Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 16 JUIN 2020
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/03536 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7KDU
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 23 mai 2017 rendu par le Pôle 1 chambre 1 de la cour d'appel de PARIS - RG n° 16/10286
DEMANDEUR A L'OPPOSITION :
Monsieur [E] [N] né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (Egypte)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Vincent RIBAUT de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
DÉFENDEUR A L'OPPOSITION :
LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE CIVIL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté à l'audience par Mme Anne BOUCHET-GENTON, substitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 février 2020, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne BEAUVOIS, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre
M. Jean LECAROZ, conseiller
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré ayant été prorogé à ce jour sans que les parties aient pu en être avisées en raison de l'état d'urgence sanitaire.
- signé par Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière.
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 17 mars 2016 qui a déclaré irrecevable l'action du ministère public tendant à l'annulation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française par mariage souscrite par M. [E] [N] ;
Vu l'acte d'appel déposé le 4 mai 2016 par le ministère public ;
Vu l'arrêt rendu par défaut le 23 mai 2017 infirmant le jugement, déclarant recevable l'action du ministère public, annulant l'enregistrement par le ministre chargé des naturalisations le 18 décembre 2002 sous le n°24603/02, dans le dossier n° 2002DX005266, de la déclaration souscrite le 7 février 2002 par M. [E] [N] devant le juge du tribunal d'instance de Saint-Germain-en-Laye, constatant l'extranéité de l'intéressé et le condamnant aux dépens ;
Vu la déclaration d'opposition motivée de M. [E] [N] enregistrée le 13 février 2019 ;
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées le 4 juin 2019 qui demande à titre principal, de voir déclarer caduque la déclaration d'opposition, subsidiairement, de déclarer M. [E] [N] mal fondé en son opposition, d'infirmer le jugement, de prononcer l'annulation de l'enregistrement de la déclaration souscrite le 7 février 2002 par M. [E] [N], de constater l'extranéité de l'intéressé et de le condamner aux dépens ;
Vu les dernières conclusions de M. [E] [N] notifiées le 28 octobre 2019 qui demande à la cour de lui donner acte de ce qu'il fait sommation, par les présentes, au ministère public, de produire la signification de l'arrêt litigieux, en se réservant la possibilité de soulever la nullité de la signification s'il s'avère qu'elle a été délivrée à une adresse erronée, de le recevoir en son opposition et statuant à nouveau, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, subsidiairement de dire les demandes du ministère public mal fondées et l'en débouter, de condamner en tout état de cause le Trésor public aux entiers dépens ;
MOTIFS :
Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production de la lettre recommandée datée du 11 juin 2019 contenant la déclaration d'opposition de M. [E] [N] adressée au ministère de la Justice, avec avis de réception du 12 juin 2019, et celle du 11 octobre 2019, contenant ses conclusions, reçue au ministère de la Justice le 15 octobre 2019. La déclaration d'opposition n'est donc pas caduque.
Il n'est pas justifié par le ministère public que l'arrêt rendu par défaut le 23 mai 2017 et frappé d'opposition aurait été signifié à M. [E] [N]. L'opposition est donc recevable.
Le [Date mariage 1] 2000, M. [E] [N], né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (Egypte) de nationalité égyptienne, a contracté mariage à [Localité 4] (78) avec Madame [O] [H], née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 5] (95), de nationalité française. De cette union est issue [B], née le [Date naissance 3] 2000.
Le 7 février 2002, Monsieur [E] [N] a souscrit, devant le juge d'instance de Saint-Germain-en-Laye, une déclaration acquisitive de nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, cette déclaration étant enregistrée par le ministre chargé des naturalisations le 18 décembre 2002 sous le n°24603/02, dossier n°2002DX005266.
Faisant suite à une ordonnance de résidence séparée du 9 février 2004, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny a prononcé le divorce des époux sur leur requête conjointe par jugement du 25 mai 2004.
Par acte d'huissier délivré le 8 février 2013, le procureur de la République a assigné M. [E] [N] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'annulation de l'enregistrement de sa déclaration et de constatation de son extranéité.
Sur la recevabilité de l'action du ministère public
Suivant l'article 21-2 du code civil l'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un certain délai à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à cette date la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
En application de l'article 26-4 alinéa 3 du même code, l'enregistrement d'une déclaration d'acquisition de nationalité par mariage peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte et la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude.
Cette présomption ne s'applique cependant que dans les instances engagées dans les deux années suivant l'enregistrement de la déclaration.
Seul le ministère public territorialement compétent peut agir en annulation pour fraude de l'enregistrement d'une déclaration acquisitive de nationalité français du fait du mariage. C'est à compter de la date à laquelle celui-ci l'a découverte que court le délai biennal d'exercice de cette action.
M. [E] [N] prétend qu'il résulte de l'ensemble des éléments produits que le parquet avait connaissance des faits allégués dans son assignation introductive d'instance bien avant le 27 mars 2012, contrairement à ce qu'a estimé à tort la cour dans son arrêt frappé d'opposition, cette connaissance étant antérieure au 1er mars 2011, date à laquelle le parquet a transmis une instruction aux services de la police nationale.
En l'espèce, le ministère public verse aux débats, diverses transmissions administratives à compter du 2 novembre 2010 et actes d'enquête relatifs à la contestation de la déclaration d'acquisition de la nationalité française de M. [E] [N], une demande en date du 21 février 2011 adressée par le préfet des Yvelines au commissaire de police de Maisons-Laffite pour vérifier la communauté de vie des époux et l'audition de Mme [H] le 7 avril 2011 par un fonctionnaire de police de ce commissariat, sur instruction du 1er mars 2011 émanant du parquet de Versailles, des documents transmis par la préfecture du Val-d'Oise et des actes accomplis par la gendarmerie de [Localité 6] (95) qui a procédé notamment à l'audition de l'intéressé, un bordereau de communication du ministère de l'Intérieur daté du 27 mars 2012 portant à la connaissance du ministère de la Justice la bigamie de l'intéressé.
Cependant, les actes invoqués par M. [E] [N] ne démontre pas que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, seul territorialement compétent, a eu connaissance de ces faits avant le 21 décembre 2012, date du bordereau d'envoi à son intention par le bureau de la nationalité du ministère de la Justice pour éventuelle saisine du tribunal de grande instance.
L'action engagée le 8 février 2013 par le parquet territorialement compétent n'est donc pas tardive et le jugement doit être infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action du ministère public.
Sur le fond
M. [E] [N], entendu le 15 avril 2011 puis le 8 octobre 2013 par des services d'enquête, a déclaré qu'il était arrivé en France en août 1997 avec un visa touristique, déclarant être célibataire ; en septembre 1998, il a rencontré Mme [H] qu'il a épousée en [Date mariage 1] 2000 alors qu'il était en situation irrégulière sur le territoire français; il ne l'a pas informée de ce qu'il avait déjà un enfant ; il est reparti en Egypte fin 2003 et il s'est remarié en [Date mariage 2] à [Localité 7] avec Mme [G] [J] ; 'de cette union', il a eu trois enfants, dont deux nés le [Date naissance 4] 1996 et le [Date naissance 5] 2004 à [Localité 7] (Egypte) et le troisième né le [Date naissance 6] 2006 à [Localité 8]. Mme [H] a de son côté déclaré qu'ils avaient décidé de divorcer en 2003.
Le ministère public produit un acte de mariage n° 47068 en date du 19 décembre 1996, enregistré le 21 décembre 1996 sous le n°3086, entre [N] [E] et [J] [G], fille de [J] [S] [N], célébré devant le 'curé chargé des affaires matrimoniales à [Localité 7], à l'église [Établissement 1]', et une copie certifiée conforme le 10 novembre 2005, d'un acte de mariage n°14519 célébré le [Date naissance 7] 2004 entre les mêmes, acte inscrit dans les registres de l'état civil sous le n°4046.
M. [E] [N] soutient dans ses écritures que le premier acte de mariage est un faux document mais ne conteste pas l'authenticité du second acte de mariage. Il justifie qu'il ne s'est pas rendu en Egypte entre début août 1997 et le 15 août 2003.
Mais même à admettre que l'acte de mariage du 19 décembre 1996 est un faux, il résulte suffisamment des faits exposés résultant des propres déclarations de M. [E] [N], des circonstances de son arrivée en France et de son mariage avec Mme [H], de la séparation d'avec celle-ci dès 2003 dans l'année qui a suivi l'enregistrement de la déclaration d'acquisition de la nationalité française, de la naissance des trois enfants en 1996, 2004 et 2006 de ses relations avec Mme [J] qu'il a rejointe avant même le prononcé de son divorce et qu'il a épousée, sitôt le divorce prononcé avec Mme [H], la démonstration du maintien d'une relation affective durable entretenue avec Mme [J] pendant toutes ces années et de l'absence de réelle communauté de vie affective avec Mme [H], à la date de souscription de la déclaration.
Il y a lieu en conséquence d'annuler l'enregistrement litigieux et de constater l'extranéité de M. [E] [N], l'intéressé qui, subsidiairement, sollicite le débouté de toutes les demandes du ministère public n'invoquant aucun moyen autre que ceux auxquels il a été répondu.
M. [E] [N] qui succombe sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
Vu l'arrêt de cette cour en date du 23 mai 2017,
Dit que la déclaration d'opposition de M. [E] [N] n'est pas caduque,
Déclare M. [E] [N] recevable en son opposition,
Infirme le jugement du 17 mars 2016,
Statuant à nouveau :
Déclare recevable l'action du ministère public,
Annule l'enregistrement par le ministre chargé des naturalisations le 18 décembre 2002 sous le n°24603/02, dans le dossier n° 2002DX005266, de la déclaration souscrite le 7 février 2002 par M. [E] [N] devant le juge du tribunal d'instance de Saint-Germain-en-Laye.
Constate l'extranéité de M. [E] [N], né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (Egypte),
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,
Condamne M. [N] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE