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28/05/2020 | FRANCE | N°19/18229

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 28 mai 2020, 19/18229


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 28 MAI 2020



(n° 105 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/18229 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAWYE



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Septembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2019000407





APPELANTES



SA SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE - SFR représentée par son président domicilié

e en cette qualité audit siège



[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assisté par Me Juli...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 28 MAI 2020

(n° 105 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/18229 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAWYE

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Septembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2019000407

APPELANTES

SA SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE - SFR représentée par son président domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assisté par Me Julie MARTY CATALA avocat au barreau de PARIS, toque : P008

Société BFM TV représentée par son président domiciliée en cette qualitéaudit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Pierre-Olivier CHARTIER avocat au barreau de PARIS, toque : R139

Société RMC DECOUVERTE représentée par son président domiciliée en cette qualitéaudit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Pierre-Olivier CHARTIER avocat au barreau de PARIS, toque : R139

Société DIVERSITE TV FRANCE représentée par son président domiciliée en cette qualitéaudit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Pierre-Olivier CHARTIER avocat au barreau de PARIS, toque : R139

SAS NEXT RADIO TV représentée par son président domiciliée en cette qualitéaudit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Pierre-Olivier CHARTIER avocat au barreau de PARIS, toque : R139

SA ALTICE FRANCE représentée par son président domiciliée en cette qualitéaudit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Pierre-Olivier CHARTIER avocat au barreau de PARIS, toque : R139

INTIMEE

SAS FREE prise en la personne de son président en exercice audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée par Me Olivier FREGET et par Me Geoffroy CANIVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D10

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique DELLELIS, Présidente

Mme Hélène GUILLOU, Présidente

M. Thomas RONDEAU, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Hélène Guillou dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Lauranne VOLPI

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue au 19 mars 2020, et prorogée à ce jour, en raison des contraintes liées à l'état d'urgence sanitaire.

- signé par Hélène GUILLOU, Présidente pour Véronique DELLELIS, Présidente, empêchée et par Lauranne VOLPI, Greffière,

Exposé du litige :

La société SFR et le groupe Next Radio TV, appartenant au groupe Altice, comptent parmi leurs filiales plusieurs sociétés qui éditent des chaînes de télévision : les sociétés BFM TV, Diversité TV France, Next radio TV et RMC Découverte (les chaînes). Ces chaînes sont diffusées selon plusieurs modalités techniques, les réseaux hertziens (TNT) ou non hertziens (ADSL ou fibre).

Pour la diffusion sur les ondes hertziennes, les chaînes sont soumises à la loi du 30 septembre 1986 imposant une diffusion gratuite à au moins 95% de la population.

Quant à la diffusion sur les réseaux non hertziens, ils permettent aux utilisateurs de bénéficier des services dit 'linéaires' mais également des services associés(replay, démarrage en différé, visionnage sur plusieurs terminaux, contenus 4 K etc...).

Des conventions ont été conclues à compter de 2005 avec les fournisseurs d'accès à internet, dont la société Free, prévoyant la diffusion gratuite de ces chaînes.

A partir de 2018, les chaînes ont souhaité négocier une rémunération globale incluant flux linéaires et services associés. Les négociations n'ont pas abouti et les accords conclus qui arrivaient à échéance le 20 mars 2019 n'ont pas été renouvelés.

Une première série de messages a alors été diffusée sur les chaînes au printemps 2019 au moment de l'échéance des accords, informant notamment les utilisateurs qu' 'à compter du 20 mars 2019 l'opérateur Free ne sera plus autorisé à donner accès à vos chaînes et services associés par l'intermédiaire de ses box'

La société Free a saisi le président du tribunal de commerce de Paris sur requête d'une part pour être autorisé à assigner d'heure à heure et d'autre part de voir ordonner de cesser toute communication relative à l'impossibilité pour la société Free de diffuser le signal des chaînes.

Par ordonnance sur requête du 5 avril 2019, le président du tribunal de commerce a, par la même ordonnance:

- autorisé la société Free à assigner pour le 9 avril 2019 à 11 heures les sociétés Next radio, Altice France, BFM TV, Diversité TV et RMC Découverte,

- ordonné aux sociétés Next radio, Altice France, BFM TV, Diversité TV et RMC Découverte de cesser, dans l'attente de l'ordonnance de référé à intervenir, toute communication notamment télévisuelle ou par voie de communiqué de presse relative à l'impossibilité de Free de diffuser le signal des dites chaînes'

Les chaînes s'étant exécutées, le président du tribunal de commerce de Paris a, par ordonnance du 9 avril 2019, dit n'y avoir lieu à référé.

D'autres instances ont opposé la société Free aux chaînes, l'une devant le CSA, l'autre dans le cadre d'une action en contrefaçon devant le juge des référés qui, par ordonnance du 26 juillet 2019 a fait interdiction à la société Free de poursuivre la diffusion de ces chaînes, ordonnance dont elle a interjeté appel, une action au fond ayant en outre été engagée devant le tribunal judiciaire de Paris.

En août 2019, les chaînes ont diffusé de nouveaux messages et communiqués relatifs au différend en cours, portant tant sur l'arrêt de la diffusion des chaînes par la société Free que sur le fait que ces chaînes restaient disponibles chez d'autres opérateurs expressément cités.

Le 16 août 2019 la société Free d'une part fait sommation à la société BFM TV 'd'avoir à modifier immédiatement et sans délai votre communication en cessant d'indiquer que les abonnés de Free seront privés de l'accès à vos chaînes et d'avoir à indiquer qu'ils pourront en revanche toujours y accéder en branchant leur décodeur sur la prise TNT de leur logement.'

Le même jour, elle a fait signifier un courrier de mise en demeure au président de la société SFR de 'cesser de diffuser la publicité comparative illicite engagée par (son) groupe'.

Par ordonnance sur requête de la société Free rendue le 30 août 2019 le président du tribunal de commerce de Paris a :

- autorisé la société Free à assigner pour le 12 septembre 2019 à 15 H 30 les sociétés Next radio, Altice France, BFM TV, Diversité TV et RMC Découverte,

- ordonné aux sociétés Next radio, Altice France, SFR, BFM TV, RMC Découverte et Diversité TV et de cesser, dans l'attente de l'ordonnance de référé à intervenir, toute communication notamment télévisuelle, radiophonique ou par voie de publication y compris sur internet relative:

1- au différend commercial (y compris les décisions de justice ou administratives intervenues) les opposant à Free ou bien,

2- de nature comparative évoquant le fait que les offres internet de SFR donneraient un meilleur accès ou plus complet aux chaînes éditées par les sociétés mentionnées ci-dessus, ou encore,

3- et de manière plus générale toute diffusion d'informations quant à la possibilité pour les abonnés de Free de visualiser les chaînes concernées notamment via la diffusion de bandeaux en bas d'écran ou autres techniques d'incrustation d'images ou de contenu,

- assorti cette injonction d'une astreinte de 100 000 euros par infraction dès la signification de la présente ordonnance, jusqu'au prononcé de l'ordonnance de référé à intervenir et s'est réservé la liquidation de l'astreinte.

Cette ordonnance a été signifiée le 30 août 2019 à 19h35 sur place et 19H58 pour signification.

Le 4 septembre 2019 les sociétés SFR, BFM TV, RMC Découverte, Diversité TV France, Next Radio TV et Altice France ont été autorisées à assigner la société Free devant le juge des référés à l'audience du 6 septembre 2019 à 18 heures pour obtenir essentiellement la rétractation de l'ordonnance du 30 août 2019.

Par ordonnance du 10 septembre 2019 le président du tribunal de commerce de Paris a :

- joint les deux affaires,

- rejeté la demande des sociétés SFR, BFM TV, RMC Découverte, Diversité TV France, Next Radio TV et Altice France tendant à la rétractation de l'ordonnance du 30 août 2019,

- condamné in solidum les sociétés SFR BFM TV, RMC Découverte, Diversité TV France, Next Radio TV et Altice France à payer à la société Free la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le juge a estimé que le principe du contradictoire pouvait être écarté compte tenu de l'urgence à ce que des mesures soient prises et du risque que la perspective de l'audience n'incite les chaînes de télévision à amplifier leur communication, justifiant qu'il soit procédé par surprise et par voie de requête. Il a également retenu que les mesures n'étaient pas disproportionnées, puisqu'elles n'empêchaient pas en elles-mêmes la société SFR de continuer à faire la promotion de ses services.

