Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 02 JUIN 2020
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/17252 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6AT5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/17359
APPELANT
LE MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL
[...]
[...]
représenté par Mme BOUCHET-GENTON, substitut général
INTIMES
Monsieur D..., Y... X... né le [...] à El Biar - Alger (Algérie) agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure O..., S... X..., née le [...] à Nogent sur Marne (94), et de son fils mineur I..., L... X..., né le [...] à Nogent sur Marne (94)
[...]
[...]
représenté par Me Vanina ROCHICCIOLI, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : R127
assisté de Me Edith PATURNEAU-LEROY, avocat plaidant du barreau des HAUTS DE SEINE
Madame M... J... née le [...] à Tizi Ouzou (Algérie) agissant en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure O..., S... X..., née le [...] à Nogent sur Marne (94), et de son fils mineur I..., L... X..., né le [...] à Nogent sur Marne (94)
[...]
[...]
représentée par Me Vanina ROCHICCIOLI, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : R127
assistée de Me Edith PATURNEAU-LEROY, avocat plaidant du barreau des HAUTS DE SEINE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 janvier 2020, en audience publique, le ministère public et l'avocat des intimés ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Anne BEAUVOIS, présidente
M. Jean LECAROZ, conseiller
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré ayant été prorogé à ce jour, sans que les parties aient pu en être avisées en raison de l'état d'urgence sanitaire.
- signé par Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière.
Vu le jugement rendu le 25 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Paris qui a débouté le ministère public de sa demande d'annulation de l'enregistrement de plein droit de la déclaration de nationalité française de M. D..., Y... X..., dit que celui-ci, né le [...] à El-Biar (Algérie) est de nationalité française depuis le 14 décembre 2015, dit que l'enfant O..., S... X..., née le [...] à Nogent-sur-Marne (94), est française en vertu de l'article 18 du code civil, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné le Trésor public aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel en date du 9 juillet 2018 de M. le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris à l'encontre de M. D... X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure O... S... X..., et de Mme M... J..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure O..., S... X... ;
Vu les conclusions du ministère public en date du 27 septembre 2018 qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, d'ordonner l'enregistrement de plein droit de la déclaration de nationalité souscrite le 14 décembre 2015, de déclarer le ministère public recevable et bien fondé en sa demande reconventionnelle, de prononcer l'annulation de l'enregistrement de plein droit de la déclaration de nationalité de M. D... X..., de constater son extranéité, de constater l'extranéité de O... X... et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
Vu les conclusions en date du 9 novembre 2018 de M. D... X... d'une part, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure O... X..., née le [...] à Nogent-sur-Marne (94) et de son fils mineur, I..., L... X..., né le [...] à Nogent-sur-Marne, et de Mme M... J... d'autre part, agissant en qualité de représentante légale des deux enfants mineurs, qui demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, de constater l'enregistrement de plein droit de la déclaration de nationalité française souscrite le 14 décembre 2015 devant le greffier en chef du tribunal d'instance de Nogent sur Marne par M. D... X... en application de l'article 26-3 du code civil à la date du 14 juin 2016, de dire que depuis le 14 décembre 2015 M. D... X... est de nationalité française, d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil, de dire que l'effet collectif de l'acquisition de nationalité française de M. D... X... bénéficiera à sa fille mineure O... X... et à son fils mineur I... X... et de condamner le Trésor public aux dépens ;
MOTIFS :
Il est justifié par le ministère public de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 de code de procédure civile à l'égard de M. D... X... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal, conjointement avec Mme M... J..., de leur fille mineure O... X..., par la production du récépissé délivré le 11 septembre 2008.
De leur côté, en cause d'appel, dans leurs dernières conclusions, les intimés en qualité de représentants légaux de l'enfant I..., L... X..., né le [...] , forment une demande nouvelle, sollicitant que ce dernier bénéficie de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française par son père. Les intimés ne justifient cependant pas avoir déposé au ministère de la Justice leurs dernières conclusions dans lesquelles ils demandent qu'il soit statué sur la nationalité de cet enfant.
Il y a lieu en conséquence de déclarer recevables leurs conclusions sauf en ce qu'ils sollicitent qu'il soit statué sur la nationalité de leur fils mineur I..., L... X... conformément à l'article 1043 alinéa 3 du code de procédure civile, en l'absence de récépissé le concernant.
Sur l'enregistrement de plein droit de la déclaration souscrite au titre de la possession d'état de français :
C'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges, statuant conformément aux articles 26-3 et 26-4 du code civil, ont constaté l'enregistrement de plein droit intervenu le 14 juin 2016 de la déclaration de nationalité française souscrite le 14 décembre 2015 par M. D... X... auprès du directeur des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne sur le fondement de l'article 21-13 du code civil, au motif que la décision de refus d'enregistrement du greffier en chef a été notifiée plus de six mois après la délivrance du récépissé de la déclaration souscrite, ce que le ministère public ne conteste pas devant la cour.
Sur la contestation de l'enregistrement de ladite déclaration :
L'article 26-4 alinéa 2 du code civil permet au ministère public de contester dans les deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement de la déclaration souscrite si les conditions légales ne sont pas satisfaites. La contestation du ministère public est intervenue dans ce délai, étant constaté que l'enregistrement de plein droit a eu lieu le 14 juin 2016 et les premières conclusions du ministère public notifiées le 21 juin 2017 en première instance. La recevabilité de la contestation de l'enregistrement de la déclaration souscrite n'est pas contestée par les intimés.
