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10/09/2020 | FRANCE | N°19/07172

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 10 septembre 2020, 19/07172


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 7



ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2020



(n° 18, 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07172 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7U3B



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juillet 2015 rendu par le Tribunal d'instance de PARIS 11 - RG n° 1112000495 sur renvoi après cassation (Com., 09 janvier 2019, pourvoi n° S 17-10.479) de l'arrêt de la

Cour d'appel de Paris (Pôle 5 - chambre 7, n° RG 15/17183) du 22 novembre 2016





APPELANTE :



L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

Prise...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2020

(n° 18, 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07172 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7U3B

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juillet 2015 rendu par le Tribunal d'instance de PARIS 11 - RG n° 1112000495 sur renvoi après cassation (Com., 09 janvier 2019, pourvoi n° S 17-10.479) de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris (Pôle 5 - chambre 7, n° RG 15/17183) du 22 novembre 2016

APPELANTE :

L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

Prise en la personne de sa directrice générale, agissant par le chef de l'agence des poursuites de la DNRED

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Me Anne-claire MOYEN de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE :

SOCIÉTÉ SMJ S.E.L.A.R.L.

Prise en la personne de Maître CHAVANNE de DALMASSY

Liquidateur judiciaire de la société NEWCOM DISTRIBUTION S.A. désigné par jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 20 avril 2012

Ayant son siège social au [Adresse 1]

Représentée et assistée de Me Fabien FOUCAULT de la SCP HARVING AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0111

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 juin 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

' Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente, présidente

' Mme Frédérique SCHMIDT, présidente

' Mme Sylvie TRÉARD, conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Gérald BRICONGNE

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée.

ARRÊT :

' contradictoire

' prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

' signé par Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente, et par M. Gérald BRICONGNE, greffier présent lors du prononcé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * *

Vu le jugement du tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris en date du 20 juillet 2015 ;

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 22 novembre 2016 RG n° 15/17183 ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 9 janvier 2019, pourvoi n° 17-10.479 ;

Vu la déclaration de saisine sur renvoi après cassation, déposée au greffe de la Cour le 8 avril 2019 par l'administration des douanes et droits indirects, ainsi que leurs dernières conclusions adressées à la Cour par le réseau privé virtuel des avocats le 26 décembre 2019 ;

Vu les conclusions de la société SMJ, prise en sa qualité liquidateur de la société Newcom distribution, adressées à la Cour par le réseau privé virtuel des avocats le 3 mars 2020, puis déposées au greffe le 4 mars 2020 ;

Le Ministère public ayant reçu toutes les pièces de la procédure ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 16 juin 2020, le conseil de l'administration des douanes et droits indirects et celui de la société Newcom distribution.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

1.La Cour est saisie d'un recours dans le cadre d'un litige opposant la société Newcom distribution (la société Newcom), spécialisée dans le commerce de gros d'ordinateurs, d'équipements informatiques périphériques et de logiciels, à l'administration des douanes et droits indirects (ci-après l'« administration des douanes »), concernant l'importation de lecteurs multimédias de la gamme TVIX et le classement tarifaire à leur appliquer au regard de la nomenclature combinée européenne (usuellement désignée « NC »), instaurée par le règlement (CEE) n°2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.

Les prémices du litige : le RTC délivré à la société Newcom pour le modèle TVIX 3000

2.Après avoir délivré à la société Newcom, le 16 février 2005, un premier renseignement tarifaire contraignant (ci-après un « RTC ») classant à la position 85219000 (ci-après la position « 8521 ») le modèle TVIX alors commercialisé (RTC n° FR-E6-2004-004086, pièce de la société Newcom n° 2), l'administration des douanes lui a délivré le 15 mai 2006 un RTC n° FR EA 2004 004086 01 (ci-après le « RTC 2006 »), classant la marchandise, correspondant au modèle TVIX 3000, à la position tarifaire 8522 9080 (ci-après la position « 8522 »).

3.Par décision du 11 mai 2009, l'administration des douanes a invalidé ce RTC 2006, a demandé à la société Newcom de lui retourner l'original du RTC invalidé et lui a recommandé de déposer une ou plusieurs demandes de RTC dans l'hypothèse où elle envisagerait de prochaines opérations commerciales concernant ce type de marchandises.

4.Le 24 juin 2009 la société Newcom a assigné l'administration des douanes devant le tribunal d'instance de Montreuil (RG 11-09-000413) afin de voir annuler cette décision et voir juger que ce modèle relevait de la position tarifaire 8471 4050 ou subsidiairement de la position 8522.

5.Par jugement en date du 1er octobre 2010, le tribunal d'instance de Montreuil a rejeté les demandes de la société Newcom en retenant que cet appareil relevait de la position tarifaire 8521.

6.Pour statuer ainsi, le tribunal a fait application du règlement CE n° 295/2009 précité, l'estimant applicable aux produits tels que ceux importés par la société Newcom.

7.Par arrêt du 13 décembre 2011, la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement et le classement sous la position 8521.

8.La société Newcom s'est désistée du pourvoi formé contre cet arrêt.

L'émergence du litige

9.À l'issue d'un contrôle a posteriori réalisé par les agents de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (ci-après la « DNRED »), l'administration des douanes a contesté la position tarifaire sous laquelle des marchandises (tuners et TVIX) avaient été déclarées entre juin 2006 et avril 2009, et plus précisément, concernant les produits TVIX qui font l'objet de la présente procédure, la position 8522 au lieu de la position 8521.

10.Par procès-verbal du 23 février 2010, l'administration des douanes a notifié à la société Newcom une infraction d'importation sans déclaration de marchandises fortement taxées, lui ayant permis d'éluder un certain montant de droits et taxes, la position tarifaire 8521 relevant d'une taxation à un taux de 13,9 % tandis que la position tarifaire 8522 est taxée à 4 %.

11.La société Newcom ne s'étant pas acquittée de la somme qui lui était réclamée à ce titre, un avis de mise en recouvrement (ci-après un « AMR ») n° 610/210/024 a été émis à son encontre le 9 mars 2010 pour un montant de 803 729 euros, TVA comprise concernant le classement tarifaire de deux types d'appareils : des tuners et des TVIX (modèles 3100, 4000, 4100, 5000, 5100, C2000, 6500, 7000 et R3300).

12.Le 12 mai 2010, la société Newcom a contesté cet AMR, limitant ses contestations aux droits correspondant aux appareils TVIX, soit 768 401 euros.

13.Cette contestation a été rejetée par un arrêt, rendu par cette Cour le 23 octobre 2012 (RG n°11/22803), devenu irrévocable par suite du rejet du pourvoi en cassation formé contre cette décision (Com., 6 février 2016, pourvoi n° 13-27.916).

14.La dette douanière de la société Newcom et la classification 8521 appliquée aux marchandises TVIX en cause sont définitifs.

Le litige actuel

15.La société Newcom a adressé, le 24 novembre 2011, à l'administration des douanes des réclamations en vue d'obtenir la remise des droits sur le fondement des articles 220 § 2 point b), 236 et 239 du code des douanes communautaire.

16.Le 20 avril 2012, la société Newcom a été placée en liquidation judiciaire et la société SMJ désignée en qualité de liquidateur.

17.L'administration des douanes ayant rejeté les réclamations de la société Newcom le 25 avril 2012, la société SMJ, ès qualités, l'a assignée en annulation de la décision de rejet et en remise des droits par acte du 20 juillet 2012.

18.Par jugement du 20 juillet 2015, le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris a estimé que la société SMJ était fondée à solliciter la remise des droits en cause sur le fondement de l'article 220 § 2 point b) du code des douanes communautaire. Il a annulé la décision de rejet du 25 avril 2012 et a dit que l'AMR du 9 mars 2010 ne pouvait recevoir application à hauteur de la somme réclamée.

19.Par arrêt du 22 novembre 2016 (RG n° 15/17183), la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement.

