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26/06/2020 | FRANCE | N°17/18942

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 26 juin 2020, 17/18942


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 11



ARRÊT DU 26 JUIN 2020



(n° , 20 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/18942 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4HXU



Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 06 Octobre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2013000080

Jugement du 06 Novembre 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J201300008

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APPELANTES



SARL GPC INSTRUMENTATION PROCESS

prise en la personne de ses représentant légaux



[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

immatriculée au Registr...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRÊT DU 26 JUIN 2020

(n° , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/18942 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4HXU

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 06 Octobre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2013000080

Jugement du 06 Novembre 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2013000080

APPELANTES

SARL GPC INSTRUMENTATION PROCESS

prise en la personne de ses représentant légaux

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Pontoise sous le numéro 421 314 386

représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0050

assistée de Me Nicolas CONTIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0412

SAS BLANC-MESNIL ENERGIE SERVICES (BMES)

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bobigny sous le numéro B 440 117 307

représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0046

assistée de Me Xavier SAVIGNAT, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0297

INTIMEES

SARL GPC INSTRUMENTATION PROCESS

prise en la personne de ses représentant légaux

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Pontoise sous le numéro 421 314 386

représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0050

assistée de Me Nicolas CONTIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0412

SAS BLANC-MESNIL ENERGIE SERVICES (BMES)

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bobigny sous le numéro B 440 117 307

représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0046

assistée de Me Xavier SAVIGNAT, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0297

SA AXA FRANCE IARD

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 722 057 460

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0111

assistée de Me Anne-Claire GARNIER, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : G0037

SAS SOCIÉTÉ DE MAINTENANCE PÉTROLIÈRE (SMP)

prise en la personne de ses représentants légaux

[Localité 2]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'Orléans sous le numéro 417 549 029

assistée de Me Céline LAVERNAUX de l'AARPI AVA Avocats Associés, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : D0167

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise BEL, Présidente de chambre

Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

Et en présence de Mme Audrey HALLOT, greffier stagiaire.

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, la date initialement annoncée aux parties ayant dû être reportée en raison de l'état d'urgence sanitaire, ce dont, pour le même motif, les parties n'ont pu être avisées par le greffe qu'à l'issue de la période de confinement dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, 

- signé par Mme Françoise BEL, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Faits et procédure

La société GPC Instrumentation Process (GPC IP) est spécialisée dans la maîtrise d''uvre et l'ingénierie d'exploitation de gisements énergétiques (notamment géothermie).

Par une délégation de service public conclue le 1er juillet 2002, le Syndicat d'Equipement et d'Aménagement des Pays de France et de l'Aulnoye (SEAPFA), syndicat intercommunal de droit public, a confié à la société Coriance, société de droit privé, le service public de la production et de la distribution de chaleur de la ville du Blanc-Mesnil.

La société Blanc-Mesnil Energie Services (BMES) a été constituée par la société Coriance en vue de la gestion de la délégation de service public pour la production et la distribution de chaleur constituant le réseau de chauffage urbain de la ville du Blanc-Mesnil.

La société BMES a confié à la société GPC IP une opération de démontage et de remontée d'une pompe immergée en octobre 2003. Au cours de l'opération, le tube auxiliaire d'injonction (TAI) de 2000 mètres de long a été cassé, nécessitant son repêchage puis remontage par la société GPC IP et la société de Maintenance Pétrolière (SMP) qui se sont terminés le 26 novembre 2003. A la suite de la remise en service du puits, il était constaté la chute du rendement du puits à 53 m3 heure (contre 100 m3 heure auparavant).

Le débit prévu n'étant pas recouvré malgré de nouveaux travaux sollicités auprès de la société GPC IP qui dressait un rapport de fin d'opération le 22 novembre 2004, la société BMES a introduit une action en référé devant le tribunal administratif de Cergy Pontoise qui par ordonnance du 31 juillet 2007, a ordonné une expertise. Le rapport final d'expertise a été déposé par M. [E] le 30 novembre 2010.

Par actes du 27 avril 2011, la société BMES a assigné la société GPC IP et son assureur, la société Axa France Iard (Axa) devant le tribunal de commerce de Paris. Par acte du 15 novembre 2011, la société Axa a assigné en intervention forcée la société SMP intervenue aux côtés de la société GPC IP dans le cadre des travaux en cause, ainsi que son assureur, la société Gan Eurocourtage. La société Gan Assurance est intervenue volontairement à l'instance. Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement du 12 octobre 2012, le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré compétent et a fait injonction à la société GPC IP d'avoir à conclure sur le fond.

Par jugement avant dire droit du 6 novembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

- sursis à statuer sur la demande de production de pièces supplémentaires de la société GPC IP et de son assureur dans l'attente du débat de fond permettant de déterminer de l'utilité de ces pièces,

- renvoyé l'affaire à l'audience du 17 décembre 2015 pour conclusions au fond et fixation d'une audience devant le juge chargé d'instruire l'affaire,

- condamné la société GPC IP aux dépens de l'incident qui seront liquidés avec le jugement définitif.

Par jugement du 6 octobre 2017 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

- pris acte de l'intervention volontaire de la société Gan assurances, ès qualité d'assureur de la société SMP ;

- débouté la société GPC IP et la société Axa de leur demande de nullité du rapport d'expertise ;

- condamné la société GPC IP à payer à la société BMES la somme de 1.310.677 euros HT à titre de dommages et intérêts majorée du taux de l'intérêt légal à compter de la saisine du tribunal administratif de Cergy Pontoise ;

- débouté la société BMES de ses demandes envers la société Axa ;

- débouté la société GPC IP de ses demandes de communication de pièces complémentaires;

- mis hors de cause la société SMP et la société Axa ;

- débouté la société SMP et la société Axa de leur demande de dommage et intérêts ;

- condamné la société GPC IP à payer à la société BMES la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société GPC IP à payer à la société Axa la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Axa à payer à la SMP et la société Gan assurances la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société GPC IP aux dépens.

Le tribunal a tout d'abord écarté le moyen de nullité du rapport d'expertise aux motifs que le rapport de l'expert a répondu aux dires des parties, l'expert indépendant n'étant pas dans l'obligation de prendre en compte les objections formulées, et que les sociétés GPC IP et Axa ne démontraient pas avoir saisi le juge chargé du contrôle des expertises en raison de non-respect du principe du contradictoire par l'expert.

Il a ensuite relevé que le préjudice pour lequel la société BMES sollicite une indemnisation est un préjudice d'exploitation dû à la baisse de débit d'eau chaude et que le débat entre les parties porte sur le lien causal entre ledit préjudice et les travaux réalisés sous la conduite de la société GPC IP. Il a alors considéré au vu du rapport d'expertise qui démontre que la perte de débit est due à deux phénomènes, les travaux de work over réalisés en novembre 2003 et l'encrassement du tubage inhérent à l'exploitation du puits, que la société GPC IP était bien fautive dans la réalisation de la prestation et que sa responsabilité devait être retenue à hauteur de 50% des préjudices allégués. Le tribunal a constaté qu'aucun des contrats d'assurance souscrits par la société GPC IP auprès de la société Axa ne s'appliquait aux faits dommageables et que le préjudice ne pouvait être couvert par l'assureur, et a débouté la société BMES de sa demande de condamnation solidaire de l'assureur.

Le tribunal a en outre débouté la société GPC IP de sa demande de communication de pièces la considérant comme inutile au regard des éléments fournis par le rapport d'expertise.

Il a enfin considéré que la société SMP simple exécutant des travaux demandés par la société GPC IP devait être mise hors de cause ainsi que son assureur la société Gan assurance.

Par déclaration au greffe du 13 octobre 2017, la société GPC IP a interjeté appel du jugement du 6 novembre 2015 et du jugement du 6 octobre 2017, intimant les sociétés BMES, Axa et SMP. Par acte du 31 octobre 2017, la société BMES a également fait appel du jugement du 6 octobre 2017 en intimant les sociétés GPC IP et Axa . Les instances ont été jointes par ordonnance du 13 septembre 2018.