Par déclaration d'appel en date du 26 septembre 2019, la SA SFR et les chaînes de télévision ont fait appel de cette décision, critiquant l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 30 août 2019 ordonnant aux sociétés susvisées, sous astreinte, de cesser toute communication relative au différend commercial, de nature comparative et de façon plus générale toute diffusion d'informations quant à la possibilité pour les abonnés de Free de visualiser les chaînes concernées notamment via la diffusion de bandeaux en bas d'écran ou autres techniques d'incrustation d'images ou de contenu.

Aux termes de ses conclusions communiquées par la voie électronique le 28 janvier 2020, la société SFR et les chaînes de télévision demandent à la cour de :

- juger que la dérogation apportée au principe du contradictoire par l'ordonnance du 30 août 2019 n'était pas justifiée,

- juger en tout état de cause que les mesures ordonnées par l'ordonnance du 30 août 2019 sont disproportionnées et ne sont pas licites,

- en conséquence infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- rétracter l'ordonnance du 30 août 2019,

- condamner la SAS Free à verser à chacune des sociétés appelantes la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL BDL Avocats.

La société SFR et les chaînes de télévision font valoir en substance:

- qu'à la seule exception de la durée, les mesures d'interdiction prononcées non contradictoirement sont identiques aux mesures d'interdiction dont le prononcé était sollicité dans le cadre du référé,

- l'interdiction prononcée est beaucoup trop large en ce qu'elle ne vise pas que les communications fautives, et alors que la publicité comparative n'est interdite que dans certaines hypothèses,

- l'astreinte a été particulièrement lourde alors même qu'elle était prononcée sans délai pour mettre en oeuvre les mesures nécessaires,

- dans le même temps qu'elle demandait cette interdiction, la société Free par son fondateur s'exprimait sur les mêmes sujets dont elle demandait l'interdiction,

- l'ensemble de ces considérations démontre qu'un débat contradictoire aurait été nécessaire,

- les mesures adoptées auraient eu la même efficacité si elles avaient été prises contradictoirement,

- le seul fait que les mêmes demandes soient formées sur requête et en référé suffit à démontrer qu'il n'était pas nécessaire de déroger au principe du contradictoire,

- la nécessité d'éviter la prétendue aggravation du dommage étant également invoquée pour soutenir l'urgence démontre bien que seule l'urgence pouvait justifier ces demandes

Par conclusions communiquées par la voie électronique le 10 février 2020, la société Free demande à la cour de :

- débouter la société SFR et les chaînes de télévision,

- confirmer l'ordonnance entreprise,

- condamner in solidum la SA SFR et les chaînes de télévision à payer à la SAS Free la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Free a fait valoir en résumé ce qui suit :

- la procédure sur requête n'exclut pas la contradiction mais reporte le débat après la décision, dans un souci de protection,

- la dérogation au principe du contradictoire était totalement justifiée en l'espèce, les séquences de communication inexactes et trompeuses diffusées dès l'ordonnance du 26 juillet 2019 interdisant la diffusion des chaînes par Free, accentuées le 15 août puis diffusées de façon quasi permanente à compter du 27 août 2019, pendant la période la plus importante pour les opérateurs télécoms en matière de souscription d'abonnement, et ce malgré une mise en demeure d'avoir à cesser leur communication déloyale,

- l'objectif affiché des chaînes de faire un exemple avec Free pour dissuader l'opérateur Orange de résister, permettait de craindre une aggravation de cette communication d'autant plus importante que la date de référé donnée par le tribunal avait été fixée 10 jours plus tard et que plusieurs semaines étaient nécessaires à l'obtention d'une décision,

- la requête avait donc pour objet de figer la situation dans l'attente de la décision du juge des référés,

- les précédentes communications et notamment courriers de mises en demeure ne rendaient pas l'effet de surprise inutile, puisqu'ils avaient démontré leur inefficacité,

- les demandes formées par requête ne sont pas strictement identiques à celles demandées en référé puisqu'elles visaient à couvrir le délai s'écoulant entre la requête et le jour de la décision et avaient donc une temporalité différente, les mesures prises sur requête ayant une durée très limitée,

- les mesures demandées n'étaient pas disproportionnées et ne visaient que les communications

illicites et contraires à leur convention avec le CSA qui les obligent à veiller à ce que les émissions d'informations politique et générale diffusées le soient dans des conditions garantissant l'indépendance de l'information notamment vis à vis de leurs actionnaires, mais également contraire à la charte de déontologie qui leur interdit de faire de publicité clandestine,

- ces messages ne pouvaient prétendre informer des téléspectateurs qui par définition n'étaient pas concernés par le litige puisqu'ils percevaient le message,

- la critique de l'importance du montant de l'astreinte prononcée démontre que les chaînes n'auraient pas respecté l'interdiction prononcée si elle avait été moindre.

Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE:

En vertu de l'article 875 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.

Selon l'article 873 du code de procédure civile, il peut, dans les limites de la compétence de ce tribunal et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent.

Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'interdiction sous astreinte, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s'y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci.

Il doit ainsi apprécier l'existence des conditions de ces textes au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire, les circonstances justifiant cette dérogation devant être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.

En l'espèce la requête expose que le groupe Altice instrumentalise tous ses relais dans la télévision, la radio et sur internet pour diffuser un message clairement trompeur et dénigrant à l'égard de la société Free avec comme objectif d'inciter ses abonnés à changer d'opérateur et que les mesures doivent être prises 'en réaction à ce qui constitue un trouble manifestement illicite et l'aggravation d'heure à (en') heure d'un dommage particulièrement significatif'.

Elle conclut 'En outre dans l'attente de l'ordonnance du président du tribunal de commerce la société Free entend solliciter à titre de mesure urgente du président qu'il ou elle ordonne aux défenderesses, dans l'attente de l'ordonnance de référé à intervenir de cesser toute communication, notamment télévisuelle, radiophonique ou par voie de publication y compris sur internet, relative au différend commercial les opposant à Free et dont il ressortirait que les abonnés aux offres de Free ne pourraient plus accéder aux chaînes et/ou qu'ils pourraient en revanche les consulter par l'intermédiaire des offres proposées par les concurrents de Free notamment SFR'

S'en suivent des développements d'une part sur l'urgence et d'autre part sur 'l'absence de contradictoire, condition essentielle de l'efficacité des mesures sollicitées'.

A ce titre la société Free expose que 'la stratégie des sociétés du groupe Altice consiste à utiliser ses principaux relais médiatiques (télévision, radio internet) pour diffuser à grande échelle un message dénigrant et trompeur visant Free et à inciter ses abonnés et les consommateurs en général à se tourner vers d'autres opérateurs. Il y a donc tout lieu de croire que l'introduction de la procédure contradictoire en référé d'heure à heure sollicitée n'aboutisse in fine qu'à une aggravation significative de la surenchère médiatique orchestrée par les sociétés du groupe Altice. Cela est d'autant plus probable que les sociétés défenderesses ont parfaitement conscience du caractère trompeur de leur communication et de leur impact pour Free, puisque le président du tribunal de commerce de Paris a déjà dû intervenir en avril 2019 pour leur ordonner de mettre fin à une communication peu ou prou similaire. Free démontre ainsi des circonstances particulières pour déroger au principe du contradictoire dans l'attente de l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris'.

L'ordonnance dont la rétractation est demandée ne vise que l'urgence et l'article 485 du code de procédure civile qui dispose que 'la demande est portée par voie d'assignation à une audience tenue à cet effet aux jours et heures habituels des référés. Si, néanmoins, le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d'assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés.'

Elle ne reprend pas le visa de la requête qui faisait également référence à l'article 875 du code de procédure civile.

Elle ne fait aucune mention de la nécessité de déroger au principe de la contradiction, sauf par le visa de la requête. Seul l'examen des motifs contenus dans la requête est donc à même de pouvoir établir si la dérogation au principe de la contradiction était justifiée.

Si le trouble manifestement illicite allégué et l'aggravation d'heure en heure d'un dommage causé par des messages considérés comme dénigrants justifient l'urgence de la mesure d'interdiction demandée, en revanche, il ne permet pas de caractériser la nécessité de procéder par surprise.

En effet, aucun des faits exposés ne permet de constater que le respect d'une procédure contradictoire aurait compromis l'efficacité de la mesure sollicitée et qu'un effet de surprise était nécessaire, puisque le seul objectif recherché était de mettre immédiatement fin aux diffusions et non de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve de ces diffusions dont pourrait dépendre la solution du litige.

A cet égard il sera observé qu'il ressort des termes mêmes de la requête, qu'alors que l'interdiction de diffuser les chaînes avait pris effet début août mais n'a été assortie d'une astreinte qu'à compter du 26 août 2019, la société Free a relevé dès la mi-août la reprise des messages litigieux avec une recrudescence à compter du mardi 27 août 2019.

En outre des mises en demeure de cesser la diffusion de publicité comparative avaient déjà été adressées 15 jours auparavant au président de la société SFR et à la société BFM TV, témoignant de ce que la société SFR et les chaînes ne pouvaient ignorer que la société Free serait vigilante quant aux messages diffusés et qu'aucun effet de surprise ne pouvait résulter de l'ordonnance sur requête, le même procédé ayant été employé quelques mois plus tôt dans des circonstances analogues.

Le fait que, selon le demandeur à la requête, le dernier week-end d'août soit déterminant en matière de souscription d'abonnements, renvoie également à l'urgence et au souci de donner immédiatement ou quasiment immédiatement effet à l'interdiction, de sorte que l'assignation d'heure à heure permettait tout autant d' 'éviter la surenchère médiatique' et qu'il appartenait au requérant d'une part de présenter sa requête dès les premiers constats et d'autre part de suffisamment caractériser cette urgence pour obtenir du juge une date et un délibéré à très bref délais, le cas échéant par la procédure du référé d'heure à heure dont l'article 485 rappelle permet qu'il soit envisagé 'même les jours fériés ou chômés'.

Aucun motif de dérogation au principe de la contradiction ne peut être retenu et ce manquement irrémédiable à ce principe suffit à lui seul à entraîner la rétractation de l'ordonnance sur requête qui en est affectée.

Seules les mesures d'interdiction étant contestées et non l'autorisation d'assigner d'heure à heure, chaque partie gardera la charge de ses dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance du 10 septembre 2019,

et, statuant à nouveau,

Rétracte l'ordonnance en ce qu'elle a :

- ordonné aux sociétés Next radio, Altice France, SFR, BFM TV, RMC Découverte et Diversité TV de cesser, dans l'attente de l'ordonnance de référé à intervenir, toute communication notamment télévisuelle, radiophonique ou par voie de publication y compris sur internet relative:

1- au différend commercial (y compris les décisions de justice ou administratives intervenues) les opposant à Free ou bien,

2- de nature comparative évoquant le fait que les offres internet de SFR donneraient un meilleur accès ou plus complet aux chaînes éditées par les sociétés mentionnées ci-dessus, ou encore,

3- et de manière plus générale toute diffusion d'informations quant à la possibilité pour les abonnés de Free de visualiser les chaînes concernées notamment via la diffusion de bandeaux en bas d'écran ou autres techniques d'incrustation d'images ou de contenu,

- assorti cette injonction d'une astreinte de 100 000 euros par infraction dès la signification de la présente ordonnance, jusqu'au prononcé de l'ordonnance de référé à intervenir et s'est réservé la liquidation de l'astreinte.

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, Pour la Présidente empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 19/18229
Date de la décision : 28/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°19/18229 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-28;19.18229 ?
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