20.Pour retenir que l'administration des douanes avait commis une erreur justifiant la remise des droits, l'arrêt a tout d'abord relevé qu'avant le règlement (CE) n° 295/2009 de la Commission du 18 mars 2009 classant les appareils en cause à la position 8521, l'administration des douanes avait, entre 2006 et 2008, adopté une position de principe générale en délivrant des RTC classant ces appareils à la position tarifaire 8522 et qu'elle avait délivré à la société Newcom, le 16 février 2005, un premier RTC retenant la position 8521, puis l'avait annulé et remplacé par un RTC du 15 mai 2006 classant les appareils à la position erronée 8522.

21.L'arrêt a ensuite retenu que l'administration des douanes tendait à faire appliquer un classement tarifaire consacré en 2009 pour des importations portant sur des années antérieures, comprises entre juin 2006 et avril 2009, en prenant position, relativement au classement des produits TVIX, après la publication du règlement n° 295/2009/CE du 18 mars 2009, lequel a classé les produits litigieux à la position 8521.

22.Par arrêt du 9 janvier 2019 (pourvoi n° 17-10.479), la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé cet arrêt dans toutes ses dispositions.

23.Aux visas des articles 12 et 220 § 2 point b) du code des douanes communautaire, la Cour de cassation a censuré les premiers motifs précités en ces termes :

« Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les RTC. qui ne lient l'administration des douanes qu'à l'égard de leurs titulaires et qu'en ce qui concerne les marchandises sur lesquelles ils portent, n'avaient pas été délivrés à des opérateurs autres que la société Newcom, et si le RTC délivré à celle-ci le 15 mai 2006 ne concernait pas des modèles d'appareils différents de ceux en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ».

24.Au visa de la nomenclature combinée constituant l'annexe l du règlement CEE n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, la Cour de cassation a censuré les seconds motifs en ces termes :

« Qu'en statuant ainsi, alors que l'administration des douanes avait classé les boîtiers litigieux sous la position 8521 en faisant application des règles de classement en vigueur à la date de leur importation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; ».

25.Elle a, en conséquence, procédé à une cassation avec renvoi.

26.L'administration des douanes a saisi la Cour, sur renvoi après cassation, et lui demande :

' l'infirmation du jugement rendu le 20 juillet 2015 par le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris, en toutes ses dispositions ;

' et, statuant à nouveau, le rejet de l'ensemble des demandes de la société Newcom, représentée par la société SMJ et notamment la demande de non-recouvrement a posteriori des droits de douane, sur le fondement de l'article 220 § 2 point b) du code de douane communautaire et la demande de remise des droits de douane, sur le fondement de l'article 239 du code des douanes communautaire ;

' outre la condamnation de la société Newcom, représentée par la société SMJ, au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

27.La société SMJ, en sa qualité de liquidateur de la société Newcom, conclut à la confirmation du jugement du tribunal d'instance du 20 juillet 2015 qui a annulé la décision de rejet du 25 avril 2012 et fait application de l'article 220 § 2 point b) du code des douanes communautaire à son bénéfice pour le non-recouvrement des droits de douane mentionnés dans l'AMR n°610/2010/024 du 9 mars 2010 pour un montant de 642 478 euros de droits de douane et 125 923 euros de TVA.

28.En cas de réformation du jugement, elle demande le bénéfice de l'article 239 dudit code, pour obtenir la remise de ces droits de douane et fait valoir qu'en application des conclusions du jugement du 22 janvier 2013, elle était fondée à déclarer les marchandises à la position retenue par le RTC du 15 mai 2006, tant qu'elle n' avait pas connaissance qu'il était invalide. Elle demande en tout état de cause la condamnation de l'administration des douanes à lui verser la somme de 5 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*

* *

MOTIVATION

À titre liminaire, sur la réglementation applicable

29.La NC, qui est mise à jour chaque année, est un outil de classification des marchandises mis en place pour répondre aux exigences du tarif douanier commun et des statistiques du commerce extérieur de l'Union européenne. L'importation d'une marchandise conduit à appliquer un tarif douanier selon le classement tarifaire défini dans cette nomenclature.

30.Conformément à une jurisprudence européenne constante, « dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de section ou de chapitre » (CJUE 17 juillet 2014, Sysmex Europe GmbH c/ Hauptzollamt Hamburg-Hafen, C-480/13, point 29 ; 29 avril 2010, Roeckl Sporthandschuhe, C-123/09, point 27; 11 décembre 2008, Kip Europe e.a., C-362/07 et C-363/07, point 26 ; 18 juillet 2007, Olicom, C-142/06, point 16).

31.Le règlement (CE) n° 295/2009 de la Commission du 18 mars 2009 relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée indique, dans le tableau en annexe, que la classe tarifaire 8521 9000, qui intéresse plus précisément la présente affaire, désigne un « [e]nsemble conditionné pour la vente au détail, comprenant un appareil numérique logé dans son propre boîtier et destiné à l'enregistrement et à la reproduction de sons et d'images de formats divers, capable de recevoir des données provenant de différentes sources (par exemple, récepteur de télévision par satellite, machine automatique de traitement de l'information, camescope), ainsi que divers éléments, tels que des câbles de connexion, un cédérom, un manuel, des vis et un tournevis. » (colonne 1) et renvoie aux motivations indiquées dans la colonne 3 du tableau. Il est ainsi, notamment, précisé que « [d]ans la mesure où l'appareil est doté de toute l'électronique nécessaire à l'exécution des fonctions relevant de la position 8521, à l'exception du disque dur, et dans la mesure où ces composants, même en l'absence du disque dur, ne peuvent être utilisés à d'autres fins que l'enregistrement et la reproduction du son et des images, il convient de considérer, en vertu de la règle générale 2 a), qu'il présente les caractéristiques essentielles d'un produit complet ou fini de la position 8521. Par conséquent, le fait que l'appareil ne contienne pas de disque dur n'empêche pas son classement en tant que produit complet ou fini ».

32.La classe tarifaire 8522 correspond quant à elle aux parties et accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux appareils des classes tarifaires 8519 ou 8521 (appareils d'enregistrement et de reproduction du son et appareils d'enregistrement et de reproduction vidéophonique).

33.Les opérateurs économiques peuvent par ailleurs demander aux autorités douanières la délivrance de RTC concernant l'espèce ou l'origine d'une marchandise à importer. La délivrance de RTC a pour objectif de donner à l'opérateur économique une sécurité juridique lorsqu'un doute subsiste sur le classement d'une marchandise dans la nomenclature douanière existante, le protégeant ainsi vis-à-vis de toute modification ultérieure de la position prise par les autorités douanières concernant le classement de cette marchandise (voir, notamment, arrêts du 29 janvier 1998, Lopex Export, C-315/96, Rec. p. I-317, point 28, du 2 décembre 2010, Schenker, C-199/09, point 16, et du 7 avril 2011,Staatssecretaris van Financiën contre Sony Supply Chain (Europe) BV, C-153/10).

34.L'article 12 du code des douanes communautaire précise que « le renseignement tarifaire contraignant (') ne lie les autorités douanières vis-à-vis du titulaire que (') pour le classement tarifaire (') d'une marchandise » et que « le titulaire doit être en mesure de prouver qu'il y a correspondance à tous égards : - en matière tarifaire : entre la marchandise déclarée et celle décrite dans le renseignement ».

35.La Cour de justice des Communautés européennes a également précisé qu'« un RTC ne crée de droits qu'au profit de son titulaire et à l'égard des seules marchandises qui y sont décrites » (CJCE, 15 septembre 2005, Intermodal Transports BV, C-495/03, point 27).

I. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 220 PARAGRAPHE 2 POINT B) DU CODE DES DOUANES COMMUNAUTAIRE

36.Aux termes du jugement déféré, le tribunal a retenu, en substance, que la multiplication des RTC délivrés entre 2006 et 2008, prenant une position différente de celle retenue par le règlement (CE) 295/2009, témoignait de l'erreur imputable à l'administration des douanes concernant l'adéquation de la nature des appareils en cause à la position 8522. Il a admis le caractère indécelable de l'erreur ainsi que la bonne foi de la société Newcom et fait application de l'article 220 § 2 point b) du code des douanes communautaire. Il a en conséquence annulé la décision du 25 avril 2012 et dit la société Newcom fondée dans sa demande de non-recouvrement des droits de douane relatifs aux appareils TVIX, mis en recouvrement par AMR du 9 mars 2010.

37.L'administration des douanes conteste cette analyse. Elle rappelle, préalablement, que l'enquête douanière a établi que l'ensemble des modèles TVIX 3100, 4000, 4100, 5000, 5100, C2000, 6500, 7000 et R3300 ont été déclarés, à tort, sous la position tarifaire 8522, qui correspond à la position qui avait été retenue par le RTC 2006 délivré pour le seul modèle TVIX 3000 (qui n'est pas concerné par les déclarations en cause) et qui a été invalidé par la décision du 11 mai 2009 précitée.

38.Elle relève que ces produits doivent être classés sous la position 8521 en tant qu'appareils permettant la reproduction de signaux vidéophoniques et non à la position tarifaire 8522 recouvrant les pièces destinées aux machines de la position 8521. Elle précise que la contestation de l'AMR ayant été définitivement rejetée (suite au rejet du pourvoi de la société Newcom par l'arrêt du 16 février 2016 précité) l'affaire est définitivement close, s'agissant du classement des marchandises litigieuses en position 8521.

39.Elle ajoute que les conditions de non-recouvrement de l'article 201 du code des douanes communautaire, applicables aux commissionnaires en douane, étant distinctes de celles fixées pour une demande de non-recouvrement des droits de douane fondée sur l'article 220 § 2 point b) de ce code et pour une demande de remise des droits de douane fondée sur l'article 239 du même code, la société Newcom ne peut demander à bénéficier des solutions retenues dans les décisions rendues au bénéfice de la société GSI, son commissionnaire en douane.

40.Elle fait ensuite valoir, sur le fond, que le jugement déféré doit être infirmé car les conditions cumulatives fixées par l'article 220 § 2 point b) du code des douanes communautaire ne sont pas réunies.

41.Concernant la première condition, relative à l'erreur commise par les autorités douanières aux différents stades de la procédure, elle fait valoir, après avoir exposé la jurisprudence européenne et nationale rendue sur ce point, que les seules erreurs qui pourraient entraîner une confiance légitime du redevable dans la régularité des opérations ne peuvent résulter que de comportements actifs des autorités douanières, directement à l'origine de la non-prise en compte du montant des droits légalement dus. Elle estime que tel n'est pas le cas en l'espèce.

42.S'agissant du moment auquel le RTC 2006 classant le produit TVIX à la position tarifaire 8522 a été délivré, elle rappelle qu'il n'existait qu'un seul modèle de TVIX et une seule référence : le modèle 3000, qui ne possédait pas de prise réseau, contrairement aux modèles ultérieurs, et ne pouvait fonctionner sans disque dur.

43.Rappelant que ce RTC n'est valable que pour ce seul produit et qu'il n'a pas vocation à s'appliquer à l'ensemble de la gamme des produits TVIX commercialisés par la société Newcom, conformément à l'article 6 2) des dispositions d'application du code des douanes communautaire, elle souligne qu'aucune des dix-sept déclarations litigieuses ne portent sur l'importation de ce modèle de boîtier TVIX et précise que les différents produits de cette gamme présentent un aspect et des caractéristiques techniques différentes. Elle se prévaut également de la jurisprudence rendue par la Cour de cassation pour exclure la transposition d'un RTC à un autre produit ou son transfert au bénéfice d'un autre titulaire que celui qui l'a demandé. Elle en déduit qu'aucune erreur ne peut être retenue au moment de la délivrance des RTC puisque la société Newcom ne pouvait invoquer le RTC délivré pour un autre produit ou ceux transmis à d'autres sociétés.

44.Elle ajoute que les tests accomplis ont clairement montré que les modèles 7000, 6500 et R3300 sont capables de fonctionner sans disque dur externe, justifiant d'être classés à la position tarifaire recouvrant l'appareil complet, à savoir la position 8521 (Pièce n° 8 : procès-verbal du 16 septembre 2009) tout comme les modèles 4000, 4100, 5000, 5100 qui sont également pourvus d'une fonction réseau, grâce à leurs prises LAN ou Ethernet.

45.S'agissant des contrôles invoqués par la société Newcom lors des déclarations d'importation, elle rappelle qu'aux termes de la jurisprudence européenne et nationale, l'administration n'a pas à apprécier ou vérifier la validité des déclarations, les actes de dédouanement étant de nature déclarative et l'importateur devant prendre « toutes les dispositions nécessaires pour se prémunir contre les risques d'une action en recouvrement a posteriori ». Elle souligne l'absence de démarche active de l'administration et précise qu'elle n'avait, en tout état de cause, pas les éléments lui permettant de considérer que les produits déclarés étaient différents de ceux pour lesquels le RTC avait été obtenu.

46.Elle observe que la société Newcom a pris un risque en décidant d'étendre le RTC délivré pour le modèle 3000 à toute sa gamme, alors que son commissionnaire en douane a eu des doutes sur cette possibilité et déposé une demande de RTC pour le modèle 4100, lequel a été classé sous la position 8521. Elle relève qu'un importateur doit s'assurer, en raison de l'évolution technologique de ses produits, que les nouveaux modèles relèvent tous de la même position. Elle précise que ce n'est pas le classement du modèle TVIX 3000 sous la position tarifaire 8522 qui est en cause mais le fait d'avoir classé sous cette position l'ensemble des nouveaux modèles qui relevaient de la position 8521.

47.S'agissant des contrôles douaniers, elle estime que la société Newcom ne peut s'appuyer sur les résultats du contrôle de la déclaration d'importation IM4 n°6474702 qui a été effectué sur la base d'indications erronées pour justifier le classement à la position 8522, ni d'avantage invoquer les contrôles concernant d'autres sociétés pour se prévaloir d'un changement de « pratique constante ». Elle ajoute que l'application du règlement n° 295/2009 précité ne constitue pas davantage un changement de pratique des douanes mais l'application des dispositions communautaires propres à chaque produit. Sur ce point, elle rappelle qu'elle ne s'est pas fondée sur ce règlement, ce que la Cour d'appel a retenu dans la présente affaire (arrêt p4, §6), mais sur les règles générales d'interprétation et les notes de section de la NC qui préexistaient à l'importation des marchandises litigieuses.

48.Concernant la deuxième condition, tenant au fait que le redevable ne pouvait raisonnablement déceler l'erreur prétendument commise par l'administration, elle ne l'estime pas davantage remplie dès lors que la société Newton n'a pas, au regard de son expérience professionnelle, été suffisamment diligente dans les opérations de dédouanement des marchandises. Elle rappelle à nouveau qu'aucun élément n'établit le comportement actif de l'administration qui aurait poussé la société Newton à déclarer les produits comme elle l'a fait et fait observer que la société Newton ne pouvait ignorer que le RTC 2006 concernait un modèle distinct qui n'était plus importé depuis 2005. Elle relève à cet égard que le président de cette société l'a d'ailleurs expressément indiqué (pièce n°3) tandis que sa société a néanmoins annoté le RTC en prévoyant son application à d'autres modèles ultérieurs.

49.Concernant la troisième condition, tenant à la bonne foi du recevable, elle rappelle qu'il appartient à ce dernier de l'établir et qu'en l'espèce la société Newcom a porté des mentions manuscrites sur le RTC 2006 de nature à tromper les services douaniers sur les documents de dédouanement, ayant ajouté manuellement « for products 2000,2000 lite, 3000, 31000S, 31000B, 4000, 5000 and products in the future » alors même que ses représentants ont reconnu que ce RTC avait été déposé pour un autre modèle. Elle ajoute que lors du contrôle diligenté au sein de la société, cette dernière a tenté de tromper les agents enquêteurs en niant, après l'avoir pourtant reconnu, que les modèles de TVIX munis d'une prise réseau pouvaient fonctionner sans disque dur, c'est à dire dans l'état dans lequel ils étaient importés (Pièce n°7 : Procès-verbal en date du 12 juin 2009).

