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11/06/2020 | FRANCE | N°18/02298

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 11 juin 2020, 18/02298


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 11 JUIN 2020



(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02298 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5BY6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/09164





APPELANTE



Madame [G] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

ReprésentÃ

©e par Me Belgin PELIT-JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

substitué par Me Thomas CARTIGNY, avocat au barreau de PARIS, toque : D2101





INTIMEE



Association Cul...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 11 JUIN 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02298 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5BY6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/09164

APPELANTE

Madame [G] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

substitué par Me Thomas CARTIGNY, avocat au barreau de PARIS, toque : D2101

INTIMEE

Association Culturelle PLACE DES ARTS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Véronique GALLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0486

substitué par Me Louise MILBACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0311

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, et M .François MELIN conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,Hélène FILLIOL, Présidente de chambre,

François MELIN Conseiller, chargé du rapport

Greffier, lors des débats : M. Fabrice LOISEAU

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Lucile MOEGLIN, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [U] est fonctionnaire titulaire auprès du Ministère de l'Economie et des Finances depuis le 1er septembre 2006 au grade de secrétaire administrative de classe exceptionnelle.

A compter du mois de mars 2009, Mme [U] a été affectée, en qualité de comptable, auprès de l'Association Culturelle Place des Arts, qui gère des activités culturelles et de loisirs au bénéfice des fonctionnaires du Ministère des Finances et qui reçoit, à ce titre, des subventions.

Mme [U] a ensuite été détachée le 30 septembre 2009 au sein de l'Association, en qualité de responsable des affaires financières pour une durée déterminée de cinq ans. Les bulletins de paie indiquaient que l'emploi occupé était celui de responsable des affaires financières.

Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 19 juillet 2013 en vue d'un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 24 juillet 2013 pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 21 juillet 2015, en demandant notamment la condamnation de l'employeur à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Par un jugement du 19 décembre 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes et a condamné Mme [U] aux dépens.

Le 1er février 2018, Mme [U] a formé appel de ce jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon ses conclusions transmises le 28 janvier 2020, Mme [U] conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de :

- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que Mme [U] a subi un harcèlement moral au sein de l'Association Culturelle Place des Arts,

- condamner l'Association au paiement des sommes suivantes :

* 45.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, subsidiairement 45000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct en réparation du harcèlement moral subi,

* 22.500 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat en matière de prévention du harcèlement moral,

* 43.823 € nets à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec les intérêts de droit à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

* 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter l'Association de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner celle-ci aux dépens.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, Mme [U] relève une surcharge de travail liée à des demandes urgentes et ce, dans un contexte d'hostilité à son encontre, des propos blessants et vexatoires et des critiques injustifiées sur son travail, des violences verbales et physiques sur son lieu de travail, un blocage dans sa carrière, et son éviction progressive de ses fonctions de responsable des affaires comptables et financières.

Mme [U] soutient également que l'employeur n'a pas respecté ses obligations en matière de prévention du harcèlement moral, alors qu'elle avait dénoncé à plusieurs reprises les agissements dont elle était victime.

Sur le licenciement, Mme [U] soutient qu'elle n'a violé aucun devoir de réserve ou de confidentialité, ni n'a souhaité insulter M. [N], mais qu'elle a souhaité démontrer l'analyse erronée de M. [N] dans les demandes de subventions de l'Association.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 5 juillet 2018, l'Association Culturelle Place des Arts conclut à la confirmation du jugement et demande à la cour de:

- juger que le licenciement pour faute grave de Mme [U] est fondé ;

- débouter Mme [U] ;

- la condamner au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de tous les frais et dépens.

Pour justifier le licenciement pour faute grave de Mme [U], l'Association invoque les insultes et dénigrements de la part de la salariée envers M. [N], trésorier, ainsi que son manquement à son obligation de réserve et de discrétion suite à la diffusion à des personnes tierces d'éléments comptables et financiers de l'Association.

Elle soutient que Mme [U] n'a pas été victime d'actes de harcèlement moral, mais qu'au contraire, elle avait une attitude agressive tant à l'égard de sa hiérarchie que de ses collègues mettant en péril le bon fonctionnement et la pérennité de l'Association .

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 5 février 2020.

