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28/09/2020 | FRANCE | N°19/09665

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 28 septembre 2020, 19/09665


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2020



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09665 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B746X



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/18717



APPELANTS



Madame [X] [G] épouse [W]

Demeurant [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité

3] / ILE MAURICE



Monsieur [J] [W]

Demeurant [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3] / ILE MAURICE



Représenté par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09665 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B746X

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/18717

APPELANTS

Madame [X] [G] épouse [W]

Demeurant [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3] / ILE MAURICE

Monsieur [J] [W]

Demeurant [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3] / ILE MAURICE

Représenté par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Représenté par Me Paul SORIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0888, substitué par Me Christelle HUBBEL, avocat au barreau de MELUN

INTIME

LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Juin 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stanislas de CHERGÉ dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 27 novembre 2012, l'administration 'scale a demandé à M. [J] [W] et Mme [X] [G], épouse [W], en application de l'article L.23 A du livre des procédures fiscales, de justifier de la composition de leur patrimoine, et plus précisément de la consistance de leurs avoirs détenus en direct jusqu'au 21 juin 2005, puis à partir du 22 juin 2005 via la structure Maclom sise à Panama, auprès de la banque HSBC Private Bank en Suisse, outre les parts sociales de la société Villette Viandes Argonne, dans le cadre de leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2004 à 2011.

M. et Mme [W] en ont communiqué la composition le 20 décembre 2012, complétée à la demande de l'administration 'scale le 20 mars 2013 pour l'exercice 2012.

M. et Mme [W] ont fait l'objet d'une proposition de rectification de l'impôt de solidarité sur la fortune le 23 octobre 2013, au titre des années 2004 à 2012. M. et Mme [W] ayant le 31 octobre 2013 fait part de leurs observations, l'administration 'scale a maintenu sa proposition de rectification le 14 mars 2014, indiquant qu'étaient dues, au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2004 à 2012, les sommes de 124 086 euros en droits, 30 074 euros en intérêts de retard et 82 083euros au titre de la majoration, soit un total de 236 243 euros.

Selon un avis du 15 septembre 2015, la commission départementale de conciliation de [Localité 6] a proposé de valider la valeur du titre de la société Villette Viandes Argonne retenue par l'administration 'scale aux termes de sa proposition de rectification pour l'impôt de solidarité sur la fortune.

L'administration fiscale a, le 29 janvier 2016, émis un avis de mise en recouvrement n° 7580234 2 38479 de 56 885 euros en droits et 47 901 euros en pénalités au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2007 à 2009 et 2012 ; un avis de mise en recouvrement n° 7580234 2 38479 de 67 201 euros en droits et 64 256 euros en pénalités au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2004 à 2006, 2010 et 2011. M. et Mme [W] ont formulé une réclamation contentieuse le 2 mars 2016, qui a été rejetée par l'administration fiscale le 3 novembre 2016.

Par actes extrajudiciaires en date des 21 décembre 2016, M. [J] [W] et Mme [X] [G], épouse [W] ont assigné la direction nationale des vérifications de situations fiscales devant le tribunal de grand instance de Paris.

Par jugement en date du 07 février 2019, le tribunal de grande instance de Paris a statué comme suit :

- déclare irrecevable la note en délibéré de M. [J] [W] et Mme [X] [G], épouse [W] en date du 27 novembre 2018 ;

- déboute M. [J] [W] et Mme [X] [G], épouse [W] de leurs demandes ;

- condamne M. [J] [W] et Mme [X] [G], épouse [W] aux entiers dépens ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

Par déclaration du 03 mai 2019, M. [J] [W] et Mme [X] [G], épouse [W] ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions du 03 octobre 2019, M. et Mme [J] [W] demandent à la cour de :

- réformer en totalité le jugement rendu le 07 février 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ;

- ordonner que soit prononcé le dégrèvement total des sommes mises en recouvrement à l'encontre de monsieur et madame [J] [W], pour un montant total de 236 243 euros au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012.

- condamner la direction nationale des vérifications de situations fiscales à payer à monsieur et madame [J] [W] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par erreur matérielle, les conclusions de M. et Mme [J] [W] sont adressées à la « cour administrative d'appel de céans ».

Dans ses dernières conclusions du 23 décembre 2019, la direction nationale des vérifications de situations fiscales demande à la cour de :

- débouter M. et Mme [J] [W] de leur demande de réformer en totalité le jugement rendu le 7 février 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ;

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 07 février 2019 ;

- rejeter la demande des appelants d'ordonner que soit prononcé le dégrèvement total des sommes mises en recouvrement à leur encontre pour un montant total de 236 243 euros au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2004 à 2012 ;

- rejeter la demande des appelants sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter la demande des appelants de condamner l'administration aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE,

Sur le délai de reprise de l'administration fiscale au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune de M. et Mme [J] [W]

M. et Mme [J] [W] soutiennent que seules les dispositions de l'article L.188 B du LPF sont applicables en ce qui concerne la proposition de rectification du 31 mars 2014 au titre des années 2004 à 2009. Il ne peut être effectué de redressements que pour les années ayant fait l'objet d'une plainte pénale pour fraude fiscale le 30 novembre 2010, soit les années 2007, 2008 et 2009. Les autres exercices 2004 à 2006, n'ayant fait l'objet d'aucune plainte, bénéficient de la prescription de 10 ans.

La direction nationale des vérifications de situations fiscales fait valoir que, selon l'article 885 D du CGI, l'ISF est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles et sanctions que les droits de mutation, sous réserve des dispositions de l'article L180 du LPF et de l'article L.188 B du LPF. L'administration fiscale a déposé plainte le 30 novembre 2010 pour des faits de fraude fiscale commis sur la période 2007-2009. Les années 2004 à 2006 sont couvertes par le délai de reprise prévu à l'article L.186 du LPF lors du dépôt de plainte pour fraude fiscale, justifiant les rappels d'ISF, ce que confirme la réponse ministérielle AN du 20 septembre 2016.

Ceci étant exposé,

M. et Mme [J] [W] ont fait l'objet de la part de l'administration fiscale, après avis conforme de la commission des infractions fiscales du 16 novembre 2010, d'une plainte pénale pour fraude fiscale, déposée le 30 novembre 2010 auprès du Procureur de la République de Paris, concernant les années 2007 à 2010.

Par combinaison des articles 885 D du CGI et L180 du LPF, le délai opposable au droit de reprise de l'administration, soit à l'expiration de la troisième année, n'est opposable que si l'exigibilité a été suffisamment révélée sans nécessité de recherches ultérieures. Mais M. et Mme [J] [W] ont omis de produire l'évaluation de leur patrimoine à compter des exercices 2004, qu'il s'agisse de la valorisation des parts sociales de la société Villette Viandes Argonne, l'étude du cabinet DBA datant de mai 2016, ou de l'encours des quatre comptes de la banque HSBC Private Bank détenus sous le profil « Emeth 55 » puis « Maclom 55 » en Suisse.

Dans ce cadre, le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt, dans la version de l'article L186 du LPF applicable jusqu'au 22 août 2007. Ce délai a toutefois été ramené à six ans par la loi du 21 août 2007 et s'applique aux procédures de contrôle engagées à compter du 1er juin 2008, ce qui est expressément le cas.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [J] [W] et Mme [X] [G], épouse [W] de leurs demandes concernant le délai de reprise.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

Sur les avoirs considérés comme existants à l'étranger et la licéité de la procédure

M. et Mme [J] [W] soutiennent que l'administration fiscale a utilisé à trois reprises les dispositions de l'article L101 du LPF : en 2009/2010 auprès du Parquet de Nice, en 2012 auprès du Parquet de Paris et en mai 2013, alors qu'elle ne saurait utiliser à plusieurs reprises ces dispositions et allonger la durée de l'examen de situation fiscale personnelle, s'agissant d'un « fusil à un coup » et rendant irrégulière l'intégralité des redressements. Les documents fondant les redressements résultent d'un vol par M. [P] auprès de la banque HSBC et l'administration fiscale ne peut fonder ses redressements sur des pièces illicites. D'après le livre de M. [P] il est fait état de contacts avec les autorités fiscales en 2008, ce qui démontre qu'elles disposaient des informations concernant de prétendus clients.

La direction nationale des vérifications de situations fiscales fait valoir que l e délai de l'examen contradictoire peut être prolongé d'un an en cas d'activité occulte, comme le prévoit l'article L12 du LPF. Le Service a eu accès à l'enquête judiciaire les 4 juin 2012 et 22 mai 2013 (documents datés des 21 décembre 2010, 5 janvier 2011, 14 avril 2011, 27 avril 2011 et 12 décembre 2011) sur autorisation du Procureur de Paris donnée le 19 mars 2012. Le dépôt de plainte résulte de la transmission spontanée par l'autorité judiciaire de données informatiques émanant de HSBC Private Bank Sa, laissant présumer que M. [J] [W] était titulaire de comptes non déclarés à l'étranger. Les appelants n'établissent pas le lien entre les éléments de la procédure relative à l'Isf et l'examen de leur situation fiscale personnelle. Le Conseil Constitutionnel a rappelé le 4 décembre 2013 que les informations régulièrement portées à la connaissance de l'administration ne peuvent être écartées au seul motif de leur origine si elles n'ont pas été déclarées illégales ultérieurement par le juge. Les appelants ont porté leur litige pénal devant la Cour de cassation qui a confirmé les premiers juges par arrêt du 28 septembre 2016 reconnaissant la recevabilité des éléments de preuve en provenance de M. [P].

Ceci étant exposé,

Le droit de communication obtenu par l'administration fiscale auprès de l'autorité judiciaire n'est ni limité en son application, ni lié à la prorogation d'un délai de vérification, ni étayé par des documents qui seraient illicites.

En effet, l'administration fiscale a eu accès aux éléments de l'enquête judiciaire ouverte le 20 janvier 2009 par la commission rogatoire internationale du procureur de la République de Nice. Les données saisies par l'autorité judiciaire à cette occasion ont été communiquées à l'administration fiscale en application des dispositions de l'article L101 du LPF, dans sa version applicable jusqu'au 08 décembre 2013, selon laquelle « l'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt. » La plainte déposée par l'administration fiscale le 30 novembre 2010 est justifiée par les éléments faisant apparaître une soustraction délibérée, sur une période significative, au paiement de l'impôt.

Le recours au droit de communication exercé les 04 juin 2012 et 22 mai 2013 par l'administration fiscale, sur autorisation préalable du procureur de la République de Paris, postérieurement à l'engagement de l'examen de la situation des appelants le 16 février 2012, respecte les dispositions de l'article L101 du LPF. Il concerne indifféremment les affaires ayant donné lieu à un jugement ou en cours d'instruction et s'entend des pièces versées au dossier, que celles-ci aient été ou non invoquées par un plaideur, retenues ou non par le juge, visées ou non dans le jugement, et peut être utilisé à tout moment, sans attendre l'achèvement de la procédure.

De plus, le recours au droit de communication ne saurait être limité à une occurrence. Selon les dispositions de l'article L82 C du LPF, le droit de communication est en effet « destiné à favoriser la recherche de renseignements utiles au contrôle fiscal, autorisant les magistrats du parquet à communiquer à l'administration fiscale des dossiers en instance et peut s'appliquer soit spontanément, soit sur demande préalable de l'administration fiscale, sans formalisme particulier ». Si plusieurs consultations sont nécessaires, les demandes de consultation doivent être renouvelées au fur et à mesure de l'avancement du dossier, ce qui a été le cas pour celui de M. et Mme [J] [W].

La durée de l'examen d'une situation fiscale personnelle est indépendante de l'exercice du droit de communication par l'administration, comme le reconnaissent de façon contradictoire M. et Mme [J] [W] en demandant que soient concernées par le contrôle les années 2007, 2008 et 2009 au soutien de leur moyen précédent.

En ce qui concerne les documents fondant les poursuites, M. et Mme [J] [W] omettent de présenter devant la présente cour les décisions qui ont reconnu la validité des éléments de preuve les concernant, et notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2016.

En outre, le Conseil Constitutionnel a clairement relevé dans sa décision n° 2013-679 du 4 décembre 2013 « qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent le droit au respect de la vie privée qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789 et les droits de la défense, et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la lutte contre la fraude fiscale qui constituent des objectifs de valeur constitutionnelle ; que les documents, pièces ou informations portés à la connaissance des administrations fiscale ou douanière, dans le cadre des procédures de contrôle, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine et doivent avoir été régulièrement portés à la connaissance des administrations fiscale ou douanière, soit dans le cadre du droit de communication prévu, selon le cas, par le livre des procédures fiscales ou le code des douanes, soit en application des droits de communication prévus par d'autres textes, soit en application des dispositions relatives à l'assistance administrative par les autorités compétentes des États étrangers ; que ces dispositions ne sauraient, sans porter atteinte aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, permettre aux services fiscaux et douaniers de se prévaloir de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ».

De fait, les données informatiques, dont des extraits ont été transmis à l'appui des propositions de rectification, ont été obtenues par la perquisition légalement effectuée au domicile de M. [P], ancien informaticien de la filiale suisse de la banque HSBC, le 20 janvier 2009 à [Localité 5] dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire internationale à l'initiative des autorités judiciaires helvétiques. Ces données ont fait l'objet d'une communication régulière à l'administration fiscale les 09 juillet 2009, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010, conformément aux dispositions des articles L101 et L135 du livre des procédures fiscales.

Il n'est pas établi par M. et Mme [J] [W] que l'administration fiscale aurait confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à leur production, le rapprochement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique. N'ayant fait l'objet d'aucune décision ultérieure d'une autorité judiciaire qui leur serait contraire, ces données ne peuvent constituer des preuves illicites.

La proposition de rectification de l'administration fiscale est fondée sur les documents qui lui ont été transmis par l'autorité judiciaire et provenant d'une perquisition régulièrement effectuée.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

Sur l'évaluation des titres de la société Villette Viandes Argonne « VVA »

M. et Mme [J] [W] soutiennent qu'ils disposent d'une évaluation effectuée à leur demande par le cabinet comptable DBA, soit une valeur de titre de 364 euros en 2004, 468 euros en 2005, 424 euros en 2006, 889 euros en 2007, 980 euros en 2008 et 1 146 euros en 2009. Le bêta sectoriel retenu par l'administration fiscale ne prend pas en compte le marché de niche des boucheries confessionnelles. Les transactions comparables de boucheries casher sont moins rentables. La prime de risque moyenne sur 15 ans est de 7,04 %, au-dessus de celle établie par DNCA. Selon différents critères économiques et financiers, l'évaluation de l'administration fiscale en date du 31 mars 2014 ne peut être que contestée.

La direction nationale des vérifications de situations fiscales fait valoir que l'évaluation des titres de la société Villette Viandes Argonne a été effectuée par une combinaison de la valeur mathématique et de la valeur de productivité pondérée, privilégiant la valeur patrimoniale. La commission de conciliation a validé le 15 septembre 2015 cette évaluation, prenant en compte la spécificité de la boucherie et son chiffre d'affaires de 2,3 millions d'euros. La fourchette basse du barème professionnel F. Lefebvre a été retenue. La prime historique doit être retenue sur une longue période, selon une étude DCNA Finance, proche de 5 %. La valeur patrimoniale prime sur la valeur de productivité dans les sociétés de petite taille.

Ceci étant exposé,

La Sarl Villette Viandes Argonne, sise au [Adresse 2] à [Localité 7], au capital social de 8 000 euros, a été créée en 1984. Installée sur une surface de 120 m² son objet est le commerce de boucherie rituelle, triperie, volailles, charcuterie, et autres produits alimentaires, la fabrication rituelle de ces produits (rite casher). Son capital de 500 parts sociales se répartit entre M. [I] [W] (42,6%), M. [J] [V] [R] [W] (42,4 % puis 28,8 % depuis 2008) et M. [Y] [W] (15 % puis 23,6 % depuis 2008). Le chiffre d'affaires annuel est en moyenne de 2,4 millions d'euros depuis 2002.

La commission de conciliation du 15 septembre 2015 a fixé la valeur vénale unitaire des 212 puis 144 parts détenues par M. [J] [W] dans cette société aux montants suivants : 958 euros, 1 053 euros, 1 034 euros, 1 369 euros, 1 455 euros, 1 677 euros, 1 962 euros, 1 470 euros et 1 046 euros.

En application des dispositions des articles 885 A et suivants du CGI, la commission a détaillé une approche patrimoniale déterminée par la valeur des actifs diminuée des dettes (valeur fonds de commerce et capitaux propres) et une approche par la rentabilité fondée sur les flux financiers (productivité, rendement, autofinancement). Elle a appliqué une prime de risque, un coefficient de risque spécifique à l'entreprise (1,1) et une décote de 15 %.

M. et Mme [J] [W] font valoir des valorisations inférieures et critiquent la méthodologie de l'administration fiscale et de la commission de conciliation. Mais ils se réfèrent à une étude du cabinet DBA réalisée en mai 2016, à leur seule demande, non contradictoire et sans valeur probante. Le cabinet DBA précise ainsi en liminaire qu'il « ne peut constituer en aucun cas une attestation de valeur », « qu'il n'a été accompli aucune investigation ni accompli aucune diligence dans le sens de la vérification ou de l'audit des comptes de la société en ce qui concerne les exercices 2003 à 2011 », « que cette mission n'a pas pour objectif de déceler des erreurs, des fraudes, des actes illégaux ou autres irrégularités ».

