RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 29 Mai 2020
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/02902 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2XLZ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Novembre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15-05566
APPELANTES
CPAM DE [Localité 5]
Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude
[Adresse 7]
[Localité 5]
représenté par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque d 1901
ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]
Organisme de droit privé chargé d'une mission de service public, régi par les dispositions du Code de la Sécurité Sociale, pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
non comparante
INTIMES
Monsieur [G] [K]
né en à
[Adresse 4]
[Localité 5]
comparant en personne
Etablissement Public CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE
[Adresse 1]
[Localité 5]
non représentée a l'audience
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Localité 5]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT conseillère , chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Pascal PEDRON, Président de chambre
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT conseillère
Mme Bathilde CHEVALIER, conseillère
Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt initialement prévu le 03 avril 2020 prorogé au 29 mai 2020 au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre
et par M Fabrice LOISEAU greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur un double appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (ci-après la CPAM) à l'encontre du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en date du 24 novembre 2016 dans un litige l'opposant à M. [G] [K] et la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse (ci-après la CNAV).
EXPOSE DU LITIGE
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard. Il suffit de rappeler que M. [K] a sollicité de la CNAV le bénéfice d'une retraite au titre de la pénibilité. La caisse lui a refusé au motif que la rente perçue au taux de 12 % résultait d'un accident de trajet et non d'un accident de travail. Contestant cette décision, il a saisi la commission de recours amiable de la CNAV, laquelle l'a maintenue. M. [K] a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 6 novembre 2015.
Après mise en cause de la CPAM par ordonnance du 17 mai 2016, et par jugement rendu le 24 novembre 2016, ce tribunal a :
- rejeté l'exception de prescription,
- dit que l'acccident dont M. [K] a été victime le 17 juillet (sic) 1976 est un accident du travail au sens de l'article L. 411-1 du code de sécurité sociale,
- dit que la CNAV, pour apprécier les droits de M. [K] à une retraite au titre de la pénibilité, doit prendre en compte la rente dont il bénéficie comme résultant d'un accident du travail au sens de l'article L. 411-1 du code de sécurité sociale.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris requiert de la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- à titre principal, dire et juger irrecevable la demande de requalification de l'accident de trajet du 17 août 1976,
- subsidiairement, débouter M. [K] de toutes ses demandes à son encontre,
- en toute hypothèse, le condamner aux entiers dépens,
aux motifs que :
- l'état de M. [K] ayant été consolidé au 29 septembre 1976, il avait jusqu'au 30 septembre 1978 pour contester la décision de la caisse en application de l'article L. 431-2 du code de sécurité sociale,
- en vertu de l'article R. 142-18 du même code, sa demande de requalification est aussi irrecevable faute d'avoir saisi préalablement la commission de recours amiable,
- subsidiairement, sur le fond, la charge de la preuve incombe à l'assuré,
- la déclaration établie par l'employeur vise un accident survenu alors qu'il rentrait chez lui déjeuner,
- si M. [K] conteste cette version des faits, il n'apporte aucun élément et ne justifie notamment pas de la situation de travail au moment de l'accident,
- en 1976, les formulaires de déclaration ne faisaient aucune distinction entre accident du travail et accident de trajet,
- une fois la prise en charge acquise, la caisse n'a aucun intérêt à opérer une distinction entre les deux.
Oralement, la CNAV dit s'en rapporter à la décision de la cour.
Aux termes de ses observations écrites reprises oralement à l'audience, M. [K] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- lui accorder une réparation à fixer par la cour pour le préjudice subi,
faisant valoir que :
- dans les écrits reçus, la caisse a toujours considéré l'accident comme un accident de travail et il n'est fait aucune référence à un accident de trajet,
- sans cette qualification, il était impossible de contester,
- le temps écoulé depuis rend impossible de retrouver des preuves,
- la déclaration ne peut être retenue car elle affirme à tort que l'accident a eu lieu à 12 h 10, soit 4 h 15 après la prise de travail qui était faite à 7 h 30,
- le lieu de l'accident est à l'opposé de son domicile de l'époque, lequel était à 31 mn de trajet, excluant toute pause déjeuner à domicile,
- le témoignage du témoin oculaire est peu probant car il ne pouvait connaître le motif du déplacement,
- la déclaration porte un tampon 'trajet' dont on ignore la provenance,
- la nature de l'activité est incompatible avec la fonction exercée (aide-fumiste) et la qualification d'accident de trajet, car travaillant sur les chantiers, les repas y étaient pris au même lieu,
- cela pose aussi le problème du moyen de transport, du chantier au lieu de l'accident,
- l'absence de délai de carence confirme aussi la qualification d'accident du travail,
- lorsque la demande de retraite a été faite, il était en recherche d'emploi et bénéficiaire de l'allocation spéciale de solidarité,
- son refus a entraîné un préjudice moral et matériel important.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR,
Il ne sera pas répondu aux demandes de constatations ou de «dire et juger» qui ne saisissent pas la cour de prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile.
1 ° ) Sur la prescription
Suivant déclaration établie le 18 août 1976 par l'employeur, la société SIEP, M. [K], aide fumiste, a été victime d'un accident le mardi 17/08/76 à 12 h 10, soit 4 h 15 après la prise ou reprise du travail, les horaires étant de 7 h 30 à 12 h et de 14 h à 18 h, au Carrefour midi l'Oradou et rue du Passat, il rentrait chez lui déjeuner. [Adresse 8], une fillettte en vélo lui a coupé la route pour prendre la [Adresse 9],
M. [K] l'a évité et dans la manoeuvre, a été éjecté, il a été transporté au CHU [Localité 10]. Il était précisé que M. [K] était alors domicilié à [Localité 6] et qu'il y avait un témoin en la personne de M. [Y], inspecteur au CHU à [Localité 10]
Suivant notification du 19 octobre 1976, M. [K] a été déclaré consolidé au 29 septembre 1976.
En l'espèce, le litige porte seulement sur la qualification d'accident du travail ou d'accident de trajet. Or tous les documents reçus par M. [K] visent un accident du travail. Il n'est pas contesté qu'à l'époque des faits, les imprimés utilisés ne mentionnaient que les accidents du travail ou les maladies professionnelles.
Cependant, il s'en déduit que M. [K] ne pouvait donc savoir que son accident du 17 août 1976 était pris en charge au titre d'un accident de trajet et non d'un accident de travail. Il n'a pu s'en convaincre qu'en recevant :
- d'une part, la notification de la CNAV du 6 novembre 2014, rejetant sa demande de retraite anticipée pour pénibilité, au motif que les rentes consécutives à un accident de trajet n'ouvrent pas droit à cette prestation,
- d'autre part et surtout, l'attestation de la CPAM de Paris du 18 juin 2015 établissant qu'il était titulaire d'un dossier d'incapacité permanente pour le sinistre du 17/08/1976, qualifié accident de trajet.
Dès lors, on ne saurait lui opposer la prescription de deux ans avant cette date.
2 ° ) Sur l'absence de saisine préalable de la commission de recours amiable
L'article R 142-18 du code de la sécurité sociale dispose que le tribunal des affaires de sécurité
sociale est saisi, après l'accomplissement, le cas échéant, de la procédure prévue à la section 2 du présent chapitre, par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétaire par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R 142-6 du dit code. La procédure prévue à la section 2 du dit chapitre est celle visée par l'article R 142-1, à savoir que les réclamations formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont soumises à une commission de recours amiable.
Il résulte de ces deux textes cumulés que le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut être saisi d'une réclamation contre un organisme de sécurité sociale qu'après que celle-ci ait été soumise à une commission de recours amiable, et il s'agit là d'un préalable obligatoire.
En l'espèce, M. [K] n'a jamais saisi la caisse, ni la commission de recours amiable d'une quelconque contestation sur la qualification d'accident de trajet retenue par elle.
En conséquence, le tribunal ne pouvait se saisir de la question sans inviter M. [K] à régulariser un recours préalable, et statuer éventuellement postérieurement à la décision rendue par la commission de recours amiable.
Il s'en déduit que la demande de requalification de l'accident était irrecevable devant lui et que c'est à tort qu'il a requalifié l'accident en litige d'accident du travail. Le jugement sera donc infirmé.
3 ° ) Sur la demande de dommages et intérêts
En l'état, il n'est démontré aucune faute de la caisse dans la gestion du dossier de nature à justifier l'allocation de dommages et intérêts. Au surplus, la demande non déterminée serait irrecevable.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Déclare irrecevable la demande de requalification de l'accident en accident du travail,
Y ajoutant,
Déboute M. [G] [K] de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne M. [G] [K] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,