RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 26 Juin 2020
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09640 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZI72
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Mai 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15-00797
APPELANT
Monsieur [S] [C]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136
INTIMÉS
CPAM 75
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 9]
représenté par Me Georges HOLLEAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D0863 substitué par Me Antonin SILVESTRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0863
CENTRE DENTAIRE [11]
[Adresse 1]
[Localité 7],
représenté par Me Cédric POISVERT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0909
Maître [Z] [M] [D]
[Adresse 4]
[Localité 5],
représenté par Me Philippe BERN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0984
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Localité 8],
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère
Mme Bathilde CHEVALIER, Conseillère
Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- délibéré du 29 mai 2020 prorogé au 26 juin 2020, prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par M. [S] [C] d'un jugement rendu le 3 mai 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits de la cause ayant été correctement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris a procédé à un contrôle de l'activité professionnelle et la facturation de M. [S] [C], chirurgien dentiste au Centre dentaire [11], en application des articles L315-1 et R3l5-1 et suivants du code de la sécurité sociale.
L'assurance maladie de [Localité 12] a relevé à l'encontre de M. [S] [C] certaines anomalies correspondant au :
-non respect des dispositions des articles R. 4127-202, R .4127-221, R. 4127-233, R.4127-238, R. 4127-246, L.1111-4 et L 1110-5 du code de la santé publique,
-non respect des dispositions des articles L.114-13 du code de la sécurité sociale,
-non respect de la nomenclature générale des actes professionnels(1ère partie : Dispositions générales, Article 1er ; 2ème partie : Titre III Chapitre VII Section I Article 1er ; 2ème partie: Titre III Chapitre VII Section III, Article 2)
-non respect de l'arrêté ministériel du 30 mai 2006 relatif aux soins prothétiques et d'orthopédie dento faciale.
Elle a estimé le montant de l'indu à la somme de 42.197,98€.
M. [S] [C] a saisi la commission de recours amiable aux fins d'annulation de la demande en remboursement d'indu. La commission ayant, le 22 décembre 2014, rejeté sa réclamation, il a donc saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le
28 janvier 2015.
Par jugement du 3 mai 2016, ce tribunal a débouté M. [S] [C] de l'ensemble de ses demandes, a confirmé la décision de la commission de recours amiable et a condamné le requérant à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 42.197,98€ ainsi que la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
C'est la décision dont appel par lettre recommandée avec accusé de réception de M. [S] [C] adressée au greffe social de la cour d'appel de Paris en date du 30 juin 2016.
M. [S] [C] a fait citer le 9 août 2019 devant la cour d'appel de Paris M. [Z] [M] [D], son ancien avocat, et le 11 février 2020 M. [D], à nouveau, et le Centre dentaire [11], en tant qu'ancien employeur.
La caisse primaire d'assurance maladie de Paris soulève in limine litis la péremption de l'instance en application de l'article 386 du code de procédure civile.
L'appelant fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites invitant la cour à :
-infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 3 mai 2016 en ce qu'il a confirmé la décision de la commission de recours amiable, l'a condamné à rembourser 42.197,98€ et 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a débouté de ses demandes d'annulation de la procédure de contrôle, de rejet de la demande de remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie, de condamnation de celui-ci à lui verser 5.000€ de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral, de condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie à lui verser 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
-rejeter le déclinatoire de compétence de Me [D],
-rejeter l'exception de péremption de la caisse primaire d'assurance maladie, de
Me [D] et du Centre dentaire,
- rejeter l'exception d'irrecevabilité de la mise en cause forcée du centre dentaire,
Statuant à nouveau :
- annuler la procédure de contrôle en la déclarant irrégulière,
- déclarer irrecevable la demande de remboursement d'indus de la caisse,
- juger non fondée et débouter la demande de remboursement d'indus,
-annuler la décision de la commission de recours amiable ;
Subsidiairement :
-condamner in solidum le Centre dentaire [11] et Maître [Z] [M] [D] à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
En tout état de cause,
-condamner in solidum le Centre dentaire [11], Maître [Z] [M] [D] et la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis à lui verser 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, première instance et
appel ;
- condamner in solidum le Centre dentaire [11], Maître [Z] [M] [D] et la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis aux entiers dépens de l'instance ;
-débouter le Centre dentaire [11] et Me [D] de leur demande de dommages et intérêts et d'article 700 du code de procédure civile.