50.Elle rappelle également la qualité de professionnel de la société Newcom qui ne pouvait ignorer la portée limitée d'un RTC et ajoute qu'en affirmant avoir observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur, alors même qu'elle n'a pas fait application du règlement de classement n°295/2009 en date du 18 mars 2009, la société Newcom ne fait au contraire que reconnaître sa mauvaise foi. Elle déduit de l'ensemble de ces éléments et notamment, du manquement à l'obligation de diligence qui incombe à la société Newcom, du manque de vérification qu'elle aurait dû faire en raison de son expérience professionnelle et de sa négligence incontestable dans les opérations de dédouanement de marchandises, que celle-ci ne saurait être considérée de bonne foi.

51.La société Newcom, représentée par son liquidateur judiciaire, indique préalablement, quant à la portée de l'arrêt de cassation rendu dans la présente instance, que le manque de base légale reproché n'implique pas une appréciation erronée du droit par le juge du fond. Elle estime qu'il s'agit d'expliquer davantage en quoi le contenu et la qualité des bénéficiaires des RTC consacrent l'erreur de l'administration et qu'au demeurant l'erreur est établie à la fois à raison des RTC délivrés mais également pour beaucoup d'autres motifs confirmés par la Cour de cassation. Elle considère en outre que si l'administration des douanes a appliqué les règles de classement en vigueur à la date d'importation des produits, elle a en revanche commis une erreur dans leur application.

52.Elle invoque ensuite à son bénéfice les décisions rendues dans l'instance opposant l'administration des douanes à son commissionnaire en douane, la société GSI, qui ont accueilli la contestation par cette dernière d'un avis de mis en recouvrement émis à la suite d'une rectification de classement de produits de type TVIX en 8522 au lieu de 8521, après avoir retenu une position équivoque de l'administration concernant le classement des produits sous la position 8522. Elle estime que ces décisions permettent de caractériser sa bonne foi dès lors que son commissionnaire ne l'avait pas informée du fait qu'il avait sollicité un RTC, que le nouveau RTC délivré le 21 novembre 2007 avait retenu la position 8121 et que le RTC 2006 n'était plus valable. Elle considère également que les arrêts rendus dans cette affaire lui bénéficieront, en ce que la Cour d'appel a reconnu, comme les juges de première instance, que l'ensemble des produits pouvaient être déclarés à la position 8522 qui a été retenue dans le RTC 2006 jusqu'à ce que la société Newcom soit informée de l'invalidation de ce RTC. Elle rappelle que la société GSI a en effet obtenu gain de cause pour les importations antérieures à la délivrance du RTC du 21 novembre 2007, de sorte qu'elle-même est au minimum en droit de bénéficier de la même décision.

53.Si la position tarifaire 8521 a été confirmée par les juridictions, la société Newcom estime cependant pouvoir bénéficier de l'application de l'article 220 § 2 point b) du code des douanes communautaire dès lors que les droits de douane dus sont la conséquence d'une erreur des douanes.

54.Concernant la première condition tenant à l'erreur des autorités douanières, elle fait valoir que la jurisprudence considère cette condition remplie dès lors que l'administration n'a pas relevé une erreur dans les déclarations en douane, ne soulevant aucune objection concernant le classement tarifaire des marchandises pour un grand nombre d'importation et pendant une longue période.

55.Elle rappelle, qu'en l'espèce, l'administration des douanes lui a délivré le 15 mai 2006, à l'issue d'une analyse en laboratoire et sur le fondement des règles générales d'interprétation 1 et 6 et des notes 2 b) et 4 de la section XVI de la NC, le RTC retenant la position 8522.

56.Elle soutient que ce RTC révèle plusieurs erreurs de l'administration dans la mesure où :

' il ne mentionne pas le modèle concerné ;

' la description de la marchandise qui figure à la case 7 du RTC s'applique à tous les TVIX, quelque soit sa dénomination commerciale ;

' la salariée chargée des opérations de douane au sein de la société a attesté du contact pris avec le bureau E/4 de l'administration des douanes, en la personne de Mme [M.] signataire de ce RTC qui a confirmé qu'il pouvait être utilisé pour tous les modèles nommés TVIX « existants et à venir », raison pour laquelle cette salariée a apposé à la main la mention « For product TVIX 2000, 2000 lite, 3000, 3100B, 3100S, 4000, 5000, and other ref in future » (pièce 38).

57.Elle ajoute qu'un RTC peut porter sur différentes marchandises pour autant qu'elles relèvent d'un même type, c'est-à-dire de caractéristiques similaires et considère que les produits en cause répondent à la description mentionnée à la case 7 du RTC 2006.

58.Se prévalant des nombreux RTC délivrés entre 2006 et 2008, à son bénéfice et à celui d'autres sociétés (pièces de la société Newcom n°4 à 9), elle fait valoir que ce classement a donné lieu à une pratique constante jusqu'à ce que la douane française en change à la suite du règlement n°295/2009. Rappelant qu'un RTC lie les autorités douanières jusqu'à sa révocation, soit jusqu'au 11 mai 2009, elle en déduit qu'aucune des opérations en litige ne peut être remise en cause.

59.Elle ajoute que les contrôles douaniers opérés n'ont jamais remis en cause le positionnement des marchandises en position 8521 appliqué dans les 43 déclarations déposées de juin 2006 à avril 2009, confirmant le caractère indécelable de l'erreur commise par l'administration, et fait valoir que la Cour de cassation n'a pas sanctionné la juridiction du fond qui avait estimé que des erreurs avaient été commises par la douane à l'occasion de ces contrôles.

60.Elle se prévaut également de la nature complexe de l'erreur, compte tenu des faits précités et de la réglementation en cause, les autorités douanières ayant réitéré leur erreur et longtemps persisté dans cette voie sans remettre en cause ses déclarations. Elle ajoute qu'elle n'avait aucune raison de douter de l'exactitude du classement donné par la douane et invoque sa bonne foi, reconnue par le tribunal, tant avant qu'après le 27 novembre 2007, date de délivrance du RTC sollicité par la société GSI. Elle rappelle à cet égard que ce RTC a été demandé sans qu'elle ait été prévenue de cette démarche et fait valoir qu'elle est restée dans l'ignorance de la remise en cause de la position tarifaire applicable. Elle fait état des éléments établissant que la société GSI ne l'a jamais avertie, comme indiqué dans la décision rendue à son égard.

61.Estimant avoir observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur, elle en déduit que les conditions d'application de l'article 220 précité sont remplies et demande la confirmation du jugement.

***

Sur ce, la Cour,

62.Aux termes de l'article 220 § 2 point b), du code des douanes communautaire, les droits à l'importation ou à l'exportation ne sont pas pris en compte a posteriori lorsque :

« le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane ».

63.L'application de ce texte requiert la réunion de quatre conditions cumulatives, à savoir lorsque :

' l'absence de prise en compte résulte d'une erreur des autorités douanières elles- mêmes ;

' l'erreur ne pouvait pas raisonnablement être décelée par le redevable ;

' le redevable a observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane ;

' le redevable a agi de bonne foi.

64.Concernant la première condition, il est acquis en jurisprudence que toute autorité qui, dans le cadre de ses compétences, fournit des éléments entrant en ligne de compte pour le recouvrement des droits et qui, ainsi, peut susciter la confiance légitime du redevable, doit être considérée comme une autorité douanière au sens de l'article 220 § 2 point b) précité. Ce principe est notamment rappelé dans le document d'information relatif à l'application des articles 220(2)(b) et 239 du code des douanes communautaire publié par la Commission européenne.

65.S'agissant des erreurs inhérentes au RTC 2006, il doit être relevé, en premier lieu, sans que ce point ne soit discuté, que l'administration des douanes a délivré ce RTC à la société Newcom, pour un produit que cette dernière avait sommairement désigné « TVIX » lors du dépôt de sa demande le 10 novembre 2004.

66.Comme le confirme le procès-verbal établi le 7 mai 2009 et les termes de l'audition du directeur général de la société Newcom et de son président (pièce n° 3 de l'administration des douanes), ce RTC a été délivré « pour le produit boîtier vide de TVIX, le TVIX 3000, dont la documentation a été présentée à l'appui de [la] demande », étant précisé que la société ne commercialisait que ce modèle à l'époque.

