La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2020 | FRANCE | N°19/03854

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 02 juin 2020, 19/03854


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 02 Juin 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/03854 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7S5O



Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'Appel de Paris le 17 septembre 2013 contre un jugement rendu le 18 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 08/08170





DEMANDEUR



M. [

H] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Henri TRUMER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0104 substitué par Me Carmencita BISPO, avocat au barreau de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 02 Juin 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/03854 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7S5O

Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'Appel de Paris le 17 septembre 2013 contre un jugement rendu le 18 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 08/08170

DEMANDEUR

M. [H] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Henri TRUMER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0104 substitué par Me Carmencita BISPO, avocat au barreau de PARIS, toque : D0104

DÉFENDEUR

SA ELECTRICITE DE FRANCE EDF

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Vincent COTTEREAU, avocat au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Anne HARTMANN, Présidente de chambre

Sylvie HYLAIRE, Présidente

Denis ARDISSON, Président de chambre

qui en ont délibéré

Greffier : Mathilde SARRON, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, la date initialement annoncée aux parties ayant dû être reportée en raison de l'état d'urgence sanitaire, ce dont, pour le même motif, les parties n'ont pu être avisées par le greffe qu'à l'issue de la période de confinement dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Anne HARTMANN, Présidente de chambre et par Catherine CHARLES , Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Engagé par la société GDF en août 1974 en qualité de technicien, M. [H] [G] a exercé des activités syndicales dans l'entreprise.

La relation de travail était soumise au Statut national du personnel des industries électriques et gazières issu de la loi 46-628 du 8 avril 1946.

En 1997, M. [G] a saisi une première fois la justice prud'homale d'une demande relative à une discrimination.

Par arrêt du 2 décembre 2004, la cour d'appel de Paris a constaté l'existence d'une discrimination de nature notamment syndicale et a condamné l'employeur au paiement de dommages -intérêts et à appliquer au salarié une nouvelle classification.

M. [G] a été en arrêt de maladie à compter du 11 mars 2005 jusqu'au 20 avril 2006 puis à compter de septembre 2006 de manière continue jusqu'à la date de prise d'effet de sa mise en inactivité.

Soutenant que la discrimination avait perduré après cette décision et invoquant également un harcèlement moral, M. [G] a saisi une nouvelle fois la juridiction prud'homale, le 25 juin 2008, en sollicitant également la condamnation de l'employeur à prononcer sa mise en inactivité , à compter du 1er octobre 2009 par anticipation d'âge de trois en tant que père de famille de deux enfants, mettant en cause outre son employeur la SA EDF, la Caisse de retraite CNIEG et le défenseur des droits.

Par jugement rendu en formation de départage le 18 février 2010, le conseil de prud'hommes de Paris saisi a statué comme suit:

-Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer ;

-Déboute M. [H] [G] de toutes ses demandes;

-Déboute la SA. EDF de sa demande reconventionnelle;

-Dit n'y avoir lieu à condamnation de quiconque au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

-Condamne M. [H] [G] aux dépens.

Le 28 juin 2010, la CNIEG (Caisse nationale des industries électriques et gazières) a notifié à M. [G] l'attribution d'une pension d'invalidité de catégorie 2, conformément à l'article 3 du statut.

M. [G] n'a exercé aucune voie de recours contre cette décision.

Par courrier du 28 juin 2012, la CNIEG a informé tant M. [G] que la SA EDF que la pension d'invalidité du salarié serait transformé en pension vieillesse à compter du 1er octobre 2012.

Monsieur [G] s'est opposé à cette transformation par courrier adressé le 29 août 2012 à la CNIEG, en indiquant qu'il souhaitait reprendre le travail.

Par lettre du 27 septembre 2012, la société EDF a confirmé à M. [G] sa mise en inactivité d'office à l'initiative de l'employeur à compter du 1er octobre 2012, l'intéressé ayant atteint l'âge de 60 ans, le 29 septembre 2012.

Par arrêt rendu le 17 septembre 2013, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement rendu le 18 février 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris en toutes ses dispositions, en déclarant la demande nouvelle du salarié en résiliation judiciaire de son contrat de travail irrecevable au motif que les parties n'étaient plus liées par un contrat de travail depuis le 1er octobre 2012, date de la mise en inactivité du salarié, qu'elle a considérée comme régulière.