Moyens et prétentions des parties

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 16 décembre 2019, la société GPC IP demande à la cour, au visa des articles 16 et 276 du code de procédure civile et 1147 du code civil dans sa version applicable aux faits du litige, de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 6 octobre 2017 rendu par le tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de communication de pièces complémentaires qui n'a plus d'objet compte tenu de l'évolution de l'instance, et ce qui rend également sans objet l'appel du jugement avant-dire droit du 6 novembre 2015 rendu par le tribunal de commerce de Paris ;

En statuant à nouveau :

- In limine litis, prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [E] en date du 30 novembre 2010 ;

- A titre principal, débouter la société BMES de l'ensemble de ses demandes, sauf celles tendant à la condamnation de la société Axa France Iard, si par extraordinaire la cour venait à entrer en condamnation à son encontre ;

- A titre très subsidiaire, si par extraordinaire la cour entrait en voie de condamnation à son encontre, tout en retenant la valeur de débit avancée par elle (110 m3/h), la condamner à payer à la société BMES la somme de 262.135,42 euros HT ;

- Ou, à titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire la cour entrait en voie de condamnation à son encontre en ne retenant pas la valeur de débit avancée par elle (110 m3/h), la condamner à payer à la société BMES la somme de 419.736,66 euros HT ;

- En tout état de cause, s'agissant des demandes subsidiaires par elle formulées :

o débouter la société Axa France Iard de l'ensemble de ses demandes de refus de garantie ;

o condamner la société Axa France Iard à la garantir et laisser indemne de toute condamnation pécuniaire qui pourrait être prononcée à son encontre dans le cadre de la présente instance ;

- Si la cour venait à juger que cette garantie d'assurance ne peut pas trouver application, condamner la société SMP à la garantir et laisser indemne de toute condamnation pécuniaire qui pourrait être prononcée à son encontre dans le cadre de la présente instance et débouter la société SMP de l'ensemble de ses demandes ;

- En tout état de cause :

o rejeter l'ensemble des demandes des parties visant à obtenir sa condamnation au paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

o condamner la société BMES à lui payer la somme de 10.000 euros, à parfaire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre liminaire, sur la nullité du rapport d'expertise, la société GPC IP affirme que l'expert n'a pas répondu à ses dires produits les 9 juillet, 29 juillet et 15 octobre 2010. Elle soutient également que l'expert a considérablement modifié ses conclusions techniques entre le pré-rapport et le rapport définitif, sur la base d'une démonstration nouvelle non soumise à la contradiction.

L'appelante réfute toute faute qui lui serait imputable estimant avoir respecté ses obligations contractuelles dont son obligation de conseil à l'égard de la société BMES. Elle affirme avoir préconisé un nettoyage en profondeur du puits avant le début des opérations en indiquant à la société BMES que cela permettrait de faire passer le débit de production actuel de 80m3/h à 2 bars en tête de puits à 110 m3/h. Elle soutient que la société BMES a refusé de procéder à ce nettoyage qui a fini par être réalisé en 2009 au cours de l'expertise avec l'intervention de la société Dietswell. Elle précise en outre que la cassure du TAI est un incident qui n'est pas rare sur des installations de géothermie vétustes et encrassées. L'appelante affirme avoir proposé un devis-programme de repêchage à la société BMES qui l'a accepté, et avoir exécuté ses obligations conformément à ce devis qui ne comportait pas de travaux au delà du sabot, comme demandé par la société BMES. Elle ajoute avoir mesuré le débit du puits en fin de travaux, contrairement aux dires de l'expert.

L'appelante fait également valoir qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les fautes alléguées et le désordre objet de la demande indemnitaire. Elle soutient que la diminution du débit due à l'encrassement du tubage ne lui est pas imputable, ce qui a été retenu tant par l'expert que par le tribunal. Elle ajoute que l'obstruction ne peut être causée par la cassure du TAI en 2003/2004 repêché dans son intégralité, que la baisse de débit est due majoritairement à l'encrassement et à la présence de débris et non pas à l'obstruction et que l'état vétuste et délabré du puits démontre que le débit a baissé naturellement même après les opérations d'expertise. Elle précise que l'expert lui-même a considéré au sein de son rapport, une fois appliqué le bon calcul, que la baisse de débit était liée à 80% à l'encrassement.

L'appelante estime par ailleurs que la société BMES ne justifie pas de l'existence d'un préjudice réparable. Elle considère comme manifestement infondés les postes de préjudices invoqués par la société BMES que sont un préjudice d'exploitation dont elle est en grande partie responsable, ce préjudice devant s'analyser en un préjudice de perte de chance, les frais de maîtrise d'oeuvre étant surévalués, les frais de la société SMP n'étant pas ceux acquittés, et les frais d'assurance étant hors marché et exorbitants.

A titre subsidiaire, elle considère que la condamnation au paiement de la somme de 1.310.677 euros ordonnée par le tribunal repose sur une mauvaise prise en compte par l'expert des données factuelles du litige. Elle soutient en effet que l'objectif de son intervention était d'amener le débit du puits de forage de 80 m3/h à 110 m3/h et que c'est donc cette dernière donnée qui aurait dû être prise en compte comme base de calcul du dommage qui lui est imputable, et non celle de 182 m3/h retenue par l'expert, obtenue à la fin de l'expertise, après travaux de décrassage et de perforation de l'obstruction.

L'appelante sollicite la garantie de son assureur, expliquant que le contrat d'assurance de responsabilité civile qu'elle a souscrit auprès de la société Axa contient des conditions particulières selon lesquelles l'assureur la garantit dans l'hypothèse de l'engagement de sa responsabilité civile professionnelle pour certaines activités qui couvrent notamment l'opération effectuée dans le cadre du présent litige, analysée selon elle comme un service d'ingénierie et de maintenance. Elle considère en outre que le sinistre en cause est bien couvert par son contrat d'assurance conformément à l'article L.124-5 du code des assurances, le fait dommageable étant intervenu avant l'expiration de la garantie portée par le contrat d'assurance.

Enfin, la société GPC IP fait valoir à titre subsidiaire, que la société SMP est tenue à une obligation de garantie à son égard. Elle précise que l'ensemble des désordres invoqués par la société BMES ont pour origine l'intervention de la société SMP quand bien même elle serait intervenue sous sa supervision, la cassure du TAI en 2003 étant intervenue lorsque la société SMP était en train de réaliser une opération de remontage dudit TAI. L'appelante en conclut que la société SMP ne peut être déclarée étrangère aux faits de la cause.

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 18 décembre 2019, la société Axa France Iard demande à la cour, au visa du code des assurances et de l'article 16 du code de procédure civile de :

A titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2017 en ce qu'il l'a mise hors de cause ;

- rejeter les demandes présentées à son encontre par la société GPC IP et par la société BMES ainsi que par la société SMP ;

- rejeter comme irrecevable et mal-fondée la demande subsidiaire formulée par la société BMES tendant à obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 2.097.683,37 € HT à titre indemnitaire, le tout avec intérêts à compter de la saisine du tribunal administratif, ainsi que, le cas échéant, par toutes autres parties ;

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2017 en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société SMP la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, dans la seule hypothèse où la cour venait à retenir la mobilisation de l'une ou l'autre des polices d'assurance :

En premier lieu,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2017 en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à voir déclarer nul le apport d'expertise de M. [E], et, déclarer nul le rapport d'expertise de M. [E] ;

- infirmer le jugement en cause en ce qu'il a fait droit aux demandes pécuniaires de la société BMES sans autre examen que l'homologation du rapport d'expertise de M. [E];

En second lieu,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2017 en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société GPC IP et mettre cette société hors de cause ainsi qu'elle même en qualité d'assureur ;

- rejeter l'appel principal et incident de la société BMES sollicitant d'une part, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 1.310.677 € HT et d'autre part, sa demande de condamnation de la société GPC IP à lui payer, sous sa garantie, la somme de 2.097.683,37 € HT, le tout avec intérêts à compter de la saisine du tribunal administratif :

En troisième lieu,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2017 en ce qu'il a fait droit, même à hauteur de 50 % seulement, aux demandes pécuniaires de la société BMES et dire cette société mal fondée en son quantum des préjudices allégués et l'en débouter intégralement ;

- rejeter l'appel, principal et incident, de la société BMES sollicitant d'une part, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 1.310.677 € HT et d'autre part, sa demande incidente de condamnation de la société GPC IP à lui payer, sous sa garantie, la somme de 2.097.683,37 € HT, le tout avec intérêts à compter de la saisine du tribunal administratif :

En quatrième lieu,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2017 en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société GPC IP et l'a condamnée à indemniser la société BMES ;

Et donc,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2017 en ce qu'il a fait droit, même à hauteur de 50 % seulement, aux demandes pécuniaires de la société BMES et rejeter en conséquence toutes demandes, toutes prétentions à son encontre par cette société ;

- rejeter l'appel, principal et incident, de la société BMES sollicitant d'une part, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 1.310.677 € HT et d'autre part, sa demande incidente de condamnation de la société GPC IP à lui payer, sous sa garantie, à lui payer la somme de 2.097.683,37 € HT, le tout avec intérêts à compter de la saisine du tribunal administratif :

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour croyait devoir faire droit en tout ou partie, aux prétentions formulées par la société GPC IP et/ou la société BMES à son encontre,

- condamner la société SMP à la garantir in solidum de toutes condamnations pécuniaires au premier euro qu'elle serait contrainte de supporter dans le cadre de la présente procédure ;

- la dire recevable et bien fondée à opposer tant à la société BMES qu'à la société GPC IP ou à toutes autres parties les limites, franchises et plafonds de garantie de la police appliquée s'agissant de la société GPC IP ;

- rejeter les moyens et demandes présentées par la société SMP à son encontre ;

En tout état de cause,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2017 en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société SMP la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter toutes demandes présentées à son encontre ;

- rejeter intégralement l'appel, principal et incident de la société BMES sollicitant d'une part, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 1.310.677 € HT et d'autre part, sa demande incidente de condamnation de la société GPC IP à lui payer, sous sa garantie, la somme de 2.097.683,37€ HT, le tout sous intérêts à compter de la saisine du tribunal administratif ;

- rejeter l'appel, principal et incident, de la société GPC IP dirigé à son encontre ;

- condamner la société BMES, ou tous autres succombants, à lui payer :

- à titre de procédures abusives et vexatoires, la somme de 100.000 €,

- sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 20.000 € ;

- les voir condamner aux entiers dépens de la présente instance et ceux de première instance, dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Axa soutient que le fait dommageable est, sans la moindre ambiguïté, rattaché à l'année 2003 par la Saf environnement dans son rapport au comité technique du 17 février 2006. Elle ajoute que la perte de débit et de température, c'est à dire les conséquences du fait dommageable, ont été constatées immédiatement au jour de remise en exploitation du puits, soit le 1er décembre 2003.

Elle en déduit que la seule police d'assurance correspondant à la période du fait dommageable est donc la police n°37503517917087 souscrite le 27 mars 2000 par la société GPC Geoproduction, tant pour son compte que pour celui de la société GPC IP, cette police ayant pris effet le 14 août 1999 et expiré le 31 décembre 2003. La société Axa précise toutefois que cette police est inapplicable puisqu'elle couvre la responsabilité de la société GPC IP « exclusivement pour l'activité de contrôle périodique de la ressource caractéristique et des qualités géochimiques du réseau de chaleur de [Localité 5] » et ne concernait nullement le chantier du Blanc Mesnil. Elle précise que l'attestation qu'elle a établie n'induit pas le tiers en erreur, celle-ci renvoyant pour la délimitation des activités assurées et son étendue au contrat qui comporte des « limites » et prévoit clairement la limitation précitée.

Elle soutient en outre que la police d'assurance n°22 110 0404 n'est pas plus applicable puisqu'elle a pris effet du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004 et que les conséquences de l'incident sur le débit ont été constatées par tous les intervenants dès le mois de décembre 2003. Elle prétend que le fait dommageable a eu lieu au cours de l'année 2003 et que la responsabilité de la société GPC IP (et par conséquent de la société Axa) ne peut être recherchée pour des manquements commis au cours du 1er trimestre 2004 au titre de son obligation de conseil puisque ce défaut de conseil portait sur le sinistre survenu en 2003. Elle ajoute que les conditions générales de l'assurance souscrite précisent que « sont exclus de la garantie tous sinistres se rapportant à des faits ou événements connus de l'assuré à la date de prise d'effet de la garantie concernée ». Elle affirme également que l'attestation émise au titre de la police couvrant l'année 2004 exclut l'activité de forage laquelle doit faire l'objet d'une sous-traitance, et que la société BMES ne peut soutenir que son préjudice ne proviendrait pas de la casse du TAI mais d'un défaut de conseil de la société GPC IP.

Elle en conclut qu'aucune des polices d'assurance alléguées ne peut être mobilisée au profit tant de la société BMES que de la société GPC IP.

A titre subsidiaire, la société Axa invoque en premier lieu la nullité du rapport d'expertise judiciaire de M. [E] dont les opérations ont été, selon elle, entachées d'irrégularité. Elle reproche à l'expert de n'avoir procédé à aucun contrôle concernant l'analyse des préjudices allégués par la société BMES (notamment le préjudice d'exploitation) par l'éventuelle intervention d'un sapiteur. Elle ajoute que M. [E] n'a pas pris en considération l'ensemble de ses remarques et observations et que celui-ci a procédé à une dénaturation totale des documents en ne prenant pas en compte la part prépondérante de l'éventuelle responsabilité de la société SMP. Elle considère que ces carences particulièrement graves des opérations d'expertise de M. [E] ainsi que l'absence de prise en compte de l'ensemble des arguments qui lui ont été transmis, ont conduit à rompre manifestement le principe du contradictoire.

En second lieu, sur le comportement prétendument fautif de la société GPC IP, la société Axa considère que cette société n'avait aucune mission de maîtrise d''uvre mais qu'elle intervenait en tant qu'entreprise générale devant exécuter les travaux. Elle prétend en outre que les relations contractuelles ayant existé entre la société BMES et la société GPC IP étaient des relations entre professionnels de la même spécialité. Elle ajoute que l'exploitation et le renouvellement par le délégataire (la société BMES) de l'ensemble des ouvrages existants, nécessaires au service destiné à la production, au transport et à la distribution de chaleur, se font à ses risques et périls. Elle affirme que c'est en réalité la société SMP qui a été défaillante dans le cadre de ses prestations et notamment à l'occasion de la casse du TAI, et retient que l'absence de travaux au-delà du sabot, préconisés par la société GPC IP, résulte d'une décision du maître de l'ouvrage (la société BMES) qui n'a pas souhaité y procéder pour des raisons de coûts. La société Axa considère donc la société BMES responsable du préjudice qu'elle allègue en ce qu'elle a choisi, pour des questions budgétaires, de réduire les prestations proposées par la société GPC IP.

Quant à l'absence de mesure de débit du puits en fin de travaux, la société Axa considère que la société BMES, en qualité de professionnelle dans son activité, était parfaitement à même de prévoir ou non l'utilité d'une telle prestation ou d'une telle investigation.

Sur le quantum des préjudices allégués par la société BMES, la société Axa soutient que celle-ci demandant le remboursement des frais d'assurance, laisse supposer qu'elle a d'ores et déjà souscrit une police dite « Tous Risques Chantier », et a potentiellement déjà été indemnisée. Elle prétend que les pertes d'exploitation alléguées sont fondées sur des tableaux annuels dont la société BMES ne justifie pas de la pertinence des données et des bases de calcul. Elle ajoute que le montant des frais de maîtrise d''uvre est contestable et que le devis correspondant prend en compte des frais injustifiés (déplacement en avion par exemple). Elle assure n'avoir pas été informée des prestations prévues par la société SMP avant qu'elles ne soient engagées, et que celles-ci ne lui sont donc pas opposables. Enfin, la société Axa considère que la procédure diligentée au fond auprès du tribunal de commerce constitue la première formulation d'une demande pécuniaire par la société BMES et que par conséquent les intérêts sur les sommes demandés doivent être calculés à compter du prononcé de la décision sur le fond par cette juridiction.

Sur l'absence de lien de causalité, la société Axa soutient que la perte de débit et de température sont la conséquence de l'encrassement particulièrement substantiel du puits, et que les conclusions de l'expert à cet égard sont très contradictoires. Elle ajoute qu'il y a lieu de prendre en considération, lors du calcul du rendement, l'aléa géothermal et que, par ailleurs, le puits litigieux avait, au moment du litige, plus de 20 ans soit la limite de la durée de vie prévisible de telles installations. La société Axa prétend également que la répartition de l'imputabilité des pertes de débit a été établie de manière très partiale par l'expert. Enfin, elle précise que la décision de la société BMES de passer en mode de fonctionnement artésien a nécessairement eu des répercussions sur le débit.

A titre incident, la société Axa considère le comportement de la société BMES blâmable et fautif et demande des dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Enfin, à titre subsidiaire, la société Axa réitère sa demande de condamnation de la société SMP à la garantir de toute condamnation qui viendrait à être prononcée à son encontre au bénéfice de la société BMES. Elle allègue en effet que c'est la société SMP qui a réalisé les travaux de forage ayant abouti à la casse du matériel litigieux et des opérations de repêchage des éléments du TAI. La société Axa considère que l'intervention de la société SMP sur demande de la société GPC IP pour les travaux de forage, ne la décharge pas de sa responsabilité liée aux incidents survenus sur son chantier, ni de son obligation de conseil.

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 19 décembre 2019, la société de Maintenance Pétrolière (SMP) demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2017,

- y ajoutant, condamner solidairement la société GPC IP et la société Axa France Iard à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société SMP soutient avoir été mise hors de cause par les conclusions finales de l'expert puisqu'elle n'a agi que sur les ordres de la société GPC IP pour l'opération de repêchage du TAI suite à sa rupture. Elle précise n'avoir eu aucune maîtrise dans le déroulé des opérations et qu'à ce titre elle ne peut être tenue responsable de la présence du corps étranger dans le découvert qui obstruait partiellement celui-ci et freinait le débit artésien du forage.

Elle ajoute que la demande de nullité du rapport formée par la société GPC IP présente un caractère dilatoire et qu'elle n'est fondée sur aucune conclusion technique permettant de la justifier.

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 9 décembre 2019, la société BMES demande à la cour, au visa des article 1134, 1135, 1147 du code civil et du rapport d'expertise de M. [E], de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 1.310.677 euros HT et condamné la société GPC IP à cette somme,

- condamner la société GPC IP à lui payer la somme de 2.098.683,37 euros HT,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes envers la société Axa France Iard,

- condamner la société Axa France Iard à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Subsidiairement, au visa de l'article 1382 du code civil, dire que la société Axa France Iard ne peut lui opposer les exceptions de garantie opposées à la société GPC IP et condamner la société Axa France Iard au paiement de 2.098.683,37 euros HT à titre indemnitaire,

En tout état de cause :

- débouter les sociétés GPC IP et Axa France Iard de l'intégralité de leurs demandes fins et conclusions,

- dire que l'ensemble des condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal administratif de Cergy Pontoise,

- condamner la société GPC IP et la société Axa France Iard à lui payer une somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens avec recouvrement en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société BMES se fonde sur le rapport d'expertise pour considérer que la société GPC IP a commis une faute matérielle en ne prenant pas, lors de l'opération de repêchage des débris du TAI, les mesures nécessaires pour repousser lesdits débris. Elle lui reproche également un défaut de conseil en s'abstenant de prendre les mesures du débit du puits en fin de travaux afin d'informer immédiatement le maître de l'ouvrage d'éventuelles difficultés, ce qui a été fait un an après les travaux de repêchage.

Sur la validité du rapport d'expertise, la société BMES réplique que l'expertise s'est déroulée sur le fondement des dispositions du code de la justice administrative. Elle prétend que l'expert a pris soin de répondre aux observations des parties et notamment à celles de la société GPC IP. Elle affirme également qu'aucune disposition de procédure n'imposait à l'expert d'informer les parties qu'il modifierait ses conclusions provisoires dès lors que l'argumentation sur laquelle il se fondait pour changer son appréciation avait été soumise à la contradiction.

Elle fait valoir qu'elle n'a jamais refusé de financer un nettoyage du puits, lequel était inclus dans les travaux de remontée de l'électropompe et du TAI. Elle précise avoir également ordonné une acidification du puits en 2004 afin de retrouver, en vain, une productivité du puits équivalente à celle existant avant les travaux. Elle affirme en outre que le devis-programme de repêchage du TAI daté du 31 octobre 2003, non signé par elle, n'est pas conforme aux allégations de la société GPC IP selon lesquelles le programme ne comportait pas de travaux au-delà du sabot. Elle fait valoir que le TAI n'a pas été intégralement remonté, dans la mesure où le rapport de fin de travaux indique que « des débris ont été poussés dans le puits », et que ce manquement de la part de la société GPC IP a empêché le puits de produire à nouveau son débit initial, les débris obstruant le passage de l'eau géothermale.

Elle soutient que le lien de causalité entre le préjudice allégué et les fautes reprochées à la société GPC IP est établi de manière incontestable par l'expert qui a chiffré les pertes de charges liées à l'obstruction du puits à 80%, et celles liées à l'encrassement à 20%.

La société BMES affirme avoir subi plusieurs préjudices constitués par des :

- Pertes d'exploitation : la production attendue du puits de 100m3/h n'ayant été atteinte qu'en 2009 à l'issue des opérations d'expertise. Elle soutient avoir été contrainte, dans l'intervalle, de recourir à une source d'énergie supplétive plus coûteuse que l'eau chaude produite naturellement par le puits de géothermie, le montant des pertes d'exploitation s'élevant à 1.576.118 euros HT,

- Dépenses induites par les travaux : en cours d'expertise, des investigations importantes ont été nécessaires pour déterminer les causes des désordres affectant le puits, ces travaux comprenant le poste de maîtrise d''uvre et les frais d'analyse se sont élevés à la somme de 933.703,21 euros HT,

- Frais d'assurance d'un montant de 113.533 euros TTC, une assurance spécifique ayant dû être souscrite pendant les travaux menés dans le cadre de l'expertise.

La société BMES prétend que l'évaluation de son préjudice est conforme aux dires de l'expert dans son rapport qui retient que l'origine de la perte de production est liée pour 80 % à l'obstruction du forage et pour 20% à son encrassement. Elle critique la décision du tribunal qui a réduit la responsabilité de la société GPC IP à 50% des préjudices allégués estimant que les premiers juges n'expliquent pas pour quelle raison ils considèrent le raisonnement adopté par l'expert contestable.

Sur la garantie de la société Axa, la société BMES soutient que la responsabilité de la société GPC IP n'a pas été exclusivement recherchée pour des faits dommageables ayant pris naissance à la fin de l'année 2003 mais également pour ses manquements au titre du devoir de conseil commis tout au long de l'année 2004 (pré rapport du 4 mars 2004 et préconisation d'une acidification en novembre 2004 un an après le sinistre). Elle ajoute que l'expert a en outre fixé l'origine du sinistre à l'année 2004. Elle soutient que c'est la survenance du dommage qui est le déclencheur de la garantie et qu'en l'espèce le dommage est apparu après la remise en service du puits le 10 novembre 2004 à l'occasion d'une opération d'acidification par la société GPC IP. Elle en déduit que le contrat d'assurance conclu en 2004 entre les sociétés GPC IP et Axa s'applique et que la compagnie d'assurance doit couvrir tout dommage survenu pendant cette période, et ce même si la faute de la société GPC IP a été commise antérieurement. Elle ajoute que le contrat d'assurance a été conclu en « base réclamations » et qu'il s'applique au sinistre dont elle a été victime.

Elle ajoute que l'assureur Axa a engagé sa responsabilité délictuelle en délivrant une attestation d'assurance datée du 5 mars 2003 et valable pour l'année 2003 qui ne mentionnait pas de restrictions géographiques aux activités de la société GPC IP et en déduit que la société Axa n'est pas recevable à lui opposer cette restriction géographique et qu'elle doit lui réparer son préjudice à hauteur de 2.098.683,37 euros HT.

Enfin, elle s'oppose à la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société Axa, celle-ci n'établissant aucune faute de sa part .

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Il ressort des dernières écritures de la société GPC IP que celle-ci ne maintient pas sa demande de communication de pièce et partant son appel formé contre le jugement avant dire droit en date du 6 novembre 2015 rejetant cette demande. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

- Sur la nullité du rapport d'expertise

Selon l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

L'article 276 du code de procédure civile prévoit quant à lui que l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge. Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties. L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.

La circonstance que la mesure d'instruction a été ordonnée par une juridiction administrative, en l'espèce le tribunal administratif de Cergy Pontoise, est indifférente, les principes de la contradiction et de loyauté des débats étant applicables devant tout ordre juridictionnel.

Il ressort du rapport d'expertise déposé par M. [E] le 30 novembre 2010, que celui-ci a organisé des réunions d'expertise les 10 mars, 16 avril, 3 juin, 4 juillet, 9 septembre, 14 octobre et 12 novembre 2008, 19 mai et 16 septembre 2009 avec l'ensemble des parties, les divers documents communiqués et événements ayant précédé la tenue de chaque réunion étant rappelés par l'expert, celui-ci ayant également rendu compte de ses visites de chantiers des 18 et 26 juin, 7 et 13 juillet 2009, que celui-ci a également communiqué un pré-rapport aux parties le 24 mai 2010, pré-rapport qui a engendré de nouveaux dires de celles-ci que l'expert a écartés ou pris en considération pour établir son rapport définitif le 30 novembre suivant.

La société GPC IP ne soutient pas utilement que l'expert a omis de respecter le principe de la contradiction en ne répondant pas directement à ses dires et en ne soumettant pas à la discussion des parties son nouveau calcul de répartition de la baisse de débit entre l'obstruction et l'encrassement retenu dans le rapport définitif. En effet, au cours de l'analyse des causes de la perte de débit (encrassement et obstruction) et de la part respective desdites causes, l'expert a au vu des seules constatations techniques auxquelles il était tenu, répondu aux dires de l'appelante concernant la part à laquelle l'encrassement a contribué dans l'obturation du forage et sur le doute quant à la nature des débris retrouvés en 2009. Il a déduit du rapport de repêchage du TAI du 4 mars 2004 de la société GPC IP que le forage n'avait pas été contrôlé jusqu'au fond (pas au delà de 1907 m), ainsi que de la concomitance de la chute de productivité de l'ouvrage avec la fin des travaux de repêchage de novembre 2003 et de l'encombrement du trou au moins à partir de 1916 mètres de profondeur au-dessus des couches productrices, que la chute de débit est liée à un encombrement créé à la suite des travaux de 'work over' de novembre 2003.

En outre, l'expert n'ayant pas à se prononcer sur la question de savoir si la société GPC IP était tenue contractuellement de mesurer la profondeur de l'ouvrage ou à dire si le préjudice invoqué par la société BMES est un préjudice de perte de chance, ces appréciations relevant de la juridiction saisie, la nullité du rapport d'expertise ne peut être encourue de ce chef.

De même, la société Axa ne peut être suivie lorsqu'elle affirme sans le démontrer que l'expert a rompu le principe du contradictoire en s'abstenant d'examiner et d'analyser les pièces qui lui ont été soumises par les parties en défense adhérant totalement à la thèse de la société BMES.

Il résulte en effet de ce qui précède que l'expert a préalablement au dépôt du rapport définitif, organisé neuf réunions au cours desquelles les parties ont pu s'exprimer et a adressé aux parties un pré-rapport d'expertise sur lequel celles-ci ont présenté leurs observations.

En conséquence, l'expert a pu, sans méconnaître les règles relatives à la contradiction, modifier ses conclusions quant à la répartition des causes du désordre (80 % lié à l'obstruction contre 45 % dans le pré rapport), en se fondant sur un dire du 3 septembre 2010 de la société CFG Services auquel la société GPC IP a répondu le 15 octobre suivant, aucune règle ne lui imposant de soumettre à nouveau aux parties ses conclusions modifiées sur ce point dans son rapport définitif.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du rapport d'expertise.

- Sur le fond

- Sur la responsabilité de la société GPC IP

L'article 1147 du code civil dans sa version applicable au présent litige, précise que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Selon le rapport d'expertise de M. [E] le 30 novembre 2010, le doublet géothermique du Blanc-Mesnil a été réalisé en 1983. L'eau chaude de la nappe du Dogger est produite par le forage GBMN1 et réinjectée dans le forage GBBMN2 après qu'elle ait fourni des calories.

Le forage GBMN1 réalisé en 1982, a été foré et équipé d'un tubage en acier. A l'origine, le débit artésien mesuré au niveau du sol était de 188m3/h et le débit artésien moyen de 100 m3/h. En 1994, la société GPC IP a mis en oeuvre un TAI pour remplacer un système par tubes vissés. Entre 1995 et 1997, les performances du forage ont décru progressivement jusqu'à un débit artésien de 120 m3/h et 100 m3/h. En 1997, les travaux de work over (curage des colonnes et du réservoir) ont permis une amélioration du débit (140 m3/h en artésien).

Les pièces communiquées permettent de vérifier que jusqu'au mois d'avril 2003, le puits protecteur fournissait un débit de 100m3/h sous une charge en tête de puits variant entre 0 et 3 bars.

En octobre 2003, la société BMES qui exploite le doublet géothermique, a entrepris les travaux en vue du passage en exploitation en mode artésien du puits sur une hypothèse de débit artésien de 100 m3/h.

Ces travaux ont été confiés à la société GPC IP qui dans sa réponse à l'appel d'offres précise que le débit de production était de 80m3/h à 2 bars en tête de puits ce qui correspond à un débit artésien de 100 m3/h, ajoutant que 'le débit de 110m3/h à 2 bars en têtes de puits pourrait être obtenu après nettoyage du puits producteur'. Ils ont débuté le 20 octobre 2003.

Selon le rapport de fin de travaux du 4 mars 2004 de la société GPC IP, lors de la remontée du TAI le 30 octobre 2003 celui-ci s'est rompu après 135 mètres de remontée. Ce rapport précise que le repêchage du TAI a été effectué entre le 12 et le 26 novembre 2003 par la société SMP sous la supervision de la société GPC IP, au cours duquel il s'est rompu, qu'il a été descendu un outil 6" jusqu'au réservoir afin de remonter via les bouchons visqueux les petits débris du TAI engendrés par le fraisage du poisson et de pousser les plus gros morceaux du TAI vers la poubelle. Cependant les rapports journaliers fournis en annexe indiquent que l'outil a été descendu au plus bas à 1907,73 m par rapport à la table, alors que selon l'expert, la poubelle est beaucoup plus basse et que le rapport d'acidification du découvert du 29 novembre 2004 précise que le 10 novembre précédent, une barre de charge a été descendue jusqu'à 1916 mètres par rapport au sol et qu'il n'a pas été possible de descendre plus bas.

En outre, si l'expert constate que le forage a dès le début de son existence été sujet à un phénomène de corrosion et d'encrassement par des dépôts, les nettoyages lorsqu'ils ont été effectués, ont permis de retrouver les caractéristiques initiales du forage avant les travaux de novembre 2003, les dernières données de débit et pression communiquées montrant que les caractéristiques du puits étaient certes diminuées par rapport à celles d'origine, ou des années 1998-1999, mais que le débit artésien était encore à 100 m3/h au moins.

De même, il doit être relevé que le premier débit artésien mesuré après les travaux de novembre 2003 est de 48m3/h et qu'une acidification en novembre 2004 permet de l'augmenter à 70m3 mais son évolution le ramène à 46m3/h (débit constaté en début d'expertise), le forage étant par ailleurs bouché à 1916 mètres. Lors des travaux effectués dans le cadre de l'expertise, sous maîtrise d'oeuvre de la société Dietswell, après récupération du TAI, le volume de concrétions récupérées était certes à l'origine de pertes de charge, mais à la fin du nettoyage du tubage, le débit artésien était de 100 m3/h, l'obstacle rencontré vers 1916 mètres lors de l'acidification en novembre 2004, a de nouveau été rencontré vers 1918 mètres et après un long travail, le trou s'est libéré et la descente de l'outil a pu atteindre 1958 mètres avant de buter à nouveau. Le puits libéré à 96 % suivant l'emplacement des zones productrices (1917 et 1965 mètres de profondeur) a alors fourni 175 m3/h artésien.

La société GPC IP ne peut reprocher à la société BMES d'avoir refusé de procéder au nettoyage du TAI avant les travaux de repêchage, celle-ci ne démontrant nullement un tel refus, que la société BMES conteste, la seule indication dans sa réponse à l'appel d'offres que 'le débit de 110m3/h à 2 bars en têtes de puits pourrait être obtenu après nettoyage du puits producteur', étant insuffisante à établir que ce nettoyage a été préconisé par la société GPC IP et refusé à tort par la société BMES.

Le 'devis- programme de repêchage du TAI' établi par la société CGP IP le 31 octobre 2003 fait mention de 'l'instrumentation, décrite dans la séquence opératoire du tableau 2 ... En vue de libérer le puits des débris d'instrumentation (encapsulage externe du TAI), il sera procédé, après remontée au jour ... du TAI, à la descente en circulation des tiges au sabot du tubage et à la circulation prolongée d'un bouchon visqueux aux biopolymères aux fins d'évacuation des débris précités sécurisant l'intégrité de l'ouvrage ainsi que la réalisation des diagraphies différées d'inspection ultérieures', le tableau 2 précisant notamment dans la description des opérations 'Assemblage et descente de la garniture à 1898m circulation bouchon visqueux 4m3".

À supposer établi que ce devis a été accepté par la société BMES, celle-ci relevant qu'il ne comporte pas sa signature, la société GPC IP ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que ce devis 'ne comportait pas de travaux au delà du sabot' situé à 1898 m 'ce à la demande expresse de la société BMES' et ainsi avoir respecté ses engagements contractuels (conclusions de la société GPC IP p.17). En effet, outre qu'il n'est nullement démontré que la société BMES a expressément demandé à son cocontractant de limiter lesdits travaux, il ne ressort pas clairement de ce devis que la descente de l'outil aux fins d'évacuation des débris ne dépasse pas le sabot à 1898 m.

Au contraire, il résulte du rapport d'intervention du 4 mars 2004 établi par cette même société, au point 3-4 Descente de l'outil 6" jusqu'au réservoir pour contrôle du trou : 'Après la libération du puits producteur du Blanc-Mesnil, un outil 6" a été descendu jusqu'au réservoir afin de remonter, via les bouchons visqueux, les petits débris du TAI engendrés par le fraisage du poisson et de pousser les plus gros morceaux dans la poubelle', poubelle qui se situe selon l'expert au dessous de 1968 mètres, ce qui démontre que la société GPC IP ne considérait pas que les travaux se limitaient à 1898 m, ce quand bien même il résulte du rapport d'expertise que l'opération de poussage s'est arrêtée à 1907 mètres.

De même, la société GPC IP ne peut se contenter d'alléguer sans le démontrer par aucun élément, se bornant à affirmer que ce point n'a pas été contesté en cours d'expertise, avoir proposé à la société BMES, qui le conteste, une mission d'inspection du découvert jusqu'au fonds du puits ce que cette dernière aurait refusé en connaissance de cause pour des raisons de coûts.

Elle ne peut pas non plus affirmer à la lecture du rapport précité du 4 mars 2004 que l'intégralité du TAI (comprenant la barre de charge et le diffuseur) a été repêchée, alors que le rapport ne comporte pas une telle précision, mentionnant au point 3-3 'repêchage et remontée du TAI' 'Un harpon 6" a permis d'accrocher la tête du poisson à la cote - 458 m/sol... puis après dégerbage du harpon, le TAI a été remonté via l'unité coiled tubing' 1"1/4 (UCT)', et conclut que les travaux de repêchage du TAI du puits de production GBMN1 du doublet géothermique du Blanc Mesnil ont été effectués du 12 au 26 novembre 2003 et se sont déroulés en trois phases : le repêchage du TAI qui a nécessité l'utilisation de trois harpons et d'une garniture de surforage en raison du coincement dans le tubage 10"3/4 du 1er harpon et du sectionnement du TAI sous ce harpon, la descente en circulation d'un outil 6" du sabot de tubage et un contrôle par diagraphies différées de l'état de la chambre de pompage, étant relevé qu'il ressort de ce même rapport que le TAI était 'fortement endommagé par endroits voire carrément déstructuré du fait des frottements et de la traction initiale qui s'est matérialisée par sa rupture à la côte profondeur 135m/sol...'.

Au vu de ce qui précède, il convient de considérer avec l'expert qu'il n'a pas été clairement mentionné que la barre de charge et du diffuseur ont bien été remontés, les rapports ne permettant pas de vérifier la longueur du TAI effectivement récupéré.

Il convient également, tout comme l'expert, de conclure au vu de la concomitance de la chute de productivité de l'ouvrage avec la fin des travaux de repêchage du mois de novembre 2003 et de l'encombrement du trou au moins à partir de 1916 mètres de profondeur, au-dessus des couches productrices, que la chute de débit du forage est liée à l'obstruction partielle du puits consécutive aux travaux de work over de novembre 2003, la société GPC IP ne pouvant utilement alléguer que l'encombrement est dû à des débris provenant d'autres travaux.

En conséquence, il s'infère de ce qui précède que la société GPC IP, en tant que professionnelle du secteur tenue à une obligation de résultat ainsi qu'elle le reconnaît dans ses écritures, et en raison des incidents qui sont survenus lors des travaux d'extraction de la pompe, a failli à ses engagements contractuels lors des opérations de repêchage du TAI, en ne vérifiant pas la profondeur finale de l'ouvrage et en ne prenant pas les mesures nécessaires pour repousser les débris en-dessous des couches productives ou, si cette descente était impossible, en ne le signalant pas dans son rapport, manquant alors à son devoir de conseil. A cet égard, la société GPC IP ne peut invoquer sans les démontrer les connaissances techniques de la société BMES pour amoindrir sa responsabilité, cette dernière contestant toute compétence technique pour intervenir sur un puits de géothermie et pour mener les opérations confiées à la société GPC IP.

Le manquement de la société GPC IP à ses obligations contractuelles est ainsi caractérisé.

La société GPC IP conteste en vain le lien causal entre le manquement ci-dessus caractérisé et le préjudice de la société BMES constitué, non d'une perte de chance, mais de pertes d'exploitation liées à la baisse de production du forage qui a dû être palliée par le recours à une énergie substituable, cette baisse étant causée non seulement par l'encrassement mais surtout par l'obstruction du tubage due aux travaux de repêchage du TAI effectués en novembre 2003, la perte de débit ayant été constatée antérieurement aux travaux entrepris en 2009.

Le calcul de l'expert retenant une part de 80 % de perte de débit liée à l'obstruction, les 20 % restant étant dus à l'encrassement, n'est pas contesté utilement par la société GPC IP, l'expert n'ayant pas, comme elle le soutient à tort, 'confondu en fin de calcul l'obstruction du tubage et son encrassement'. En effet, il ressort clairement des chiffres retenus et qui ne sont pas contestés, que le débit de départ après les travaux de novembre 2003 était de 55m3/h, qu'après le nettoyage, il était de 100m3/h donc un gain de productivité de 45 m3 et après la libération de la zone obstruée de 175m3 /h soit 182m3/h en cas de libération totale, ce qui démontre que le gain lié au nettoyage, de 45 m3/h, est moindre que celui constaté après la libération du tubage, de 82 m3/h.

En conséquence, ce calcul n'est pas valablement remis en cause, et il sera retenu que la perte de production du forage est liée à 80% à l'obstruction, ce quand bien même le débit de la pompe a ensuite à nouveau diminué en 2010 en raison de l'encrassement qui a toujours été reconnu comme en étant l'une des causes de la baisse de celui-ci.

- Sur le préjudice de la société BMES

La société BMES réclame la réparation de son préjudice au titre de la perte d'exploitation sur la base d'une production attendue de 100 m3/h pour une température de 69°C, cette production n'ayant pas été atteinte avant le mois de juillet 2009 ce qui a nécessité de pallier ce manque par la production d'énergie thermique équivalente grâce à des chaudières traditionnelles, selon ses dires numéros 4 et 5 des 5 février et 21 juillet 2010 auxquels elle se réfère dans ses écritures.

Elle invoque un préjudice de 2.623.354,21 euros HT se décomposant en 1.576.118 euros HT au titre de la perte d'exploitation, 933.703,21 euros HT au titre des travaux d'investigation réalisés sur le forage dans le cadre de l'expertise, et 113.533 euros HT au titre de l'assurance tout risque chantier qu'elle a contractée pour les travaux d'investigation.

La méthode de calcul appliquée par la société BMES au titre de la perte d'exploitation pour chaque mois écoulé entre la date des travaux de passage en artésianisme et le mois d'août 2009 date de fin des travaux d'investigation, détaillée dans son dire numéro 3, consiste à relever pour chaque mois la quantité d'énergie appelée par le réseau ainsi que la quantité d'énergie produite par la centrale de cogénération, la part d'énergie appelée par le réseau au-delà de la quantité d'énergie produite par la centrale de cogénération étant considérée comme devant être produite par le doublet géothermal dans la limite de la quantité d'énergie que cette installation peut produire dans des conditions normales sur la même période de temps, étant ensuite retranchée de cette part d'énergie celle réellement produite par le doublet. Il est ainsi obtenu l'énergie thermique produite au gaz, sous chaudière, pour pallier la défaillance du puits en Mwh de chaleur. L'évaluation du coût de cette énergie est faite en convertissant les Mwh de chaleur en Mwh PCI puis en Mwh PCS.

Cette méthode, entérinée par l'expert, est à tort critiquée par la société GPC IP au motif que seule aurait dû être prise en compte la valeur du gaz utilisée pour chauffer l'eau en compensation de la perte de débit du puits , la valeur d'énergie produite par le gaz étant celle supportée par la société BMES en contrepartie de la défaillance du puits dont est principalement à l'origine le manquement de la société GPC IP.

De même, celle-ci ne peut reprocher à la société BMES le temps qu'a duré la défaillance soit près de six années au motif que celle-ci n'a pris aucune mesure pour pallier la baisse de productivité, alors qu'il appartenait à la société GPC IP à qui avaient été confiés le démontage de la pompe puis le repêchage du TAI qui s'est cassé lors du démontage, de s'assurer de la profondeur finale de l'ouvrage et que le débit de 100m3/h était maintenu, l'acidification du puits qu'elle a effectuée un an après n'étant pas efficace ce qui a nécessité la nomination d'un expert dont les investigations ont duré plus de trois ans, ce délai n'étant pas le fait de la société BMES.

La société GCP IP ne conteste par plus utilement les frais de maîtrise d'oeuvre et d'intervention de la société SMP au cours des opérations d'expertise, se contentant d'affirmer que les premiers sont excessifs sans le démontrer et que les seconds n'ont pas été acquittés alors que l'expert relève qu'ils sont justifiés par des factures.

Il en va de même de la prime d'assurance que la société BMES a dû contracter pendant les travaux menés au cours de l'expertise dont le coût prohibitif allégué par la société GPC IP n'est pas démontré, l'expert constatant qu'il est justifié par une facture.

Aussi, il convient de considérer que la société BMES a subi un préjudice d'exploitation en lien causal avec les manquements de la société GPC IP qui doit être évalué à la somme de 2.098.683,37 euros HT (2.623.354,21 euros HT x 0,80).

La société GPC IP invoque à tort une mauvaise prise en compte par l'expert des données factuelles du litige au motif que le débit recherché par la société BMES était de 110m3/h et non de 182 m3/h retenu par l'expert après désobstruction du puits. En effet, cette dernière valeur est celle constatée par l'expert à la fin des opérations lorsque le puits a été libéré de la masse qui l'obstruait et lui a permis de calculer la part contributive de l'obstruction à la perte de débit par rapport à l'encrassement du puits dont le nettoyage n'avait permis d'obtenir qu'un débit de 100 m3/h. En revanche, s'agissant du préjudice d'exploitation, celui-ci a été calculé en prenant en considération un débit de 100 m3/h ainsi qu'il ressort des développements précédents.

De même, il a été ci-dessus retenu que l'encombrement était responsable à 80% de la perte de débit et la société GPC IP ne peut à nouveau invoquer l'erreur de l'expert, non établie, dans le calcul de répartition des causes génératrices du dommage pour soutenir qu'elle ne doit réparer le préjudice de la société BMES qu'à hauteur de 20%.

La société GPC IP est en conséquence condamnée à payer à la société BMES la somme de 2.098.683,37 euros HT avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil s'agissant d'un condamnation indemnitaire.

Le jugement entrepris est en conséquence infirmé de ce chef.

Sur les garanties

Sur la garantie de la société Axa

Selon les dispositions de l'article L. 124-5, alinéa premier, du code des assurances issues de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation. Toutefois, lorsqu'elle couvre la responsabilité des personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, la garantie est déclenchée par le fait dommageable. Un décret en Conseil d'État peut également imposer l'un de ces modes de déclenchement pour d'autres garanties.

Ces dispositions entrées en vigueur le 1er novembre 2003, s'appliquent aux garanties prenant effet postérieurement à cette entrée en vigueur du fait de la souscription d'un nouveau contrat ou de la reconduction de garantie d'un contrat en cours.

Antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, les contrats d'assurance de responsabilité étaient nécessairement 'en base fait dommageable' , le fait dommageable au sens des articles L. 124-1-1 et L. 124-5 du code des assurances étant celui qui constitue la cause génératrice du dommage.

La société GPC IP a souscrit auprès de la société Axa deux contrats d'assurance responsabilité civile :

- une police d'assurance n° 375 035 179 170 87 valable du 1er janvier au 31 décembre 2003 faisant l'objet d'une attestation du 5 mars 2003,

- une police n° 232 110 0404 applicable à compter du 1er janvier 2004 jusqu'à la date d'échéance principale objet d'une attestation du 10 mars 2004.

Les dispositions précitées de l'article L.124-5 du code des assurances ne sont pas applicables à la police n° 375 035 179 170 87 souscrite avant son entrée en vigueur, ce qui n'est pas discuté par les parties. Elle est donc souscrite sur la base 'faits dommageables'.

Elles sont en revanche applicables à la police n° 232 110 0404. En conséquence, si cette police ne comporte pas une stipulation selon laquelle la survenance du fait dommageable pendant la durée de validité du contrat est une condition nécessaire de l'indemnisation, la garantie relève du système «réclamation» de l'article L. 124-5 sans préjudice de l'application de clauses contractuelles stipulant une protection plus étendue.

En l'espèce, la perte de débit du puits du Blanc Mesnil est due aux travaux effectués pendant l'année 2003 par la société GPC IP à savoir le repêchage du TAI du 12 au 26 novembre 2003 au cours duquel la descente d'un outil a été interrompue à la cote 1907 mètres le 24 novembre 2003, ce qui constitue le fait dommageable quelle que soit la date d'apparition des désordres.

En conséquence, si la date du fait dommageable est prise en considération, le sinistre relève de la seule police n° 375 035 179 170 87, qui précise toutefois que le contrat 'garantit la responsabilité de GPC Instrumentation Process ... et exclusivement pour son activité de contrôle périodique de la ressource caractéristique et des qualités géochimiques du réseau de chaleur de [Localité 5]'. Il s'ensuit que le chantier de Blanc Mesnil n'est pas couvert par ladite police d'assurance qui ne peut être appliquée.

S'agissant de la police n° 232 110 0404, à supposer que cette police soit souscrite sur la base réclamation comme le soutient la société GPC IP, dans ce cas le fait dommageable peut être antérieur à la souscription du contrat mais doit néanmoins être méconnu des parties.

Or, il apparaît des éléments versés aux débats qu'après remise en service du doublet, le débit artésien constaté était de 48 m3/h. Il ressort du rapport de la Saf Environnement en date du 17 février 2006, cette entité ayant été saisie le 6 janvier 2006 par la société BMES d'une demande de prise en charge des travaux, que la remise en exploitation par artésianisme du puits avec constat de la perte de débit et de température date du 1er décembre 2003, ce rapport ayant été rédigé au vu des éléments qui lui ont été transmis par la société BMES au titre de sa demande d'éligibilité aux garanties du fonds long terme, la Saf Environnement relevant à ce titre que 'l'article 5 de la convention de garantie qui stipule que le maître d'ouvrage doit informer immédiatement la Saf Environnement de tous incidents ou anomalies, n'a pas été respecté par le SEAPFA puisque des désordres apparus en décembre 2003 et qui se sont poursuivis en 2004 et 2005, n'auront été déclarés qu'en janvier 2006".

La société GPC IP ne peut donc invoquer, comme la société BMES, une connaissance du dommage en avril 2004 voire en novembre 2004 à l'occasion de travaux d'acidification du puits, soit postérieurement à la conclusion du contrat d'assurance n° 232 110 0404, aucun élément ne venant conforter cette allégation, la mention de l'expert selon laquelle 'la découverte du sinistre paraît dater de 2014" étant par trop imprécise pour être retenue.

De même, selon les conditions générales, 'constitue un seul et même sinistre l'ensemble des réclamations se rattachant à une même origine'. La société BMES ne peut donc invoquer un manquement au devoir de conseil de la société GPC IP en 2004 en raison des termes de son rapport du 4 mars 2004 ou de la préconisation d'une acidification en novembre de la même année qui s'est révélée inutile, s'agissant du même sinistre lié aux travaux de 2003.

La société Axa oppose avec pertinence à la société GPC IP que le dommage était connu avant la conclusion de ce contrat dont l'application ne peut être invoquée tant en raison des dispositions des conditions générales qui prévoient que 'sont exclues de la garantie tous sinistres se rapportant à des faits ou événements connus de l'assuré à la date de prise d'effet de la garantie concernée' que de l'absence d'aléa du contrat.

La demande en garantie formée par la société GPC IP contre la société Axa comme la demande de condamnation solidaire de la société GPC IP avec son assureur formée par la société BMES sont rejetées.

La société BMES reproche également à la société Axa une faute délictuelle en ce que l'attestation qu'elle a fournie concernant la police n° 375 035 179 170 87 ne précise aucune restriction géographique à l'exception de l'étranger, qu'il est expressément mentionné dans cette attestation que le contrat est en cours d'établissement et qu'il n'est pas précisé qu'à l'issue de son établissement des restrictions existeront.

Néanmoins, selon l'article L. 112-6 du code des assurances, l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.

L'attestation du 5 mars 2003 délivrée par la société Axa, indique que le contrat a été souscrit au profit de la société GPC IP et garantit 'les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber du fait de l'exercice des activités garanties par ce contrat' sans préciser expressément la limitation géographique prévue.

Toutefois, et ainsi que le relève la société Axa, il ne s'agit pas en l'espèce d'une assurance de responsabilité obligatoire. En conséquence, et à supposer que l'attestation d'assurance délivrée soit considérée comme non fiable ou de nature à tromper le maître de l'ouvrage sur les garanties dont il peut bénéficier, la société BMES ne recherche pas utilement la responsabilité quasi délictuelle de la société Axa et n'invoque pas plus pertinemment l'inopposabilité des exceptions stipulées à la police et non reproduites dans l'attestation.

La société Axa, assureur de responsabilité civile professionnelle de la société GPC IP, est fondée à opposer à la société BMES les clauses d'exclusion ou de délimitation de garantie opposables à l'assuré, même si elles ne sont pas reproduites sur l'attestation d'assurance délivrée à ce dernier. Le moyen de la société BMES est rejeté.

Sur la garantie de la société SMP

A titre subsidiaire, la société GPC IP recherche la garantie de la société SMP qui a exécuté les travaux litigieux et qui a été attraite en première instance par la société Axa.

Il ressort des écritures de la société GPC IP que la société SMP était liée contractuellement au maître de l'ouvrage, la société BMES. Il convient d'en déduire que la société SMP n'est pas intervenue en qualité de sous-traitant de la société GPC IP, ce que celle-ci n'invoque nullement, soutenant que l'ensemble des désordres invoqués par la société BMES a pour origine l'intervention de la société SMP qui était contractuellement liée à cette dernière.

Aucun comportement fautif de la société SMP n'est en outre caractérisé, l'expert considérant que celle-ci n'a 'joué qu'un rôle d'exécutant dans les travaux' demandés.

La société GPC IP échouant à démontrer le bien-fondé de son action en garantie contre la société SMP est déboutée de sa demande à ce titre.

Le jugement entrepris est également confirmé de ce chef.

- Sur la demande de dommages et intérêts de la société Axa pour procédure abusive et vexatoire

L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable.

La société Axa ne rapporte pas la preuve d'une telle faute. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

- Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées.

Partie perdante, la société GPC IP est condamnée aux dépens d'appel et à payer aux sociétés BMES, Axa et SMP en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 10.000 euros chacune pour les sociétés BMES et Axa et 5.000 euros pour la société SMP.

PAR CES MOTIFS

La cour, dans la limite de l'appel dont elle est saisie,

Confirme le jugement entrepris sauf en sa disposition ayant condamné la société GPC Instrumentation Process à payer à la société Blanc-Mesnil énergie services la somme de 1.310.677 euros HT à titre de dommages et intérêts majorée du taux de l'intérêt légal à compter de la saisine du tribunal administratif de Cergy Pontoise ;

Et statuant à nouveau sur ce chef,

Condamne la société GPC Instrumentation Process à payer à la société Blanc-Mesnil énergie services la somme de 2.098.683,37 euros HT avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

Y ajoutant,

Déboute les sociétés GPC Instrumentation Process et Blanc-Mesnil énergie services de l'ensemble de leurs demandes formées contre la société Axa France Iard ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société GPC Instrumentation Process à payer à la société Blanc-Mesnil énergie services la somme de 10.000 euros ;

Condamne la société GPC Instrumentation Process à payer à la société Axa France Iard la somme de 10.000 euros ;

Condamne la société GPC Instrumentation Process à payer à la société de Maintenance Pétrolière la somme de 5.000 euros ;

Condamne la société GPC Instrumentation Process aux entiers dépens de la procédure d'appel recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/18942
Date de la décision : 26/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°17/18942 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-26;17.18942 ?
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