Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRÊT DU 18 JUIN 2020
(n° 28 , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/16647 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B566G
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2018 - Juge de l'expropriation de CRETEIL - RG n° 17/00074
APPELANTS
Monsieur [Z] ([Z]) [W]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
comparant
Assisté par Me Elisabeth PORTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0752
Monsieur [Z] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 11]
comparant
Assisté par Me Elisabeth PORTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0752
Monsieur [S] [W]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
comparant
Assisté par Me Elisabeth PORTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0752
INTIMÉES
LA COMMUNE DE [Localité 3]
[Adresse 12]
[Adresse 11]
non comparante
Représentée par Me APRAHAMIAN Karin, avocat au barreau de PARIS, toque : R0205
DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
[Adresse 10]
[Adresse 10]
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Hervé LOCU, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Hervé LOCU, président
Gilles MALFRE, conseiller
Valérie MORLET, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Sixtine ROPARS
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire, le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 19 mars 2020 au 18 juin 2020.
- signé par Hervé LOCU, et par Sixtine ROPARS, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSÉ
La rénovation urbaine du quartier du Bord de L'eau est prévue dans la commune de [Localité 3].
L'arrêté de déclaration d'utilité publique a été rendu le 18 juin 2015 et l'ordonnance d'expropriation le 2 mai 2016.
Sont notamment concernés par l'opération les consorts [W], propriétaires du bien sis [Adresse 7], sur la parcelle cadastrée section AK n°[Cadastre 2] d'une superficie de 771m².
La parcelle supporte un pavillon composé d'un sous-sol semi-enterré, d'un rez-de-chaussée donnant sur un jardin, d'un étage avec terrasse, et de combles aménagées.
La parcelle est en zone UB du POS de la commune de [Localité 3], applicable à compter du 23 novembre 2017, date retenue comme date de référence. La zone UB correspond aux opérations d'habitat collectif et a aussi vocation à permettre l'accueil de fonctions plus mixtes.
Faute d'accord sur l'indemnisation, la commune de [Localité 3] a, par mémoire visé au greffe le 31 octobre 2017, saisi le juge de l'expropriation du Val-de-Marne.
Par jugement du 14 mai 2018, après transport sur les lieux le 16 janvier 2018, celui-ci a :
- fixé, à la date du jugement, l'indemnité due par la commune de [Localité 3] aux consorts [W] à la somme totale de 513 295,00 euros se décomposant comme suit :
- 458 080,00 euros au titre de l'indemnité principale, soit :
[143,15m² x 3.200€/m²]
- 46 808,00 euros au titre de l'indemnité de remploi,
[5 000 x 20% + 10 000 x 15% + 443 080 x 10%]
- 6 499,00 euros au titre de l'indemnité pour déménagement,
- 1 908,00 euros au titre de l'indemnité relative à la taxe foncière.
- débouté les consorts [W] de leurs demandes d'indemnisation au titre de clôture et plantations et au titre de frais de garde-meubles,
- constaté le renoncement des consorts [W] à leur relogement ainsi qu'à celui de tous les occupants de leur chef,
- condamné la commune de [Localité 3] à verser aux consorts [W] la somme de 2 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné la commune de [Localité 3] aux dépens.
