La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2020 | FRANCE | N°18/02637

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 04 juin 2020, 18/02637


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 04 JUIN 2020



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02637 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5DEZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 14/00486





APPELANTE

Madame [Z] [F]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté

e par Me Manuel DAMBRIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1894 ,





INTIMEE

SA TEVEA INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier KRESS, avocat au ba...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 04 JUIN 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02637 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5DEZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 14/00486

APPELANTE

Madame [Z] [F]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Manuel DAMBRIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1894 ,

INTIMEE

SA TEVEA INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier KRESS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

Madame Hélène FILLIOL, Présidente de chambre

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE Présidente de Chambre,

Greffier, lors des débats : M. Fabrice LOISEAU

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Lucile MOEGLIN Greffier présent lors du prononcé.

           FAITS ET PROCÉDURE :

            

Par contrat à durée indéterminée en date du 17 mai 2005, Mme [F]  a été engagée en qualité d'assistante trilingue 2005 par la société Tevea international, exerçant sous la forme d'une société à responsabilité limitée, aux droits de laquelle est venue à compter du 1er janvier 2008 la société Tevea International, exerçant sous la forme d'une société anonyme, qui a une activité de représentation fiscale et de conseil opérationnel en matière de TVA et de remboursement de cette taxe. La société était jusqu'en avril 2016 une filiale du groupe Banque Populaire et Caisse d'Epargne (BPCE) et employait 18 salariés.

Le 4 septembre 2009, Mme [F] a ressenti une vive douleur à l'épaule gauche à l'occasion d'une manutention sur son lieu de travail, fait ayant donné lieu à la déclaration d'un accident du travail. Elle a été en arrêt de travail du 25 janvier au 24 février 2010, puis du 12 mars 2010 au 22 novembre 2012. 

Le 6 mars 2012, la caisse primaire d'assurance maladie a informé Mme [F] de son avis défavorable s'agissant de la poursuite des arrêts du travail et du versement des indemnités journalières en raison de la consolidation de son état de santé. Mme [F] a été placée en invalidité de seconde catégorie à compter du 1er mai 2012.

A l'issue des visites médicales des 16 mai et 6 juin 2012, Mme [F] a été déclarée définitivement inapte à son poste de travail, mais apte à un poste à temps partiel sédentaire proche de son domicile, sans port de charges lourdes, ni efforts physiques.

            Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel  licenciement qui lui a été notifié le 25 juillet 2012 pour impossibilité de reclassement.

Le 30 juillet 2012, Mme [F] a formé un recours devant l'inspecteur du travail afin de contester les avis d'inaptitude.

Par décision du 27 septembre 2012, le médecin inspecteur a déclaré Mme [F] apte à un poste sédentaire à temps partiel, sans déplacement, ni port de charge.

Du 30 octobre 2012 jusqu'au 11 avril 2013, il y a eu quelques échanges entre les au sujet de la proposition par la société Tevea International d'un poste d'assistante trilingue à l'accueil à raison d'un jour par semaine.

            Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 13 janvier 2014 pour obtenir paiement de diverses sommes.

             Par jugement en date du 8 janvier 2018, le conseil de prud'hommes a :

- mis hors de cause les sociétés BPCE et CNCEP, ainsi que MM. [Y] et [X],

- débouté la salariée de l'ensemble de ses prétentions et la société Tevea International ainsi que la société BPCE de leurs demandes reconventionnelles.

            Pour statuer ainsi, le conseil a retenu que le médecin inspecteur n'avait que partiellement remis en cause l'avis du médecin du travail et que l'acceptation sous condition et non immédiate par la salariée du poste proposé par la société Tevea International s'analysait en un refus de sa part. Il a également rappelé qu'il n'appartenait pas à la juridiction prud'homale de juger si Mme [F] avait été victime d'un accident du travail imputable à une faute inexcusable de l'employeur.

            Le 8 février 2018, Mme [F]  a interjeté appel de ce jugement.

             PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon ses conclusions notifiées le 7 mai 2018, Mme [F] conclut à l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour de juger que le licenciement du 29 avril 2013 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société Tevea International au paiement des sommes suivantes :

- 30 825 € nets à titre de rappel de salaires pour la période du 25 juillet 2012 au 29 avril 2013 et 3 082 € nets au titre des congés payés afférents,

- 10.275 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 027 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 61 650 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 20 000 € nets au titre du préjudice résultant de l'attitude déloyale de l'employeur,

- 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle demande à la cour de juger que son licenciement pour inaptitude du 25 juillet 2012 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société Tevea International aux mêmes sommes à l'exception du rappel de salaire qui n'est plus réclamé.

            Mme [F] fait valoir que la société Tevea International lui a adressé postérieurement à son licenciement une proposition de reclassement pour tenter de se conformer au second avis d'inaptitude réformé par le médecin inspecteur, ce dont elle déduit que la société s'est rétractée de sa décision de la licencier. Elle soutient avoir accepté cette rétractation puisqu'elle a confirmé son intérêt pour ce poste le 30 novembre 2012. Elle précise que toutefois, la société Tevea International n'a pas répondu et qu'elle est personnellement demeurée à sa disposition jusqu'au 29 avril 2013, date à laquelle elle précise avoir sollicité l'établissement d'un contrat de travail devant encadrer sa reprise dans le cadre du reclassement. Elle réclame en conséquence un rappel de salaire pour la période du 25 juillet 2012 au 29 avril 2013.

Elle soutient également que l'absence de fourniture de travail durant cette période s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit aux indemnités de fin de contrat ainsi qu'à des dommages et intérêts pour attitude déloyale de la société Tevea International.

Subsidiairement, si la cour devait juger que la société Tevea International ne s'est pas rétractée de sa décision de la licencier, elle précise qu'à la suite du recours exercé contre l'avis d'inaptitude, le médecin inspecteur a restreint la recherche des postes de reclassement dans son avis du 27 septembre 2012 de sorte que le licenciement prononcé le 6 juin 2012 doit être remis en cause par cette décision et donc privé de cause. Elle dénonce l'absence de recherche de reclassement conforme à cet avis. Elle note qu'en 2012, la société Tevea International faisait partie du groupe BPCE employant plus de 117 000 collaborateurs, que les informations communiquées dans le cadre de la recherche la concernant étaient erronées et dévalorisantes, et que la société n'a pas sollicité le médecin du travail pour lever l'ambiguïté liée à la recommandation d'un poste proche du domicile.

Elle soulève également la violation de l'obligation de reclassement consécutive au second avis d'inaptitude réformé par le médecin inspecteur et fait valoir qu'elle avait accepté la proposition de la société Tevea International, soit un poste d'assistante trilingue à raison d'une journée de travail par semaine, mais seulement à compter du 22 novembre 2012, ce que la société Tevea International a analysé à tort comme étant un refus.

           Selon ses conclusions notifiées le 6 août 2018, la société Tevea International conclut à la confirmation du jugement, au rejet de l'intégralité des prétentions de Mme [F] et subsidiairement, à la réduction des dommages et intérêts et elle sollicite une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie de Mme [F] par décision du 7 décembre 2012 et que celle-ci a été déboutée de sa demande tendant à voir reconnaître l'existence d'une faute inexcusable.

Elle précise qu'en première instance, Mme [F] a également produit de faux certificats médicaux, ce qui l'a amenée à porter plainte pour faux et usage de faux, et à saisir le conseil de l'ordre des médecins devant lequel le docteur [K] a reconnu que les quatre certificats communiqués en décembre 2015 et janvier 2016 étaient des faux.

Elle soutient avoir recherché des postes au sein de son unique établissement qui n'est pas situé dans l'arrondissement où demeure Mme [F], ce qui imposait la mise en place d'un télétravail, organisation inconciliable avec le fonctionnement de la société qui implique de travailler avec les pièces comptables originales des clients. Elle fait valoir qu'elle n'avait pas l'obligation de rechercher un poste au sein de la BPCE en l'absence de permutabilité du personnel, mais qu'elle s'y est toutefois astreinte.

