte sur la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l'article L.8221-1 du code du travail.

Il n'avait donc nul besoin d'être précédé d'un avis préalable, et le contrôle est de ce chef régulier.

La société Ortakaha soutient ensuite que le contrôle serait irrégulier pour non respect des dispositions de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale, le redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé n'étant pas porté à sa connaissance par un document daté et signé par le directeur de l'organisme.

Mais en l'espèce le contrôle a été effectué en application de l'article L.243-7 du même code, par un inspecteur assermenté de l'URSSAF et un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement n'est pas légalement requis, comme le précise l'article R.133-8 précité.

Conformément aux articles L.243-7, L.243-8, L.243-11 et R.243-59 et suivants du code de la sécurité sociale, après établissement de la procédure de police, l'inspecteur du recouvrement a procédé à des recherches complémentaires en matière de travail dissimulé et entendu la gérante de la société, accompagnée de son concubin et de son avocat, pour qu'elle s'explique sur le fonctionnement de la société.

La procédure est de ce chef régulière.

La société Ortakaha soutient également que la lettre d'observations en date du 24 juin 2016 serait nulle pour ne pas faire mention de la totalité des pièces par elles remises et consultées par l'URSSAF.

Mais le moyen est inopérant, aucun texte n'exigeant à peine de nullité que la lettre d'observations intègre la liste exhaustive des documents consultés. Seuls ceux dont la consultation fonde le redressement doivent y figurer, pour permettre au cotisant de disposer de tous les éléments nécessaires à la compréhension du redressement dont il est l'objet, et la société intimée ne démontre pas qu'une pièce décisive pour la motivation du redressement aurait été omise.

La société Ortakaha soutient aussi que la lettre d'observations serait nulle au motif qu'elle fait référence à la procédure de police et que l'URSSAF, malgré ses relances, ne l'a lui a pas communiquée. C'est sur ce moyen que s'est fondé le tribunal pour prononcer la nullité du contrôle et de tous les actes subséquents.

Mais au contraire le procès-verbal établi par les services de police est un document dont le destinataire légal est le procureur de la République territorialement compétent, et non une pièce dont l'URSSAF aurait la disposition.

L'URSSAF n'a aucune obligation de transmettre copie de ce procès-verbal avec la lettre d'observations, et de façon surabondante cette lettre très motivée permet parfaitement à la société contrôlée de disposer de tous les éléments pour apprécier la nature et la portée du redressement qui lui est notifié.

La société a pu faire valoir ses observations par lettre de son conseil datée du 18 juillet 2016, ce qui confirme que la procédure diligentée par l'URSSAF a bien été contradictoire et que la société intimée n'a subi ni grief, ni atteinte aux droits de la défense, de quelque nature qu'ils soient.

L'URSSAF n'avait pas non plus l'obligation d'établir un rapport de contrôle, le redressement étant fondé sur les constatations réalisées portées à la lettre d'observations suffisant à permettre à la société de faire valoir ses observations.

Le jugement déféré, qui est fondé sur une appréciation inexacte du droit, doit être par conséquent infirmé en toutes ses dispositions.

Enfin, la société Ortakaha s'étonne de l'absence dans la lettre d'observations de chiffrage des majorations de retard.

Cet argument est dénué de sens puisque l'URSSAF ne peut en rien préjuger, lors de la notification de la lettre d'observations, du montant des majorations de retard provisoires qui dépendra surtout de la position qui sera choisie par la société employeur à l'égard du redressement, et qui n'ont pas encore commencé à courir.

Les majorations de retard provisoires sont apparues avec la mise en demeure du 7 novembre 2016, ce qui est parfaitement régulier.

La société intimée reproche à cette de mise en demeure de ne pas faire mention du détail des calculs ayant abouti aux sommes demandées.

Mais de jurisprudence constante ce détail des calculs n'est pas exigé pour la validité de la mise en demeure si celle-ci fait clairement référence à la lettre d'observations qui a apporté à la société employeur tous les éléments d'information qui lui sont nécessaires.