Les consorts [W] ont interjeté appel le 28 juin 2018.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
- adressées au greffe, par les consorts [W], respectivement le 24 septembre 2018, notifiées le 26 septembre 2018 et déposées au greffe le 27 septembre 2018, notifiées ce même jour (AR des 1er et 4 octobre 2018 pour les deux écritures) , aux termes desquelles ils demandent à la cour :
- de les déclarer recevables et bien fondés en leur appel ;
- de réformer partiellement le jugement rendu le 14 mai 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Créteil concernant les sommes allouées au titre de l'indemnité principale, l'indemnité de remploi et l'indemnité de déménagement et le rejet de l'indemnité de clôture et de plantations et l'indemnité de garde meubles ;
- confirmer le jugement pour le surplus ;
- en conséquence, fixer l'indemnité à revenir aux consorts [W] à la somme de 998 948,00 euros, se décomposant comme suit :
- 872 480 euros au titre de l'indemnité principale ;
- 88 248 euros au titre de l'indemnité de remploi ;
- 15 000 euros au titre de l'indemnité pour clôture et plantations ;
- 11 592 euros au titre de l'indemnité pour déménagement ;
- 9 720,12 euros au titre de l'indemnité pour frais de garde-meubles ;
- confirmer l'indemnité allouée de 2 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- leur allouer une indemnité complémentaire de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner la commune de [Localité 3] aux entiers dépens ;
- admettre aux débats le devis des frais de garde meubles justifiant leur demande d'indemnité pour frais de garde meubles à hauteur de 9 720,12 euros ;
- déposées au greffe, par la commune de [Localité 3], intimée, le 4 novembre 2019, notifiées le 15 novembre 2019 (AR du 18 novembre 2019), aux termes desquelles elle demande à la cour :
- de confirmer le jugement
- de condamner les consorts [W] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner les consorts [W] aux entiers dépens
- adressées, par le Commissaire du gouvernement, le 21 décembre 2018, notifiées le 31 décembre 2018 (AR du 9 janvier 2019), aux termes desquelles il demande à la cour :
- de confirmer le jugement
- d'apprécier une condamnation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile
MOTIFS DE L'ARRÊT
Les consorts [W] font valoir que :
- le jugement doit être infirmé concernant :
- les surfaces retenues pour l'évaluation de l'indemnisation : les surfaces des combles aménagées d'une hauteur inférieure à 1,80m, et des sous-sols doivent être retenues au titre des surfaces habitables afin de permettre une juste indemnisation du bien ; si tel ne devait être le cas, la jurisprudence consistant à intégrer dans l'assiette de calcul les surfaces des pièces d'une hauteur inférieure à 1,80m tout en les pondérant doit s'appliquer ; en outre, les surfaces des sous-sol doivent être comprises dans l'assiette de calcul sans pondération selon une jurisprudence du juge de première instance de Bobigny ; à cela s'ajoutent les superficies de la terrasse.
Il convient donc de retenir une surface de 229,60m² [143,15m² + 0,38m² + 16,85 m² + 5,79 m² + 63,43 m²]
- le prix du m² : tenant compte de l'état général du bâti, de la rareté de ce type de bien sur la commune de [Localité 3] et des éléments de comparaison apportés le prix du m² doit être évalué à 3.800€/m² ; la méthode de minorisation de la valeur unitaire issue des éléments de comparaison doit être écartée afin de prendre en compte les éléments de valorisation du bien (terrasse, jardin comportant un verger, très bon entretien) relevés par le premier juge mais non intégrés dans le calcul ; par ailleurs, les éléments de comparaison retenus par le jugement ne sont pas comparables (configuration peu avantageuse, construction de mauvaise facture, absence d'aménagement, surface moindre, exposition particulière en cas de crue).
L'indemnité principale doit être fixée à la somme de 872 480 euros, en valeur libre [229,60m² x 3 800€] ;
- la valeur de l'indemnité de remploi doit être réévaluée à la somme de 88.248euros suite à la réformation de la valeur de l'indemnité principale ; la méthode d'évaluation n'est pas contestée ;
- les indemnités de clôture et plantations : la jurisprudence indemnise régulièrement la perte d'accessoires et le bien dispose de nombreux accessoires (arbres fruitiers, clôture, allée centrale bétonnée), ce qui justifie l'allocation d'une indemnité de la somme de 15 000 euros ;
- l'indemnité pour garde meuble et déménagement : les devis apportés par l'expropriant ont été établis sans visite du bien et sans leur accord ce qui justifie de les écarter ; ils ne bénéficient pas d'informations suffisantes pour anticiper le déménagement et doivent donc entreposer leurs biens dans un garde meuble.
L'indemnité doit donc être fixée à la somme de 9 720,12€ TTC en considération du devis qu'ils ont établi ;
- le jugement doit être confirmé concernant l'allocation d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'une somme de 2 200 euros, et une indemnité complémentaire de 2 000 euros doit être allouée en cause d'appel ;
La commune de [Localité 3] soutient que :
- le jugement doit être confirmé ;
- le bien exproprié étant soumis au droit de préemption urbain, la date de référence à prendre en compte est celle à laquelle a eu lieu la dernière modification du plan d'occupation des sols, soit le 29 novembre 2011 ;
- le bien exproprié est situé en zone UB, secteur UBa du plan d'occupation des sols, c'est-à-dire une zone à caractère collectif, semi dense, où des bâtiments relativement hauts sont construits en ordre discontinu ; il se situe à 1,8 km de la rue commerçante la plus proche ; les parties non-construites du terrain sont pour moitié bétonnées ;
- concernant la surface du bien : l'administration fiscale a confirmé que la surface habitable est de 121 m²; le bien a fait l'objet d'une extension de 80m² et de prescriptions pour sa mise en régularité par la Direction départementale de l'équipement ; des incohérences ayant été relevées sur la superficie du bien, un géomètre expert a été mandaté par la commune qui a mesuré une superficie habitable totale de 143,15 m² et une superficie annexe de 165,70 m², comprenant les superficies relatives aux combles aménagées et aux surfaces inférieures à 1,80m ; le bien est situé en zone 'violet-foncé' du PPRI ce qui exclut les surfaces des sous-sols de celles retenues au titre de la superficie habitable ; les surfaces des combles, déclarées non aménageables précédemment par les appelants, ne peuvent pas non plus être retenues à ce titre puisque la hauteur des combles est inférieure à 1,80m ; les éléments de comparaison portent sur des biens similaires (greniers, sous-sols de type garage) et permettent la valorisation des surfaces annexes.
La surface retenue doit donc être de 143,15m² ;
- concernant le prix du m² : les termes de comparaisons versés par les appelants ne sont pas comparables (bien situé hors zone sensible, superficie incomparable) et doivent être écartés.
La valeur unitaire de 3.200€/m² doit être confirmée ;
- concernant l'indemnité de remploi : l'indemnité principale étant évaluée à la somme de 458.080 euros, l'indemnité de remploi doit être évaluée à la somme de 46 808 euros ;
- concernant l'indemnité pour clôture et plantations : la jurisprudence considère que l'indemnité de plantation ne peut être allouée que si le terrain n'est pas indemnisé comme terrain à bâtir et n'en a pas la qualité, contrairement au terrain exproprié ; les clôtures n'apportent pas de plus-value au bien ;
- concernant l'indemnité de garde meuble : elle est devenue propriétaire du bien en 2016 ; les appelants disposaient du temps nécessaires pour déménager ;
- concernant l'indemnité de déménagement : l'indemnité doit être fixée en considération de trois devis établis sur son indication, soit à la somme de 6 499 euros ;
- concernant la taxe foncière : les appelants ne pouvant justifier de son paiement n'en demandent plus le remboursement ;
Le commissaire au gouvernement considère que :
- le jugement doit être intégralement confirmé, notamment concernant :
- la surface retenue : le bien exproprié se situant en zone d'aléas forts ou très forts du PPRI, où sont interdits la construction de sous-sol ou le changement d'affectation des locaux situés en sous-sol pour un usage autre que le stationnement, la superficie correspondant au sous-sol ne peut pas être prise en compte ; les surfaces dont la hauteur sous-plafond est inférieure à 1m80 n'étant jamais intégrées à la surface utile retenu, la superficie des combles ne peut pas être prise en compte.
Il convient donc de retenir la surface habitable mentionnée par le géomètre expert, soit 143,15m² ;
- la valeur unitaire retenue : les termes de comparaison qu'il propose sont pertinents (superficie, contraintes au niveau de l'EPB et du PPRI) et la plus-value du bien doit être limitée eu égard de sa grande superficie ;
SUR CE
Sur la recevabilité des conclusions
Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017 - article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 28 juin 2018, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.
À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.
L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.
Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.
Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.
Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.
En l'espèce , les conclusions des consorts [W] des 24 septembre 2018 et 26 septembre 2018 et du commissaire du gouvernement du 21 décembre 2018 déposées dans les délais légaux sont recevables.
Les conclusions de la commune de [Localité 3] du 4 novembre 2019 ont été déposées hors délai. En conséquence, conformément à l'article susvisé la cour a soulevé d'office leur irrecevabilité; dans le cadre du respect du contradictoire, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, la cour a invité les parties à présenter leurs observations et comme indiqué dans la note d'audience, elles n'en ont pas présenté, notamment le conseil de la commune de [Localité 3].
En conséquence, il convient de déclarer irrecevables les conclusions de la commune de [Localité 3] du 4 novembre 2019 comme étant hors délai en application de l'article R 311- 26 susvisé.
Sur le fond
Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.
L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
Aux termes de l'article L321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Conformément aux dispositions de l'article L322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L322-3 à L322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.
L'appel porte sur les surfaces retenues, sur la valeur unitaire à retenir pour la fixation de l'indemnité principale, sur les indemnités accessoires, à savoir l'indemnité de remploi, l'indemnité pour clôture et plantation, l'indemnité pour déménagement et l'indemnité pour frais de garde- meuble, l'indemnité allouée au titre de la taxe foncière n'étant pas contestée.
S'agissant de la date de référence, les consorts [W] ne contestent pas la date du 23 novembre 2017 retenue par le premier juge en application des articles L213-6 et L 213-4 du code de l'urbanisme, correspondant à la délibération du conseil municipal en septembre 2017 applicable à compter du 23 novembre 2017; cette date est celle également retenue par le commissaire du gouvernement.
S'agissant des données d'urbanisme, il n'est pas contesté que l'immeuble est classé en zone UB du POS de la commune de [Localité 3], qui correspond aux opérations d'habitats collectifs ; s'il s'agit d'une zone à caractère principale d'habitat, destinée également à permettre l'accueil de fonctions plus mixtes telles que commerces et services, équipements publics et privés.
Le premier juge a précisé que l'environnement du bien en cause est composé de grands bâtiments, de logements sociaux, d'espaces vides de commerce et qu'il convient de noter cependant la rénovation en cour du quartier et l'émergence de nombreux nouveaux bâtiments notamment de logement et de services telle une école.
S'agissant de la situation locative, le bien étant occupé par l'un des propriétaires, est considéré comme libre d'occupation.
Le jugement sera en conséquence confirmé sur ces points.
Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un pavillon en R+1 d'une surface habitable de 143,15 m², surface qui est contestée par les appelants, édifié sur une parcelle cadastrée AK [Cadastre 2] d'une superficie de 771 m² ; ce pavillon est à usage d'habitation, élevé sur un sous-sol semi enterré, lequel est aménagé, composé de deux chambres, un salon, une cuisine et une pièce laissée à usage de garage disposant d'une rampe d'accès ; le rez-de-chaussée est composé d'un grand salon, une chambre, une cuisine, une salle d'eau et un WC ; au premier étage en partie mansardée, se trouvent quatre chambres, une salle de bains et un WC, ainsi qu'une grande terrasse ; en outre, il y a un grenier aménagé dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1, 80m ; les fenêtres sont en double vitrage, avec un chauffage central au gaz ; à l'arrière, se trouve un grand jardin avec un potager et des arbres fruitiers.
Le premier juge s'est référé au procès-verbal de transport sur les lieux du 16 janvier 2018, duquel il ressort notamment, que le pavillon est en bon état, bien entretenu et sain; le commissaire du gouvernement confirme que l'ensemble est en bon état d'entretien.
Les consorts [W] soulignent que la surface de 771 m² en font un bien prisé sur le marché et constitue incontestablement un facteur de plus-value, que la zone est bien desservie sur le plan ferroviaire, par le RER C, que [Localité 2] est à un quart d'heure en train, l'aéroport d'[Localité 1] à moins de 10 minutes par la route et que le bien se situe à quelques minutes à pied de la gare RER de Villeneuve Saint Georges.
Ils indiquent que pour tenter de limiter la valeur de leur bien, la commune fait état des contraintes auxquelles est soumise leur propriété, liées notamment à l'inscription au PPRI et à diverses autres servitudes, mais que la totalité du territoire de la ville de Villeneuve sur Roi subit les mêmes contraintes, et que les risques éventuels liés à la proximité de la Seine restent extrêmement cantonnés et historiquement particulièrement rares, la ville de [Localité 3] ne pouvant l'être qu'à partir du moment où la Seine dépasserait les 6 m à hauteur de la Ville de [Localité 2].
S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance, soit le 14 mai 2018.
Sur l'indemnité principale
1. Sur les surfaces
Le premier juge a retenu le certificat de mesurage établi de façon contradictoire, à savoir une surface habitable de 143,15 m².
Les consorts [W] indiquent :
' S'agissant des surfaces dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80 m² : premier étage et combles.
Ces surfaces sont particulièrement importantes puisque de 56,18 m² de combles et 1,27 m² au premier étage, soit 57,45 m² au total ; à supposer même qu'elles ne soient pas retenues, le premier juge aurait du les prendre en compte comme facteurs de plus value ; les juridictions d'expropriation intègrent systématiquement ces surfaces dans l'assiette du calcul de l'indemnité d'expropriation tout en les pondérant.
' S'agissant de la méconnaissance des surfaces du sous-sol
Le transport sur les lieux a permis d'établir que cette surface de 79,29 m² présente une hauteur sous plafond normale, que ce sous- sol est entièrement viabilisé et aménagé et qu'il convient en conséquence de retenir cette surface.
Ils sollicitent en conséquence de retenir :
superficie de hauteur sous plafond
- au premier étage : 1,27 m² x 0, 3 = 0,38 m²
- les combles :56,18 m² x 0, 3 = 16,85 m²
- la terrasse : 28,96 m² x 0,2 = 5,79 m²
- le sous-sol: 79,29 m² x 0,8 = 63,43 m².
Le commissaire du gouvernement rétorque que le bien exproprié est situé dans un secteur inondable, que la superficie correspondante au sous-sol ne peut donc être prise en compte et que toutes les surfaces dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80 m ne sont jamais intégrées à la surface utile retenue, parmi lesquelles les combles et qu'il convient donc de retenir la surface habitable mentionnée par le géomètre expert soit, 143,15 m².
Aux termes de l'article R 111'2 du code de la construction et de l'habitation, la surface habitable d'un logement est « la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres ; le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond. Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévu à l'article R 111'10, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 m ».
En l'espèce, le bien exproprié est situé dans un secteur inondable, zone violet foncé du PPRI qui correspond aux zones situées en zone d'aléas forts ou très forts, où sont interdits la construction de sous-sol où le changement d'affectation des locaux situés en sous-sol pour un usage autre que le stationnement; en conséquence , la superficie correspondant au sous-sol ne peut être pris en compte.
Pour les surfaces dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80m, il convient de les écarter conformément à l'article susvisé.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a exactement retenu la surface habitable mentionnée par le géomètre expert de façon contradictoire soit 143,4 m² (pièce n° 3 : certificat de superficie habitable et annexe établis par Monsieur [M] [K] géomètre expert le 12 février 2017), à l'exclusion de la superficie des annexes de 165,70m².
2. Sur la méthode
Le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.
Aux termes de l'article L322-8 du code de l'expropriation, sous réserve de l'article L322-9, le juge tient compte des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration publique et les prend pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.
La méthode de comparaison utilisée par le premier juge n'est pas contestée par les parties, avec une évaluation en valeur libre.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
3. Sur la valeur unitaire
Le premier juge au vu des termes de comparaison qu'il a retenu indique que la moyenne s'élève à la somme de 2 759 euros/ m², mais en tenant compte du front de Seine qui présente un risque supérieur d'inondation, mais constituant pas moins un avantage en terme de vue, l'un compensant l'autre, les éléments de valorisation tenant à une vaste terrasse, un jardin très bien entretenu, une surface plus grande que les termes de comparaison, le très bon entretien et la facture agréable du bien, la relativisation d'une référence à 1 153euros/m², alors que les quatre aux termes de comparaison présentent une valeur unitaire comprise entre 2 833 euros et 3 021 euros /m², la surface utile supérieure à celle des termes de comparaison, il a porté la valeur unitaire à la somme de 3 200euros/m².
Les consorts [W] soulignent la rareté de leur type de bien sur la commune de [Localité 3] et demandent de retenir une valeur de 3 800 euros/m², tandis que le commissaire du gouvernement tout en faisant état de la moyenne de 2 759 euros/m² des termes de comparaison qu'il produit, de la plus-value tenant à la terrasse, au jardin arboré, de la superficie du terrain, et de l'état d'entretien du bien, indique que la grande surface habitable par rapport aux termes de comparaison conclut à limiter cette majoration et sollicite en conséquence la confirmation.
Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :
A. Les références des consorts [W]
Ils invoquent deux termes de comparaison, d'une surface habitable de 60 m² certes inférieurs à leur bien, mais présentant des caractéristiques similaires pour le surplus, faisant ressortir un prix unitaire de 3 900euros/le m² :
- se trouvant dans la même rue ou à proximité immédiate
- avec des terrains d'assiette plus grands que les références apportées par le commissaire du gouvernement
- dans le même secteur d'exposition au bruit que le bien exproprié.
1. parcelle AO [Cadastre 1], [Adresse 3], pavillon première moitié du XXe siècle, terrain de 585 m², construction de deux niveaux, surface de 60 m² composé de quatre pièces avec une salle de bain, vendu le 22 juillet 2016 au prix de 234'000euros, soit 3 900euros/m² (pièce n° 2).
Comme l'indiquent eux-mêmes les consorts [W], ce terme n'est pas comparable, en ce qui concerne la surface utile, nettement inférieure, la valeur unitaire d'un bien diminuant lorsque sa surface augmente et sera donc écarté.
2. parcelle AP [Cadastre 3],[Adresse 4], première moitié du XXe siècle, terrain de 465 m², construction d'un niveau, surface de 60 m² composé de trois pièces avec une salle de bain, 27 juillet 2016, 2 134'000euros, soit 3 900euros/ m² (pièce n° 1).
Ce terme non comparable sera écarté pour le même motif.
B. Les référénces du commissaire du gouvernement
Il propose cinq références correspondants à des mutations de pavillons dans un rayon de 500 m, libres d'occupation, sur la commune de [Localité 3].
adresse
date mutation
année constru
surface terrain
surface utile totale
prix total
prix /m²
obs
[Adresse 5]
04/12/2014
2009
573
110
332 300 euros
3 021 euros
N°1
[Adresse 3]
09/03/2015
1957
323
90
268 000 euros
2 978 euros
N°2
[Adresse 6]
30/04/2015
1925
362
128
250 000 euros
1 953 euros
N°3
[Adresse 2]
08/07/2015
1900
620
90
255 000
euros
2 833 euros
N°4
[Adresse 8]
18/03/2016
1926
331
84
253 000 euros
3 012 euros
N°5
soit une moyenne de 2 759 euros.
S'agissant de la référence n° 1, les consorts [W] indiquent qu'il s'agit d'un bien radicalement différent, puisque la parcelle possède une configuration peu avantageuse avec une façade très réduite se prolongeant par un couloir vers la partie principale de la parcelle, ce qui constitue un facteur de moins-value et que d'autre part la vue aérienne met en évidence une construction de mauvaise facture en état très moyen, avec un jardin en rien comparable.
Cependant, cette référence est comparable, puisque se trouvant dans la même rue, avec une surface proche, avec certes une configuration différente, qui ne peut cependant à elle seule lui faire perdre sa pertinence, et la photo aérienne produite dans les conclusions page 16 ne rapporte pas la preuve d'une construction de mauvaise facture.
S'agissant de la référence n° 2, les consorts [W] indiquent que le bâtiment a été édifié sur un terrain d'une surface de 323 m² incomparables avec les 771 m² de leur bien, avec un jardin extrêmement réduit et nullement aménagé, comme le démontre la photo jointe.
Cependant, si la surface du terrain est en effet nettement inférieure, la surface est elle proche de 90 m², et la photo dans les conclusions page 17 ne rapporte pas la preuve d'un jardin réduit et nullement aménagé.
S'agissant de la référence n° 3, les consorts [W] indiquent qu'il s'agit d'un bien particulièrement exposé puisque situé le long de la Seine, et que le terrain d'assiette est seulement de 362 m².
Cependant, comme l'indique exactement le premier juge, si le front de Seine présente un risque supérieur d'inondation, il n'en constitue pas moins un avantage en terme de vue, l'un compensant l'autre, et ce d'autant que les appelants indiquent que le risque de crue est rare historiquement ; si le terrain d'assiette est plus réduit, la surface est proche étant de 84 m².
S'agissant de la référence n° 4, les consorts [W] produisent une photo en indiquant que ce pavillon est situé en bord de la Seine, soit sur la partie la plus exposée en cas de crue.
Cependant, cette référence reste pertinente, pour les mêmes motifs que pour la référence n° 3.
S'agissant de la référence n° 5, les consorts [W] indiquent qu'elle présente des caractéristiques beaucoup plus défavorables, le terrain d'assiette s'étendant également sur 331 m², et le bâtiment souffrant d'une mitoyenneté importante et ne bénéficiant d'aucun jardin d'agrément.
Cependant, ces motifs ne sauraient faire perdre la pertinence à ce terme de comparaison, puisqu'il s'agit d'un pavillon situé dans un rayon de 500 m, avec une surface proche de 84 m².
Si les références du commissaire du gouvernement aboutissent à une moyenne de 2 759euros/m², il convient cependant de relever que la référence la plus haute n° 1 se situe à 3 021euros/m² tandis que la référence la plus basse n° 3 se situe à 1 953euros/m² et qu'à l'exception de cette dernière, les références se situent toutes dans une fourchette proche entre 2 833euros et 3 021euros.
En conséquence, il convient non seulement de relativiser l'importance de ce terme de comparaison comme indiqué par le premier juge, mais en raison de sa déconnexion manifeste par rapport à la valeur du marché de l'écarter et de retenir uniquement les quatre autres références qui aboutissent à une moyenne de :
3 021 + 2 978 + 2 833 + 3 012 = 11'844 / 4 = 2 961euros/m²
Il convient effectivement comme indiqué à la fois par les consorts [W] et par le commissaire du gouvernement de tenir compte des éléments de plus-value que constituent les annexes, la terrasse, le jardin arboré, la superficie du terrain, le bon état d'entretien du bien, mais en tenant compte du fait que cependant la grande surface habitable du bien exproprié par rapport aux termes de comparaison limite cette majoration, la valeur unitaire d'un bien étant inversement proportionnelle à sa superficie ; en conséquence, si la cour a retenu une moyenne supérieure à savoir 2 961 euros/m² à celle du premier juge à savoir de 2 759 euros/m², la valeur ne peut cependant être celle revendiquée par les consorts [W] à 3 800euros.
Au vu de ces éléments, le premier juge tenant compte de l'ensemble de ces éléments a exactement porté la valeur unitaire à la somme de 3 200euros/m².
4. Sur la fixation de l'indemnité
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a exactement fixé l'indemnité principale à la somme de :
143,15 m² x 3 200euros/m² = 458 080 euros .
Sur les indemnités accessoires
1. Sur l'indemnité de remploi
Les taux n'étant pas contestés, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement fixé l'indemnité de remploi à la somme de 46'808euros.
2. Sur l'indemnité pour clôtures et plantations
Le premier juge s'agissant d'un terrain à bâtir indemnisé comme tel, a indiqué que cette demande est insuffisamment justifiée, qu'au demeurant la qualité du terrain a été prise en compte dans la détermination de la valeur unitaire du bien en cause et il a en conséquence rejeté cette demande.
S'agissant de l'indemnité pour plantations, celle-ci ne peut être allouée que si le terrain n'a pas la qualification de terrain à bâtir et n'est pas indemnisé comme tel ; en conséquence les consorts [W] ne peuvent prétendre à une indemnité pour perte des arbres fruitiers en tant qu'ils sont propriétaires d'un terrain à bâtir.
S'agissant de l'indemnité de clôture, pour les propriétés bâties, l'existence d'une clôture ne confère pas de plus-value particulière, surtout en zone urbaine, et la qualité du terrain a déjà été prise en compte dans la détermination de la valeur unitaire du bien.
En conséquence le rejet de ces demandes sera confirmé.
3. Sur l'indemnité de déménagement
Le premier juge indique que les consorts [W] ne produisaient qu'un seul devis au lieu de deux devis habituellement requis, et il a fixé l'indemnité pour frais de déménagement à la somme de 6 499euros correspondant à la moyenne des trois devis produits par la commune de [Localité 3].
Les consorts [W] produisent un devis DMD DEMECO du 29 décembre 2017 d'un montant de 11'592euros (pièce n° 10), avec un volume de 134m3.
Ils demandent d'écarter les trois devis de la commune de [Localité 3], puisqu'ils ont été réalisés sans aucune visite du bien.
Les conclusions de la commune de la Villeneuve sur Roi ayant été déclarées irrecevable, en l'absence de production en appel de ces trois devis, il convient d'infirmer le jugement et de fixer l'indemnité de déménagement au regard du seul devis produit à savoir à hauteur de 11'592euros.
Le jugement sera donc infirmé en ce sens.
4. Sur l'indemnité de garde-meuble
Le premier juge a indiqué que la nécessité d'un garde-meuble n'est pas démontrée, que l'insuffisance de temps pour se reloger n'est pas certaine ni nécessairement en lien de causalité directe avec l'expropriation et a donc rejeté cette demande.
Les consorts [W] versent aux débats un devis DEMECO garde-meuble pour un montant de 9 720,72 euros (pièce n° 11).
Aux termes de l'article L321'1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
En l'espèce, comme l'indique exactement le premier juge, la nécessité d'un garde-meuble n'est pas démontrée en l'état, l'insuffisance de temps pour se reloger n'est pas établie, ni le lien de causalité avec l'expropriation.
Il convient en conséquence de confirmer le rejet de cette demande.
5. Sur l'indemnité pour paiement de taxes foncières
Le premier juge a alloué aux consorts [W] une somme de 1 908euros au titre de la taxe foncière qui n'est pas contestée en appel.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la commune de [Localité 3] à payer aux consorts [W] la somme de 2 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de débouter les consorts [W] leur demande sur ce fondement en cause d'appel.
Sur les dépens
Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L312-1 du code de l'expropriation.
La commune de [Localité 3] perdant le procès sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevables les conclusions de la commune de [Localité 3] du 4 novembre 2019
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a fixé l'indemnité de déménagement à la somme de 6 499 euros ;
Statuant à nouveau du chef de la disposition infirmée ;
Fixe cette indemnité à la somme de 11 592 euros;
Déboute les consorts [W] de leurs demandes plus amples ou contraires
Déboute les consorts [W] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la commune de [Localité 3] aux dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT