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01/10/2020 | FRANCE | N°18/04893

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 01 octobre 2020, 18/04893


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 1er OCTOBRE 2020



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04893 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5NXV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 14/02198







APPELANT



Monsieur [I], [T] [H]

[Adresse

2]

[Localité 3]



Représenté par Me Pasquale BALBO, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB131





INTIMEE



SAS BASILIQUE HOTEL

[Adresse 1]

[Localité 3]



Repré...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 1er OCTOBRE 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04893 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5NXV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 14/02198

APPELANT

Monsieur [I], [T] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Pasquale BALBO, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB131

INTIMEE

SAS BASILIQUE HOTEL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Daniel RAVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène FILLIOL, Présidente de chambre, et Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats, entendus en leur rapport, ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre,

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Hélène FILLIOL, Présidente de chambre et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M.[H] a été embauché en qualité de serveur par la société SNC Hôtel Grill de la Basilique à compter du 10 juillet 1997. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de chef de rang, niveau III, échelon 1.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des hôtels, cafés, restaurants.

Suivant acte de cession en date du 30 janvier 2014, à effet au 31 janvier 2014, la société SNC Hôtel Grill de la Basilique a cédé son fonds de commerce d'hôtel restaurant exploité sous l'enseigne 'Campanile' à la société Basilique Hôtel.

M.[H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 27 février 2014 en ces termes :

"J'ai été embauché par contrat écrit en date du 10 juillet 1997 en qualité de serveur au sein de la société SNC HOTEL GRIL de la basilique depuis plusieurs années.

J'ai été promu chef de rang au sein du même restaurant.

Contre toute attente, depuis le 1er février 2014 date de la cession au profit de votre société, mon poste a été purement et simplement supprimé sans que j'en ai été informé.

Depuis par exemple mes horaires ont totalement été modifiés ainsi que mon poste de travail,et ce, sans mon consentement.

Je fais des tâches subalternes qui n'ont rien à voir avec ma formation.

Votre comportement a agi sur mon état de santé.

C'est pourquoi, je me vois contraint de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs'.

Par courrier en réponse du 24 mars 2014, l'employeur a pris acte de la rupture du 27 février 2014, en contestant les griefs invoqués à son encontre.

M.[H] a saisi le conseil de prud'hommes le 5 mai 2014 de demandes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement de départage rendu le 27 février 2018, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- dit que la prise d'acte aux torts de la société Basilique Hôtel en date du 27 février 2014 produit les effets d'une démission,

- débouté en conséquence M.[H] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société Basilique Hôtel de sa demande de mise en cause de la société SNC Hôtel Grill de la Basilique,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M.[H] aux dépens.

Pour écarter la demande de la société Basilique Hôtel de mise en cause de la société SNC Hôtel Grill de la Basilique, le conseil de prud'hommes a considéré que la cession du fonds de commerce s'était accompagnée du transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et poursuivant une activité de même nature même si la cession avait donné lieu à une reprise partielle d'activité de sorte qu'en application de l'article L.1224-1 du code du travail le contrat de travail de M.[H] avait été transmis de plein droit.

Pour dire que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, le conseil de prud'hommes a notamment retenu que M.[H] n'établissait pas les manquements graves de la société Basilique Hôtel ; que l'obligation d'information des salariés incombait à la société cédante ; que M.[H] ne produisait aucun élément relatif à la modification de ses horaires de travail ; qu'il ressortait de ses bulletins de paye que les autres éléments essentiels de son contrat de travail n'avaient pas été modifiés.

M.[H] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 4 avril 2018.

Dans ses conclusions transmises par voie électronique le 23 juillet 2018, M.[H] demande à la cour, se prévalant des dispositions des articles 1224-1 et suivant du code du travail, d'infirmer le jugement, statuant à nouveau de :

- constater les manquements de la société Basilique Hôtel,

- dire que la rupture de son contrat de travail est constitutive d'un

licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

en conséquence,

- condamner la société Basilique Hôtel à lui verser les sommes suivantes :

* 21.142.80€ à titre de dommages et intérêts pour une rupture abusive,

* 8339.66€ à titre d'indemnité de licenciement,

* 4219.16€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 421.92€ au titre de congés payés sur préavis,

* 2114.28€ à titre de procédure irrégulière,

*1600€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Basilique Hôtel à remettre, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du jugement à intervenir, les bulletins de paie de mars et avril 2014, outre l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail conformes,

- condamner la société Basilique Hôtel aux dépens,

- condamner la société Basilique Hôtel à lui payer les intérêts au taux légal sur les sommes précitées, à compter de la saisine.

Pour demander à la cour que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M.[H] fait valoir que les manquements de l'employeur sont nombreux ; que la société Basilique Hôtel a non seulement modifié ses horaires de travail mais également ses fonctions puisque la fermeture du restaurant le 1er février 2014 s'est accompagnée de la suppression de son poste et de sa rétrogradation.

Dans ses conclusions transmises par voie électronique le 17 juillet 2018, la société Basilique Hôtel demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter M.[H] de l'intégralité de ses demandes.

La société Basilique Hôtel conteste sa mise en cause en faisant valoir que les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail ne sont pas applicables puisque l'activité de restauration a été définitivement arrêtée à compter du 10 janvier 2014 avant la cession. Il estime qu'il appartenait à M.[H] de mettre en cause le cédant.

Elle fait valoir en outre que les modifications du contrat de travail invoquées par le salarié, à savoir le passage d'un service du soir à un service du matin ainsi que son affectation sur d'autres tâches comme le déménagement de la salle de restauration ou le service des petits déjeuners, ont été faites par le cédant avant la cession du fonds de commerce.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juillet 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le transfert du contrat de travail de M. [H] :

Pour s'opposer aux demandes de M.[H], la société intimée fait valoir préliminairement que le contrat de travail de ce dernier n'a pas été maintenu suite à la cession du fonds de commerce intervenue le 31 janvier 2014.

L'application de l'article L.1224-1 du code du travail qui pose le principe en cas de transfert d'entreprise, du maintien sous certaines conditions des contrats de travail, exige la réunion de deux conditions, le transfert d'une entité économique autonome et le maintien de l'identité de l'entité transférée, la condition d'identité s'appréciant à la date du transfert.

En l'espèce, il ressort de l'acte de cession qu'à la date du 31 janvier 2014 le fonds de commerce sis à [Localité 4] (Seine Saint Denis) [Adresse 1] comprenait l'ensemble des moyens humains, corporels et incorporels nécessaires à l'exploitation de l'hôtel-restaurant antérieurement assurée par la société SNC Hôtel Gril de la Basilique et que l'entité transférée avait conservé son identité.

Le fait que la société Basilique Hôtel ait pris la décision de fermer le restaurant à compter du 1er février 2014, soit le lendemain du transfert, comme en témoignent l'attestation de M.[Y], salarié de l'entreprise et une lettre de la société Basilique Hôtel adressées aux clientes, est sans incidence, le transfert de l'entité s'appréciant au jour du transfert. Les attestations contradictoires de Mme [X] sur la date de la fermeture du restaurant ne sont pas probantes.

La société Basilique Hôtel ne peut donc valablement soutenir que les conditions prévues par l'article L.1224-1 du code du travail n'étaient pas remplies à la date du transfert.

Le contrat de travail ayant été transféré de plein droit à la société Basilique Hôtel lors de la cession, les développements de cette dernière sur la nécessaire mise en cause du cédant par M.[H] sont inopérants.

Sur la prise d'acte :

Les griefs invoqués par le salarié, visés par la lettre de rupture et repris dans ses conclusions, sont établis.

En effet, la suppression du poste de chef de rang à compter du 1er février 2014 consécutive à la fermeture du restaurant ainsi que l'affectation de M.[H] sur d'autres tâches que celles d'un chef de rang, comme les tâches de déménagement, de ménage, de plonge, de nettoyage des escaliers, sont établies par l'attestation de Mme [S] et les déclarations de l'employeur qui écrit notamment page 3 de ses conclusions que l'activité de restauration ayant cessé, M.[H] a été chargé de déménager et vider la salle de restaurant.

La modification par la société Basilique Hôtel à compter du 1er février 2014 de la nature des fonctions de M.[H] sans son accord constitue un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il s'ensuit que la prise d'acte de la rupture à l'initiative de ce dernier le 27 février 2014 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture :

En considération de son ancienneté dans son emploi, de son âge (il est né en 1974), de son salaire mensuel brut lors de son licenciement de 2114.58€, il y a lieu en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige et compte tenu du préjudice subi, de lui allouer une somme de 12.688€ à titre de dommages et intérêts, le salarié ne produisant pas d'éléments à hauteur de l'indemnisation de 21.142.80€ demandée devant la cour.

Sur le fondement du décompte produit, dont les bases de calcul conformes aux dispositions conventionnelles, ne sont pas discutées par l'employeur, il y a lieu d'allouer au salarié la somme de 8.339.66€ réclamée au titre de l'indemnité de licenciement.

Les demandes au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents doivent être accueillies à hauteur des montants réclamés non discutés par l'employeur.

La demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière, non fondée, doit être rejetée.

Compte-tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents de rupture conformes et de bulletins de salaire de mars et avril 2014 correspondant au préavis, est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.

Sur les intérêts :

Les intérêts des créances de nature salariale courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation initiale. Les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire. En l'espèce, il ne convient pas de faire remonter, à titre de complément d'indemnisation, le point de départ du cours des intérêts au jour de la demande en justice.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la société Basilique Hôtel de sa demande de mise en cause de la société SNC Hôtel Grill de la Basilique ;

L'INFIRME pour le surplus ;

DIT que la prise d'acte du 27 février 2014 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE en conséquence la société Basilique Hôtel à payer à M.[H] les sommes de :

- 12 688€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8339.66€ à titre d'indemnité de licenciement,

- 4219.16€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 421.92€ bruts au titre de congés payés sur préavis ;

DIT que les sommes de nature salariale produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et les sommes de nature indemnitaire à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la société Basilique Hôtel à remettre à M.[H] un certificat de travail, une attestation pôle emploi conformes et les bulletins de salaire du mois de mars et avril 2014 ;

REJETTE la demande d'astreinte ;

DÉBOUTE M.[H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;

CONDAMNE la société Basilique Hôtel à payer à M.[H] la somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure;

CONDAMNE la société Basilique Hôtel aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/04893
Date de la décision : 01/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°18/04893 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-01;18.04893 ?
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