Elle note que le médecin inspecteur a confirmé l'inaptitude de Mme [F], que son avis n'était pas régulier en raison du non-respect du contradictoire, mais qu'elle a entendu agir de bonne foi en lui proposant un poste à temps partiel et que lors de l'entretien du 7 novembre 2012, l'appelante l'a informée qu'elle bénéficiait de séances de rééducation et que le 30 novembre 2012, elle a précisé qu'elle devait être suivie pour recouvrer ses capacités. La société précise en avoir déduit que l'appelante n'était pas en mesure d'accepter le poste. Elle note que celle-ci ne s'est d'ailleurs jamais présentée pour occuper ce poste et qu'elle n'a repris contact que trois mois et demi plus tard, en mars 2013.

Elle conteste s'être rétractée de sa décision de licencier Mme [F] et être redevable d'un rappel de salaire de juillet 2012 à avril 2013 dans la mesure où l'avis de l'inspecteur du travail n'a pas annulé l'avis d'inaptitude du 6 juin 2012. Elle reconnaît seulement lui avoir proposé un poste en dehors de toute procédure de reclassement.

Subsidiairement, elle note le caractère excessif de l'indemnisation sollicitée à concurrence de 18 mois de salaire alors que Mme [F] comptabilisait une ancienneté de 7 ans lors de la rupture de son contrat de travail et qu'elle ne justifie d'aucune recherche d'emploi.

Elle conteste toute déloyauté et invoque les faux certificats produits par la salariée. Elle rappelle qu'elle lui a octroyé le statut de cadre en janvier 2010 afin qu'elle obtienne une meilleure indemnisation de la part de la mutuelle et non en raison de l'évolution de ses fonctions, et elle précise avoir maintenu son salaire pendant deux ans et cinq mois pendant son arrêt maladie.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.

             L'instruction a été déclarée close le 12 février 2020. 

            MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bien-fondé du licenciement du 29 avril 2013 et les demandes en découlant

L'examen du bien-fondé d'une décision de licenciement qui selon Mme [F] aurait été prise par la société Tevea International le 29 avril 2013 nécessite de déterminer au préalable si cette dernière s'est effectivement rétractée de la décision de licenciement du 25 juillet 2012.

En l'espèce, Mme [F] a fait l'objet de deux avis d'inaptitude les 16 mai et 6 juin 2012 et a été licenciée par courrier du 25 juillet 2012 en raison de l'absence de postes de reclassement compatibles avec son état de santé. Le 30 juillet 2012, Mme [F] a contesté l'avis d'inaptitude postérieurement à son licenciement. Après avoir procédé à l'examen de la salariée le 18 septembre 2012, pris connaissance des éléments du dossier médical et rencontré le médecin du travail, le médecin inspecteur a précisé, selon décision administrative du 27 septembre 2012, que Mme [F] était apte à un poste à temps partiel, sans déplacement et sans port de charge. Cette décision a été notifiée à l'entreprise le jour même.

Par courrier du 30 octobre 2012, la société Tevea International, après avoir rappelé les préconisations du médecin inspecteur, a précisé que dans ces conditions, elle proposait à Mme [F] un poste d'assistante trilingue à l'accueil à raison d'une journée par semaine, le mercredi, soit 7 heures de travail effectif. Elle a ajouté que ce poste était à pourvoir immédiatement, raison pour laquelle elle lui demandait de lui faire part de sa décision dans les meilleurs délais.

Il ne ressort d'aucun des termes de ce courrier que la société Tevea International a exprimé sa volonté de se rétracter. Elle a seulement proposé à Mme [F] un poste qui correspondait, selon elle, aux préconisations de la décision de l'inspecteur du travail dont elle a précisé qu'elle se réservait la possibilité de la contester.

L'analyse du courriel du 28 novembre 2012 adressé par la société Tevea International à l'appelante ne révèle pas non plus la volonté de la société de se rétracter. En effet, celle-ci y a précisé vouloir s'assurer de la position de Mme [F] par rapport au poste proposé lors de l'entretien du 7 novembre durant lequel cette dernière a fait part de son intérêt pour le poste mais également de la nécessité de poursuivre le programme quotidien de rééducation de trois heures à l'hôpital, ce dont la société a déduit que la salariée n'était pas en mesure d'accomplir les fonctions proposées.

Par courrier du 30 novembre 2012, Mme [F] a répondu à la société Tevea International qu'elle aurait préféré que la journée de travail hebdomadaire soit partagée en deux demi-journées, que son état de santé s'améliorait et qu'elle devait être suivie jusqu'à ce qu'elle recouvre ses capacités. Elle a ajouté que dès que la société aurait annulé la procédure de licenciement, elle demeurerait son employée et accepterait le poste proposé, qu'elle souhaitait conserver son emploi et reprendre progressivement son travail.

Les parties n'ont pas échangé entre le 30 novembre 2012 et le 11 mars 2013, date à laquelle Mme [F] a sollicité auprès de la société Tevea International un entretien dans les plus brefs délais.

Dans le dernier courrier rédigé par la société Tevea International le 11 avril 2013, la société a rappelé que si Mme [F] avait manifesté de l'intérêt pour le poste proposé, elle avait également exprimé des réserves quant à la compatibilité du poste avec les soins qu'elle devait suivre. Elle a constaté qu'à ce jour, Mme [F] ne s'était toujours pas manifesté pour occuper le poste proposé et elle a indiqué qu'elle souhaitait savoir ce que l'intéressée envisageait à ce titre.

Par courrier du 19 avril 2013, Mme [F] a noté que la société Tevea International avait souhaité maintenir la décision du 25 juillet 2012, soit le licenciement. Elle a précisé qu'elle avait accepté le poste proposé les 30 octobre 2012 et 11 avril 2013, et elle a sollicité la communication du contrat de travail.

L'analyse de ces échanges révèle que la société Tevea International n'a pas entendu renoncer à la décision de licenciement notifiée le 25 juillet 2012, ce dont Mme [F] a pris acte à deux reprises dans ses courriers des 30 novembre 2012 et 19 avril 2013. La société a certes proposé à Mme [F] un nouveau poste de travail correspondant selon elle aux préconisations du médecin inspecteur, mais la seule référence à cet avis ne saurait, contrairement à ce que prétend l'appelante, s'analyser comme une manifestation claire et non dépourvue d'équivoque de sa volonté de se rétracter du licenciement prononcé antérieurement. D'ailleurs, le terme de reclassement n'a jamais été employé par la société dans les courriers adressés à Mme [F].

Dès lors qu'il n'y a pas eu de rétractation de la part de la société Tevea International, la relation de travail a été rompue lors de l'envoi de la lettre de licenciement du 25 juillet 2012 de sorte que Mme [F] ne peut pas prétendre avoir été licenciée le 29 avril 2013 en raison de l'absence de fourniture de travail durant la période du 25 juillet 2012 au 29 avril 2013.

Mme [F] ne peut donc pas valablement invoquer son maintien à disposition de la société Tevea International à l'appui de sa demande de rappel de salaires pour la période du 25 juillet 2012 au 29 avril 2013 compte tenu de la rupture de la relation contractuelle lors de l'envoi de la lettre de licenciement.

Sur le préjudice résultant de la déloyauté de la société Tevea International

Mme [F] sollicite ensuite des dommages et intérêts liés à l'attitude déloyale de la société Tevea International qui lui aurait offert à deux reprises un reclassement sur son ancien poste et n'aurait pas donné suite malgré son acceptation.

Au regard des courriers et courriels échangés entre les parties, la société Tevea International n'a jamais exprimé sa volonté de proposer un poste à Mme [F] dans le cadre d'un reclassement. Par ailleurs, le poste proposé par la société Tevea International le 30 octobre 2012 consistant en une journée de travail par semaine était à pourvoir immédiatement. Or, Mme [F] a exprimé son intérêt pour le poste proposé en le conditionnant à l'annulation de la procédure de licenciement et en mettant en exergue l'amélioration de son état de santé qui nécessitait la poursuite de soins. Comme cela a été précisé ci-dessus, la société Tevea International n'a jamais entendu revenir sur sa décision de licenciement.

Il s'en déduit que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme [F] n'a pas clairement exprimé sa volonté d'accepter le poste proposé. Dès lors, elle ne justifie pas de la déloyauté de la société. La demande d'indemnisation est donc rejetée.

Sur le bien-fondé du licenciement du 25 juillet 2012

Selon les articles L 1226-2 à 1226-4 du code du travail, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications formulées sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de lui verser dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi occupé avant la suspension du contrat de travail.

Il est constant que lorsque l'inspecteur du travail a décidé de ne pas reconnaître l'inaptitude du salarié sur recours contentieux, le licenciement n'est pas nul et n'entraîne pas la réintégration du salarié mais devient privé de cause, ce qui ouvre droit pour ce dernier à l'indemnité prévue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, le 6 juin 2012, le médecin du travail a précisé que Mme [F] était définitivement inapte à son poste de travail, mais apte à un poste à temps partiel sédentaire proche de son domicile, sans port de charges lourdes, ni efforts physiques. Cette décision a été remise en cause par la décision de l'inspecteur du travail du 27 septembre 2012 à la suite du recours initié par la salariée. En effet, celui-ci l'a déclarée apte à un poste sédentaire à temps partiel, sans déplacement, ni port de charge.

L'inspecteur du travail n'a pas retenu l'inaptitude de Mme [F] de sorte que son licenciement fondé sur l'impossibilité de reclassement devient privé de cause, ce qui ouvre droit pour la salariée à l'indemnité prévue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la société a respecté son obligation de reclassement.

Le préjudice subi par Mme [F], compte tenu de son ancienneté au sein de l'entreprise, soit cinq ans au 25 janvier 2010, date de son arrêt de travail, de son âge lors du licenciement, soit 53 ans, et de l'absence d'emploi à ce jour, est réparé par l'allocation d'une somme de 21 000 €.

Sont également allouées à Mme [F], dans les limites de sa demande, les sommes de 10.275 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 1 027 € bruts au titre des congés payés afférents.

Sur la demande tendant à voir qualifier de bruts les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article l'article L. 242-1 7° du code de la sécurité sociale dispose que les cotisations de sécurité sociale dues au titre de l'affiliation au régime général des personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311 sont assises sur les revenus d'activité tels qu'ils sont pris en compte pour la détermination de l'assiette définie à l'article L. 136-1-1 et qu'elles sont dues pour les périodes au titre desquelles ces revenus sont attribués et que par dérogation, sont exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale dans la limite de deux fois le montant annuel du plafond défini à l'article L. 241-3 du présent code, les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes mentionnées à l'article 80 ter du code général des impôts qui ne sont pas imposables en application de l'article 80 duodecies du même code, que toutefois, sont intégralement assujetties à cotisations les indemnités versées à l'occasion de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes mentionnées à l'article 80 ter du même code d'un montant supérieur à cinq fois le montant annuel du plafond défini à l'article L. 241-3 du présent code, ainsi que celles versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail d'un montant supérieur à dix fois le montant de ce même plafond. Il est également prévu qu'en cas de cumul d'indemnités versées à l'occasion de la cessation forcée des fonctions et de la rupture du contrat de travail, il est fait masse de l'ensemble de ces indemnités et que lorsque le montant de celles-ci est supérieure à cinq fois le montant annuel du plafond défini à l'article L. 241-3, ces indemnités sont intégralement assujetties à cotisations.

Il s'en déduit qu'il n'appartient pas au juge de qualifier de nette ou de brute les indemnités allouées au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande tendant à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé le 25 juillet 2012,

- rejeté les demandes suivantes formées par Mme [F] : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que les dépens ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

DIT que le licenciement de Mme [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Tevea International à payer à Mme [F] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur par le conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de l'arrêt pour celles à caractère indemnitaire, et avec capitalisation des intérêts :

- 21 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-10 275 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 1 027 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu de qualifier de bruts ou de nets les dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Tevea International au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/02637
Date de la décision : 04/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°18/02637 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-04;18.02637 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award