67.L'imprécision de ce libellé, imputable à la société Newcom, ne peut en conséquence être reprochée à l'administration des douanes et ne peut caractériser l'erreur requise pour faire application de l'article 220 § 2 point b) du code des douanes communautaire.

68.Il doit être rappelé, en deuxième lieu, qu'un RTC ne lie l'autorité douanière qu'à l'égard de son titulaire et pour une marchandise strictement identique. Ce principe a été rappelé par la Cour de justice des Communautés européennes qui a énoncé qu'« un RTC ne crée de droits qu'au profit de son titulaire et à l'égard des seules marchandises qui y sont décrites » (CJCE, 15 septembre 2005, Intermodal Transports BV, C-495/03, point 27).

69.Le RTC 2006 a ainsi classé le produit concerné par la demande, en l'espèce, le TVIX 3000, sous la position 8522.

70.Aucun élément de la procédure ne contredit la précision apportée par l'administration des douanes selon laquelle le modèle TVIX 3000 ne possédait pas de prise réseau et ne pouvait fonctionner sans disque dur, contrairement aux modèles ultérieurs en cause.

71.L'attestation produite (pièce de la société Newcom n° 38), faisant état de ce que l'administration a confirmé par téléphone à la salariée en charge de l'aspect douanier des produits de la société Newcom que le RTC 2006 pouvait être utilisé pour tous les modèles TVIX « existants et à venir », même en admettant qu'elle rapporte fidèlement les termes de la réponse donnée ce qui ne peut être vérifié par la Cour en l'absence de réponse écrite de l'administration, n'est pas de nature à avoir suscité une confiance légitime de la société Newcom. En effet, le maintien du bénéfice d'une classification implique nécessairement une constance dans les caractéristiques et propriétés objectives du produit. Or, en sa qualité de professionnelle, la société Newcom était tenue de s'assurer que les évolutions technologiques apportées au modèle d'origine étaient sans incidence sur la classification tarifaire applicable aux produits commercialisés ultérieurement.

72.Il est constant qu'aucune des déclarations litigieuses ne porte sur le modèle TVIX 3000, qui n'était plus importé sur la période concernée par la présente instance (2006-2009) mais que la société Newcom s'est prévalue du RTC 2006 pour bénéficier d'une taxation à 4 % pour ses nouveaux produits.

73.Il doit être ajouté qu'il est définitivement jugé que les produits concernés par les déclarations litigieuses relèvent de la position 8521, taxée à 13,9 %, par suite du rejet du recours formé contre l'AMR émis le 9 mars 2010 qui fonde la dette douanière en cause.

74.Par arrêt du 16 février 2016 (pourvoi n° 13-27.916), la chambre commerciale a jugé que « selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (17 juillet 2014, Sysmex Europe GmbH c/ Hauptzollamt Hamburg-Hafen, C-480/13, point 29), le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la nomenclature combinée et des notes de section ou de chapitre ; que l'arrêt, en conformité avec cette jurisprudence, relève, d'un côté, que la position tarifaire 8521 9000 recouvre les appareils d'enregistrement et de reproduction vidéophoniques, même incorporant un récepteur de signaux vidéophonique, sans bande magnétique, et, de l'autre, constate que le boîtier TVIX se décrit comme comprenant un appareil numérique logé dans son propre boîtier et destiné à l'enregistrement et à la reproduction de sons et d'images de formats divers, capable de recevoir des données provenant de différentes sources et pourvu d'un port USB, de ports vidéo, de boutons de commandes et d'une télécommande ; que de ces constatations, la cour d'appel a déduit à bon droit que les boîtiers TVIX, qui possèdent tous les éléments électroniques nécessaires aux fonctions de reproduction et d'enregistrement visées par le libellé de la position tarifaire 85 21 90 00, relevaient de cette position ».

75.La société Newcom n'est donc pas davantage fondée à soutenir que les caractéristiques techniques des marchandises sont sans incidence sur leur classement, même s'il est exact qu'une demande de RTC peut couvrir une gamme entière de marchandises dès lors que les différences entre celles-ci ne sont pas pertinentes au regard de leur classement. Cette circonstance est toutefois inopérante en l'espèce pour apprécier l'erreur reprochée à l'administration, dès lors qu'il n'a jamais été établi, ni même allégué, que le RTC 2006 a été délivré pour une gamme entière de marchandises puisqu'il a uniquement été délivré pour le modèle dont la documentation était jointe à la demande, le TVIX 3000.

76.Par suite, le RTC 2006, qui n'a pas été délivré pour une gamme entière de marchandises mais en l'état d'une commercialisation qui ne comportait qu'une seule référence TVIX 3000, ne peut avoir suscité une confiance légitime de la société Newcom concernant la classification tarifaire des nouveaux produits ultérieurement importés.

77.S'agissant des RTC délivrés par l'administration au bénéfice d'autres importateurs, il doit être relevé qu'en application du principe mentionné au paragraphe 68 qui précède, la société Newcom ne peut se prévaloir d'un RTC si elle n'en est pas titulaire et ne peut pas plus invoquer à son bénéfice l'existence d'une pratique constante de l'administration résultant de RTC délivrés à d'autres importateurs et/ou pour différents produits. C'est donc à tort que le jugement déféré a pris en compte divers RTC délivrés entre 2006 et 2008 au bénéfice de tiers et le fait que ces RTC n'avaient pas retenu la position 8521 pour caractériser une erreur opposable à l'administration des douanes dans le litige qui l'oppose à la société Newcom.

78.Si la société Newcom précise aujourd'hui qu'elle n'a jamais entendu se prévaloir des RTC délivrés à d'autres opérateurs mais simplement faire constater par le juge que l'administration des douanes s'est constamment trompée dans le classement des marchandises, cette circonstance n'en demeure pas moins inopérante à son égard, dès lors que, seraient-elles établies, ces erreurs à l'égard de tiers ne pourraient être invoquées par la société Newcom.

79.S'agissant de l'absence de remise en cause du positionnement des marchandises appliqué dans les déclarations déposées de juin 2006 à avril 2009, il convient de rappeler que la déclaration en douane est l'acte par lequel une personne manifeste son intention de placer des marchandises sous un régime douanier déterminé.

80.Les actes de dédouanement sont de nature déclarative et les juridictions de l'Union européenne ont rappelé qu'il incombe à l'importateur de prendre « toutes les dispositions nécessaires pour se prémunir contre les risques d'une action en recouvrement a posteriori » (arrêt du 9 juin 1998, Unifrigo, T/10 97 et T 11/97, confirmé par ordonnance de la CJCE du 9 décembre 1999, C-299/98 P).

81.Seules les erreurs imputables à un comportement actif des autorités compétentes ouvrent droit au non- recouvrement a posteriori des droits de douane, ainsi que la CJUE l'a énoncé dès les années 1990 (arrêts du 27 juin 1991, Mecanarte, C 348/89, point 23, et du 14 mal 1996,Faroe Seafood, C-153/94, point 91) et réaffirmé avec constance (arrêt du 14 novembre 2002, Illumitronica, C-251/00, point 42).

82.Si certains comportements « passifs » peuvent aussi être réputés constituer des erreurs au sens de l'article 220 § 2 point b) du code des douane communautaire, notamment lorsque les autorités douanières n'ont soulevé aucune objection en ce qui concerne le classement tarifaire des marchandises pour un grand nombre d'importations et pendant une longue période, encore faut-il qu'une comparaison entre la position tarifaire déclarée et la désignation explicite des marchandises selon les spécifications de la nomenclature ait pu permettre de découvrir le classement tarifaire erroné, comme l'a également précisé la CJUE (arrêt du 1er avril 1993, Hewlett-Packard, C-250/91, points 21, appliqué conformément aux principes rappelés dans l'arrêt du10 mai 2001, affaires jointes T-186/97 et autres, Kaufring, point 26). L'erreur imputable à l'administration des douanes ne peut être considérée comme remplie lorsque les autorités compétentes sont induites en erreur par les indications portées sur la déclaration.

83.En l'espèce, la société Newcom ne peut utilement se prévaloir du fait que l'administration des douanes n'a remis en cause ni l'espèce tarifaire déclarée, dans neuf déclarations « effectuées en circuit 1 » (pièce n° 40 de la société Newcom), ni l'utilisation du RTC 2006, dans douze déclarations le mentionnant dans la déclaration ou la facture (pièce n°41 de la société Newcom).

84.En effet les déclarations figurant en pièce n°40, lorsqu'elles sont lisibles, désignent majoritairement la marchandise comme correspondant à des « colis/cartons/ palettes /matériel informatiques », et celles figurant en pièce n° 41, lorsqu'elles concernent du matériel TVIX, se bornent à mentionner « boîtier vide de TVIX selon RTC FR-E4-2004-004086-01 » (par exemple les déclarations IMA n° 4047527 et n° 6014545), sans référence apparente, ni dans les unes ni dans les autres, aux modèles TVIX litigieux (3100, 4000, 4100, 5000, 5100, C2000, 6500, 7000 et R3300).

85.En outre, l'existence d'une erreur des autorités compétentes ne peut être considérée comme remplie lorsque les autorités compétentes sont induites en erreur par des déclarations inexactes, étant rappelé qu'elles n'ont pas à en vérifier ou apprécier la validité selon la jurisprudence européenne constante précitée.

86.La déclaration IMA n° 6474702 déposée en janvier 2009 par la société Newcom (figurant à la fois en pièce n° 10 et n° 41 de la société Newcom ) en est une illustration. Elle révèle en effet à la case 31 la mention « appareil se présentant sous la forme de boîtier conçu pour l'enregistrement et la lecture non autonome dans l'état RTC du 15/05/06 ». Or, il n'est pas contesté que cette déclaration concernait le modèle TVIX 6500, lequel a connu d'importantes innovations par rapport au modèle TVIX 3000 pour lequel le RTC 2006 a été délivré.

87.Aucun élément de la procédure ne contredit la précision apportée par l'administration des douanes selon laquelle le modèle TVIX 3000 ne possédait pas de prise réseau et ne pouvait fonctionner sans disque dur, contrairement aux modèles ultérieurs en cause qui remplissent leur fonction principale sans avoir besoin d'un disque dur. Il était donc inexact et trompeur de prétendre, comme l'a fait la société Newcom, que les produits en cause étaient « dans l'état RTC du 15/05/06 » lequel comportait une description de marchandise, en case 7, portant sur un appareil qui « fonctionne à l'aide d'un disque dur (non présent) que l'acheteur installe lui-même » et de prétendre que le RTC 2006 s'appliquait à ces produits.

88.En outre, et ainsi que la société Newcom l'a confirmé à la Cour lors de l'audience, le TVIX 6500 est comparable au modèle ayant fait l'objet du procès-verbal n°7 en date du 16 septembre 2009 (pièce des douanes n°8) lequel est capable de fonctionner en réseau, sans disque dur externe comme l'ont révélé les tests réalisés. Par suite, la case 31de la déclaration IMA n° 6474702 ne pouvait pas indiquer « boîtier conçu pour l'enregistrement et la lecture non autonome ».

89.Par suite, la désignation inexacte des marchandises figurant notamment dans la déclaration IMA n° 6474702 ne permettait pas à l'administration des douanes de découvrir, par simple comparaison, l'inadéquation du classement tarifaire appliqué par référence au RTC 2006, et il n'est justifié d'aucune déclaration d'importation révélant le caractère erroné de la classification par le seul rapprochement des rubriques de position tarifaire et désignation des marchandises.

90.S'agissant des contrôles douaniers invoqués, il convient tout d'abord de distinguer ceux dont la société Newcom a fait l'objet de ceux qui ont été appliqués à des tiers.

91.Concernant les contrôles dont ont pu faire l'objet des sociétés tierces, comme il a été précédemment rappelé, la société Newcom ne peut se prévaloir du résultat des contrôles réalisés à l'égard de ces dernières pour caractériser une erreur de l'administration à son égard.

92.La Cour ajoute que l'intérêt de la société Newcom ainsi porté aux activités d'importation de produits similaires aux siens réalisées par des tiers rend peu crédible le fait qu'elle soit restée dans l'ignorance du RTC délivré à son commissionnaire en douane le 21 novembre 2007 pour le modèle TVIX 4100HS, plaçant ce produit à la position 8521, et ce quand bien même celui-ci n'aurait pas directement avertie sa cliente. À cet égard, la Cour observe que ce RTC du 21 novembre 2007 n'a manifestement pas fait l'objet d'un traitement plus confidentiel que ceux en sa possession, délivrés à d'autres sociétés, en mai 2006 (pièce n°4 de la société Newcom), juin 2007 (pièce n° 5 de la société Newcom) et novembre 2007 (pièce n° 6 de la société Newcom), d'autant que la base de données communautaire EBTI (European Binding Tariff Information), qui recense tous les RTC en cours de validité qui ont été délivrés dans tous les États membres de l'Union, permet aux entreprises d'avoir connaissance des RTC portant sur des marchandises similaires aux leurs.

93.Il importe peu, en tout état de cause, aux fins d'application de l'article 220 du code des douanes communautaire et d'appréciation de la première condition qu'il fixe, de déterminer si le commissionnaire en douane de la société Newcom a pu commettre une erreur envers elle en s'abstenant de l'informer des diligences accomplies auprès de l'administration des douanes pour connaître le classement applicable au produit TVIX 4100HS ainsi que de l'existence du RTC délivré le 21 novembre 2007 pour ce produit, dès lors que cette situation intéresse les conditions d'exécution du mandat convenu entre eux et ne concerne pas l'administration des douanes.

94.Il convient d'ajouter que le fondement légal de la présente demande est l'article 220 § 2 du code des douanes communautaire et qu'il importe donc peu qu'à l'occasion d'une instance distincte, le commissionnaire en douane de cette dernière n'ait pas été reconnu débiteur sur le fondement de l'article 201 § 3 du code des douanes communautaire des droits supplémentaires nés des déclarations inexactes déposées pour le compte de la société Newcom concernant l'importation de différents modèles de la gamme TVIX entre juillet 2007 et janvier 2009. En effet, le fait qu'il ait été jugé que les conditions n'en étaient pas réunies à l'égard de ce commissionnaire en douane pour la période antérieure à la délivrance du RTC du 21 novembre 2007 ' dès lors qu'il n'était pas établi sur cette période que celui-ci ait agi « en ayant ou en devant avoir raisonnablement connaissance que ces données étaient fausses » ' est sans incidence sur l'appréciation de la situation de la société Newcom, redevable de la dette douanière au sens de l'article 220 précité.

95.Concernant le contrôle réalisé à l'occasion de la déclaration IMA n° 6474702 déposée en janvier 2009 par la société Newcom, il n'est pas contesté que cette déclaration a donné lieu à l'établissement d'un rapport d'essai n° 2009 20037 en date du 9 janvier 2009 concernant le modèle « TVIX M-6500A » déclaré à la position tarifaire 8522 (pièce de la société Newcom n°11).

96.Il est tout aussi constant que l'administration des douanes n'a pas remis en cause la position 8522 appliquée au modèle « TVIX M-6500A ».

97.Les tests réalisés sur les modèles TVIX 7000A, 6500A et R3300 par les agents de la DNRED le 16 septembre 2009 (pièce n°8 de l'administration des douanes) ont conclu au fait que chacun de ces échantillons « permet la lecture d'images et de sons, et peut fonctionner sans disque dur intégré au moment de l'importation grâce à sa fonction réseau » et qu'ainsi aucun ne relevait de la catégorie des accessoires exclusivement ou principalement destinés aux appareils d'enregistrement et de reproduction du son et appareils d'enregistrement et de reproduction vidéophonique, qui bénéficie de la position 8522.

98.La société Newcom a précisé à l'audience, sans que ce point ne soit contesté par l'administration des douanes, que le modèle M-6500A (correspondant à la référence facture) est similaire au modèle 6500A testé par la DNRED en septembre 2009.

99.Les essais réalisés sur le modèle M-6500A le 5 janvier 2009 auraient donc dû conduire l'administration à constater à l'issue du rapport d'essai n° 2009 20037 que la classification appliquée était incorrecte, comme cela a été retenu en septembre 2009. La position adoptée par l'administration des douanes en janvier 2009 caractérise en conséquence une erreur, qui ne pouvait pas être raisonnablement décelée par la société Newcom compte tenu de la validation opérée par les services des douanes à l'issue d'un test en laboratoire.

100.La Cour observe toutefois que cette erreur est née du rapport d'essai transmis à la société Newcom le 5 janvier 2009, alors que les déclarations litigieuses portent sur une période s'échelonnant entre juin 2006 et avril 2009. Elle n'est ainsi susceptible d'avoir une incidence que sur une période très limitée (à compter du 5 janvier 2009 et jusqu'en avril 2009) et ne peut être à l'origine de l'application du taux de 4 % choisi par la société Newcom pour les déclarations d'importation effectuées à partir de juin 2006 et jusqu'au 4 janvier 2009.

101.En outre il convient, pour bénéficier des dispositions de l'article 220 § 2 point b) du code des douanes communautaire que toutes les conditions soient réunies.

102.Concernant la condition tenant à la bonne foi du redevable, la Cour ne peut que constater, à nouveau, que le modèle TVIX 3000 ne possédait pas de prise réseau et ne pouvait fonctionner sans disque dur, contrairement aux modèles ultérieurs en cause qui remplissent leur fonction principale sans avoir besoin d'un disque dur. En mentionnant sur ses déclarations d'importation que les marchandises en cause étaient couvertes par le RTC 2006, qui n'avait pas été sollicité pour une gamme de produits mais pour l'unique référence TVIX 3000 alors commercialisée, et en les décrivant comme étant « en l'état » de ce RTC qui décrivait à la case 7 un appareil qui « fonctionne à l'aide d'un disque dur (non présent) que l'acheteur installe lui-même », lorsque la présence d'une prise réseau leur permettait un fonctionnement autonome, la société Newcom, qui est une professionnelle de l'importation, n'a pas agi de bonne foi.

103.C'est donc à tort que le tribunal a fait droit à la demande présentée sur le fondement de l'article 220 § 2 point b) du code des douanes communautaire. Le recours de l'administration des douanes doit être accueilli et le jugement réformé.

II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 239 DU CODE DES DOUANES COMMUNAUTAIRE

104.Le jugement attaqué ayant fait application de l'article 220 précité, le tribunal n'a pas examiné la demande de remise des droits de douane formulée par la société Newcom sur le fondement de l'article 239 du code des douanes communautaire.

105.Le liquidateur de la société Newcom demande à la Cour, dans l'hypothèse où le jugement serait réformé, de faire application de ce second article.

106.Sur l'existence d'une situation particulière, il demande à la Cour de tenir compte du comportement de l'administration des douanes, qui a émis le RTC 2006 en classant ses produits à la position 8522 et n'a jamais remis en cause les 43 opérations intervenues entre 2006 et 2009 appliquant la même position, alors même qu'elles ont été quasiment toutes soumises à son contrôle, avec s'agissant de la déclaration IMA n° 6474702 déposée en janvier 2009 une étude en laboratoire et la remise d'un rapport d'essai à la suite duquel l'administration a admis la position 8522. Il estime à nouveau que le changement de pratique de l'administration résulte du règlement n° 295/2009, qui l'a conduit a annulé de nombreux RTC qui avaient classé le type de produit en cause à la position 8522 eu égard au fait que ce règlement considérait des produits apparemment similaires comme devant être classés en position 8521. Il rappelle toutefois qu'un règlement de classement ne lie pas les juridictions nationales appelées à définir le classement des marchandises importées avant son entrée en vigueur.

107.Il estime que le changement de pratique, l'émission de RTC classant ce type de produit en classe 8522 et la non remise en cause par l'administration des douanes de la régularité des opérations lors du dépôt des déclarations, et cela en dépit des contrôles intervenus, a engendré une situation particulière au sens de l'article 239 précité.

108.Sur l'absence de négligence manifeste ou man'uvre, il fait valoir que la société Newcom ne pouvait imaginer que les importations n'étaient pas régulières puisque les autorités compétentes avaient elles-même donné le classement après un examen approfondi des marchandises et estime qu'il ne pouvait être exigé d'elle de procéder à des vérifications alors qu'elle n'avait pas de doute quant à l'exactitude de ses déclarations.

109.Il en déduit qu'en application de l'article 239 du code des douanes communautaire, la société Newcom est fondée, en tout état de cause, à obtenir la remise des droits de douane relatifs au TVIX notifiés le 23 février 2010 et mis en recouvrement par AMR n° 610/2010/024 du 9 mars 2010 pour un montant de 642 478 euros de droits de douane et 125 923 euros de TVA.

110.L'administration des douanes estime que les deux conditions cumulatives prévues par l'article 239 du code des douanes communautaires ne sont pas réunies.

111.Elle observe que la société Newcom développe exactement le même argumentaire que celui soutenu pour se prévaloir des dispositions de l'article 220 paragraphe 2 point b) du code des douanes communautaire, déduisant de l'erreur prétendue des autorités douanières, l'existence d'une situation exceptionnelle dans laquelle se serait retrouvé l'opérateur. À cet égard, l'administration des douanes estime qu'il a été démontré qu'aucune erreur ne saurait lui être imputée de sorte que la société Newcom ne peut valablement prétendre s'être trouvée dans une situation exceptionnelle. L'administration des douanes ajoute que cette société ne peut lui reprocher d'avoir appliqué le règlement CE n° 295/2009 aux importations litigieuses effectuées entre juin 2006 et avril 2009, dès lors que le classement s'est effectué en vertu des règles générales l, 2 a), 3 b) et 6 pour l'interprétation de la nomenclature combinée et de la note complémentaire 1 de la section XVI et de la note 3 de la section XVI, lesquelles existaient, en termes identiques avant la publication du règlement communautaire et étaient par conséquent applicables antérieurement, notamment aux produits de la gamme TVIX importés de 2006 à 2009.

112.Elle en déduit que la société Newcom ne démontre pas en quoi elle s'est trouvée placée dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité (citant Com. 21 octobre 2008, pourvoi n°07-14.997) l'ensemble des opérateurs économiques important des marchandises similaires aux lecteurs TVIX litigieux étant soumis aux mêmes règles générales d'interprétation de la nomenclature combinée et au même règlement de classement communautaire et se trouvant ainsi dans la même situation qu'elle.

113.Elle ajoute qu'aucun élément n'est produit, démontrant que l'administration des douanes aurait laissé volontairement des infractions douanières se commettre, de sorte qu'aucune circonstance particulière au sens de l'article 239 du code des douanes communautaire justifiant une remise de droit ne peut être invoquée.

114.S'agissant de la seconde condition, elle rappelle que la société Newcom a, de sa propre initiative, appliqué à tous les produits TVIX le RTC 2006 délivré pour le seul produit TVIX 3000, et renvoie à ses précédents développements concernant les négligences de cette société.

115.Elle conclut à l'infirmation du jugement.

***

Sur ce, la Cour,

116.Aux termes de l'article 239 § 1du code des douanes communautaire :

« 1. Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou des droits à l'exportation dans des situations autres que celles visées aux articles 236, 237 et 238 :

' à déterminer selon la procédure du comité,

' qui résultent de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin, sont définies selon la procédure du comité. Le remboursement ou la remise peuvent être subordonnées à des conditions particulières ».

117.Comme l'indique la Commission européenne dans le « Document d'information relatif à l'application des articles 220(2)(b) et 239 du code des douanes communautaire » qu'elle a publié, cette disposition constitue une clause générale d'équité.

118.Le redevable qui démontre, d'une part, l'existence d'une situation particulière et, d'autre part, l'absence de négligence manifeste et de man'uvre de sa part, a droit à la remise ou au remboursement de droits légalement dus ainsi que l'a rappelé la jurisprudence européenne (TPICE 10 mai 2001, Kaufring AG/ Commission, T-186 97).

119.Il est également constant que « l'autorité de décision est tenue d'exercer son pouvoir en mettant en balance, d'une part, l'intérêt de la Communauté à s'assurer du respect des dispositions douanières et, d'autre part, l'intérêt de l'opérateur de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial ordinaire » (arrêt du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T-42/96, point 133 et arrêt Kaufring AG précité, point 225) et qu'elle ne doit pas tenir compte uniquement des agissements des opérateurs mais doit également tenir compte du comportement des autorités douanières ou communautaires concernées.

120.Concernant la notion de situation particulière, son existence est établie lorsqu'il ressort des circonstances de l'espèce que le redevable se trouve dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité et que, en l'absence de ces circonstances, il n'aurait pas subi le préjudice lié à la prise en compte a posteriori des droits de douane (CJCE 7 septembre 1999, De Haan, C-61/98, points 52 et suivants).

121.En l'espèce, la société Newcom n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence de RTC, délivrés à la demande de tiers, retenant la position 8522 pour différents produits TVIX, dans la mesure où elle aurait été placée dans la même situation qu'eux si elle avait, aux mêmes périodes, sollicité de nouveaux RTC après l'arrivée sur le marché de nouveaux produits. Il lui appartenait en effet de se prémunir contre les risques d'une action en recouvrement a posteriori, comme l'ont fait ces tiers.

122.Le paiement des droits légalement dus doit être considéré comme faisant partie du risque commercial normal incombant à l'opérateur. Par suite, le fait que la société Newcom n'ait pas été directement informée des démarches entreprises par son commissionnaire en douane en 2007 pour s'assurer de la classification applicable aux produits importés n'est pas une circonstance permettant l'application de l'article 239 du code des douanes. L'administration des douanes ne saurait en effet être tenue de supporter les conséquences préjudiciables du défaut d'information reproché au partenaire de la société Newcom. Comme la CJUE l'a relevé dans l'arrêt Faroe Seafood e.a. (arrêt du 14 mai 1996, C-153/94 et C-204/94, point 114), il revient aux opérateurs économiques de prendre, dans le cadre de leurs relations contractuelles, les dispositions nécessaires pour se prémunir contre les risques d'une action en recouvrement a posteriori.

123.La circonstance que la société Newcom ait déposé de nombreuses déclarations entre juin 2006 et avril 2009 n'est pas davantage opérante, dès lors qu'il n'est pas établi, comme il a été dit dans les développements qui précèdent, que les autorités douanières savaient ou auraient dû savoir que les différentes marchandises en cause ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier de la position 8522, laquelle avait été appliquée sur la base d'une description erronée et d'un renvoi inexact au bénéfice du RTC délivré le 15 mai 2006 pour le modèle TVIX 3000.

124.Force est toutefois de constater que les positions successivement prises par l'administration concernant le modèle TVIX 3000, à l'occasion des RTC délivrés à la société Newcom, reflètent un contexte de relative incertitude concernant l'interprétation de la NC.

125.Ainsi, après avoir délivré à la société Newcom, le 16 février 2005, un premier RTC n° FR-E6-2004-004086 (pièce de la société Newcom n° 2) classant à la position 8521 le modèle TVIX soumis au contrôle de son laboratoire 'correspondant à un boîtier conçu pour l'enregistrement de fichiers multimédia et leur conversion en formats analogiques en vue de la lecture de photographies et fichiers sur un poste de télévision et l'écoute de musique sur chaîne hi-fi, appareil fonctionnant à l'aide d'un disque dur non présent que l'acheteur installe lui-même ', l'administration lui a délivré le 15 mai 2006 le RTC 2006 classant ce modèle à la position tarifaire 8522, puis, par décision du 11 mai 2009, elle l'a informé de ce que le RTC 2006 était invalidé à la suite de la publication du règlement (CE) n° 295/2009 du 18 mars 2009 qui classe un boîtier multimédia sans disque dur à la position 8521 en considérant qu'il constitue un appareil d'enregistrement ou de reproduction vidéophonique.

126.Cette situation, fort regrettable, n'est toutefois pas de nature à permettre l'application de l'article 239 invoqué, faute de placer la société Newcom dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité.

127.La seconde condition requise, tenant à l'absence de manoeuvres ou négligence manifeste, n'est en outre pas remplie, compte tenu :

' des descriptions et mentions inexactes figurant sur les déclarations d'importation ' déjà évoquées ' par lesquelles la société Newcom, professionnelle de l'importation, s'est prévalue, jusqu'en avril 2009 et pour tous les nouveaux modèles qu'elle a commercialisés, du RTC 2006 délivré pour un produit distinct ;

' et de la différence significative de tarifications entre les classes 8521 et 8522 qui aurait dû la conduire, comme tout professionnel avisé, à solliciter de nouveaux RTC, dès lors que ses nouveaux produits avaient connu d'importantes évolutions technologiques susceptibles d'avoir une incidence sur leur classement.

128.Sur le premier point, la Cour observe également qu'à la question n° 5 posée au directeur général de la société Newcom (pièce de l'administration des douanes n° 7), il a été répondu que le fournisseur avait, lors des importations, fait figurer sur ses factures et à la demande de la société Newcom, la mention « boîtiers nu informatique sous code douane : 85229900 (RTC du 15-05-2006) pour l'ensemble de la gamme TVIX ».

129.La référence expresse au RTC 2006 sur les déclarations et factures de marchandises qui n'étaient pas concernées par le renseignement délivré, comme l'ajout sur le RTC 2006 de la mention manuscrite « For product TVIX 2000, 2000 lite, 3000, 3100B, 3100S, 4000, 5000, and other ref in future » (pièce de la société Newcom n°3), destinés à conférer à la classification appliquée une autorité qu'elle n'avait pas, caractérisent des man'uvres au sens de l'article 239 § 1 du code des douanes communautaire.

130.Sur le second point, la Cour renvoie à la situation décrite entre 2006 et 2009 et à la position douanière française prise lors de la délivrance du RTC 2006 et jusqu'à son invalidation le 28 avril 2009, qui classait le seul produit alors commercialisé par la société Newcom (TVIX 3000) en position 8522, au motif qu'il était dépourvu de disque dur et ne fonctionnait pas de manière autonome. La circonstance que la société Newcom ait étendu à d'autres produits un RTC qui avait été délivré en considération des caractéristiques et propriétés objectives du TVIX 3000, sans s'assurer que l'autonomie de ses nouveaux produits restait sans incidence sur la classification qu'elle continuait de leur appliquer, caractérise une négligence manifeste de la société Newcom, compte tenu de son expérience professionnelle.

131.Il s'ensuit que les conditions d'application de l'article 239 § 1 du code des douanes communautaire ne sont pas réunies.

III. SUR LES DEMANDES FONDÉE SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET SUR LES DÉPENS

132.L'administration des douanes demande la condamnation de la société Newcom, représentée par la société SMJ au paiement de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

133.Le liquidateur de la société Newcom demande la condamnation de l'administration des douanes à lui verser la somme de 5 000 euros au même titre.

***

Sur ce, la Cour,

134.L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes de condamnation présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

*

* *

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement rendu le 20 juillet 2015 par le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris ;

Statuant à nouveau,

DIT que les conditions d'application de l'article 220 paragraphe 2 point b) du code des douanes communautaire ne sont pas réunies à l'égard de la société Newcom distribution ;

DIT que les conditions d'application de l'article 239 du code des douanes communautaire ne sont pas davantage remplies pour faire obstacle au recouvrement de l'AMR n° 610/210/024 émis le 9 mars 2010 à l'encontre de cette société ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,

Gérald BRICONGNE

LA PRÉSIDENTE,

Brigitte BRUN-LALLEMAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/07172
Date de la décision : 10/09/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°19/07172 : Statue à nouveau en faisant droit à la demande en tout ou partie


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-10;19.07172 ?
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