Constituant leurs propres preuves, M. et Mme [J] [W] formulent des observations telles que des « perspectives d'évolution très limitées », deux transactions « comparables », une « provision pour départ à la retraite», mais qui ne sont pas justifiées.

En outre, leur demande de valorisation est assise sur une méthodologie peu convaincante. La prime de risque de marché est ainsi rapportée à un histogramme mondial « Vernimmen 2016 » ou à des « variations par cycle de la prime de risque de marché » ou encore à « un taux de productivité appliqué et décorrélé des conditions de marché propres à chaque exercice ». La référence au « bêta » est renvoyée au site internet d'une université privée aux Etats-Unis en langue anglaise. Les retraitements statistiques proposés (« le taux de productivité a augmenté suite à nos ajustements » ; « le risque spécifique sur le fait d'actualiser des cash-flow futurs doit être en bonne orthodoxie pris en compte dans les flux en question ») et la « moindre rentabilité de la société » n'ont aucun lien étayé avec la situation de la Sarl Villette Viandes Argonne, outre le constat contradictoire sur le fait qu'« il n'existe pas de statistique précise » (page 5 étude DBA).

Enfin, parmi les sept pièces de leur dossier, M. et Mme [J] [W] n'ont présenté ni les comptes sociaux de leur société depuis 2004, ni les rapports annuels, ni les décisions sur l'affectation des résultats.

Il en résulte que l'évaluation de la commission de conciliation du 15 septembre 2015 sur les parts sociales de la société Villette Viandes Argonne sera retenue au titre des années 2004 à 2012.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [J] [W] et Mme [X] [G], épouse [W] de leurs demandes.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

Sur la majoration de 80 % pour man'uvres frauduleuses

M. et Mme [J] [W] soutiennent que la majoration de 80 % pour man'uvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du CGI et appliquée dans la proposition de rectification du 23 octobre 2013 est contestable. Les éléments retenus comme la note du 12 décembre 2011 de Mme [U], inspectrice des finances publiques, sont antérieurs à l'envoi de l'avis d'examen de situation fiscale personnelle. La détention d'avoirs non déclarés à l'étranger est réprimée par l'article 1736-IV du CGI et une amende pour défaut de déclaration de compte a été notifiée le 31 juillet 2013. La double sanction ne peut exister et la non-obtention d'une preuve « négative » ne peut justifier la majoration de 80 %.

La direction nationale des vérifications de situations fiscales fait valoir que l'existence de man'uvres frauduleuses consiste en la mise en 'uvre de procédés ayant pour effet de faire disparaître ou réduire la matière imposable. Ceci a été clairement établi par l'intention délibérée de M. et Mme [J] [W] de dissimuler leurs avoirs détenus en Suisse et les revenus de quatre comptes correspondants, avec un profil client « Emeth 55 » puis une structure interposée « Maclom 55 » située à Panama. Les pénalités pour manquement délibéré ne concernent que les contribuables s'étant fait connaître à l'administration fiscale, ce qui n'est pas le cas des appelants. La note du 12 décembre 2011 a été régulièrement consultée dans le cadre du droit de communication en 2012 et 2013. Le non-respect des dispositions de l'article 344 A annexe III du CGI entraîne la sanction d'une amende spécifique de façon automatique pour chaque compte non déclaré.

Ceci étant exposé,

M. et Mme [J] [W] ont délibérément occulté leurs avoirs détenus sur un compte étranger situé en Suisse solde de 1 341 625 euros en 2007, sous le profil « Emeth 55 » puis « Maclom 55 », y compris par les déclarations ultérieures de M. [W] devant les services de police en 2011 « l'existence de ce profil client est mensonger » ; « oui je nie » et par la minoration prolongée de leur actif imposable, justifiant l'application des dispositions de l'article 1729 C du CGI, totalement distinctes de celles prévoyant l'application d'une amende pour défaut de déclaration d'un compte étranger article 1736 IV du CGI.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [J] [W] et Mme [X] [G], épouse [W] du surplus de leurs demandes.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

Le demande de condamner la direction nationale des vérifications de situations fiscales à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE solidairement M. et Mme [J] [W] aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/09665
Date de la décision : 28/09/2020

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°19/09665 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-28;19.09665 ?
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