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02/06/2020 | FRANCE | N°18/05588

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 02 juin 2020, 18/05588


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 02 JUIN 2020



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05588 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5RM2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 16/03217





APPELANTE



SAS STN TEFID NOUVELLE DENOMINATION DE STN GR

OUPE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010





INTIMEES



Madame [W] [M]

[Adresse 1]

[Adresse...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 02 JUIN 2020

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05588 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5RM2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 16/03217

APPELANTE

SAS STN TEFID NOUVELLE DENOMINATION DE STN GROUPE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMEES

Madame [W] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par M. [O] [Z] (Délégué syndical ouvrier)

SARL L'HOTELIERE DE MENAGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Samuel ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Didier MALINOSKY, Vice-président placé, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Anne HARTMANN, présidente

Sylvie HYLAIRE, présidente

Didier MALINOSKY, vice-président placé

Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRET :

- Contradictoire

- Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, la date initialement annoncée aux parties ayant dû être reportée en raison de l'état d'urgence sanitaire, ce dont, pour le même motif, les parties n'ont pu être avisées par le greffe qu'à l'issue de la période de confinement dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Anne HARTMANN, Présidente de chambre et par Catherine CHARLES Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La Sarl L'Hôtelière de Ménage a employé Madame [M] [W], née en 1982, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 14 mai 2010 en qualité d'agent de service, niveau 3 B de la convention collective nationale des entreprises de propreté.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 786,87 € pour un horaire mensuel de 86,66 heures.

Le 31 octobre 2014, la société STN Groupe (ci après STN) a informé officiellement la société L'hôtelière de ménage de la reprise au 1er décembre 2014 du site [5] Gennevilliers Barranniers et lui a demandé de lui transmettre les documents relatifs aux salariés affectés sur le site.

Par courrier daté du 4 novembre 2014 et reçu le 8 novembre, la société L'Hôtelière de Ménage a été officiellement informée par son client de la perte, au 1er décembre 2014, du marché d'entretien de l'Hôtel [5] de [Localité 6].

Le 14 novembre 2014, la société L'Hôtelière de Ménage a communiqué la liste des salariés concernés par le transfert à la société STN.

Le 24 novembre, la société STN a retourné le dossier de Mme [M] considérant qu'elle ne remplissait pas les conditions du transfert prévu à l'article 7 de la convention collective.

Les 25 novembre et 1er décembre 2014, la société L'Hôtelière de Ménage a confirmé à la société STN que Mme [M] répondait bien aux conditions prévues à l'article 7 de la convention collective en particulier en ce qui concerne son ancienneté sur le site.

Les 27 novembre et 03 décembre 2014, la société STN a réitéré son désaccord au transfert du contrat de travail de Mme [M], évoquant une mutation disciplinaire de cette dernière sur un autre site.

Le 5 décembre 2014, la société L'Hôtelière de Ménage a saisi le juge des référés du conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par ordonnance du 29 mai 2015, a dit n'y avoir lieu à référé concernant le transfert du contrat de travail de Mme [M].

La société L'Hôtelière de Ménage a relevé appel de cette ordonnance qui a été confirmée par la cour d'appel de Paris, le 10 mars 2016.

La société L'Hôtelière de Ménage a maintenu le salaire de Mme [M] jusqu'à son congé de maternité qui a débuté le 23 mars au 5 octobre 2015 inclus et a été suivi d'un congé parental jusqu'au 7 octobre 2017 inclus.

Le 11 mai 2018, Mme [M] a été destinataire, de la part de la société L'Hôtelière de Ménage, d'un solde de tout compte, d'un bulletin de paie d'avril 2018 et d'un certificat de travail pour la période du 14 mai 2010 au 11 avril 2018.

Les deux sociétés, L'Hôtelière de Ménage et STN, occupaient plus de dix salariés pour les besoins de leur activité.

Sollicitant que soit reconnu le transfert du contrat de travail de Mme [M] chez STN et réclamant le remboursement des salaires versés à Mme [M] entre décembre 2014 et mai 2015, la société L'Hôtelière de Ménage a saisi le 19 juillet 2016 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 26 février 2018, a statué comme suit:

- Dit que la société L'Hôtelière de Ménage est fondée en sa demande,

- Dit que la société STN doit intégrer dans ses effectifs à la date du 1er décembre 2014 Mme [M],

- Dit que la société STN devra rembourser la somme des salaires versés par la société L'Hôtelière de Ménage pour la somme de :

* 2.979,92 € à titre de rappel de salaires

* 522,74 € au titre des charges patronales

* 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Déboute la société STN de ses demandes reconventionnelles.

- Laisse les dépens à la charge de la société STN.

Par déclaration du 19 avril 2018, la société STN TEFID, nouvelle dénomination de la société STN Groupe SAS, a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 23 juillet 2018, la société STN TEFID (ci après STN), venant aux droits de la société STN Groupe, demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

et statuant de nouveau,

in limine litis,

- Dire et juger Mme [M] irrecevable en ses demandes,

En tout état de cause,

- juger que ses demandes à titre de rappel de salaire sont prescrites pour la période antérieure à juin 2013,

- juger que Mme [M] n'a pas été transférée le 1er décembre 2014 à la société STN et que la société L'hôtelière de ménage est restée son employeur,

- mettre hors de cause la société STN,

- débouter la société L'hôtelière de ménage de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Mme [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société L'Hôtelière de Ménage à payer à la société STN la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

En tout état de cause,

- la condamner à payer à la société STN la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société L'hôtelière de Ménage aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions régulièrement notifiées le 17 juillet 2018 par voie électronique L'Hôtelière de Ménage demande à la cour de :

In limine litis, déclarer irrecevables les demandes formulées par Mme [M],

En tout état de cause

En l'absence d'irrecevabilité des demandes formulées par Mme [M] à l'encontre de la société l'hôtelière de Ménage :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny en date du 26 février 2018,

- débouter la société STN de l'ensemble de ses demandes.

En y ajoutant

- condamner la société STN à payer à la société l'hôtelière de Ménage la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la Société STN aux entiers dépens et éventuels frais d'exécutions.

Par courrier parvenu à la cour en date du 28 juin 2018, Mme [M] demande à la cour de :

- Ordonner à L'Hôtelière de Ménage de lui remettre ses bulletins de salaire de mai 2010 à mars 2014 sous astreinte de 100 € par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte,

- Condamner la Sarl Hôtelière de Ménage à lui payer les sommes suivantes :

- 27.368,12 € à titre de rappel de salaire sur un temps complet de juin 2011 à mars 2015,

- 2.736,81 € à titre de congés payés afférents,

- 9.767,04 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ou à titre subsidiaire 5.580,60 €,

- Ordonner à la Sarl Hôtelière de Ménage de lui remettre des bulletins de paye sans abattement sur l'assiette des cotisations sociales sous astreinte de 100 € par jour la Cour se réservant la liquidation de l'astreinte,

- Condamner la Sarl Hôtelière de Ménage à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour minoration de ses droits sociaux et un article 700 du CPC à hauteur de 1.500 €.

Au titre de sa situation à compter du 1er décembre 2014

- Condamner la société STN à lui payer à les salaires du 1er décembre 2014 à ce jour soit la somme de 54.603,41 € et 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la Sarl Hôtelière de Ménage à lui payer les sommes suivantes :

- 11.456,56 € au titre des salaires du 8 octobre 2017 au 11 mai 2018,

- 1.l45,66 € au titre des congés payés afférents,

- 3.255,68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 325,57 € au titre des congés payés afférents,

- 3.320,12 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

Subsidiairement

- 6.540,24 € au titre des salaires du 8 octobre 2017 au 11 mai 2018,

- 654,02 € au titre des congés payés afférents,

- 1.860,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 186,02 € au titre des congés payés afférents,

- 1.897,02 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

en tout état de cause

- 20 000 € à titre d'indemnité pour licenciement pour cause réelle et sérieuse

- 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonner à la Sarl L'Hôtelière de Ménage de lui remettre des bulletins de paye conformes aux demandes, un certificat de travail conforme au préavis, une attestation pôle emploi conforme aux demandes et à un licenciement sous astreinte de 100 € par jour de retard la cour se réservant la liquidation de l'astreinte.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 janvier 2020 et l'affaire plaidée le 05 mars 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'appel de la société TFN et le transfert du contrat de Mme [M]

Pour infirmation du jugement déféré la société STN TEFID soutient que Mme [W] [M] a été mutée définitivement sur le site de l'Hôtel Timhôtel du boulevard Berthier en octobre 2014 suite à un comportement violent survenu le 7 octobre 2014 (pièces n°1 à 4), de telle sorte qu'elle n'était plus affectée au site de [Localité 6] le jour du transfert du contrat de nettoyage et qu'ainsi elle ne répondait pas aux critères de l'article 7 de la convention collective de présence effective depuis six mois.