Tel est bien le cas en l'espèce, et l'URSSAF n'avait pas à reprendre dans la mise en demeure du 7 novembre 2016 les explications et chiffrages précis qui sont bien contenus dans la lettre d'observations du 24 juin 2016.

La procédure suivie par l'URSSAF a été régulière et la société Ortakaha doit être déboutée de la totalité de ses moyens de forme.

- Sur le fond :

En application de l'article L8221-1 du code du travail, est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5.

En application de l'article L8221-3 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur.

En application de l'article L8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

- de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche,

- de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du litre II du livre premier de la troisième partie,

- de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement.

L'employeur est réputé agir intentionnellement lorsqu'il s'affranchit délibérément des obligations légales lui incombant en matière d'embauche, alors que ces obligations sont d'ordre public et qu'il est présumé en avoir connaissance, en sa qualité de professionnel inscrit au registre du commerce et des sociétés.

En l'espèce, la société Ortakaha conteste l'existence de tout travail dissimulé, expliquant que M. [P] [T] avait été embauché le jour même, trois heures plus tôt, qu'un retard de six heures dans la déclaration à l'URSSAF de ce salarié ne saurait caractériser l'intention de la société de recourir au travail dissimulé.

Elle ajoute, concernant M. [N] [F], qu'il n'a jamais travaillé pour elle et que sa présence le jour du contrôle s'explique par le fait qu'il attendait son cousin.

Mais la cour constate que par jugement définitif en date du 14 décembre 2016 le tribunal correctionnel de Paris a déclaré coupable la société Ortakaha d'exécution d'un travail dissimulé par personne morale s'agissant du défaut de déclaration de MM [P] [T] et [F] [N].

La chose jugée au pénal s'impose au juge civil, et le travail dissimulé de ces deux personnes est établi.

De façon surabondante, en application des textes susvisés du code du travail, la déclaration d'embauche doit être préalable à l'activité du salarié, et il est établi que cette déclaration est intervenue pour M. [P] [T] après le contrôle. La société commerciale intimée ne peut pas soutenir qu'elle ignorait ses obligations sociales, et le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié est établi.

Quant à l'explication que M. [N] [F] aurait été sur place non pour travailler mais pour voir son cousin, elle est pour le moins réduite à peu de chose à la lecture du jugement correctionnel, qui désigne cette personne "X se disant [N] [F]", ce qui signifie que son identité n'était pas vérifiable.

Il doit être relevé que le juge répressif a prononcé la relaxe de la société pour les faits de dissimulation d'emploi salarié concernant MM [J] [W], [A] [O] et [X] [G].

Mais cette relaxe partielle est sans conséquence sur le redressement litigieux, la lettre d'observations ne visant que MM [N] et [T] au titre de la dissimulation d'emploi salarié.

Le tribunal correctionnel est également entré en voie de condamnation de la société Ortakaha pour avoir à Paris, de 2013 au premier trimestre 2016, exercé à titre lucratif une activité de production, de transformation, de réparation, de prestation de services en accomplissant des actes de commerce, sans avoir procédé aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale ou par l'administration fiscale, en l'occurrence pour ne pas avoir procédé à ses déclarations sociales de masse salariale auprès de l'URSSAF se traduisant par:

- une minoration de 37% des charges salariales pour l'année 2013,

- une minoration de 40% des charges salariales pour l'année 2014,

- une minoration de 59% des charges salariales pour l'année 2015,

- une minoration de 57% des charges salariales pour de premier trimestre de l'année 2016.

Il est donc pareillement acquis, la chose jugée par le juge pénal s'imposant au juge civil, que le travail dissimulé par dissimulation d'activité est établi, dans les limites de ce qui a été soumis à l'appréciation du juge répressif, et il s'agit bien des redressements visés par la lettre d'observations sur les années 2013 à 2016.

Pour l'année 2012, il doit être souligné qu'elle n'est pas concernée par la décision pénale.

Mais le travail dissimulé étant une fraude, le contrôle de l'URSSAF n'était pas limité aux trois dernières années d'activité de la société, et elle pouvait remonter jusqu'à son début d'activité le 9 novembre 2011, contrairement à ce que prétend la société Ortakaha.

Il a été constaté par l'inspecteur de l'URSSAF que les salaires et le nombre des salariés déclarés au titre des années 2011 et 2012 n'étaient pas cohérents et ne correspondaient pas à l'activité du restaurant. La société était incapable de produire, lors de l'entretien du 24 mai 2016, la comptabilité, les déclarations annuelles de données sociales et quelques contrats de travail. Les constatations effectuées par l'inspecteur de l'URSSAF établissent en l'espèce la réalité sur l'année 2012 du travail dissimulé par dissimulation d'activité.

En application de l'article R.242-5 du code de la sécurité sociale, lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme de recouvrement.

C'est sans fondement juridique que la société affirme que ce texte ne serait pas applicable en matière de redressement pour travail dissimulé.

La société Ortakaha conteste le chiffrage du redressement est excessif, et produit des bulletins de salaires qui selon elle justifieraient, au moins pour l'année 2012, d'un nombre d'heures travaillées conforme à son activité.

Mais le chiffrage opéré par l'URSSAF tient compte des déclarations de la gérante et des constatations de l'inspecteur. Dans son rapport à la commission amiable qui figure dans les pièces du dossier du tribunal, en date du 21 novembre 2016, la société intimée se contentait de produire pour justificatifs une "synthèse comptable" des années 2011 - 2012, établie par elle-même, et sa production tardive de bulletins de salaire, qu'elle avait obligation de détenir et de mettre à disposition de l'URSSAF dès le contrôle, n'est pas probante.

C'est donc à bon droit que l'URSSAF a évalué le redressement sur la base de la différence entre le nombre d'heures nécessaires à l'activité et les heures déclarées, en tenant compte des périodes de fermeture de l'établissement. La lettre d'observations du 24 juin 2016 contient une description de l'activité du restaurant qui tient compte des déclarations de la gérante, et qui détermine objectivement le personnel nécessaire pour en assurer le fonctionnement.

La minoration des déclarations sociales est établie en totalité et la société intimée sera déboutée de toutes ses demandes.

Enfin, les articles L.242-1-1, L.133-4-2 et D.133-3 du code de la sécurité sociale prévoient la non application des mesures de réduction ou d'exonération aux réintégrations opérées à la suite d'un constat de travail dissimulé et l'annulation des réductions pratiquées, et c'est donc à bon droit que l'URSSAF y a procédé.

Le redressement sera donc validé:

- à hauteur de la somme de 139 615 euros de cotisations et contributions de sécurité sociale,

- à hauteur de 21 681 euros au titre de la majoration complémentaire de redressement,

- à hauteur de la somme de 18 705 euros de majorations de retard;

et la société Ortakaha sera ainsi condamnée à verser à l'URSSAF la somme totale de 180 001 euros.

L'équité commande de condamner la société Ortakaha à verser à l'URSSAF la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de condamner la société intimée qui succombe aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

STATUANT A NOUVEAU

Deboute la société Ortakaha Sarl de l'ensemble de ses moyens et demandes,

Valide en totalité le redressement opéré par l'URSSAF Ile de France par lettre d'observations en date du 24 juin 2016,

Condamne la société Ortakaha Sarl à payer à l'URSSAF d'Ile-de-France :

- la somme de 139 615 euros de cotisations et contributions sociales,

- la somme de 21 681 euros de majoration complémentaire de redressement,

- la somme de 18 705 euros de majorations de retard provisoires,

Condamne la société Ortakaha Sarl à verser à l'URSSAF Ile de France la somme de

3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Ortakaha Sarl aux dépens d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/08885
Date de la décision : 02/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°18/08885 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-02;18.08885 ?
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