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17/06/2020 | FRANCE | N°19/02268

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 17 juin 2020, 19/02268


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 17 JUIN 2020



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 19/02268 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7F7S



Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation prononcé le 23 janvier 2019 (n° 60 F-D) emportant cassation partielle d'un arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES (12ème chambre) le 25 avril 2017 (RG n° 15/07033), sur appel d'un jugement rendu le 16 s

eptembre 2015 par le tribunal de commerce de VERSAILLES (RG n° 2014F00354)





DEMANDERESSE À LA REQUÊTE



SASU MERCEDES-BENZ FRANCE

Ayant son siège s...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 17 JUIN 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 19/02268 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7F7S

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation prononcé le 23 janvier 2019 (n° 60 F-D) emportant cassation partielle d'un arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES (12ème chambre) le 25 avril 2017 (RG n° 15/07033), sur appel d'un jugement rendu le 16 septembre 2015 par le tribunal de commerce de VERSAILLES (RG n° 2014F00354)

DEMANDERESSE À LA REQUÊTE

SASU MERCEDES-BENZ FRANCE

Ayant son siège social : [Adresse 5]

[Localité 6]

N° SIRET : 622 044 287 (VERSAILLES)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant : Me Joseph VOGEL de la SELAS VOGEL & VOGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0151

DÉFENDEURS À LA REQUÊTE

- Monsieur [V] [T] [Y] [M] [R], dont le nom d'usage est [M]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 9] ([Localité 9])

Demeurant : [Adresse 2]

[Localité 7]

- SASU SANOE

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[Localité 1]

N° SIRET : 502 142 565 (BOURG-EN-BRESSE)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant : Me Christian BOURGEON de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [X] [U] dans les conditions prévues par l'article 804 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V] [M] [R] a acquis les parts sociales constituant le capital des sociétés Sanoe et Jura Automobiles, distributeurs et réparateurs agréés de la marque Mercedes-Benz, respectivement à [Localité 1] et [Localité 8], en vertu d'un contrat de distribution et de services conclu avec la société Mercedes-Benz France (la société Mercedes-Benz), importateur en France des véhicules neufs de la marque. Ces concessions ayant enregistré des pertes, M. [M] [R] a demandé à la société Mercedes-Benz son agrément pour les céder au groupe Suma. La société Mercedes-Benz a opposé un refus à cette demande et a notifié son agrément à un autre candidat, la société E-MB 74 dirigée par MM. [W] et [G], déjà distributeur Mercedes sur plusieurs des départements voisins.

Estimant que le concédant avait commis un abus dans l'exercice de son droit d'agrément, source d'un préjudice dès lors que la cession au profit de ces candidats avait été moins avantageuse pour le cédant que l'offre non agréée, M. [M] [R] et la société Sanoe ont, par acte extrajudiciaire du 27 mars 2014, assigné la société Mercedes-Benz en dommages-intérêts.

C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Versailles, par jugement du 16 septembre 2015, a :

- dit prescrites les demandes de la SAS Sanoe concernant la vente de la consession Poids lourds Passeri au groupe Bernard, et concernant la concurrence du garage Christian et de la carosserie Terrier ;

- débouté M. [V] [M] [R] et la SAS Sanoe de leurs demandes concernant la remise en cause du crédit fournisseur personnalisé ;

- condamné la SAS Mercedes-Benz France à payer à la société Sanoe la somme de 413 637 euros au titre de la non-considération de la demande d'agrément du Groupe Suma ;

- condamné la SAS Mercedes-Benz France à payer à M. [V] [M] [R] la somme de 90 000 euros sur le même fondement ;

- condamné la SAS Mercedes-Benz France à payer à la SAS Sanoe et à la SARL M. [M] chacun, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné la SAS Mercedes-Benz France aux dépens.

Le 9 octobre 2015, la société Mercedes a interjeté appel de cette décision devant la Cour d'appel de Versailles, intimant la société Sanoe et M. [V] [M] [R].

Par arrêt du 25 avril 2017, la cour d'appel de Versailles a :

- confirmé le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société Mercedes-Benz France à payer à la société Sanoe la somme de 413 637 euros et à M. [M] la somme de 90 000 euros ;

- statuant à nouveau de ces chefs :

- condamné la société Mercedes-Benz France à payer :

. 200 000 euros à la société Sanoe,

. 20 000 euros à M. [M],

- laissé à chacune des parties la charge des frais et dépens exposés en appel.

Par arrêt du 23 janvier 2019, rendu sur le pourvoi de la société Mercedes-Benz, la Cour de cassation a cassé cet arrêt, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Mercedes-Benz à payer la somme de 200 000 euros à la société Sanoe et la somme de 20 000 euros à M. [M] [R] , et en ce qu'il a statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La cour de cassation a reproché à la cour d'appel de ne pas avoir satisfait aux exigences de l'article 16 du code de procédure civile, faute d'avoir invité les parties, avant de statuer, "à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle relevait d'office, tiré de l'appréciation du caractère discriminatoire du comportement de la société Mercedes-Benz dans le choix des membres du réseau, suivant les critères définis visés à l'article 1, paragraphe 1 sous f) du règlement 1400/2002".

Par déclaration reçue au greffe le 30 janvier 2019, la société Mercedes-Benz a saisi la présente Cour, désignée cour d'appel de renvoi aux termes de l'arrêt de cassation.

Par dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2020, la société Mercedes-Benz France demande à la Cour de :

vu les articles 1134 et 1382 anciens du Code civil,

1) à titre principal,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a :

* condamnée à payer à la société Sanoe la somme de 413.637 euros au titre de la non considération de la demande d'agrément du Groupe Suma ;

* condamnée à payer à M. [M] [R] la somme de 90 000 euros sur le même fondement ;

* condamnée à payer la somme de 4 000 euros chacun à la société Sanoe et à M. [M] [R], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamnée aux dépens ;

- en conséquence :

- condamner la société Sanoe à lui rembourser la somme de 200 000 euros, dont elle s'est acquittée en exécution de l'arrêt cassé, avec intérêts au taux légal à compter de la date du paiement effectué, ceux courus depuis plus d'un an étant capitalisés ;

-condamner M. [M] [R] à lui rembourser la somme de 20 000 euros, dont elle s'est acquittée en exécution de l'arrêt cassé, avec intérêts au taux légal à compter de la date du paiement effectué, ceux courus depuis plus d'un an étant capitalisés ;

- dire, en tout état de cause, qu'elle n'a commis aucune faute contre la société Sanoe et M. [M] [R] ;

- les débouter de toutes leurs demandes ;

2) subsidiairement :

- dire que la société Sanoe et M. [M] [R] ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'ils allèguent, ni de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et les prétendues fautes ;

3) en tout état de cause :

- ordonner le remboursement par la société Sanoe et M. [M] [R] des sommes versées au titre de l'arrêt cassé, avec intérêts au taux légal à compter des paiements effectués au titre de cet arrêt, capitalisés pour ceux courus depuis plus d'un an ;

- condamner solidairement la société Sanoe et M. [M] [R] à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions notifiées le 28 mai 2019, la société Sanoe et M. [V] [M] [R] demandent à la Cour de :

- dire la société Mercedes-Benz France recevable, mais mal fondée en son appel principal ;

vu les articles 1134, 1147, 1156 et 1382 anciens du code civil ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit fautif le refus de la société Mercedes-Benz France d'examiner la demande d'agrément du groupe Suma en tant que cessionnaire formulée par la Société Sanoe et en ce qu'il a statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuant à nouveau sur les chefs de préjudices :

- condamner la société Mercedes-Benz France à payer à titre de dommages-intérêts à la société Sanoe, en compensation de la différence de prix des éléments de fonds de commerce et stocks cédés à la Société M.B.1, par rapport aux prix proposés par le groupe Suma :

* au titre des éléments de fonds de commerce : 63 637 euros ;

* au titre des stocks : 84 848 euros ;

* au titre de la différence du prix de cession de l'immobilier : 700 000 euros ;

* au titre de la perte de 2 ans de loyers : 350 000 euros ;

- condamner la société Mercedes-Benz France à payer à titre de dommages-intérêts à M. [M] [R], à titre personnel :

* en contrepartie de la privation d'un revenu : 50 000 euros ;

* en contrepartie de la privation de la disposition d'un véhicule : 40 000 euros ;

- y ajoutant, condamner la société Mercedes-Benz France à payer à chacu des concluants une somme supplémentaire de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

SUR CE, LA COUR

Sur les obligations contractuelles de Mercedes-Benz

A l'appui de leur demande indemnitaire, la société Sanoe et M. [M] [R] font essentiellement valoir que la société Mercedes-Benz, en vertu du contrat de distribution Mercedes voitures particulières, du contrat de service Mercedes voitures particulières et du contrat de service Smart, dont les sociétés Sanoe et Jura automobiles étaient titulaires, d'une part, devait se voir déclarer au moins 60 jours à l'avance par le distributeur ou réparateur agréé tout projet de changement dans le contrôle de sa gestion et, d'autre part, avait souscrit l'obligation contractuelle d'examiner tout projet de cession et de donner sa réponse "dans les meilleurs délais", tandis qu'en vertu des mêmes contrats, le distributeur ou le réparateur agréé se voyait interdire de céder ses droits sans l'accord préalable et écrit de Mercedes-Benz.

Les intimés déduisent de ces dispositions contractuelles l'existence d'obligations réciproques entre les parties :

- informer la société Mercedes-Benz sur tout projet de cession en dehors du réseau des droits de distributeur ou de réparateur agréé ;

- répondre "dans les meilleurs délais" au distributeur ou réparateur agréé, pour tout projet de cession ainsi déclaré.

Les intimés soutiennent qu'en vertu de ces obligations contractuelles, la société Mercedes-Benz ne pouvait refuser son agrément au cessionnaire pressenti par son cocontractant sans examiner sa candidature, faisant valoir qu'elle n'avait effectué aucune diligence pour instruire la candidature du groupe Suma, soutenant qu'elle y était pourtant obligée par les contrats, carence qui, selon eux, a privé de toute portée le "droit conféré contractuellement à la société Sanoe et à son dirigeant de proposer un cessionnaire [...] révélant sa décision, arrêtée avant tout examen de la candidature du cessionnaire proposé par la société Sanoe d'imposer MM. [W] et [G] comme cessionnaires".

Selon les intimés, les contrats en cause permettent la cession à un membre du réseau, qui est libre en vertu des articles 11.2.3 du contrat de distribution et 10.2.3 des contrats de service, et hors réseau, qui est soumise à l'agrément préalable de la société Mercedes-Benz, en vertu des articles 11.2.2 du contrat de distribution et 10.2.2. du contrat de service.

Or, selon les intimés, dès lors que ces deux options sont contractuellement prévues, la société Mercedes-Benz n'aurait pu refuser, a priori et au seul motif d'une stratégie d'organisation de son réseau dépourvue de toute valeur contractuelle, d'examiner la candidature d'un acheteur potentiel hors réseau, sauf à vider de toute portée la faculté de cession hors réseau expressément prévue contractuellement.

Les intimés ajoutent que le manquement contractuel allégué est d'autant mieux caractérisé qu'il existe au surplus des circonstances révélant que la candidature du groupe Suma méritait une étude sérieuse et approfondie, compte tenu notamment du caractère régional de ce groupe, de sa structure de bilan, de sa dimension et de ses capacités de développement, sans commune mesure - est-il allégué - avec celles de la société NCB capital pourtant privilégiée.

Les intimés font valoir les aménagements apportés par les avenants du 20 janvier aux dispositions initiales des articles 11.2.2 (contrat de Distribution) et 10.2.2. (contrats de Service), qui ont abouti aux dispositions suivantes, pour les cessions hors réseau : "Dans le cas où Mercedes-Benz refuse son accord, alors Mercedes-Benz ou toute société du groupe Daimler ont un droit de priorité pour l'achat de l'activité [...], ou selon son choix Mercedes-Benz doit déployer tous ses efforts pour aider le [distributeur agréé ou réparateur agréé] à trouver un acquéreur alternatif comparable".

Les intimés font valoir que ces modifications n'étaient pas liées, à la différence des autres modifications convenues, à l'expiration au 1er juin 2013 du règlement d'exemption C.E. 1400/2002 du 31 Juillet 2002 ni à l'entrée en application des règlements C.E. 330/2010 et 461/2010 fixant de nouvelles conditions de validité des accords de distribution du secteur automobile au regard du droit communautaire à compter de cette même date. Les intimés font valoir que ces nouveaux règlements n'énoncent pas davantage que le règlement C.E. 1400/2002, de conditions à respecter en matière de cession hors réseau.

Toutefois, la Cour relève que les clauses litigieuses des différents contrats en cause, identiquement rédigées, prévoient que les changements dont le distributeur ou le réparateur agréé est obligé de communiquer le projet à l'avance à la société Mercedes-Benz "ne peuvent être effectués qu'après approbation écrite de Mercedes-Benz qui devra se prononcer dans les meilleurs délais [...]".

Ces dispositions contractuelles n'ont pas pu empêcher en l'espèce la société Mercedes-Benz de se prononcer dans le sens d'un refus d'agrément, sans plus ample examen de la candidature du groupe Suma, dès lors que la seule connaissance de l'identité de ce candidat a pu lui suffire pour déterminer qu'elle était incompatible avec les options stratégiques relevant de ses seules prérogatives, ce dans la seule limite de l'abus de droit.

En effet, il est constant que la société Mercedes-Benz a été avisée du projet de cession au groupe Suma par M. [M] [R], oralement, le 25 avril 2012 puis, par lettre recommandée du 27 avril 2012.

Dès la lettre recommandée du 15 mai 2012 adressée à M. [M] [R], la société Mercedes-Benz :

- a rappelé l'exigeance contractuelle de son accord écrit préalable à toute cession,

- lui a demandé de se rapprocher de MM. [G] et [W] afin que ceux-ci puissent formuler une offre de rachat,

- lui a précisé les raisons stratégiques de cette préférence,

- a souligné qu'il résultait d'échanges téléphoniques avec le responsable du développement réseau du groupe de M. [M] [R] que les pourparlers étaient engagés avec ces candidats, la société Mercedes-Benz indiquant : "Si les négociations en cours venaient à aboutir, nous vous confirmons que MM. [G] et [W] auraient notre agrément pour la reprise de vos sites et des activités pour lesquelles vous êtes en contrat avec Mercedes-Benz France".

Si, par lettre recommandée du 30 mai 2012, M. [M] [R] a demandé à nouveau l'agrément du groupe Suma, faisant valoir le défaut d'offre écrite de MM. [G] et [W] à cette date, et se prévalant à nouveau d'un projet de cession abouti avec le groupe Suma, la société Mercedes-Benz lui a répondu dès le 7 juin 2012 qu'à sa connaissance, l'offre écrite de MM. [G] et [W] était attendue pour le 9 juin, soulignant la réactivité de ces candidats, puisque les derniers éléments d'information leur permettant de prendre parti leur avaient été donnés par le cédant le 29 mai seulement.

Par lettre recommandée du 15 juin 2012, M. [M] [R] a indiqué à la société Mercedes-Benz avoir reçu la proposition de MM. [G] et [W] en même temps que la lettre ci-dessus, affirmant néanmoins que le retard leur était bien imputable ; il a fait savoir que cette proposition était inacceptable et a demandé à nouveau l'agrément du groupe Suma.

Les négociations se sont néanmoins poursuivies avec MM. [G] et [W] et ont finalement abouti, les intimés déplorant cependant que les conditions de la cession aient été moins favorables que celles offertes par le groupe Suma.

Toutefois, s'agissant de la recherche de la responsabilité contractuelle de la société Mercedes-Benz, la circonstance que le groupe Suma ait sollicité en vain un entretien avec la société Mercedes-Benz pour lui exposer son projet de reprise ne caractérise aucun manquement contractuel de cette société.

En outre, il ne peut être reproché à la société Mercedes-Benz, au titre d'un manquement à la bonne foi contractuelle, de ne pas avoir appliqué les avenants aux contrats de distribution et de services régularisés le 20 janvier 2012, lesquels ont introduit l'obligation pour la société Mercedes-Benz, en cas de refus d'agrément d'un candidat cessionnaire, de déployer tous ses efforts pour aider le ditributeur ou réparateur agréé à trouver un acquéreur alternatif comparable.

En effet, non seulement il est constant que les parties à ces avenants ont stipulé qu'ils étaient applicables au 1er juin 2013, soit une date postérieure aux négociations litigieuses, mais encore rien ne vient établir que la rédaction des avenants aurait eu pour objet de mettre en forme la commune intention des parties portant sur une obligation déjà adoptée et déjà en vigueur, tandis que ces avenants reportent leur prise d'effet sans distinguer selon que les modifications qui en sont l'objet ont ou non dépendu de l'expiration, au 1er juin 2013 du règlement d'exemption C.E. 1400/2002 du 31 Juillet 2002. Est également inopérante à cet égard toute autre considération tirée de l'entrée en application des règlements C.E. 330/2010 et 461/2010 fixant les nouvelles conditions de validité, au regard du droit communautaire, des accords de distribution des automobiles et de leurs pièces de rechange.

Il s'en déduit qu'il convient de donner plein effet à la volonté contractuelle des parties qui, en adoptant les avenants aux contrats de distribution et de service, a retardé au 1er juin 2013 l'entrée en vigueur de ces avenants.

Il n'est pas valablement soutenu que ces avenants n'auraient fait que formaliser des obligations pré-existantes.

Il résulte de ce qui précède qu'il ne peut être imputé, au titre d'un manquement contractuel de la société Mercedes-Benz, ni d'avoir refusé d'agréer le groupe Suma, ni de ne pas avoir effectué de plus amples diligences pour instruire la candidature du groupe Suma ou pour rechercher un acquéreur alternatif.

Nulle inexécution contractuelle commise par la société Mercedes-Benz n'est donc établie.

Les demandes indemnitaires des intimés fondées sur la responsabilité contractuelle de la société Mercedes-Benz seront rejetées.

Sur la responsabilité délictuelle de la société Mercedes-Benz

Le jugement entrepris a retenu que constituait un abus de droit devant être réparé, le refus d'examiner la proposition du groupe Suma et de recevoir le président de ce groupe pour qu'il s'explique sur sa proposition de reprise, alors même que les contrats de distribution et service prévoyaient la possiblité pour le vendeur de présenter à l'agrément des candidats non déjà membres du réseau.

Toutefois, la Cour rappelle que le principe de liberté contractuelle a pour corollaire la liberté de ne pas contracter et que, par conséquent, dès lors que la société Mercedes-Benz avait déjà pris la décision de ne pas contracter avec le groupe Suma, nul abus de droit n'a résulté du fait de ne pas instruire davantage la candidature de ce groupe.

La société Mercedes-Benz ayant exprimé son refus d'agréer le groupe Suma sans retard et dans des conditions exemptes d'intention de nuire, de légèreté blâmable ou de faute, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts à la société Sanoe et à M. [M] [R].

Les demandes indemnitaires formées à ce titre seront entièrement rejetées.

Sur les autres demandes

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement entrepris sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour retient, ainsi que l'ont compris chacune des parties, que c'est à la suite d'une erreur purement matérielle du jugement entrepris que le dispositif de celui-ci, contrairement aux énonciations des motifs, a condamné la société Mercedes-Benz France à payer à "la SARL M. [M]" au lieu de "M. [M]", une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Une telle erreur entre dans le champ de la réformation opérée par le présent arrêt.

Dès lors que les sociétés Sanoe et M. [M] [R] succombent en leur appel, il convient de les condamner in solidum aux entiers dépens de pemière instance et d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé.

En outre et en équité, la société Sanoe et M. [M] [R], tenus in solidum au titre de l'article 700 du code de procédure civile, verseront à la société Mercedes-Benz une somme qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

S'agissant de la demande de la société Mercedes-Benz en remboursement par la société Sanoe et M. [M] [R] des sommes versées au titre de l'arrêt cassé, avec intérêts au taux légal à compter des paiements effectués au titre de cet arrêt, capitalisés pour ceux courus depuis plus d'un an, la Cour rappelle que l'arrêt de cassation constitue le titre exécutoire pour entreprendre toute mesure d'exécution en remboursement de toute somme indûment perçue au titre de l'arrêt cassé ; il s'en déduit que la prétention est sans objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de l'appel et de la cassation prononcée par l'arrêt de la cour de cassation du 23 janvier 2019,

RECTIFIE le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Mercedes-Benz France à payer à la société Sanoe et à la SARL M. [M] chacun la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il s'agit de M. [V] [M] [R] et non de la SARL M. [M] ;

RÉFORME le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a :

- condamné la SAS Mercedes-Benz France à payer à la société Sanoe la somme de 413 637 euros au titre de la non-considération de la demande d'agrément du groupe Suma,

- condamné la SAS Mercedes-Benz France à payer à M. [V] [M] [R] la somme de 90 000 euros sur le même fondement,

- condamné la SAS Mercedes-Benz France à payer à la SAS Sanoe et à M. [M] la somme de 4 000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Mercedes-Benz France aux dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

DÉBOUTE la société Sanoe et M. [M] [R] de toutes leurs demandes en dommages-intérêts,

CONDAMNE in solidum la société Sanoe et M. [M] [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé,

CONDAMNE in solidum la société Sanoe et M. [M] [R] à payer à la société Mercedes-Benz France une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et en appel,

DIT que les dépens pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Pour le surplus,

CONFIRME le jugement entrepris,

REJETTE toute autre demande.

Le Greffier Le Président

Cécile PENG Marie-Laure DALLERY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/02268
Date de la décision : 17/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°19/02268 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-17;19.02268 ?
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