L'appelant, qui soutient qu'il n'y a pas péremption d'instance, fait valoir en substance l'irrecevabilité de la demande de remboursement formulée à son encontre faute de démonstration de l'imputabilité des actes reprochés, l'absence de fondement et d'éléments de preuve au soutien de cette demande, la caisse se bornant à se prévaloir d'un mémoire de saisine de l'autorité ordinale des chirurgiens-dentistes à l'exclusion de toute pièce ou rapport d'expertise contradictoire et probant alors qu'aucune autorité de la chose jugée ne peut être tirée d'une décision ordinale, le simple mémoire de saisine n'ayant pas plus de force probante dans la démonstration des fautes alléguées, enfin la violation par la caisse primaire d'assurance maladie des règles de procédure et des droits de la défense. Il estime que la demande de remboursement est non étayée et totalement injustifiée en ce que les sommes litigieuses étaient exclusivement perçues non pas par lui-même mais par son employeur le Centre dentaire [11] ; qu'il n'a jamais reconnu aucun manquement;
que le directeur du Centre dentaire a mandaté et rémunéré Maître [D], son propre avocat, pour assurer sa soi-disant 'défense' sans jamais être inquiété devant le tribunal en dépit de sa responsabilité exclusive. Il soutient enfin que les exceptions d'incompétence soulevées par Me [D] doivent être rejetées.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites invitant la cour à rejeter l'ensemble des exceptions et demandes du Dr [S] [C], confirmer la décision rendue par la commission de recours amiable notifiée le 29 avril 2015, confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué, condamner l'appelant à lui rembourser la somme de 42.197,98€ au titre de l'indu, condamner en outre celui-ci à lui payer la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
Elle fait valoir essentiellement que l'article 386 dispose en effet que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, que l'article
R.142-22 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret du 29 octobre 2018, qu'il serait étonnant qu'aucune diligence n'ait été mise à la charge de l'appelant pendant trois ans et demi, que celui-ci n'a accompli aucune diligence pendant ce délai ;
sur la violation alléguée du principe du contradictoire du fait de la non-communication de la liste des patients concernés par la convocation au service médical, que la jurisprudence de la Cour de cassation s'applique à une période antérieure à la nouvelle rédaction de l'article R.315-1-1 du code de la sécurité sociale du décret du 20 août 2009, qu'en l'espèce le contrôle s'est inscrit dans le cadre d'une recherche de la fraude à la suite de la plainte d'un assuré, qu'ainsi la recherche et la démonstration du comportement frauduleux du dentiste faisait obstacle à la communication de la liste des assurés, que la notification de l'indu préalable à la mise en demeure, respecte les prescriptions des articles L.133-4 et s. du code de la sécurité sociale ;
sur la violation du principe du principe de loyauté, d'équité et d'égalité des armes, que l'analyse de l'activité de M. [S] [C] a été menée dans le strict respect de la procédure décrite aux article R.315-1 à R.315-1-2 et D.315-1 à D.315-3 du code de la sécurité sociale et de la Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé ;
sur la convocation des patients au contrôle dentaire, que le service médical n'a ni menacé ni intimidé les assurés qui sont tenus de se soumettre aux contrôles en application de l'article L.352 du code de la sécurité sociale, que le prononcé d'une pénalité financière est prévu par l'article R.147-6 du code de la sécurité sociale, que les assurés ont été informés de cette disposition ;
sur la violation de l'examen contradictoire des patients, qu'il y a lieu de se référer à l'article L.315-1 IV et non au III qui concerne les établissements de santé ;
sur les irradiations illégales commises par le contrôle dentaire, que le service médical est autorisé à pratiquer des radiographies de contrôle et que l'appelante n'apporte aucune preuve de l'absence de consentement des assurés ;
sur les mises en cause du Centre dentaire et de Me [D], que la caisse maintient à titre principal ses demandes à l'encontre du dentiste sur le fondement de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale et dans la mesure où les faits sont incontestablement imputables à celui-ci comme le confirme le Conseil national de l'Ordre des médecins-dentistes;