La société L'Hôtelière de Ménage soutient que Mme [M] bénéficiait d'une ancienneté supérieure à six mois sur le site de l'Hôtel [5] de [Localité 6] au 1er décembre 2014 et que son absence n'était pas supérieure à une durée de quatre mois, comme prévu à l'article 7 de la convention collective. La société fait valoir que contrairement à ce que soutient l'appelante, Mme [M] n'a bénéficié que d'un changement temporaire de poste du 18 octobre au 30 novembre 2014 qui n'était en rien une sanction (pièces n°4 à 9) et qu'en conséquence elle aurait du être reprise par la société STN.

Mme [M] fait valoir qu'elle a été affectée, pendant son contrat de travail, successivement sur de nombreux sites dont six ou sept hôtels Campaniles parisiens ou de la périphérie. Elle précise qu'il s'agit de l'organisation du travail habituelle mis en place par la société et elle s'en remet à la cour pour apprécier s'il avait lieu à transférer ou pas son contrat de travail.

L'article 7.2 de la convention collective nationale des entreprises de la propreté stipule que l'entreprise entrante est tenue de se faire connaître à l'entreprise sortante dès qu'elle obtient ses coordonnées. Elle doit également informer le comité d'entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel de l'attribution d'un nouveau marché.

Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes :

A. Appartenir expressément :

' soit à l'un des quatre premiers niveaux de la filière d'emplois «exploitation» de la classification nationale des emplois (AS, AQS, ATQS et CE) et passer sur le marché concerné 30 % de son temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante;

' soit à l'un des deux premiers échelons du niveau agent de maîtrise exploitation de la classification nationale des emplois (MP1 et MP2) et être affecté exclusivement sur le marché concerné.

B. Être titulaire :

a) Soit d'un contrat à durée indéterminée et,

' justifier d'une affectation sur le marché d'au moins six mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public ;

' ne pas être absent depuis quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat. A cette date, seules les salariées en congé maternité seront reprises sans limitation de leur temps d'absence. La totalité de la durée de l'absence sera prise en compte, congé de maternité compris, pour l'appréciation de cette condition d'absence de quatre mois ou plus, dans l'hypothèse où la salariée ne serait pas en congé de maternité à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public.

C'est à l'entreprise sortante de rapporter la preuve que la salariée concernée remplit les conditions exigées pour le transfert de son contrat de travail.

En l'espèce, la cour retient de première part, qu'il est établi que Mme [M] a été affectée par lettre du 8 octobre 2014, qu'elle n'a pas contesté avoir reçue et qu'elle produit dans ses pièces, visant l'article 4 de son contrat de travail et sans qu'il soit fait référence à une sanction disciplinaire sur le site l'hôtel « [7] » pour la période du 18 octobre au 30 novembre 2014.

La cour relève, de seconde part part, que Mme [M] depuis son embauche en octobre 2010, affectée initialement à l'hôtel [5] sis [Adresse 4], a fait l'objet de diverses affectations sur d'autres sites en Ile de France et qu'il n'est en l'état pas justifié de sa nouvelle affectation à compter du 1er décembre 2014 sur le site de l'Hôtel [5] Gennevillier Barbannier alors qu'il est ressort du dossier qu'elle en a été exfiltrée et qu'il est établi que la gérance de l'hôtel avait fait savoir à la société L'Hôtelière de Ménage qu'elle ne souhaitait plus la compter parmi le personnel intervenant en son sein.

Ainsi, la société L'Hôtelière de Ménage ne peut valablement soutenir que Mme [M] était encore affectée sur le site transféré à la date d'expiration du contrat de prestation dans les conditions conventionnelles précitées.

Partant la cour infirme le jugement entrepris et dit que le contrat de travail de Mme [M] s'est poursuivi depuis le 1er décembre 2014 auprès de L'Hôtelière de Ménage qui doit par infirmation du jugement déféré être déboutée de ses demandes à l'encontre de la société STN.

Sur les prétentions de Mme [M] à hauteur de cour

Sur la recevabilité des prétentions formulées

A hauteur de cour et pour la première fois en appel, Mme [M] formule des prétentions à l'encontre d'abord de la seule société L'Hôtelière de Ménage de rappels de salaire, d'indemnité pour travail dissimulé et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ensuite à titre subsidiaire à l'encontre de la société STN TEFID, de rappels de salaires pour la période allant du 1er décembre 2014 à décembre 2019. Elle s'appuie sur le principe de l'unicité de l'instance.

Les sociétés STN TEFID et L'Hôtelière de Ménage concluent toutes deux à l'irrecevabilité de ces demandes nouvelles à hauteur de cour.

La cour relève que Mme [M] a été attraite dans la procédure initiée devant le conseil de prud'hommes de Bobigny par la société sortante L'Hôtelière de Ménage contre la société entrante la société STN TEFID aux fins de reprise par cette dernière de son contrat de travail.

Aux termes de l'appel interjeté par la société L'Hôtelière de Ménage à l'encontre de la décision rendue, Mme [M] a la qualité d'intimée, quand bien même elle n'a en première instance pris aucune conclusion et qu'aucune prétention n'ait été formée contre elle.

Elle entend formuler désormais des prétentions à hauteur de cour.

Les article R 1452-6 et R.1452-7 du code du travail, dans leur version applicable aux saisines antérieures au 1er août 2016, disposent que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instanceet que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel.

En l'espèce, la cour relève que l'instance introduite initialement par la société L'Hôtelière de Ménage qui revendiquait le transfert de la salariée à l'encontre de la société STN TEFID, concernait bien le contrat de travail qui la liait avec Mme [M] et que la saisine du conseil de prud'hommes de Bobigny est intervenue le 19 juillet 2016.

Partant, les demandes formées à hauteur de cour par Mme [M] sur le fondement de son contrat de travail doivent être considérées comme recevables au regard du principe de l'unicité de l'instance.

Sur les demandes de rappels de salaire

Sur la prescription

La société STN fait valoir que les demandes en salaire de Mme [M] sont prescrites par trois ans à compter du 15 juin 2016 et qu'ainsi aucune demande antérieure au transfert éventuel du contrat de travail ne saurait lui être réclamée.

La société L'Hôtelière de Ménage soutient que les demandes de Mme [M] sont toutes prescrites puisque effectuées le 25 juin 2018.

Le délai de prescription en matière salariale de 5 ans a été réduit à 3 ans par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

L'article L 3245-1 du code du travail issu de la loi du 14 juin 2013, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

L'article 21 V de la même loi prévoit que « Les dispositions du code du travail prévues aux paragraphes III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure' et que 'Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne».

En l'espèce, le conseil des prud'hommes a été saisi, ce qui a eu pour effet d'interrompre la prescription, le 19 juillet 2016, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.

A la date de la promulgation de la loi nouvelle, soit au 17 juin 2013, la prescription quinquennale n'était pas acquise, de sorte que le nouveau délai de 3 ans a commencé à courir à cette date sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de 5 ans prévue par la loi antérieure.

Il en résulte que la demande de rappel de salaire est prescrite au-delà du mois de juillet 2011 mais recevable après cette date.

Il a cependant été jugé plus avant que le contrat s'est poursuivi faute de transfert avec la seule société L'Hôtelière de Ménage, de sorte que les demandes de rappels de salaire ne peuvent être dirigées que contre cette dernière.

Mme [M] soutient que son contrat de travail ne remplit pas les conditions de validité d'un contrat à temps partiel de sorte qu'il doit être requalifié en temps complet. Ainsi, elle expose qu'il est mentionné que ses horaires et ses jours de repos pourront être modifiés pour les besoins de service et qu'aucun relevé horaire n'était effectué. Elle ajoute en outre qu'elle était rémunérée « à la chambre » sans que les quatre heures payées quotidiennement soient suffisantes pour réaliser les vingt cinq chambres et qu'elle a dépassé très régulièrement ses horaires de travail pour réaliser toutes les taches afférentes.

Elle soutient qu'elle s'est tenue à la seule disposition de la société L'Hôtelière de Ménage et en veut pour preuve que les revenus déclarés au Trésor Public pour les années 2011 à 2015 correspondent aux rémunérations de cette seule société l'Hôtelière de Ménage (pièces n°18 à 22).

Elle sollicite le paiement de la différence de salaire entre son temps partiel et un temps plein à compter du juin 2011.

La société l'Hôtelière de Ménage se borne à conclure au débouté des prétentions de Mme [M] sur ce point.

Il est de droit toutefois que le seul défaut de la mention dans le contrat de travail des limites dans lesquelles peuvent être affectées les heures complémentaires au-delà du temps de travail partiel contractuel n'entraîne pas la requalification en contrat à temps complet mais prive simplement l'employeur du droit d'utiliser cette souplesse d'organisation du travail.

Il s'en déduit que le régime de la preuve des heures complémentaires éventuellement effectuées relève du droit commun de la preuve des heures supplémentaires.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, d'une part, Mme [M] revendique le fait qu'elle était soumise à un horaire de travail contractuel de 9 heures à 13 heures, 5 jours par semaine sauf les lundi et mardi mais aussi qu'elle était payée à la chambre et que le temps qui lui était imparti était insuffisant de sorte qu'elle a effectué des heures complémentaires qui ne lui ont pas été payées.

Ces seules affirmations, étayées par aucun décompte ou aucun témoignage quant à ses heures de travail ou au mode de paiement ne peuvent être considérées comme constituant des éléments suffisamment précis permettant à l'employeur de répondre. Mme [M] sera déboutée de ses demandes de rappels de salaire.

Le rejet de cette prétention entraine celui de la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé. C'est en vain en outre, que Mme [M] soumise à une clause de mobilité contractuelle, se plaint d'avoir été affectée sur différents sites d'hôtels sans justifier du non-respect du délai de prévenance pour soutenir que cela participerait du travail dissimulé.

Sur la demande de production de bulletin de paie sans abattement sur l'assiette de cotisations sociales et de dommages et intérêts pour minoration des droits sociaux

Mme [M] soutient que la société L'Hôtelière de Ménage a pratiqué un abattement sur l'assiette de calcul des cotisations sociales en assimilant les entreprises de propreté avec celles du bâtiment et des travaux publics, en contradiction avec l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels.

Elle indique que cette pratique a des conséquences directes sur les cotisations de sécurité sociale, les compléments prévoyances, les cotisations chômages et de retraite, cotisations minorées de 10,9 % ce qui participe à un dumping social et minore ses indemnités de maternité ou d'arrêt de travail maladie (pièce n°15). Elle sollicite une somme de 5.000 € en réparation de son préjudice.

La société L'Hôtelière de Ménage n'a pas conclu sur ce point.

Il est constant que le précompte des cotisations sociales est une obligation de l'employeur.

L'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005 modifiant l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales prévoit que certaines professions visées à l'article 5 du même arrêté peuvent bénéficier d'une telle déduction forfaitaire spécifique.

Toutefois l'article 9 issu du nouvel arrêté du 25 juillet 2005 prévoit que l'employeur ne peut opter pour cette déduction forfaitaire spécifique que lorsque la convention ou l'accord collectif le prévoit ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord . A défaut il appartient à chaque salarié d'accepter ou non cette option.

L'accord collectif du 29 mars 1990 (ancienne annexe VII) attachée à la convention collective des entreprises de propreté ne prévoit aucune disposition autorisant l'employeur à opter pour cette déduction.

En l'espèce, la cour relève, d'une part, que les cotisations sociales de Mme [M] sont établies, par la société L'Hôtelière de Ménage, sur une assiette de cotisations égales à 90 % du salaire brut , qu'il n'est justifié d'aucun accord ni des délégués du personnel ni des salariés sur cette déduction , d'autre part, que, si Mme [M] a été affectée sur plusieurs sites en Ile de France, elle n'a jamais bénéficié de frais professionnels particuliers lors de son transfert temporaire sur les différents sites.

Ainsi, le contrat de travail de Mme [M] ne relève pas d'un abattement social forfaitaire spécifique et l'application unilatérale de ce dispositif lui a créé un préjudice de nature à induire des indemnités chômage et de maternité voire de droits à retraite minorés que la cour évalue à un montant de 750 euros de dommages-intérêts au paiement duquel la société L'Hôtelière de Ménage sera condamnée .

La cour ordonne à la société L'Hôtelière de Ménage la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif et rectificatif par année sur ce point, dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision sans qu'il soit opportun de fixer une astreinte.

Sur la demande de rappel de salaire de Mme [M]

Mme [M] soutient n'avoir reçu aucune affectation, de la part de la société L'Hôtelière de Ménage, depuis son retour de congé parental 8 octobre 2017. Elle sollicite le paiement de ses salaires du 8 octobre 2017 au 11 mai 2018 chiffrant sa demande pour un temps complet à la somme de 11.456,56 € outre 1.145,66 € à titre de congés payés afférents ou subsidiairement sur un temps partiel à 50 % (86,66h) aux sommes respectives de 6.540,24 € et 654,02 €.

Il résulte du dossier que la société L'Hôtelière de Ménage a maintenu le salaire de Mme [M] hors congés parental de décembre 2014 à mai 2015 et que celle-ci a été remplie de ses droits jusqu'en octobre 2017.

La cour relève que Mme [M] est malvenue de soutenir qu'elle n'aurait pas eu d'affectation alors même qu'elle reconnaît dans ses écritures ne pas avoir donné suite aux mises en demeure de reprendre le travail qui lui ont été adressées les 20 et 27 octobre 2017, estimant sans aucun fondement, que celles-ci étaient de pure forme puisqu'elles n'ont pas été suivies d'un licenciement alors même que l' employeur n'est jamais tenu de prendre une telle décision d'autant qu'en l'espèce la reprise du contrat de travail de l'intéressée était toujours en litige, de sorte qu'il convient d'en conclure que Mme [M] ne peut prétendre aux salaires réclamés. Elle sera déboutée de ce chef de prétention.

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [M] soutient que la société L'Hôtelière de Ménage a mis fin à son contrat de travail sans observation de la procédure, ni pour l'entretien préalable ni pour le licenciement, en lui adressant le 11 mai 2018 un solde de tout compte et un bulletin de salaire récapitulatif pour la période du 1er au 11 avril 2018.

L'Hôtelière de Ménage n'a pas conclu sur la rupture du contrat de travail.

La cour relève, qu'à défaut de lettre de convocation à un entretien préalable et de toute lettre de licenciement et que par la remise d'un solde de tout compte, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire récapitulatif des congés payés dus, la société l'Hôtelière de Ménage a mis fin au contrat de travail sans respect de la procédure et sans motif de sorte que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences de droit.

Au regard de son ancienneté, de sa catégorie, de son salaire à temps partiel, de la convention collective applicable et des textes légaux, Mme [M] est en droit de bénéficier d'un préavis de deux mois outre les congés payés afférents et à une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté.

Ainsi, la cour condamne la société L'Hôtelière de Ménage à payer à Mme [M] les sommes de 1 860,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 186,02 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, et 1 897.02 € à titre d'indemnité légale de licenciement.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [M], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 7.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur la demande d'indemnité pour procédure abusive de la société STN TEFID à l'encontre de la société L'Hôtelière de Ménage

La société STN TEFID réclame une indemnité de 10.000€ à l'encontre de la société L'Hôtelière de Ménage estimant que la procédure intentée était abusive et vexatoire.

Toutefois l'abus d'ester en justice de la société L'Hôtelière de Ménage qui certes succombe dans cette affaire n'est cependant pas établi.La société STN TEFID sera par conséquent déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les autres demandes

La société L'Hôtelière de Ménage devra délivrer à Mme [M] outre les bulletins de paye rectifiés précités, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de celle-ci, sans que la mesure d'astreinte ne soit en l'état justifiée.

L'Hôtelière de Ménage, qui succombe sera condamnée aux dépens d'instance et d'appel, comprenant les éventuels frais d'exécution, ainsi qu'à payer respectivement à Mme [M] et à la société STN TEFID la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ces dispositions .

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la société L'Hôtelière de Ménage est restée l'employeur de Mme [W] [M] après le 1er décembre 2014.

Déboute la société L'Hôtelière de Ménage de ses demandes à l'encontre de la société STN TEFID.

Met la société STM TEFID hors de cause.

Condamne la société L'Hôtelière de Ménage à payer à Mme [W] [M] les sommes suivantes :

* 750 € à titre de dommages et intérêts pour abattement illicite des cotisations sociales,

* 1.860,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 186,02 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1 897.02 € à titre d'indemnité légale de licenciement.

* 7.000 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme [W] [M] de ses demandes de rappels de salaire.

Ordonne le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de trois mois d'indemnités.

Ordonne à la société L'Hôtelière de Ménage la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif rectifié, d' un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de celle-ci.

Déboute la société STN TEFID de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire à l'encontre de la société L'Hôtelière de Ménage;

Condamne la société L'Hôtelière de Ménage à payer à la société STN TEFID à la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne L'Hôtelière de Ménage aux entiers dépens d'instance et d'appel comprenant les frais éventuels d'exécution.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/05588
Date de la décision : 02/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°18/05588 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-02;18.05588 ?
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