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23/06/2020 | FRANCE | N°19/03649

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 23 juin 2020, 19/03649


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS











COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 1 - Chambre 1





ARRET DU 23 JUIN 2020





(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/03649 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7KRJ





Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/05171








APPELANT >




LE MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE CIVIL





[...]


[...]





représenté à l'audience par Mme SCHLANGER, avocat général








INTIMEE





Madame Q... V......

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 23 JUIN 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/03649 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7KRJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/05171

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE CIVIL

[...]

[...]

représenté à l'audience par Mme SCHLANGER, avocat général

INTIMEE

Madame Q... V... H... née le [...] à Mutsamudu-Anjouan (Comores)

[...]

[...]

représentée par Me Margot WALTHER de la SELAS DADI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2496

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2020, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimée ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean LECAROZ, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne BEAUVOIS, présidente de chambre

M. Jean LECAROZ, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré ayant été prorogé à ce jour sans que les parties aient pu en être avisées en raison de l'état d'urgence sanitaire.

- signé par Madame Anne BEAUVOIS, présidente de chambre et par Mélanie PATE, greffière

Vu le jugement rendu le 10 janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Paris qui a jugé que Mme Q... V... H..., née le [...] à Mutsamudu-Anjouan (Comores) bénéficie d'un état civil certain, jugé que la filiation de Mme Q... V... H... à l'égard de M. X... H..., né le [...] à Mutsamudu-Anjouan (Comores), est établie, pour le surplus, ordonné la réouverture des débats et invité les parties à faire toutes observations et à produire les pièces correspondantes sur le statut de droit commun de l'un des ascendants de Mme Q... V... H... et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure ;

Vu l'appel formé le 17 mai 2019 par le ministère public contre ce jugement et enregistré au greffe de cette cour sous le numéro RG19/3649 ;

Vu le jugement rendu le 24 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a débouté le ministère public de l'ensemble de ses demandes, jugé que Mme Q... V... H..., né le [...] à Mutsamudu-Anjouan (comores), est de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, débouté Mme Q... V... H... du surplus de ses demandes et condamné le Trésor public aux dépens ;

Vu l'appel formé le 15 février 2019 par le ministère public contre ce jugement et enregistré au greffe de cette cour sous le numéro RG19/10614 ;

Vu l'ordonnance prononçant la jonction des instances le 15 octobre 2019 ;

Vu les conclusions notifiées le 4 février 2020 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, de dire que Mme Q... V... H... ne bénéficie pas d'un état civil certain, de dire que sa filiation à l'égard de M. X... H... n'est pas établie, de dire que le certificat de nationalité française n°289/2013 délivré le 19 septembre 2013 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Montreuil, l'a été à tort, de constater l'extranéité de Mme Q... V... H..., de rejeter les demandes de Mme Q... V... H... et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu les conclusions notifiées le 3 février 2020 par Mme Q... V... H... qui demande à la cour de débouter le procureur général de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement, de dire qu'elle est de nationalité française, d'ordonner la transcription de son acte de naissance par le service central d'état civil, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, de condamner le ministère public aux dépens avec distraction et de condamner le ministère public à lui payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;

MOTIFS,

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 21 mai 2019.

Mme Q... V... H..., se disant née le [...] à Mutsamudu (Comores) est titulaire d'un certificat de nationalité française délivré le 19 septembre 2013 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Montreuil. Selon ce certificat, Mme Q... V... H... est française en application de l'article 18 du code civil pour être née de X... H..., né le [...] à Mtsamudu.

Le ministère public qui soutient que ce certificat de nationalité française a été délivré à tort à l'intéressé doit en apporter la preuve en application de l'article 30 du code civil.

La force probante d'un certificat de nationalité française dépend des documents qui ont servi à l'établir et si le ministère public prouve que ce certificat a été délivré à tort à l'intéressée ou sur la base d'actes erronés, ce certificat perd toute force probante. Il appartient alors à l'intéressée de rapporter la preuve de sa nationalité française à un autre titre.

Pour l'obtention de ce certificat de nationalité française, Mme Q... V... H... a communiqué au greffier en chef du tribunal d'instance de Montreuil son acte de naissance étranger versé aux débats par le ministère public.

Pour rejeter la demande du ministère public en annulation du certificat de nationalité française et dire que Mme Q... V... H... justifiait d'un état civil certain, les premiers juges ont retenu que l'intéressée versait aux débats un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 25 mars 2015 par la juridiction cadiale de Mutsamudu, un acte de naissance dressé en exécution de ce jugement le 30 avril 2015 sous le numéro 875 dans le registre n°6 de l'année 2015, et un acte de naissance dressé le 2 juillet 1988 qui a été annulé selon jugement n°474/015 du 20 mars 2015 rendu par le tribunal de première instance de Mutsamudu, et que ces documents étaient valablement légalisés.

Mais, d'une part, l'article 47 du code civil dispose que «Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité».

L'acte de naissance ayant servi à la délivrance du certificat de nationalité française est versé aux débats par le ministère public. Il consiste dans une photocopie certifiée conforme de l'acte de naissance n°594 de l'intéressée figurant dans le registre des naissances de la commune de Mutsamudu selon lequel il a été dressé le 2 juillet 1988 sur déclaration du père de l'enfant âgé de 24 ans, domicilié à Paris (France).

Or cet acte de naissance ne comporte pas la signature du déclarant et ce, en violation de l'article 21 de la loi comorienne n°84-10 du 15 mai 1984 sur l'état civil lequel dispose que «Les actes sont signés par l'officier d'état civil, les comparants, les témoins et l'interprète s'il y a lieu, ou mention est faite de la cause qui empêche les comparants et les témoins de signer». Cette signature constitue une mention substantielle sans laquelle l'acte étranger est dépourvu de toute force probante.

C'est donc à tort qu'un certificat de nationalité française a été délivré à l'intimée au vu de cet acte de naissance irrégulier. Le jugement est infirmé.

Pour justifier de son état civil, Mme Q... V... H... verse aux débats :

- le jugement «supplétif de naissance» n°1044 rendu le 25 mars 2015 par le cadi de Mutsamudu selon lequel Q... V... H..., est née le [...] à 22 heures et 50 minutes à Mutsamudu-Anjouan, de sexe féminin, préfecture de Mutsamudu-Anjouan, de H... X..., né le [...] à Mutsamudu-Anjouan et demeurant à Paris ' France et de O... S..., née le [...] à Missiri-Mutsamudu-Anjouan et demeurant à Mutsamudu-Anjouan et autorisant sa transcription ;

- l'acte de naissance n°875 dressé le 30 août 2015 sur le registre n°6 en exécution de cette décision,

- le jugement en annulation n°474 rendu le 20 mars 2015 par le tribunal de première instance de Mutsamudu ;

Mais la France n'ayant conclu aucune convention avec l'Union des Comores, les copies d'actes de l'état civil et de décisions judiciaires ne peuvent produire d'effet en France si elles n'ont pas été légalisées. La légalisation est la formalité par laquelle les agents consulaires de l'ambassade de France aux Comores ou de l'ambassade des Comores en France attestent de la véracité de la signature, de la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont il est revêtu.

Comme l'observe à juste titre le ministère public, les jugements étrangers communiqués ne consistent pas en des copies certifiées conformes mais présentent l'apparence de jugements originaux (minutes), l'avocat de l'intéressé soutenant qu'il s'agit à la fois des «originaux des jugements et qu'ils sont conformes au registre du tribunal». L'autorité ayant délivré ces copies de jugement n'est donc pas mentionnée.

A supposer que ces documents aient été délivrés directement par les greffiers ayant assisté aux audiences de ces juridictions, soit respectivement M. M... B... pour le juge du tribunal de première instance de Mutsamudu, soit Mme W... P... pour la juridiction cadiale de la même ville, ces documents comprennent un tampon du parquet de Mutsamudu, les timbres, dates et signatures de Mme G... F... relevant du ministère des Affaires Étrangères ainsi que celui de l'ambassadeur des Comores en France.

Mais les deux premières autorités (parquet de Mutsamudu et ministère des Affaires Etrangères comorien) n'ont pas compétence pour légaliser les actes délivrés par M. M... B... et Mme W... P.... Quant au tampon apposé par l'ambassadeur des Comores en France, il porte la mention «pour légalisation de l'acte' Authentifié par le parquet de Mutsamudu Et visé par le Service de la Chancellerie du Ministère des Affaires Étrangères, Paris le 2 mars 2016». Cette mention, qui n'authentifie pas la signature, la qualité et éventuellement le timbre de l'autorité ayant délivré la copie de ces jugements, dont l'identité reste d'ailleurs incertaine, ne constitue pas une légalisation régulière.

De même, ne constitue pas une légalisation régulière celle figurant au verso de la copie intégrale de l'acte de naissance n°875 de l'intéressée, pris en exécution du jugement supplétif d'acte de naissance n°1044/2015, dès lors que ne sont pas authentifiés la signature, la qualité et le timbre de M. S... K..., officier d'état civil ayant délivré ce document.

Il en résulte que Mme Q... V... H... échoue à rapporter la preuve d'un l'état civil certain.

Nul ne pouvant prétendre à la nationalité française s'il ne justifie pas d'un état civil certain et fiable, l'extranéité de Mme Q... V... H... doit être constatée. Les demandes de Mme Q... V... H... sont rejetées.

Succombant à l'instance, Mme Q... V... H... ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Constate que la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile a été accomplie,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que c'est à tort que le certificat de nationalité française n°289/2013 a été délivré à Mme Q... V... H... le 19 septembre 2013 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Montreuil,

Dit que Mme Q... V... H..., se disant née le [...] à Mutsamudu-Anjouan (Comores), n'est pas française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne Mme Q... V... H... aux dépens,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 19/03649
Date de la décision : 23/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°19/03649 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-23;19.03649 ?
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