sur l'indu, que l'action de la caisse est fondée sur l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, que M. [S] [C] a reconnu à plusieurs reprises avoir exécuté les actes litigieux, qu' il a été condamné par l'Ordre qui a retenu des fautes, abus et fraudes, que la question de l'obligation de moyens pour tous les actes du dentiste est hors débat, que le service médical peut produire une radio panoramique pour certifier que le traitement des racines ne serait pas utile, que des lésions importantes auraient donc été parfaitement détectables par le dentiste sur un cliché panoramique, que les infiltrations bactériennes en cours d'intervention alléguées résultent du non-respect des recommandations de la HAS, que la thérapeutique habituelle en cas de lésion carieuse de faible volume est l'élimination du tissu carié et l'obturation de la cavité par un matériau approprié et non un traitement endodontique, une reconstitution par inlay-core et une couronne, que M. [S] [C] se contente de généralités, que la qualité d'un traitement ne peut se limiter à la réussite apparente d'une de ses phases, que des prothèses adjointes non conformes aux données acquises de la science ont été réalisées faisant courir un risque d'ingestion accidentelle, que la réalisation d'une couronne à l'origine d'une complication apicale en l'absence de traitement sousjacent ou en cas de traitement non conforme aux données avérées de la science relève d'une conduite thérapeutique non-conforme pouvant constituer une perte de chance pour le patient et une prise en charge supplémentaire pour l'assurance maladie, qu'il est reproché au praticien des reconstitutions corono radiculaires sur des dents peu ou pas délabrées, des facturations d'actes dont la réalisation n'a pas été constatées, des doubles facturations non justifiées, des fausses déclarations par utilisation d'un code de transposition ne correspondant pas à l'acte réalisé pour des bénéficiaires de la CMU complémentaire et des anomalies de cotations qui n'ont pas respecté la NGAP.
Le Centre dentaire [11] fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites demandant à la cour, in limine litis, de déclarer la péremption de l'instance, confirmer le jugement, débouter M. [S] [C] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions et débouter la caisse primaire d'assurance maladie de Paris de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à son encontre ; sur l'irrecevabilité de la mise en cause forcée en cause d'appel, de constater que M. [S] [C] ne justifie ni ne démontre une évolution du litige justifiant la mise en cause, de façon forcée, du Centre dentaire [11] en cause d'appel, de déclarer en conséquence irrecevable l'intervention forcée du Centre dentaire [11], d'ordonner sa mise hors de cause, de débouter
M. [S] [C] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions, de débouter la caisse primaire d'assurance maladie de Paris de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre du Centre Dentaire [11] et de statuer ce que de droit dans les rapports entre M. [S] [C] et la caisse primaire d'assurance maladie de Paris ; sur l'irrégularité de la procédure de contrôle, de constater que la procédure n'a pas été régulière, d'infirmer en conséquence, le jugement de première instance, et statuant à nouveau, de déclarer la créance infondée, de débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à l'encontre du Centre dentaire [11], de débouter
M. [S] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions; sur le fond, sur l'absence de responsabilité du Centre médical, s'agissant d'actes relevant de la responsabilité personnelle du praticien, de constater que M. [S] [C] est indépendant dans l'exercice de son art, de constater que M. [S] [C] est tenu contractuellement des fautes et erreurs de cotation commises, de constater que les fautes commises par M. [S] [C] excluent toute responsabilité du Centre dentaire [11], son commettant ; en conséquence, de débouter M. [S] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, de débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à l'encontre du Centre dentaire [11] et de statuer ce que de droit dans les rapports entre M. [S] [C] et la caisse primaire d'assurance maladie de Paris ; sur le caractère infondé de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie, de constater que le bien-fondé de la créance de la caisse n'est pas démontré ; en conséquence, d'infirmer le jugement de première instance ; Statuant à nouveau, de déclarer la créance de la caisse primaire d'assurance maladie infondée, de débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à l'encontre du Centre dentaire [11], de débouter M. [S] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; en tout état de cause, de condamner
M. [S] [C] à lui verser la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, de le condamner, ou, à défaut, la caisse primaire d'assurance maladie, si c'est cette dernière qui succombe, à lui verser la somme de 5.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [D] fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites par lesquelles il sollicite in limine litis le renvoi de M. [S] [C] à mieux se pourvoir dans les conditions visées aux articles 47, 82 du code de procédure civile et par la loi du 31 décembre 1971 ; subsidiairement, que la cour se déclare incompétente pour connaître d'un litige en responsabilité professionnelle opposant un avocat à son ancien client et renvoyer M. [S] [C] à mieux se pourvoir devant un tribunal judiciaire territorialement compétent ; plus subsidiairement, de dire que la procédure d'appel sur laquelle se greffe la citation en intervention forcée du concluant étant frappée de péremption, il y a lieu de débouter purement et simplement M. [S] [C] de tous ses chefs de demande ; encore plus subsidiairement, de débouter au fond purement et simplement M. [S] [C] de tous ses chefs de demande à son encontre ; En toute hypothèse, de condamner M. [S] [C] à lui verser la somme de 5.000€ pour procédure abusive, vexatoire et injustifiée et de condamner M. [S] [C] à lui verser la somme de 7.200€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [D] rappelle les dispositions de l'article 47 du code de procédure civile qui énoncent que lorsqu'un auxiliaire de Justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe ; subsidiairement que les litiges opposant un avocat à son ancien client relevaient au moment de la délivrance de l'assignation introductive de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, et selon les formes procédurales de cette juridiction, soit représentation obligatoire et procédure écrite; que la cour d'appel est donc incompétente; plus subsidiairement que sa faute n'est pas prouvée et que la procédure est abusive.
Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
SUR CE,
- Sur la péremption d'instance :
Lorsque la procédure est orale, les parties n'ont pas, au regard de l'article 386 du code de procédure civile, d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire.
Il résulte des dispositions du décret n°2018- 928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l'article R. 142-22 du Code de la sécurité sociale, que l'article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d'appel initiées à partir du
1er janvier 2019 qu'à celles en cours à cette date.
Il résulte également de l'application immédiate des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile aux instances d'appel en cours que le délai de péremption de deux ans prévu audit article n'a commencé à courir dans le cadre de celles-ci qu'à compter du
1er janvier 2019.
En l'espèce, M. [S] [C] a relevé appel du jugement du 3 mai 2016 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2016. L'affaire a été appelée pour plaider à l'audience du 28 juin 2019 et a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 9 septembre 2019 puis du 9 mars 2020.
Or, aucune diligence n'avait été mise à la charge de M. [S] [C] entre le 1er juillet 2016 et le 1er janvier 2019 et le délai qui a couru entre le 1er janvier 2019 et le 9 mars 2020 est inférieur à deux ans.
L'instance en cours n'est donc pas périmée. Le moyen soulevé par les parties intimées doit être rejeté.
- Sur la mise en cause de Me [D], avocat :
Les litiges opposant un avocat à son ancien client relèvent de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, selon les formes procédurales de cette juridiction, que sont la représentation obligatoire et la procédure écrite.
M. [C] précise à l'audience qu'il entend appeler M. [D] en garantie et non en responsabilité. Mais il s'agit bien de déterminer sur quel fondement M. [D] devrait apporter sa garantie.
En l'espèce, Me [D] a été l'avocat de M. [S] [C] en première instance. Or, la faute qu'aurait commise cet avocat, qui aurait défendu les seuls intérêts de Centre dentaire, faute susceptible d'engager sa responsabilité professionnelle si elle était démontrée, constitue un litige différent du présent litige qui porte sur un indû réclamé à M. [S] [C]. Dés lors, M. [S] [C] ne saurait chercher à engager la faute de Me [D], avocat au barreau de Paris, de surcroît pour la première fois en cause d'appel, devant le pôle social de la cour d'appel, sans avoir au préalable respecter les règles applicables en première instance s'agissant de la mise en oeuvre de l'éventuelle responsabilité d'un avocat.
La cour de céans ne peut que se déclarer incompétente pour connaître les demandes dirigées à l'encontre M. [D] ès qualités et renvoyer M. [S] [C] à mieux se pourvoir devant le tribunal compétent.
M. [D] ne démontre pas que la procédure serait abusive; mais mal orientée, elle a vainement entraîné des frais irrépétibles. Il paraît donc équitable de lui accorder une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [D] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts et il lui sera accordé la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Sur la mise en cause du Centre dentaire [11] :
M. [S] [C] a été attrait par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis en remboursement de paiements indus alors qu'il travaillait en qualité de dentiste au sein du Centre dentaire [11]. Il met en cause devant la cour pour la première fois la responsabilité de son employeur. Or, le litige n'a pas connu l'évolution requise pour que cette mise en cause, qui emporte des demandes nouvelles, puisse être admise par la cour.
La mise en cause du Centre dentaire [11] sera rejetée.
Le Centre dentaire ne rapporte pas la preuve du caractère abusif de la mise en cause. Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 en faveur du Centre.
- Sur la régularité de la procédure de contrôle :
L'article L.133-4 du code de la sécurité sociale , modifié par la loi n°2011-1906 du
21 décembre 2011, applicable à la procédure en cours, disposait :
'En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :
1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles
L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles
L. 162-22-1 et L. 162-22-6 ;
2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 321-1,
l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.
Lorsque le professionnel ou l'établissement faisant l'objet de la notification d'indu est également débiteur à l'égard de l'assuré ou de son organisme complémentaire, l'organisme de prise en charge peut récupérer la totalité de l'indu. Il restitue à l'assuré et, le cas échéant, à son organisme complémentaire les montants qu'ils ont versés à tort.
L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.
En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.
Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux sommes réclamées qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées dans la mise en demeure. Cette majoration peut faire l'objet d'une remise.
Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application des trois alinéas qui précèdent'
En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats par la caisse que celle-ci a été alertée par la plainte d'un patient et que le service médical a diligenté un contrôle sur l'activité professionnelle et la facturation de M. [S] [C] sur la période du 1er mars 2011 au 30 juin 2012, en application des articles L.315-1 et R315-1 et suivants du code de la sécurité sociale et que ce contrôle a mis à jour l'existence de fautes dont le nombre et la répétition ont laissé présumer un comportement intentionnel et frauduleux de la part de
M. [S] [C].
L'article L.315-1 du code de la sécurité sociale, modifié par la loi n°2009-1646 du
24 décembre 2009, version applicable à l'espèce, disposait que :
'I.-Le contrôle médical porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles.
II.-Le service du contrôle médical constate les abus en matière de soins, de prescription d'arrêt de travail et d'application de la tarification des actes et autres prestations. (...)
III.-Le service du contrôle médical procède à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des établissements de santé mentionnés aux articles L. 162-29 et L. 162-29-1 dans lesquels sont admis des bénéficiaires de l'assurance maladie, de l'aide médicale de l'Etat ou de la prise en charge des soins urgents mentionnée à l'article L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles, notamment au regard des règles définies en application des dispositions de l'article L. 162-1-7.
III. bis.-Le service du contrôle médical procède auprès des établissements de santé visés à l'article L. 162-22-6, des pharmaciens et des distributeurs de produits ou prestations, dans le respect des règles déontologiques, aux contrôles nécessaires en matière de délivrance et de facturation de médicaments, produits ou prestations donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie ou à prise en charge par l'Etat en application des articles L. 251-2 ou L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles.
IV.-Il procède également à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des professionnels de santé dispensant des soins aux bénéficiaires de l'assurance maladie, de l'aide médicale de l'Etat ou de la prise en charge des soins urgents mentionnée à l'article L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles, notamment au regard des règles définies par les conventions qui régissent leurs relations avec les organismes d'assurance maladie ou, en ce qui concerne les médecins, du règlement mentionné à l'article L. 162-14-2. La procédure d'analyse de l'activité se déroule dans le respect des droits de la défense selon des conditions définies par décret.
Par l'ensemble des actions mentionnées au présent article, le service du contrôle médical concourt, dans les conditions prévues aux articles L. 183-1, L. 211-2-1 et au 5° de l'article L. 221-1, à la gestion du risque assurée par les caisses d'assurance maladie.
IV. bis.-Le service du contrôle médical s'assure de l'identité du patient à l'occasion des examens individuels qu'il réalise, en demandant à la personne concernée de présenter sa carte nationale d'identité ou tout autre document officiel comportant sa photographie.
V.-Les praticiens-conseils du service du contrôle médical et les personnes placées sous leur autorité n'ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l'exercice de leur mission, dans le respect du secret médical.'
L'article R 315-1-1, modifié par le décret n°2009-982 du 20 août 2009, version applicable en l'espèce, dispose :
'Lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé en application du IV de l'article L. 315-1, il peut se faire communiquer, dans le cadre de cette mission, l'ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à cette activité.
Dans le respect des règles de la déontologie médicale, il peut consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l'objet de soins dispensés par le professionnel concerné au cours de la période couverte par l'analyse. Il peut, en tant que de besoin, entendre et examiner ces patients. Il en informe au préalable le professionnel, sauf lorsque l'analyse a pour but de démontrer l'existence d'une fraude telle que définie à l'article R. 147-11 (...)'
Dés lors, le service médical était en droit de convoquer et d'examiner certains assurés, lesquels sont eux mêmes tenus de se soumettre aux contrôles en application de l'article L.352 du code de la sécurité sociale, sous peine d'une pénalité financière prévue par l'article R.147-6 du code de la sécurité sociale, pour laquelle on ne saurait reprocher à la caisse de les en avoir informés, sans que cela ne constitue une 'menace'et n'influence l'examen médical.
Le service médical n'avait pas l'obligation de communiquer la liste des assurés à
M. [S] [C], ni de procéder à l'examen des patients en présence de celui-ci, qui ne saurait invoquer un manquement à la procédure de l'article L.315-1 IV du code de la sécurité sociale et de l'article R.315-1 du même code.
Enfin, le service médical était dans ce cadre autorisé à pratiquer des radiographies de contrôle et rien ne permet d'établir l'absence de consentement des personnes contrôlées;
Enfin, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris a notifié à M. [S] [C] par lettre du 26 juillet 2013 et lettre recommandée avec accusé de réception du 14 janvier 2014 les griefs relevés à son encontre, puis lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er août 2014 un indu de 42.197,98€, ainsi que les manquements constatés en violation des articles cités au code de la sécurité sociale, au code de la santé publique, à la NGAP et à l'arrêté ministériel du 30 mai 2006 pris pour l'application des articles L.162-9 et L.861-3 du code de la sécurité sociale et relatif aux soins prothétiques et d'orthopédie dento-faciale pris en charge par la protection complémentaire en matière de santé.
Un tableau annexe reprend pour chaque prestation concernée le nom du patient, la cotation et la date des prestations, la date du paiement, le remboursement, la cotation justifiée ainsi que les montants des sommes indûment versées.
M. [S] [C] ne peut donc soutenir que la mise en demeure n'était pas motivée et que la procédure qui respecte les prescriptions des articles L.133-4 et suivants du code de la sécurité sociale n'a pas été contradictoire.
La preuve de manquements de la caisse aux principes du contradictoire, de loyauté, d'équité et d'égalité des armes n'est en conséquence pas rapportée.
- Sur l'indu :
L'action de la caisse est fondée sur l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale et est dirigée contre M. [S] [C] et non contre le Centre dentaire [11].
La cour observe d'ailleurs que l'article 8 du contrat de travail de M. [S] [C] dispose que celui-ci s'engage à respecter scrupuleusement la NGAP et accepte personnellement la responsabilité vis à vis du contrôle médical des caisses d'assurance maladie, et que les remboursements individuels demandés par celui-ci pour non-respect de la Nomenclature seront à sa charge. L'article 9 dispose par ailleurs que le praticien est un cadre salarié, bénéficiant d'un salaire mensuel comprenant un taux de reversement de 20% sur les prothèses dentaires et 25% sur les soins. Il importe donc peu que la caisse primaire d'assurance maladie procède aux remboursements auprès du Centre dés lors que celui-ci en reverse un pourcentage au praticien.
M. [S] [C] est donc personnellement responsable de ses actes et ne rapporte pas la preuve que les manquements relevés auraient été commis par le Centre dentaire lui-même. En effet, s'il n'est pas contestable que le Centre est chargé d'envoyer les documents utiles à la caisse primaire d'assurance maladie, la cotation reste de la seule responsabilité du praticien. M. [S] [C] échoue à apporter la preuve que le Centre aurait procéder lui-même aux cotations non justifiées, la production d'une question écrite d'un député posant une question générale de lutte contre la fraude dans les centres médicaux étant insuffisante à établir la fraude du Centre dentaire [11] afin de disculper l'appelant.
Si la décision de l'Ordre des médecins-dentistes n'a pas autorité de la chose jugée, elle constitue cependant un indice des griefs relevés contre ce praticien. Or, M. [S] [C] a été condamné par l'Ordre qui a retenu des fautes, abus et fraudes ;
Il résulte de surcroît des pièces produites aux débats que le directeur du Centre nie avoir jamais reconnu la responsabilité du Centre mais dit avoir seulement pris en charge les frais d'avocat devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Enfin, la caisse expose ce qu'elle a dénoncé à l'Ordre des médecins-dentistes :
-Des actes d 'endodontie et de prothèses non médicalement justifiés sur des dents peu ou pas délabrées de 16 patients,
-Dans 19 cas, des traitements endodontiques et des actes prothétiques non conformes aux données acquises de la science
-Il a dans 30 cas conduit une thérapeutique non conforme en effectuant des restaurations sur des traitements insuffisants
-A 29 reprises, le Docteur [C] a facturé des actes qui n 'ont pas été réalisés,
-Que 23 actes prothétiques ont été facturés deux fois, soit à la même date soit à peu de jours d'intervalle,
-Dans 21 cas des actes non remboursables ont été cotés en méconnaissance des dispositions de la Nomenclature des actes professionnels,
-A 20 reprises dans 10 dossiers l'utilisation d'un code de transposition ne correspondant pas aux actes réalisés pour des bénéficiaires de la CMU C a entrainé le versement au praticien de prestations injustifées.
Surtout, les tableaux produits par la caisse récapitulent les manquements relevés, en mentionnant les cotations injustifiées ou inexactes.
La question de l'obligation de moyens applicable aux médecins-dentistes pour tous leurs actes, que l'appelant aborde de façon générale, ne permet pas à la cour de contredire les manquements particuliers relevés par le service médical.
M. [S] [C] ne rapporte pas la preuve du bien fondé de ses actes ni que les manquements qui lui sont reprochés seraient le fait du Centre dentaire [11].
La caisse primaire d'assurance maladie produit en revanche le nom du patient contrôlé, la nature et la date des prestations, la cotation , le montant facturé et la date du paiement indu ainsi que la cotation justifiée et le montant de l'indu, pour un total de 42.197,98€.
La décision des premiers juges doit être confirmée.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie l'intégralité des frais qu'elle a du exposer. Il lui sera alloué la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare l'appel de M. [S] [C] recevable,
Se déclare incompétente pour connaître d'une action contre M. [Z] [M] [D], ès qualités, et renvoie M. [S] [C] à mieux se pourvoir,
Déboute M. [Z] [M] [D] de sa demande de dommages et intérêts,
Lui alloue la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la mise en cause du Centre dentaire [11],
Déboute le Centre dentaire [11] de ses demandes de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirme le jugement déféré,
Déboute M. [S] [C] de toutes ses demandes,
Condamne M. [S] [C] au paiement à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris de la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [S] [C] aux dépens d'appel.
La Greffière,La Présidente,