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27/05/2020 | FRANCE | N°18/11339

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 27 mai 2020, 18/11339


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 27 Mai 2020

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11339 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Q2B



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SENS section RG n° 12/00058

Arrêt rendu le 30 septembre 2015 par la cour d'appel de Paris - Chambre 6-9 RG 13/02870

Arrêt de cassation du 22

février 2017





APPELANT



M. [S] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 4]



représenté par Me Amandine GARCIA, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 27 Mai 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11339 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Q2B

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SENS section RG n° 12/00058

Arrêt rendu le 30 septembre 2015 par la cour d'appel de Paris - Chambre 6-9 RG 13/02870

Arrêt de cassation du 22 février 2017

APPELANT

M. [S] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 4]

représenté par Me Amandine GARCIA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0407

INTIMEE

SAS MATREX (MATREX PRODUCTIONS)

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Fabien CORNU, avocat au barreau d'AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Bruno BLANC, Président

Marianne FEBVRE-MOCAER, Conseillère

Olivier MANSION, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Victoria RENARD, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, le délibéré ayant été prorogé jusqu'à ce jour.

- signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [S] [V] , engagé le 1er avril 1997 en qualité de comptable par la société MATFLEX, devenue la société MATREX production, occupait les fonctions de directeur financier lors de son licenciement pour motif économique le 15 avril 2011.

Par jugement du 16 novembre 2012, le Conseil de Prud'hommes de SENS a :

- condamné la SAS MATREX PRODUCIONS à payer la somme de 1.500 euros à Monsieur [S] [V] au titre de la prime annuelle dite de bilan;

- condamné la SAS MATREX PRODUCIONS à payer la somme de 500 euros à Monsieur [S] [V] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la SAS MATREX PRODUCTIONS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Partagé pour moitié entre les deux parties les dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement .

Par arrêt du 30 septembre 2015 , statuant sur l'appel interjeté par Monsieur [S] [V] , la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement entrepris en ses dispositions sur le rappel de prime de bilan et l'article 700 du code de procédure civile ;

- Infirmé pour le surplus et statuant à nouveau ;

- Condamné la société MATREX PRODUCTION à payer à Monsieur [S] [V] la somme de 91.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

Y ajoutant :

- Ordonné le remboursement par la SAS MATREX PRODUCTION aux organismes concernés de l'intégralité des indemnités de chômage versées à Monsieur [S] [V] dans la limite de six mois ;

- Condamné la société MATREX PRODUCTION à payer à Monsieur [S] [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SAS MATREX PRODUCTION aux dépens de première instance et d'appel.

Saisie d'un pourvoi par la société MATREX PRODUCTION, la Cour de Cassation a, par arrêt du 22 février 2017 , cassé et annulé sauf en ce qu'il condamne la société MATREX Production à verser à Monsieur [S] [V] la somme de 1.500 euros au titre de prime annuelle, l'arrêt rendu le 30 septembre 2015, au motif que pour condamner l'employeur à verser au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonner le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié, l'arrêt énonce que l'employeur, qui disposait d'un effectif de 57 salariés courant 2011, n'a pas cru opportun d'entreprendre une recherche en vue d'un possible reclassement sur un poste susceptible de s'avérer disponible en interne, même de catégorie inférieure, en l'absence sur ce dernier point d'une opposition de principe de la parte du salarié ;

et, qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si la société , qui avait versé aux débats le registre du personnel, ne justifiait pas de l'absence de poste disponible en rapport avec les compétences et les aptitudes du salarié, la cour d'appel n'avait pas légalement justifié sa décision.

Par déclaration du 30 mai 2017, Monsieur [S] [V] a saisi la cour de renvoi.

A l'audience du 19 juin 2018, l'affaire a fait l'objet d'une ordonnance de radiation.

L'affaire a été rétablie à la demande du conseil de Monsieur [S] [V] le 12 septembre 2018.

Vu les conclusions en date du 11 février 2020, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Monsieur [S] [V] demande à la cour de :

- Constater à titre principal que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et à titre subsidiaire, que l'ordre des licenciements a été violé ;

- Condamner, en conséquence, la société MATREX PRODUCTION à lui payer les sommes suivantes :

A titre principal

* indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse 121.000,00€

A titre subsidiaire

* dommages et intérêts non- respect des critères d'ordre 121.000,00€

- article 700 du code de procédure civile

Vu les conclusions en date du 11 février 2020, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la société MATREX demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Sens;

- Débouter Monsieur [V] de l'intégralité de ses demandes

- Condamner Monsieur [V] à payer à la société MATREX PRODUCTIONS la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner le même aux dépens d'instance.

Les parties présentes à l'audience ont tét informées que l'affaire était mise en délibéré et que l'arrêt serait rendu le 25 mars 2020 par mise à disposition au greffe de la cour.

SUR CE,

Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.

Le juge prud'homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation .

Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur ; que les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; qu'à défaut, le licenciement n'est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse .

Selon l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise et, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe sur un emploi équivalent, ou, à défaut, et sous réserve de l'accord express du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ;les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il appartient à l'employeur de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu'un reclassement était impossible et qu'il donc s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen ;le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui ' ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages et intérêts .

Sauf dispositions conventionnelles étendant le périmètre de reclassement, l'employeur n'est pas tenu de rechercher des reclassements extérieurs à l'entreprise, lorsque celle-ci ne relève pas d'un groupe dans lequel les permutations d'emploi sont possibles .

En l'espèce, la lettre de licenciement du 15 avril 2011prononce la rupture du contrat de travail au motif que ' les difficultés économiques dans lesquelles se trouvent aujourd'hui MATREX PRODUCTIONS constituent le motif du licenciement économique '.

Or, force est de constater :

- Que de façon contemporaine au licenciement, l'employeur a intégré un nouveau dirigeant, Monsieur [Z] ,à compter de septembre 2010 dont le but était de réorganiser l'entreprise afin de doubler le chiffre d'affaires ( pièce 57 traces écrites actualité économique du grand Est et des Bourgogne Franche-Comté );

- Que le chiffre d'affaires 2010-2011, s'est établi à 7.293 K€ (plus de 7 millions d'euros), soit une augmentation importante par rapport aux années 2010 et 2009 où il s'établissait, respectivement, à 4.617 K€ et 5.772 K€ ( bilans produits );

- Que l'objectif poursuivi était d'améliorer la rentabilité de l'entreprise afin de distribuer des dividendes;

- Qu'en effet, le bilan 2011 laisse apparaître une distribution de dividendes à hauteur de 100.000 € réglée par la Société

elle-même (feuillet 2065 bis et 2058 C) ce qui va à l'encontre des difficultés économiques et financières alléguées ;

- Que l'édition des bilans sur des périodes différentes rend hasardeux les comparaisons entre les années 2008,2009 et 2010 ;

Dés lors, infirmant la décision déférée, en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, l'intimée sera condamnée à payer à Monsieur [S] [V] la somme indemnitaire de 91.000 euros représentant l'équivalent de 18 mois de salaire compte tenu de son age lors du licenciement, de son ancienneté dans l'entreprise.

L'application de l'article L 1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L 1235-4 du même code, l'employeur étant condamné à rembourser aux organismes intéressés la totalité des indemnités de chômage versées à Monsieur [V] dans la limite de 6 mois.

Il n'apparaît pas équitable que Monsieur [S] [V] conserve la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant par mise à disposition et contradictoirement,

Statuant dans les limites de la cassation,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

Juge le licenciement de Monsieur [S] [V] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société MATREX à payer à Monsieur [S] [V] la somme de 91.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la société MATREX à payer à Monsieur [S] [V] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne le remboursement par la société MATREX aux organismes concernés de l'intégralité des indemnités de chômage versées à Monsieur [S] [V] dans la limite de 6 mois ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;

Déboute les parties du surplus de ses demandes,

Condamne la Société MATREX aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/11339
Date de la décision : 27/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°18/11339 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-27;18.11339 ?
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