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17/06/2020 | FRANCE | N°17/19307

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 17 juin 2020, 17/19307


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 17 JUIN 2020



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/19307 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4JB6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2017 - Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2016J00940





APPELANTE



SASU CLAAS FRANCE

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[

Localité 3]

N° SIRET : 552 131 781 (CRETEIL)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée Me Edmond FROMANTIN, avocat au barre...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 17 JUIN 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/19307 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4JB6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2017 - Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2016J00940

APPELANTE

SASU CLAAS FRANCE

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[Localité 3]

N° SIRET : 552 131 781 (CRETEIL)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Ayant pour avocat plaidant : Me Olivier GAUCLERE de VIGINTI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0074

INTIMÉE

SAS ETABLISSEMENTS H. BAUDET ET FILS

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Localité 2]

N° SIRET : 310 358 601 (ANNECY)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Ayant pour avocat plaidant : Me Thibaud NEVERS, substituant Me Arnaud JOUBERT, du Cab. LEGI CONSEILS, avocats au barreau de DIJON, toque : 31

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Agnès BODARD-HERMANT dans les conditions prévues par l'article 804 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement du 26 septembre 2017 du tribunal de commerce de Lyon qui a condamné la société Claas France à payer, avec exécution provisoire, à la société Etablissement H.Baudet et Fils (la société Baudet) la somme de 250.000 euros au titre de dommages et intérêts outre une indemnité de procédure de 5.000 euros et aux dépens,

Vu la déclaration d'appel de ce jugement de la société Claas France datée du 19 octobre 2017,

Vu les dernières conclusions de la société Claas France, appelante, déposées et notifiées le 17 juillet 2018 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 26 septembre 2017 en ce qu'il a considéré qu'un préavis de 30 mois était suffisant au regard de l'ancienneté de la relation ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la société Baudet n'était pas et ne pouvait être en situation de dépendance économique à l'égard de la société Claas France ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Claas France à régler à la société Baudet la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Et statuant à nouveau,

- constater que la société Baudet a redéployé ses activités de vente de matériel agricole avant le même terme du préavis initialement consenti par Claas France ;

- dire que la rupture des relations entre la société Claas France et la société Baudet n'est pas brutale ;

- débouter en conséquence la société Baudet en toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- dire que la société Baudet n'a subi aucun préjudice compte tenu de sa reconversion effective avant même le terme du préavis initialement consenti ;

Débouter de surcroît la société Baudet de l'ensemble de ses demandes ;

A titre très subsidiaire,

- constater le caractère fantaisiste du chiffrage de son préjudice par la société Baudet ;

- ramener toute indemnisation à de plus justes proportions ;

- condamner la société Baudet au paiement d'une indemnité de procédure de 15.000 euros.

Vu les dernières conclusions de la société Baudet, intimée, déposées et notifiées le 17 avril 2018 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

vu l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 26 septembre 2017 en ce qu'il a dit que la société Claas France avait rompu brutalement les relations commerciales,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Claas France aurait dû consentir un préavis de 30 mois et a limité son indemnisation à la somme de 250.000 euros,

Statuant à nouveau,

- juger que la société Claas France aurait dû lui consentir un préavis d'une durée de 36 mois,

En conséquence,

- condamner la société Claas France à lui verser une indemnité d'un montant de 618.300 euros en réparation du préjudice subi,

- condamner la société Claas France à lui verser une indemnité de procédure de 30.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

L'article L 442-6, I, 5° du code de commerce dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures à la rupture.

Il est constant par ailleurs que le préjudice résultant de la brutalité de la rupture, non pas de la rupture elle-même correspond au taux de marge brute non obtenu pendant les mois de préavis manquants, calculé à partir des comptes de résultats des trois années précédents la rupture dont à déduire les frais variables non engagés du fait de celle-ci.

***

La société Claas France a pour activité l'importation et le commerce de tout matériel industriel et notamment de matériel agricole.

La société Baudet a pour activité la vente, et la réparation de véhicules et matériels automobiles et agricoles, carburants et lubrifiants.

Ces sociétés sont entrées en relation commerciale, en 2004, à la suite de la prise en location-gérance par la société Claas France de la branche d'activité du fonds de commerce de la société Renault Agriculture qui collaborait alors avec la société Baudet depuis de nombreuses années.

Les parties s'accordent en appel sur une ancienneté de leur relation commerciale de 56 ans.

En revanche, elles s'opposent sur la durée du préavis.

La société Claas France prétend qu'elle a effectivement accordé un préavis de 30 mois, suffisant au regard de la durée de leur relation commerciale comme de la situation de la société Baudet qui s'est effectivement et parfaitement redéployée dès septembre 2015, soit avant même l'issue du préavis initialement accordé pour 18 mois, refusant, compte tenu de ce redéploiement, la prolongation de celui-ci accordé cinq mois avant son terme. Elle en déduit que la société Baudet ne justifie d'aucun préjudice.

La société Baudet soutient que la prolongation d'un an du préavis, d'abord refusée, n'a été que de pure opportunité, que son redéploiement pendant le préavis initial, à le supposer établi, est indifférent comme postérieur à la rupture et que son préjudice résulte de la précipitation de son redéploiement, constituant sa seule issue au vu de ce délai de préavis initial, insuffisant compte tenu de l'ancienneté de leur relation commerciale et des nécessités de sa reconversion, particulièrement difficile sur le marché des tractoristes détenu en 2016 à 67,80% par cinq marques dont Claas (12,3%), le reste du marché étant partagé entre sept acteurs, ce d'autant qu'elle n'a pu mettre à profit le préavis compte tenu de l'ambiguïté entretenue par la société Claas France sur l'effectivité de la rupture, qui l'a empêchée de se concentrer sur la recherche d'un nouveau panneau .Elle prétend avoir droit à un préavis de 36 mois dont 18 mois manquants de marge brute sur coûts variables soit 618 000 euros.

La Cour retient ce qui suit.

Il est acquis aux débats que la société Baudet a bénéficié d'un préavis initial de 18 mois soit jusqu'au 31 mars 2016 suivant lettre du 26 septembre 2014 et que ce délai a été porté à 30 mois par lettre du 27 octobre 2015 soit cinq mois avant son terme initial.

Il n'est pas contesté non plus que la société Baudet, compte tenu de son redéploiement pour un concurrent de Claas rendant impossible la poursuite de la représentation de la marque Claas postérieurement au terme initial du 31 mars 2016, a unilatéralement décidé, par lettre du 29 octobre 2015, d'interrompre le préavis ainsi accordé.

Comme il a été rappelé plus haut, la durée nécessaire du préavis s'apprécie sans qu'il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures à la rupture.

Ainsi, le préavis à prendre en compte est celui de 18 mois initialement accordé à la société Baudet - peu important qu'elle n'en ait contesté la durée que le 30 juillet 2015 (pièces intimée 6 et 8), prétendant alors seulement à un préavis de quatre ans - sa prolongation à trente mois postérieurement à la rupture pour satisfaire cette prétention étant à cet égard indifférente.

Cela étant, la société Baudet ne peut prétendre à réparation pour 18 mois de préavis manquants dès lors qu'elle a unilatéralement décidé de mettre fin à ce préavis, rendant impossible la prolongation à trente mois que la société Claas France lui avait accordée dès le 27 octobre 2015, étant au demeurant observé qu'elle fait état en appel d'un préjudice inférieur de 40% à celui qu'elle invoquait en première instance, préjudice dont la société Claas France conteste de ce fait le sérieux.

Par ailleurs, en l'état de cette renonciation, la société Baudet ne peut pas non plus, pour prétendre à un préavis plus long que le préavis initial de18 mois qui lui a été accordé, se prévaloir de sa prétendue croyance légitime en la poursuite de la relation commerciale en litige, croyance qui serait issue de la lettre de la société Claas France du 20 octobre 2014 (pièce 3).

Au demeurant, les termes de cette lettre qui lui est adressée en réponse à sa propre proposition, datée du 30 septembre précédent, de 'reprise d'un secteur plus important à l'issue du contrat actuel'sont explicitement contraire à cette thèse en ce que la société Claas France y énonce être 'à [sa] disposition pour en discuter avec [elle] sans engagement de [sa] part et sans remise en cause du contenu et de la portée de [sa] lettre du 26 septembre 2014". De même, ses démarches en vue de son redéploiement, effectif dès le 13ème mois suivant la notification de la rupture atteste de ce qu'elle n'a pas été empêchée de se concentrer sur la recherche d'un nouveau panneau.

Sa demande indemnitaire au titre de la rupture brutale litigieuse ne peut donc être accueillie.

Conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Baudet, dont le recours échoue, doit supporter la charge des dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure et l'équité commande de la condamner à ce dernier titre dans les termes du dispositif de la présente décision.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris;

statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE les demandes de la société Etablissement H.Baudet et Fils ;

CONDAMNE la société Etablissement H.Baudet et Fils aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société Etablissement H.Baudet et Fils à payer à la société Claas France une indemnité de procédure de 7 000 euros et rejette toute autre demande.

Le Greffier Le Président

Cécile PENG Marie-Laure DALLERY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 17/19307
Date de la décision : 17/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°17/19307 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-17;17.19307 ?
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