MOTIFS

Sur le licenciement

Par un courrier du 24 juillet 2013, l'Association Culturelle Place des Arts a notifié à Mme [U] son licenciement pour fautes graves, dans les termes suivants :

'Suite à l'entretien préalable du 19 juillet 2013 auquel vous vous êtes présentée assistée de M. [V] [D], conseiller du salarié sur le département de [Localité 5], nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants :

- Vous avez insulté et dénigré le Trésorier de notre Association, Monsieur [T] [N], dans des courriels des 21 et 27 juin 2013, courriels adressés à plusieurs personnes dont certaines extérieures à l'Association Culturelle Place des Arts ;

- Vous avez également manqué à votre obligation de réserve et de discrétion en diffusant à des personnes tierces des éléments comptables et financiers propres à l'Association Culturelle Place des Arts.

En effet, dans le courriel que vous avez adressé, le 21 juin 2013, à Monsieur [T] [N], ainsi qu'à Monsieur [A] [C], Directeur de l'Association Culturelle Place des Arts Place des Arts. et à plusieurs personnes extérieures, vous n'avez pas hésité à accuser notre Trésorier d'avoir «opéré des faux en écritures afin de bâtir un rapport financier qui relève de l'abus de confiance ».

Vous avez, par ailleurs, largement diffusé, par courriel du 27 juin 2013, tant auprès de personnes de l'Association Culturelle Place des Arts que de personnes extérieures, vos commentaires personnels qualifiés par vous-même d'«audit » sur le rapport financier pour l'exercice 2012-2013, rapport validé par le Commissaire aux Comptes et voté par l'Assemblée Générale.

Cet « audit » largement diffusé dont l'objectif est de jeter le discrédit sur notre Trésorier constitue également une violation de vos obligations de discrétion et de réserve, eu égard à vos fonctions de Responsable des Affaires comptables et financières.

Dans ce document, vous mettez non seulement en cause les compétences et l'honnêteté du Trésorier, mais vous portez également atteinte à l'image et au fonctionnement de notre Association.

Ces faits sont constitutifs de fautes graves.

En conséquence, vous cesserez de faire partie des effectifs de notre Association à la date de première présentation de cette lettre.

(...)'.

Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler, de manière générale, que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et que la charge de sa preuve pèse sur l'employeur.

Il est constant que :

- en réponse à un mail de M. [N], trésorier, du 20 juin 2013 qui a été envoyé en copie à M. [C] et Mme [X], Mme [U] a notamment indiqué, par un mail du 21 juin 2013, qu'elle ne peut pas tolérer ses mensonges relatifs à la détermination du montant du solde d'une demande de subvention et qu'il est clair que M. [N] a 'opéré des faux en écritures afin de bâtir un rapport financier qui relève de l'abus de confiance', en ajoutant à la liste des destinataires en copie M. [M] et [S] ;

- par un mail du 27 juin 2013, Mme [U] a adressé à dix-sept personnes un document de neuf pages qu'elle a rédigé elle-même et intitulé 'audit sur le rapport financier exercice 2012", M. [N] et M. [C], directeur, ne faisant pas partie des destinataires. Dans le corps du mail, elle a indiqué aux destinataires qu'en tant que responsable des affaires financières, elle tenait à les informer des anomalies que comporte le rapport financier de l'exercice 2012. Le document joint fait état de divergences avec M. [N] sur l'affectation d'une somme sur un compte du plan comptable plutôt que sur un autre (document p. 2), indique que l'excédent de trésorerie est de 15 685, 17 euros et non pas de 57 313, 35 euros, somme qui a pourtant été remboursée à tort (document p. 3 et 4), et ajoute que la demande complémentaire de subvention d'un montant de 16 131, 82 euros n'est pas fondée (document p. 4, 5 et 6). Le document (p. 9) indique enfin que 'le trésorier intervient trop souvent dans le management' de l'Association et 'est intervenu directement sur la comptabilité' sans consulter Mme [U] et sans l'informer au préalable.

Par ailleurs, il apparaît que :

- concernant le mail du 20 juin 2013, l'Association indique, sans être contredite, que les qualités des destinataires étaient les suivantes : M. [C] était directeur de l'Association Culturelle Place des Arts, Mme [X] chargée de mission, M. [S] chef du bureau des politiques sociales et M. [M] l'adjoint de ce dernier ;

- concernant le mail du 27 juin 2013, les parties ne fournissent pas les qualités des dix-sept destinataires. Toutefois, il résulte de la lecture de leurs adresses électroniques qu'au moins trois d'entre deux appartenaient à la direction générale des finances publiques et un à la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes ;

- Mme [U] travaillait sous l'autorité du directeur et du trésorier de l'Association (pièce salariée n° 7), c'est à dire sous l'autorité de M. [C] et de M. [N].

Dans ce cadre, il y a lieu de relever que :

- le mail du 20 juin 2013 qui impute à M. [N] des faux en écritures et un abus de confiance a été adressé en copie à quatre personnes ;

- Mme [U] a ainsi imputé à M. [N] des faits relevant de qualifications pénales;

- aucun élément du dossier ne permet de retenir que ces allégations étaient fondées, alors qu'il est par ailleurs constant que les comptes de l'Association ont été établis par un expert-comptable et soumis à un commissaire aux comptes ;

- Mme [U] a néanmoins mis en copie de son mail, outre les destinataires du mail initial de M. [N], M. [S] chef du bureau des politiques sociales et M. [M] l'adjoint de ce dernier. Or, aucun élément du dossier ne conduit à retenir que ces personnes travaillaient pour l'Association Culturelle Place des Arts. Il résulte en revanche d'une lecture globale du dossier que ces deux personnes travaillaient pour l'autorité de tutelle et étaient donc des tiers à l'employeur ;

- le mail du 27 juin fait état d'anomalies dans le rapport financier et le document qui lui est joint révèle l'existence de divergences entre Mme [U] et M. [N] sur l'affectation comptable de certaines sommes, sur le montant de l'excédent de trésorerie et sur le bien-fondé d'une demande complémentaire de subventions ;

- ce mail et le document joint sont rédigés en des termes mesurés et ne contiennent pas d'accusations à l'encontre de M. [N] ;

- si les parties n'indiquent pas les qualités des dix-sept destinataires, il a été relevé ci-dessus qu'au moins trois d'entre deux appartenaient à la direction générale des finances publiques et un à la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes et étaient donc des tiers à l'Association Culturelle Place des Arts.

Au regard de ces éléments, la cour retient que :

- il est constant que Mme [U] a reproché par écrit à M. [N] d'avoir commis des infractions pénales ;

- aucun élément du dossier ne conduit à retenir que ces accusations étaient fondées ;

- Mme [U] a néanmoins diffusé ces allégations, par son mail du 20 juin 2013, au sein et à l'extérieur de l'Association ;

-ce faisant, elle n'a pas respecté l'obligation de discrétion qui lui incombait ;

- ce manquement revêt la qualification de faute grave, compte tenu de la nature des faits qu'elle a imputé, sans preuve, à M. [N], sous l'autorité duquel elle travaillait.

Le licenciement est donc fondé, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes à ce titre.

Sur le harcèlement

Mme [U] soutient qu'elle a été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur

Dès lors, il y a lieu de rappeler, de manière générale, que :

- l'article L 1152-1 du code du travail dispose qu' 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel' ;

- l'article L1152-2 énonce qu' 'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés' ;

- l'article L 1154-1 ajoute que 'lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

Il est dès lors nécessaire d'examiner les différents faits que le salarié invoque afin de déterminer, au terme d'une appréciation globale, s'ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En premier lieu, Mme [U] soutient qu'elle souffrait d'une surcharge de travail car il lui aurait été demandé de reprendre l'ensemble de la comptabilité, que ce soit à propos du volet relatif à la masse salariale ou à celui concernant le fonctionnement.

A ce sujet, la cour relève toutefois que la salariée procède par une simple affirmation générale, sans produire aucun élément concret allant dans le sens d'une surcharge de travail. La réalité du premier grief ne peut donc pas être retenue.

En deuxième lieu, Mme [U] fait état d'un contexte professionnel difficile impliquant des attaques personnelles de la part de salariés de l'Association et sans que sa hiérarchie ne la défende. A ce sujet, elle produit les éléments suivants :

- un mail du 21 septembre 2010 de Mme [R], qui indique que Mme [U] est intervenue auprès d'elle 'assez violemment, tant au point de vue oral que physique' en lui rappelant qu'elle ne faisait plus partie du service comptable et qu'elle n'avait donc plus à se trouver dans le bureau de sa collègue comptable ;

- un mail du 11 mai 2011 qu'elle a elle-même envoyé à M. [I], adjoint du directeur, auquel elle reproche de la harceler par téléphone et de faire pression sur elle pour qu'elle mette les bases de la comptabilité et de la paie sur un répertoire partagé par l'ensemble des collaborateurs ;

- un mail du 7 octobre 2011 de M. [I] adressé à Mme [U], Mme [J] et Mme [R], qui fait état de difficultés avec la Monnaie de Paris et indique à ces trois destinataires que 'votre manque de rigueur et de sérieux en la matière est désespérant', que c'est à elles de 'remettre de l'ordre dans ce foutoir généralisé' et qu'en l'absence de solutions apportées, la seule solution serait de recourir à des sanctions ;

- le compte-rendu de son entretien annuel de l'année 2009 dans lequel Mme [U] précise qu'elle manque de soutien dans l'Association et qu'il lui est arrivé de devoir faire des remarques à des collègues à la place de son manager, ce qui a nuit à l'entente.

En troisième lieu, Mme [U] indique qu'elle a été victime des propos blessants et vexatoires et produit:

- un mail du 8 septembre 2011 qu'elle a elle-même adressé à M. [P] et dans lequel elle indique que le président de l'Association lui a indiqué qu'elle n'est pas prête à travailler à un certain niveau et qu'il lui a demandé si elle était bête ;

- un mail du 23 septembre 2011 qu'elle a adressé au directeur de l'Association en lui reprochant de lui avoir dit, devant témoins, à propos de la remise d'un rapport sur la masse salariale, qu'elle devait se débrouiller et prendre sur son temps libre.

A ce sujet, la cour retient que la réalité du grief n'est pas établie puisqu'il repose uniquement sur deux mails rédigés par la salariée elle-même, sans production d'attestations des témoins que le second mail évoque pourtant.

En quatrième lieu, Mme [U] indique qu'elle a été victime d'une agression physique le 13 décembre 2011, le directeur lui ayant donné un coup sur l'épaule. La salariée produit :

- une main courante faisant état d'un coup de poing sur l'épaule donné par le directeur;

- un certificat indiquant que la salariée 'dit avoir reçu un coup de poing sur la clavicule' et un avis d'arrêt de travail.

A ce sujet, la cour relève toutefois que la réalité de la violence alléguée n'est pas établie, étant précisé que le médecin ne fait que relater les dires de la salariée.

En cinquième lieu, Mme [U] indique que le directeur a bloqué l'évolution de sa carrière.

La cour relève toutefois qu'elle procède par une simple affirmation générale, sans fournir d'éléments concrets au soutien de son allégation, de sorte qu'il y a lieu de retenir que la réalité du grief n'est pas établie.

En sixième lieu, Mme [U] indique que M. [N] l'a évincée de son poste de responsable des affaires financières. Elle produit à ce sujet des échanges de mails à propos d'une subvention et soutient qu'elle n'a plus eu ensuite à géréer les demandes de subvention et que l'intervention d'un cabinet d'expertise comptable a eu pour effet de reduire le champ d'action de la salariée, ce qui a conduit à sa mise à l'écart. Mme [U] ajoute que M. [N] effectuait lui-même les rapprochements bancaires, et ne la consultait plus sur le suivi de la trésorerie disponible.

Toutefois, la cour relève que M. [N] était trésorier et que Mme [U] ne fournit aucun élément conduisant à retenir que les questions liées aux subventions et à la trésorerie relevaient de ses propres compétences et non pas de celles du trésorier, de sorte qu'il y a lieu de considérer que la réalité même du grief n'est pas établie.

En septième lieu, Mme [U] soutient que M. [N] lui a adressé des remarques désobligeantes, blessantes et vexatoires. Elle produit :

- un mail de M. [N] du 23 avril 2013 par lequel il lui indique qu'il n'est pas interdit de progresser et que la curiosité intellectuelle n'est pas interdite non plus ;

- un mail de M. [N] du 29 avril 2013 dans lequel il lui demande, à propos de l'intervention d'un expert-comptable et de l'arrêté des comptes 2012, si elle fait exprès de ne pas comprendre ;

- un mail du 15 avril 2013 qu'elle a adressé au directeur pour se plaindre du fait que M. [N] lui a demandé de déposer des documents dans son bureau, alors qu'une de ses collègues peut les déposer dans une autre pièce ;

- des échanges de mails, des 28 et 29 mars 2013, à propos d'impressions de documents, dans lesquels M. [N] demande notamment à la salariée de lui apporter des documents à 14 heures 15, après sa pause déjeuner ;

- le rapport financier 2012 qui indique que le commissaire aux comptes est intervenu après le retour de congé maladie de Mme [U] ;

- une réponse de M. [N] au document, déja évoqué, que Mme [U] indique être un audit fiancier, réponse dans laquelle M. [N] indique notamment que ce document démontre l'incompétence et l'insubordination de la salariée ;

- des échanges de mails avec M. [N] entre le 5 décembre 2012 et le 28 mai 2013, dont elle déduit que celui-ci voulait la déstabiliser en l'inondant de mails et de demandes variées.

Au regard de ce qui précède, la cour retient que parmi les sept griefs allégués par Mme [U], la réalité de cinq d'entre eux n'est pas établie et qu'il y a donc lieu de déterminer si les éléments évoqués à propos des deux autres griefs permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, au sens des principes rappelés précédemment.

Dans ce cadre, la cour retient que :

- les éléments fournis au soutien du grief lié à contexte professionnel difficile impliquant des attaques personnelles de la part de salariés de l'Association n'évoquent en rien l'hypothèse d'un harcèlement mais font simplement état de quatre événèments ponctuels en trois ans, à savoir d'une discussion vive avec Mme [R] à propos d'un accès au bureau du service comptable, d'une divergence de vue avec M. [I] quant au recours à un répertoire partagé, d'une insatisfaction de M. [I] quant au traitement d'un dossier, et de la nécessité pour la salariée elle-même de faire des remarques à ses collègues ;

- les éléments produits à propos de l'allégation de remarques désobligeantes, blessantes et vexatoires que M. [N] lui aurait adressées sont de différents ordres. Certains n'ont aucune portée, s'agissant d'échanges concernant de simples impressions de documents (mails des 28 et 29 mars 2013 et du 15 avril 2013), ou du constat que l'expert-comptable est intervenu après le retour de la salariée d'un congé maladie. D'autres correspondent à de simples échanges de mails concernant le travail à effectuer, dans des conditions habituelles ( échanges de mails avec M. [N] entre le 5 décembre 2012 et le 28 mai 2013). D'autres, enfin, montrent que M. [N] s'est adressé à Mme [U] en usant des termes particulièrement désobligeants, à trois reprises (mails des 23 et 29 avril 2013 et dans sa réponse au document établi par Mme [U] et qu'elle nomme un audit financier). Toutefois, l'usage de termes désobligeants à trois reprises, dans un contexte de travail manifestement tendu dans lequel la salariée a elle-même imputé à M. [N] des infractions pénales dont la réalité n'est pas établie, ne laisse pas présumer, en l'absence d'autres éléments pertinents, l'existence d'un harcèlement moral, mais manifeste uniquement des problèmes relationnels entre la salariée et M. [N].

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande au titre du harcèlement moral.

Sur l'obligation de sécurité

Mme [U] indique avoir alerté son employeur des agissements de harcèlement moral dont elle était victime et que celui-ci n'a pas réagi, violant ainsi son obligation de sécurité.

Il est vrai, de manière générale, que l'employeur a l'obligation de prendre des mesures lorsqu'il est informé de faits de harcèlement.

Toutefois, la cour relève, d'une part, que si la salariée indique avoir dénoncé à l'employeur des faits de harcèlement, il apparaît que les pièces auxquelles elle se réfère à ce sujet n'ont pas en réalité la portée qu'elle leur donne :

- elle se réfère ainsi à des mails où sont évoquées des questions diverses sans lien avec l'allégation de harcèlement (pièce 52 relative à l'impression de documents ; pièce 53 relative au refus d'accorder à la salariée un après-midi le 29 mars 2013 ; pièce 54 concernant le traitement de questions comptables ; pièce 63 concernant une désapprobation de la salariée sur l'intervention d'un expert-comptable) ;

- elle se réfère également à un mail du 5 juillet 2012 qu'elle a adressé à la présidente de l'Association dans lequel elle se plaint que des fichiers relatifs à la paie ont été placés dans un répertoire partagé, indique que le directeur se comporte de façon odieuse ce qui la conduite au bord d'une crise de nerf le 4 juillet 2012, et elle déplore des arrangements entre amis à propos de la gestion de absences de certains. Ce mail fait donc état d'éléments très divers et sans lien entre eux, sans donner plus d'importance à la question du comportement du directeur qu'à celle du répertoire partagé et sans évoquer l'hypothèse d'un harcèlement.

D'autre part, la cour relève que, ainsi qu'il l'a été précédemment indiqué, la salariée ne fournit aucun élément laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme [U] succombant, sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée. Elle sera quant à elle condamnée à payer à l'Association la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Mme [U], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par un arrêt contradictoire, en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 19 décembre 2017;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [U] à payer à l'Association Culturelle Place des Arts la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande formée par Mme [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [U] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/02298
Date de la décision : 11/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°18/02298 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-11;18.02298 ?
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