Le 14 novembre 2013, M. [G] a formé un pourvoi contre cette décision.

Par arrêt rendu le 26 mai 2015, la Cour de cassation a statué comme suit:

«Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de nullité de sa mise en activité à l'initiative de l'employeur, l'arrêt énonce que les conditions légales ont été considérées, à bon droit, comme réunies par l'employeur et l'organisme de sécurité sociale intervenant, alors que le salarié a atteint l'âge de 60 ans, que force est de constater que les parties ne sont plus liées par un contrat de travail depuis le 1er octobre 2012, de sorte que la demande principale en résiliation du contrat de travail est désormais irrecevable et que les réclamations induites sont, de ce fait, écartées, notamment la demande subsidiaire d'une pension vieillesse prise par l'organisme de sécurité sociale conformément aux dispositions de l'article 3, annexe III, du statut des industries électriques et gazières et de l'article 37 du statut ici applicables;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que pour la catégorie d'emploi de ce salarié, la différence de traitement fondée sur l'âge et l'état de santé était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires , la cour d'appel qui devait appliquer la directive communautaire consacrant un principe général du droit de l'Union, a violé le texte susvisé.

Casse et annule, mais seulement en ce qu'il déboute M. [G] de sa demande aux fins de juger que sa mise en inactivité d'office à l'initiative de l'employeur constitue un licenciement nul, l'arrêt rendu le 17 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris , autrement composée. ».

M. [G] a saisi la cour sur renvoi après la cassation partielle le 7 octobre 2015, l'affaire a toutefois été retirée du rôle à la demande des parties, par ordonnance du 30 janvier 2018.

Le 8 avril 2019, M. [G] a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle.

Celle-ci a été enrôlée sous deux numéros RG différents: RG 19/03854 et RG 19/09871.

Par des écritures récapitulatives régulièrement visées par le greffier à l'audience et oralement soutenues, M. [G] demande à la cour de:

-Infirmer le jugement rendu en date du 18 février 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris:

Statuant à nouveau:

-Condamner la société EDF pour discrimination par le refus d'EDF de réintégrer le salarié dans l'emploi M3E pour faire cesser la discrimination jugée par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 2 décembre 2004, qui est un manquement à l'article 14 de la CEDH.

-Condamner la société EDF pour licenciement nul pour discrimination liée à l'âge, à la santé et en rétorsion à son action en justice; la mise en inactivité d'office à l'initiative de l'employeur viole le décret du 18 mars 2011, la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 en vertu de laquelle les discriminations fondées sur l'âge sont prohibées.

Nommer un expert pour examiner le classement de M [G] au moment de sa mise en inactivité d'office au regard de ses homologues de l'expertise judiciaire de 2003 et calculer les dommages -intérêts pour perte de rémunération liée à la garantie de l'emploi, notamment la perte d'augmentation de pension liée à l'emploi qui fait partie intégrante de la rémunération dans le statut des IEG,

Condamner la société EDF à régler à M. [G] les sommes suivantes:

-Réparation de la discrimination de rémunération avec récidive depuis l'arrêt de 2004(période de 2005-2012) suivant expertise, subsidiairement 7 ans et 9 mois (soit 100,75 mois avec le 13ème mois +20,77% de part variable):(NR IB-NR 280)X100,75X1,2077)soit (9952,61-6062,19)X100,75X1,2077=351 694,09 arrondis à 351 694 euros,

-Indemnité compensatrice de préavis: 3 mois suivant expertise de classement au subsidiairement 3 mois de salaire NR 280(barème 2018) la somme de 18 187 euros.

-Congés payés sur préavis: la somme de 1819 euros.

-Indemnité légale de licenciement: 12 mois de salaire suivant expertise ou subsidiairement 12 mois de salaire :48 498 euros,

-Indemnité pour licenciement nul: 40 mois de salaire suivant expertise ou subsidiairement 40 mois NR 280 (barème 2918) soit 242 488 euros,

-Dommages et intérêts pour préjudice moral et de santé :50 000 euros

-Dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales et accords de Branche des IEG: 50 000 euros,

-Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité pour non-organisation de la visite de reprise:100.000 euros,

-Dommages et intérêts pour exercice déloyal du contrat de travail par manquement aux entretiens annuels professionnels et de deuxième partie de carrière:50 000 euros.

-Condamner la société EDF pour violation de son droit à continuer son activité jusqu'à 67 ans à verser une indemnité suivant expertise ou subsidiairement (voir formule de calcul page 33) à 989 898 euros,

-Condamner la société EDF pour licenciement pour inaptitude liée aux conditions de travail suivant expertise ou subsidiairement à 24 mois (doublement de l'indemnité de 12 mois en raison du caractère professionnel de l'inaptitude) au NR 280 soit 145 492, 56 euros arrondis à 145 493 euros.

A titre subsidiaire:

-Condamner la société EDF à son reclassement au 1er octobre 2012 au NR IB qui constitue la moyenne de la liste d'homologues retenue par l'expertise judiciaire de 2003.

-Condamner la société EDF à indemniser sous forme de capital , la perte de pension actuelle par le barème de rente par capitalisation de la gazette du palais parue de 28/11/2017: soit 16 256 euros.

En tout état de cause:

-Condamner la société EDF à régler à M. [G] la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dire que les sommes porteront intérêt au taux légal dans les conditions prévues par les articles 1231-6 et 7 du Code civil.

-Ordonner la capitalisation des intérêts,

Condamner la société EDF aux entiers dépens de l'instance.

Selon des écrits datés du 10 octobre 2019 régulièrement visés par le greffier à l'audience et oralement soutenus la SA EDF conclut comme suit:

Sur l'appel principal de M. [G] sur l'objet de renvoi après cassation.

-Dire et juger que la mise en inactivité d'office à l'initiative de l'employeur est valide.

-Débouter M. [G] de sa demande d'expertise,

-Déclarer en conséquence M. [H] [G] mal fondé en toutes ses demandes d'indemnité de préavis, de licenciement, d'indemnité pour licenciement nul et de dommages-intérêts.

-L'en débouter.

Très subsidiairement, limiter l'indemnité de préavis à la somme de 12 039,90 euros et l'indemnité de congés payés à 1203,99 euros et l'indemnité légale de licenciement au solde après déduction de l'indemnité de départ en inactivité de 6 765,64 euros,

Limiter le préjudice invoqué au titre du prétendu licenciement nul à une somme équivalente à six mois de salaire, soit 36 114 euros.

Sur les demandes nouvelles

Vu l'arrêt de renvoi de la Cour de cassation en date du 26 mai 2015,

Déclarer M. [H] [G] irrecevable en ses demandes de :

-Réparation d'un prétendu préjudice de rémunération,

-Réparation de la discrimination de rémunération,

-De dommages-intérêts pour perte de rémunération,

-De dommages-intérêts pour préjudice moral et de santé, non-respect des dispositions légales et des accords collectifs de branche IEG, non-organisation de la visite de reprise et exercice déloyal du contrat de travail.

Très subsidiairement, déclarer M. [H] [G] mal fondé en toutes ses demandes, l'en débouter,

-Débouter M. [H] [G] de sa demande d'expertise,

-Débouter M. [H] [G] de sa demande d'article 700 du Code de procédure civile,

Recevoir l'appel incident de la SA EDF et y faisant droit,

-Condamner M. [H] [G] à verser à la SA EDF la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour appel abusif .

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

SUR CE, LA COUR:

La cour est saisie par l'arrêt de renvoi rendu le 26 mai 2015 de la demande de M. [H] [G] tendant à ce qu'il soit jugé que sa mise en inactivité d'office par l'employeur constitue un licenciement nul au motif notamment d'une discrimination liée à l'âge et à la santé.

Elle est également saisie par M. [G] de diverses demandes nouvelles de réparation de préjudices de rémunération, de discrimination, de non-respect des dispositions légales et des accords collectifs de branches des IEG, non-organisation de la visite de reprise et exercice déloyal du contrat de travail, et pour préjudice moral et de santé.

Sur la jonction

L'affaire ayant été enrôlée sous deux numéros RG différents, il convient d'ordonner la jonction des deux procédures sous le numéro RG le plus ancien à savoir le n°RG 19/03854.

Sur la validité de la mise en inactivité d'office par l'employeur

Alors qu'il avait initialement saisi le 25 juin 2008, le conseil de prud'hommes aux fins de bénéficier du mécanisme de départ anticipé rendu possible pour les pères de famille au même titre que les mères de famille, M. [G] entend contester la décision de sa mise en inactivité d'office par l'employeur survenue le 27 septembre 2012.

La société EDF estime que la mise en inactivité de M. [G] est parfaitement valable, étant en outre objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime.

Il est acquis aux débats que M. [G] a été mis en inactivité à l'initiative de l'employeur par application de l'article 4 du décret n°2011-829 du 18 mars 2011 modifiant le statut national du personnel des industries électriques et gazières qui autorise une mise en inactivité à l'initiative de l'employeur de l'agent en situation de longue maladie reconnu inapte au travail dans deux cas :

-avant 62 ans, lorsqu'il a atteint l'âge d'ouverture de ses droits à une pension de vieillesse du régime spécial des industries électriques et gazières et totalise un nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier d'une pension servie au taux maximum à l'annexe 3 du statut.

-à partir de 62 ans, dès qu'il a atteint le terme du congé de trois ans prévu par le b du paragraphe1 de l'article 22 du statut, ou si elle est antérieure, à la date à laquelle il totalise le nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier d'une pension servie au taux maximum à l'annexe 3 du statut.

Etant précisé que l'agent titulaire d'une pension d'invalidité de catégorie 2 ou 3, au sens de l'annexe 3 du statut, est mis en inactivité à l'initiative de son employeur à partir de l'âge d'ouverture de ses droits à pension de vieillesse du régime des industries électriques et gazières dès lors qu'il totalise le nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier d'une pension servie au taux maximum à l'annexe 3 du statut ou , au plus tard à 62 ans.

Il est constant également que compte-tenu des dispositions transitoires du décret du 18 mars 2011 précité et de la date de naissance de M. [G], ce dernier pouvait être mis en inactivité à compter de 60 ans nonobstant le fait qu'il ne totalisait pas le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une pension servie au taux maximum.

Il résulte des articles L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail que toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, à l'encontre d'un salarié en raison, notamment, de son âge, est prohibée et que toute disposition ou acte pris en méconnaissance de cette interdiction est nul selon l'article L.1134-1 du même code, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de laisser supposer une atteinte au principe d'égalité de traitement, directe ou indirecte, et il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Toutefois, aux termes de l'article L.1133-1 dudit code, la prohibition ne fait pas obstacle aux différences de traitement qui répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. L'article L.1133-2 précise à cet égard que les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés, étant précisé que ces différences peuvent notamment consister en:

L'interdiction de l'accès à l'emploi ou la mise en place de conditions de travail spéciales en vue d'assurer la protection des jeunes et des travailleurs âgés;

La fixation d'un âge maximum pour le recrutement fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite.

Enfin, il convient de rappeler les dispositions de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, et notamment de son article 6, selon lequel:« Les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ».

Il est de droit en conséquence que le juge saisi de demandes fondées sur le caractère discriminatoire à raison de l'âge, de dispositions à valeur réglementaire fixant une limite d'âge pour l'accès à un statut, doit quelle que soit leur date d'effet, rechercher si la différence de traitement fondée sur l'âge est objectivement et raisonnablement justifiée par un motif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

M. [G] soutient qu'il a fait l'objet d'une différence de traitement du fait de son âge et de son état de santé, sa mise en retraite d'office pour invalidité étant elle-même en lien à sa longue maladie qui n'est que la conséquence du refus de la société EDF de l'affecter à un emploi M3E. Il en conclut qu'il a été victime d'actes de discrimination et de harcèlement postérieurs à l'arrêt du 2 décembre 2004, ce qui a justifié sa demande initiale de départ anticipé que la société a dans un premier temps refusé. Il ajoute que sa mise à la retraite d'office est interdite depuis un décret du 27 novembre 2007 et que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul.

Il estime en outre que suite à son classement en invalidité, l'employeur aurait du appliquer les règles du code du travail et recourir à la procédure pour inaptitude en le convoquant devant le médecin du travail. Il ajoute que les conditions de la mise en inactivité pour inaptitude n'étaient pas remplies.

Il expose que sa mise en retraite d'office après un arrêt de longue maladie, sans visite de reprise par le médecin du travail, constitue une discrimination fondée sur l'âge et la santé et doit être requalifiée en licenciement nul.

La cour retient que ces éléments permettent de supposer que M. [G] a subi une discrimination en raison de son âge et de sa santé.

Il incombe dès lors à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination.

En réplique, la société EDF fait valoir que M. [G] a été mis en inactivité à l'âge de 60 ans dans le strict respect de l'article 4 du statut national du personnel des IEG, lui-même conforme aux principes du droit de l'Union européenne, ce que le Conseil d'Etat a validé dans un arrêt de 2013.Elle fait valoir que la mise à la retraite des salariés invalides répond à un double objectif de protection des salariés en incapacité de travail et à un objectif général de politique sociale. Elle précise en effet que le régime de longue maladie du statut est plus favorable que celui du régime général et que M. [G] n'a subi aucune diminution de sa pension suite à sa mise à la retraite puisque le coefficient de minoration n'est pas applicable aux agents mis en inactivité à la suite d'une invalidité.

Elle ajoute que le dispositif de l'article 4 du statut est intrinsèquement lié au principe du maintien du lien contractuel des salariés en situation d'incapacité de travail jusqu'au départ à la retraite, étant observé qu'aucune règle équivalente n'existe dans le cadre du régime général puisqu'un salarié en situation d'incapacité de travail est licencié si l'employeur ne peut le reclasser et que le statut autorisait sa mise à la retraite dès 60 ans compte-tenu de sa date de naissance. Elle souligne que le dispositif du statut des IEG permet de passer de l'invalidité à l'assurance vieillesse sans perte d'emploi et que ce faisant il concilie un objectif de protection des salariés en situation d'incapacité de travailler et un objectif de politique sociale.

Au constat toutefois, que si la société EDF affirme que le régime statutaire du personnel de l'industrie électrique et gazière est plus favorable que le régime général de la sécurité sociale, elle ne démontre ni n'allègue que la mesure de mise en inactivité de M. [G] était justifiée par un intérêt légitime que ce soit un objectif de protection de la santé du salarié lui-même eu égard à son activité professionnelle passée ou un objectif de politique de l'emploi ou de marché du travail et que les moyens mis ainsi en oeuvre pour atteindre ces objectifs étaient appropriés et nécessaires et qu'ils n'ont pas porté une atteinte disproportionnée aux droits de l'agent, excluant toute discrimination en raison de l'âge ou de la santé. La cour en déduit dès lors par complément du jugement déféré, que la décision de mise en inactivité de M. [G] constitue une discrimination fondée sur l'âge et l'état de santé, qui doit être annulée.

M. [G] n'ayant pas sollicité sa réintégration, l'annulation de la décision de mise en inactivité produit les effets d'un licenciement nul.

Sur la demande de discrimination de rémunération

La cour relève que la demande de M. [G] de condamnation de la société EDF à la réparation de la récidive de discrimination de rémunération postérieure à l'arrêt de la cour d'appel de Paris le 2 décembre 2004, tend par des voies détournées à faire rejuger des prétentions dont il a été débouté. En effet, la Cour d'appel de Paris dans l'arrêt du 17 septembre 2013 a expressément rejeté la demande de M. [G] d'expertise visant à reconstituer sa carrière depuis le 1er janvier 2005 pour déterminer un éventuel préjudice de rémunération relevant par ailleurs que sa carrière avait évolué pendant cette période par application des règles propres au statut applicable des IEG, dispositions qui n'ont pas été visées par la cassation. L'autorité de la chose jugée concernant cette demande s'oppose à ce qu'elle soit dès lors à nouveau examinée.

De surcroît, la cour rappelle en tout état de cause, que le salarié qui se prétend victime d'une discrimination salariale doit aux termes de l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige, présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence de la discrimination qu'il invoque et qu'en l'espèce, l'expertise sollicitée par M. [G] ne saurait pallier sa carence dans la charge de la preuve. Faute pour ce dernier de présenter des faits précis, la discrimination invoquée n'est pas établie.

Il s'en suit que la demande de réparation de la discrimination avec récidive formée par M. [G] est irrecevable.

Sur les prétentions financières

Lorsqu'un licenciement est nul, le salarié peut en principe demander sa réintégration. S'il ne le fait pas ou si cette réintégration est impossible, il a droit aux indemnités de préavis et de licenciement, mais également à l'indemnisation du préjudice né de ce licenciement nul, au moins égale à six mois de salaire.

En l'espèce, M. [G] réclame une somme de 18.187 euros sans justifier de ce montant se contentant de faire référence à un barème NR 280 (barème 2018), rejeté par la première cour d'appel non censurée par la Cour de cassation.

La société EDF sollicite que cette indemnité soit limitée à la somme de 12039,90 euros sans plus expliciter sa position.

La cour retient par conséquent la moyenne des dernières rémunérations perçues avant sa mise en inactivité soit une somme de 4.777,77 euros étant précisé que cette rémunération est plus favorable que celle perçue avant sa mise en invalidité.

En conséquence, M. [G] peut prétendre à une somme de 14.333,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, majorée des congé payés à hauteur de 1.433,33 euros.

M. [G] réclame une indemnité légale de licenciement d'un montant de 48.498 euros.

La société EDF soutient qu'il convient de déduire de la somme éventuellement due le montant de l'indemnité de départ en inactivité de sorte qu'il resterait du un montant de 6 765,64 euros.

En réalité, M. [G] peut prétendre à une somme de 33.809,74 euros à titre de solde d'indemnité légale, déduction faite de la somme de 23.514,26 euros perçue à titre d'indemnité de départ en inactivité, non cumulable, ce dont le salarié convient.

M. [G] a en outre droit à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice né du caractère illicite de la rupture et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail.

Considérant le montant de la rémunération mensuelle moyenne retenue du salarié, l'âge de ce dernier, du fait qu'il a été admis au bénéfice de la retraite et des circonstances de la rupture et ses conséquences pour l'intéressé, il est justifié de lui allouer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

M. [G] forme de nouvelles demandes d'indemnités.

La société EDF s'oppose à ces demandes en soulevant la prescription.

La cour retient toutefois que ces demandes indemnitaires se rattachent à la même relation de travail de sorte qu'aucune prescription n'est encourue.

Sur le préjudice moral et de santé

M. [G] réclame une somme de 50.000 euros de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral et de santé dont il ne justifie pas. Il sera débouté de ce chef de demande.

Sur la demande d'indemnité pour non-respect des dispositions légales et accords de branche des IEG

M. [G] soutient que l'employeur ne pouvait lui notifier sa mise en inactivité à effet au 1er octobre 2012 au motif qu'il ne totalisait pas le nombre de trimestres lui permettant de bénéficier du taux maximum de 75% de pension.

La société EDF réplique qu'elle était tout à fait légitime à le mettre en inactivité en application de l'article 4 du statut.

La cour rappelle que l'article 4 dudit statut dispose que: « L'agent titulaire d'une pension d'invalidité de catégorie 2 ou 3, au sens de l'annexe 3 du présent statut, est mis en inactivité à l'initiative de son employeur à partir de l'âge d'ouverture de ses droits à pension de vieillesse du régime des industries électriques et gazières dès lors qu'il totalise le nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier d'une pension servie au taux maximum mentionné à l'annexe 3 du présent statut ou au plus tard, à l'âge de 62 ans.

Or, l'âge limite étant réduit à 60 ans pour les salariés nés avant le 1er janvier 1957, ce qui était le cas de M. [G],né en 1952, c'est à bon droit, par application des dispositions transitoires du décret du 18 mars 2011, que celui-ci a pu être mis en inactivité alors même qu'il ne totalisait pas le nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier d'une pension servie au taux maximum.

M. [G] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur l'indemnité pour manquement à l'obligation de sécurité pour non-organisation de la visite de reprise.

M. [G] soutient que l'employeur en considération de sa situation d'invalide 2ème catégorie aurait du saisir le médecin du travail afin qu'il statue sur son aptitude ou non inaptitude d'autant qu'il avait sollicité la reprise du travail. Il réclame une somme de 100.000 euros de dommages-intérêts à ce titre.

La société EDF réplique qu'en vertu du statut dérogatoire applicable au personnel des IEG, seul le médecin-conseil est compétent.

Outre le fait que M. [G] n'a pas contesté en temps utiles sa mise en invalidité 2ème catégorie, qu'il n'avait pas repris le travail et qu'il ne justifie pas avoir informé EDF de sa volonté de reprendre le travail et s'être tenu à la disposition de l'employeur alors qu'il avait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de retraite anticipée, la cour en déduit que l'employeur n'avait pas l'obligation d'organiser une visite de reprise auprès du médecin du travail et en l'absence de manquement sur ce point, il s'impose de débouter M. [G] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de ce chef.

Sur la demande d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail par manquement aux entretiens annuels professionnels et de deuxième partie de carrière

M. [G] réclame une somme de 50.000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail par manquement de l'employeur aux entretiens professionnels et de deuxième partie de carrière.

Au constat que M. [G] a été de manière continue à compter de septembre 2006 en arrêt de maladie, ensuite de maladie de longue durée puis en invalidité 2ème catégorie de sorte que l'employeur n'était plus tenu d'organiser des entretiens professionnels et qu'il ne justifie pas avoir informé l'employeur de sa volonté de reprendre le travail de sorte qu'il ne peut revendiquer un préjudice pour défaut de seconde partie de carrière, M. [G] sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur la demande d'indemnité pour violation par EDF de son droit à continuer son activité jusqu'à 67 ans

M. [G] réclame une somme de 983.898 euros de dommages-intérêts pour violation de son droit à travailler jusqu'à 67 ans.

Au constat que M.[G] avait été classé en invalidité 2ème catégorie sans qu'il ne le conteste et qu'il ne justifie pas avoir informé son employeur de sa volonté de reprendre le travail, la violation de son droit à travailler jusqu'à l'âge de 67 ans n'est pas établie. Il sera débouté de ce chef de demande.

Sur la demande d'indemnité pour licenciement pour inaptitude liée aux conditions de travail

M. [G] réclame une indemnité pour licenciement pour inaptitude, en l'occurrence l'indemnité légale de licenciement de 12 mois qu'il a réclamée à raison du caractère professionnel de l'inaptitude, soit un montant arrondi à 145.493 euros.

Au constat qu'il a été rappelé ci-avant que M. [G] n'a pas été licencié pour inaptitude et qu'il ne relevait pas de ce régime, il ne peut prétendre à la somme réclamée et sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

L'abus d'ester en justice de M. [G] n'est pas rapporté en l'espèce. La société EDF sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur le cours des intérêts

La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, devenu l'article 1343-2.

Sur les autres dispositions

Partie perdante la société EDF sera condamnée aux dépens et à payer à M. [G] une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, la société EDF étant déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt de cassation et de renvoi rendu le 26 mai 2015 par la chambre sociale de la Cour de Cassation,

La cour statuant dans les limites de la saisine de l'arrêt de renvoi et par complément du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 18 février 2010:

ORDONNE la jonction des procédures portant les références RG suivantes RG 19/03854 et RG 19/09871 sous la référence RG 19/03854.

JUGE que M. [H] [G] a été victime d'une discrimination liée à l'âge et à son état de santé.

DIT que la mise en activité de M. [H] [G] à l'initiative de la société EDF nulle et qu'elle produit les effets d'un licenciement nul.

CONDAMNE la SA EDF à payer à M. [G] les sommes suivantes:

-14.333,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, majorée des congé payés à hauteur de 1.433,33 euros.

-33.809,74 euros à titre de solde d'indemnité légale de licenciement.

-30.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Et y ajoutant sur les demandes nouvelles:

DECLARE irrecevables les demandes tendant à la réparation de la récidive de discrimination de rémunération postérieure à l'arrêt de la cour d'appel de Paris le 2 décembre 2004 et d'expertise judiciaire sur ce point.

REJETTE la demande de prescription.

DEBOUTE M [H] [G] de sa demande d'indemnité pour préjudice moral et de santé.

DEBOUTE M. [H] [G] de sa demande d'indemnité pour non-respect des dispositions légales et accords de branche des IEG.

DEBOUTE M. [H] [G] de sa demande d'indemnité pour manquement à l'obligation de sécurité pour non-organisation de la visite de reprise.

DEBOUTE M. [H] [G] de sa demande d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail par manquements aux entretiens annuels professionnels et de deuxième partie de carrière.

DEBOUTE M. [H] [G] de sa demande d'indemnité pour violation de son droit à continuer son activité jusqu'à 67 ans.

DEBOUTE M. [H] [G] de sa demande d'indemnité pour licenciement pour inaptitude.

DEBOUTE la SA EDF de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, devenu l'article 1343-2.

CONDAMNE la SA EDF à payer à M. [H] [G] une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

DEBOUTE la SA EDF de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE la SA EDF aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 19/03854
Date de la décision : 02/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°19/03854 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-02;19.03854 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award