L'article 21-13 du code civil dispose que :
« Peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes qui ont joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français, pendant les dix années précédant leur déclaration.
Lorsque la validité des actes passés antérieurement à la déclaration était subordonnée à la possession de la nationalité française, cette validité ne peut être contestée pour le seul motif que le déclarant n'avait pas cette nationalité. »
Ainsi, les personnes qui auraient été considérées à tort comme françaises pendant dix ans au moins avant la découverte de leur extranéité peuvent ainsi régulariser leur situation en souscrivant une déclaration acquisitive de nationalité. La possession d'état implique que le déclarant ait été, dans les dix années qui précèdent sa déclaration, considéré comme français par les pouvoirs publics.
Pour être efficace, la possession d'état doit être constante, continue, non équivoque, et ne pas avoir été constituée ou maintenue par fraude ou mauvaise foi. Lorsque sa nationalité française est contestée, l'intéressé dispose d'un délai raisonnable pour souscrire la déclaration prévue par ce texte. Ce délai court à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de son extranéité.
M. D... X... a souscrit le 15 décembre 2015 la déclaration de nationalité française en application de l'article 21-13 du code civil, dont l'annulation est sollicitée par le ministère public.
Pour débouter le ministère public de sa demande d'annulation, les premiers juges ont en premier lieu retenu que M. D... X... avait agi dans un délai raisonnable, en considérant que le ministère public ne produisait pas le premier refus de délivrance d'un certificat de nationalité française opposé prétendument le 14 février 2006 et que s'agissant du second refus opposé le 21octobre 2009, il ne pouvait être considéré, au regard des motifs invoqués pour ce refus qui ne concernaient pas directement l'intéressé, que celui-ci avait eu conscience de son extranéité à la suite de ce refus, lequel n'avait pu avoir pour effet de rendre équivoque sa possession d'état.
Certes, la preuve n'est pas apportée que M. D... X... a eu connaissance du premier refus de délivrance d'un certificat de nationalité française opposé le 14 février 2006, même si le second refus de délivrance qui lui a été notifié le 21 octobre 2009 y fait référence. La première date du 14 février 2006 ne peut en conséquence être retenue comme point de départ du délai raisonnable dans lequel l'intéressé aurait dû souscrire la déclaration de nationalité française en application de l'article 21-13 du code civil.
En revanche, il résulte sans aucune ambiguïté du procès-verbal de notification du 21 octobre 2009 qu'il a été opposé à M. D... X... son extranéité puisqu'il y est mentionné que l'intéressé a été informé par le greffier en chef du tribunal d'instance de Clichy-la-Garenne qu'au vu des documents produits à l'appui de sa demande de certificat de nationalité française, il ne présente aucun titre à la nationalité française, qu'il n'existe pas de chaîne de filiation à l'égard de N... B..., qu'il lui a été notifié un précédent refus de certificat de nationalité française en 2006 et que le certificat de nationalité française doit lui être refusé.
La circonstance alléguée que ce refus serait infondé en droit, D... X... ne l'ayant cependant pas contesté, ou qu'il y est fait référence à la situation de sa soeur dont il est dit qu'elle n'est pas française selon un jugement rendu à son égard le 28 novembre 2008, n'est pas de nature à rendre équivoque le refus de délivrance du certificat de nationalité française, lequel est clairement exprimé à l'égard de M. D... X.... Celui-ci se devait donc d'agir dans un délai raisonnable à compter du refus opposé le 21 octobre 2009 qui l'informait de son extranéité.
M. D... X... qui a attendu plus de six années avant de souscrire le 15 décembre 2015 une déclaration de nationalité française en application de l'article 21-13 du code civil n'a pas agi dans un délai raisonnable. Il en résulte que les conditions de recevabilité de la déclaration ne sont pas réunies et que l'enregistrement doit être annulé.
Ne prétendant à un quelconque autre titre que ce soit à la nationalité française, il convient de constater l'extranéité de l'intéressé.
Sa fille, O..., S... X..., née le [...] à Nogent-sur-Marne (94), n'est donc pas française comme née d'un père français en vertu de l'article 18 du code civil et ses parents ne soutiennent pas qu'elle pourrait être française à un autre titre.
Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la déclaration de nationalité française souscrite par M. D... X.... Il y lieu de constater l'extranéité de celui-ci et de sa fille O....
Succombant à l'instance, M. D... X... et Mme M... J... ès qualités, sont condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
Constate l'accomplissement par le ministère public de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile ;
Déclare recevables les conclusions de M. D... X... et Mme M... J... ès qualités sauf en ce qu'ils sollicitent qu'il soit statué sur la nationalité de leur fils mineur I..., L... X..., né le [...] à Nogent-sur-Marne (94), en application de l'article 1043 alinéa 3 du code de procédure civile ;
Confirme le jugement en ce qu'il a constaté l'enregistrement de plein droit intervenu le 14 juin 2016 de la déclaration de nationalité française souscrite le 14 décembre 2015 par M. D... X... auprès du directeur des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne (94) ;
Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
Annule l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 14 décembre 2015 par M. D... X... auprès du directeur des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne (94) ;
Dit que M. D..., Y... X..., né le [...] à El-Biar (Algérie) et l'enfant O..., S... X..., née le [...] à Nogent-sur-Marne (94), ne sont pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,
Condamne M. D... X... tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure O... et Mme M... J... en cette qualité, aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE