Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2020
(n° 249 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/14797 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMQI
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Juin 2019 -Président du TC de NANCY - RG n° 2019001912
APPELANTES
SARL SOCIÉTÉ DE NETTOYAGE ET D'AGENCEMENT 21 (SNA 21), représentée par son gérant en exercice
[Adresse 1]
[Adresse 1]
SARL SOCIÉTÉ DE NETTOYAGE ET D'AGENCEMENT 57 (SNA 57), représentée par son gérant en exercice
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentées par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Assistées par Me Jean-Eudes CORDELIER, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE
Société LIDL, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siègé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée par Me Myriam OUABDESSELAM, substituant Me Antoine DEROT de la SELARL Reinhart Marville Torre, avocat au barreau de PARIS, toque : K30
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Juin 2020, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Carole CHEGARAY, Conseillère conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre
Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère
Mme Carole CHEGARAY, Conseillère
Qui ont en délibéré,
Greffier, lors des débats : Anaïs SCHOEPFER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffière.
M. [S] [C] est le fondateur et gérant de la société de nettoyage et d'agencement 21 dite SNA 21, laquelle exerce une activité de nettoyage, d'entretien et d'aménagement des lieux de vente et déploie ses services dans les régions Bourgogne Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes. La quasi-totalité de l'activité est mise au service du groupe Lidl.
M. [S] [C] est également le fondateur et gérant de la société de nettoyage et d'agencement 57 dite SNA 57 dont l'objet social est identique à celui de la société SNA 21 et qui déploie la quasi-totalité de ses services au profit du groupe Lidl et de ses magasins répartis en région Meurthe-et-Moselle.
Constatant au cours des derniers exercices le départ non justifié d'une grande partie de leurs salariés, la création concomitante de structures concurrentes et l'érosion très significative de leur chiffre d'affaires et soupçonnant la société Lidl d'en être à l'origine, la société SNA 21 et la société SNA 57 ont, par requêtes du 20 novembre 2018, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, sollicité du président du tribunal de commerce de Nancy qu'il ordonne de faire pratiquer des mesures d'instruction in futurum au sein de plusieurs établissements de la société Lidl ainsi que chez plusieurs concurrents en vue d'appréhender tous éléments de nature à prouver l'existence et l'étendue des relations d'affaires nouées entre le groupe Lidl et les sociétés SB Services, HK Services, MS Multiservices, M. [P] [B], M. [G] [M] et M. [R] [C] d'une part, le groupe Lidl et la société Blue Concept d'autre part.
Par deux ordonnances du 17 décembre 2018, il a été fait droit à leur demande.
Les mesures ordonnées ont été pratiquées le 17 janvier 2019.
Par actes des 20 et 25 mars 2019, la société Lidl a fait assigner en référé la société SNA 21 et la société SNA 57 devant le tribunal de commerce de Nancy aux fins de rétractation des ordonnances du 17 décembre 2018.
Par ordonnance de référé contradictoire du 26 juin 2019, le tribunal de commerce de Nancy a:
Vu ensemble les articles 16, 493, 145 et 497 du code de procédure civile,
- rétracté dans leur intégralité les ordonnances rendues sur requête le 18 décembre 2018,
- ordonné aux huissiers instrumentaires de détruire l'intégralité des documents appréhendés quels qu'en soient leurs supports,
- condamné la société SNA 21 et la société SNA 57, pour moitié chacune, aux dépens de l'instance,
- condamné in solidum la société SNA 21 et la société SNA 57 à payer à la société Lidl la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant déclaration du 17 juillet 2019, la société SNA 21 et la société SNA 57 ont interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de cette ordonnance.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 octobre 2019, la société SNA 21 et la société SNA 57 demandent à la cour de :
Vu les dispositions des articles 145 et 497 du code de procédure civile,
Vu les pièces produites,
Vu les jurisprudences citées,
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Nancy du 26 juin 2019,
- confirmer en toutes leurs dispositions les ordonnances du président du tribunal de commerce de Nancy du 17 décembre 2018,
- débouter la société Lidl de l'intégralité de ses demandes et prétentions,
- condamner la société Lidl à payer aux sociétés SNA 21 et SNA 57 la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2019, la société Lidl demande à la cour de :
Vu l'article 145 du code de procédure civile,
Vu les articles 493, 494 et suivants et 954 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces listées en fin d'acte,
- dire et juger que ni les requêtes du 20 novembre 2018 ni les ordonnances du 17 décembre 2018 ne justifient de la nécessité de déroger au principe du contradictoire,
- dire et juger que les sociétés SNA 21 et SNA 57 n'établissent pas de motif légitime sérieux justifiant les mesures d'instruction autorisées par les ordonnances du 17 décembre 2018,
- dire et juger que les mesures ordonnées par les ordonnances du 17 décembre 2018 ne sont pas légalement admissibles en ce qu'elles sont disproportionnées et causent une atteinte légitime aux droits de la société Lidl,
En conséquence,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce sur requête du 17 décembre 2018 et d'autre part ordonné aux huissiers instrumentaires de détruire l'intégralité des documents appréhendés quels qu'en soient leurs supports,
- condamner conjointement et solidairement les sociétés SNA 21 et SNA 57 à payer à la société Lidl la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les sociétés SNA 21 et SNA 57 aux entiers dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mars 2020.
MOTIFS
Sur la rétractation :
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L'article 493 du même code prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s'y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci.
Il doit ainsi apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.
Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.
Plus particulièrement, concernant le motif légitime, l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu'il existe un procès en germe possible et non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu'il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond.
En l'espèce, pour justifier du motif légitime à l'appui de sa requête, les sociétés SNA 21 et SNA 57 font valoir qu'elles envisagent d'engager une action en rupture brutale des relations commerciales, sur le fondement de l'article L442-6 I 5° du code de commerce, dirigée à l'encontre de la société Lidl et qu'elles sollicitent au préalable le bénéfice des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile afin de compléter les preuves dont elles disposent de l'orchestration par le groupe Lidl de leur mise à l'écart progressive et avérée au profit d'une concurrence moins chère.
Les sociétés appelantes invoquent au soutien de leur procès possible contre la société Lidl le seul fondement de l'article L442-6 I 5° du code de commerce (devenu l'article L442-1 II) qui dispose qu''engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels', et ce à l'exclusion de tout autre fondement tel la concurrence déloyale notamment. Or l'article précité ne sanctionne que la brutalité de la rupture à raison de l'absence de préavis suffisant pour la mise en oeuvre duquel il n'est pas nécessaire de recourir aux mesures in futurum sollicitées, s'agissant d'établir l'existence de la relation entre les parties, son ancienneté, sa stabilité et sa rupture totale ou partielle.
En conséquence, faute pour les sociétés SNA 21 et SNA 57 de justifier d'un motif légitime à l'obtention des mesures sollicitées, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres conditions de l'article 145 du code de procédure civile, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise qui a fait droit à la demande de rétractation.
Sur les autres demandes :
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.
Les sociétés SNA 21 et SNA 57 qui succombent supporteront in solidum la charge des dépens d'appel et seront condamnées in solidum à payer à société Lidl la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés SNA 21 et SNA 57 aux dépens d'appel,
Condamne in solidum les sociétés SNA 21 et SNA 57 à payer à la société Lidl la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Président,