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27/05/2020 | FRANCE | N°18/05445

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 27 mai 2020, 18/05445


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 27 MAI 2020



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05445 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QRT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° F16/02652





APPELANT



Monsieur [O] [F]

[Adresse 5]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1

] 1959 à [Localité 6]



Représenté par Me Karima SAID, avocat au barreau de PARIS, toque : E0446



INTIMEE



SAS HOP! prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 27 MAI 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05445 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QRT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° F16/02652

APPELANT

Monsieur [O] [F]

[Adresse 5]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 6]

Représenté par Me Karima SAID, avocat au barreau de PARIS, toque : E0446

INTIMEE

SAS HOP! prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Conseiller

M. Olivier MANSION, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Olivier MANSION dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, le délibéré ayant été prorogé jusqu'à ce jour.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [F] (le salarié) a été engagé le 10 septembre 1997 par contrat à durée indéterminée en qualité de personnel naviguant technique par la société Regional Airlines aux droits de laquelle vient la société Hop! (l'employeur).

Il a été licencié le 4 septembre 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, alors qu'il occupait les fonctions de commandant de bord.

Le salarié avait auparavant saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par jugement du 20 mars 2018, cette juridiction a rejeté toutes ses demandes.

Le salarié a interjeté appel le 16 avril 2018.

Il demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement des sommes de :

- 39.655,17 € d'indemnité de préavis,

- 3.965,52 € de congés payés afférents,

- 300.000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 50.000 € de dommages et intérêts pour discrimination en raison de son état de santé,

- 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite paiement de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 16 juillet 2018 et 7 novembre 2019.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'appel :

L'employeur soulève l'irrecevabilité de l'appel faute de déclaration d'appel.

Toutefois, par ordonnance du 21 février 2019, le conseiller de la mise en état a déjà statué sur ce point, par décision ayant force de chose jugée, en disant que la déclaration de saisine produisait les effets d'une déclaration d'appel.

L'appel a donc déjà été jugé comme recevable.

Sur la résiliation judiciaire :

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en démontrant que l'employeur est à l'origine de manquements suffisamment graves dans l'exécution de ses obligations contractuelles de telle sorte que ces manquements ne permettent pas la poursuite du contrat de travail.

Si la résiliation est prononcée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon le cas.

En cas de licenciement postérieur à la résiliation, celle-ci prend effet à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

L'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 dispose : 'Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable'.

En application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'une discrimination, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination et à l'employeur de prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Ici, le salarié soutient que cette résiliation doit produire les effets d'un licenciement nul en raison de la discrimination qu'il aurait subie par le rejet de sa demande tendant à bénéficier d'un plan de départ volontaire.

Il sera indiqué, à titre liminaire, que le moyen développé, page 18 des conclusions, sur l'incompétence du juge judiciaire pour apprécier la demande du salarié relative au contenu du plan de départ volontaire homologué ne correspond à aucune demande saisissant la cour dès lors que le dispositif de ces conclusions, page 26, ne comporte aucune prétention à ce titre au sens des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Le salarié invoque, à titre principal, une discrimination directe en raison de l'état de santé et, à titre subsidiaire, une discrimination indirecte.

Le plan de départ volontaire de février 2016 (pièce n°2) prévoit comme conditions d'éligibilité : être titulaire d'un contrat à durée indéterminée et : 'être en exercice, présent et payé par l'entreprise pendant la période d'appel au volontariat'.

Le salarié a déposé un dossier de candidature présenté au comité de validation le 6 avril 2016.

Par décision du 8 avril (pièce n°9), ce comité a rendu un avis défavorable pour le motif suivant : 'inaptitude au vol pendant la durée du recueil des candidatures'.

Le salarié avait en effet, été déclaré inapte au vol à titre temporaire après la visite médicale du 14 novembre 2015, pour une période du 15 janvier au 26 août 2016, l'inaptitude définitive au vol étant intervenue le 5 décembre 2016, puis notifiée par le conseil médical de l'aéronautique le 5 janvier 2017.

Le salarié soutient que le motif de l'inaptitude pour rejeter sa candidature est discriminatoire dès lors qu'il n'était pas prévu dans le plan de départ et qu'il résulte de son état de santé.

Il est justifié que le salarié bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée et qu'il était présent dans l'entreprise et payé, comme l'admet l'employeur au regard des dispositions des articles L. 6526-1 et L. 6526-2 du code des transports et des stipulations de l'accord ACPN du 14 juin 2014, l'inaptitude au vol ne le dispensant pas de se maintenir à la disposition de l'employeur, notamment, pour un éventuel reclassement au sol comme le proposait le médecin du travail.

Il en résulte que le salarié apporte des éléments faisant présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'état de santé.

L'employeur répond que le manquement allégué consiste à avoir maintenu le contrat de travail alors que le salarié souhaitait bénéficier d'un départ de l'entreprise, ce qui ne constitue donc pas un manquement empêchant la poursuite du contrat de travail.

Cependant, le manquement allégué ne porte pas sur le maintien du contrat mais sur une discrimination qui n'a pas permis de poursuivre le contrat en vue d'y mettre fin selon le plan de départ volontaire, soit à des conditions plus avantageuses qu'un licenciement très probable en raison de l'inaptitude constatée.

L'employeur ajoute que le motif du rejet de la candidature n'est pas l'inaptitude mais l'absence de l'entreprise résultant de l'inaptitude, celle-ci générant, outre une maintien de rémunération, le placement du personnel navigant en situation 'absence inaptitude au vol'.

Toutefois, le motif expressément indiqué est : 'inaptitude au vol pendant la durée du recueil des candidatures'.

Il n'est fait état d'aucune absence et celle-ci ne se déduit pas ipso facto, dès lors que le salarié pouvait exercer une autre activité au sol selon les préconisations du médecin du travail, qu'il était rémunéré par l'employeur et que celui-ci n'a pas mis en oeuvre de recherche de reclassement au sol, comme il pouvait le faire.

En conséquence, l'employeur n'apporte aucun élément objectif pour renverser la présomption de discrimination directe.

Le manquement de l'employeur est suffisamment grave pour entraîner la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts, laquelle produit les effets d'un licenciement nul.

Au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du salaire mensuel brut de référence, soit 13.218,39 €, le montant de dommages et intérêts sera évalué à 200.000 €.

Les demandes de paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents seront accueillies.

Sur les autres demandes :

1°) Le salarié demande des dommages et intérêts pour discrimination mais n'apporte aucune offre de preuve quant au préjudice direct et distinct de celui déjà indemnisé, qu'il aurait subi.

Cette demande sera rejetée.

2°) Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 3.000 €.

L'employeur supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition, par décision contradictoire :

- Rejette la demande de la société Hop! portant sur l'irrecevabilité de l'appel ;

- Infirme le jugement du 20 mars 2018 sauf en ce qu'il rejette la demande de M. [F] en paiement de dommages et intérêts pour discrimination ;

Statuant à nouveau :

- Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [F] à la société Hop! aux torts de cette dernière ;

- Condamne la société Hop! à payer à M. [F] les somme de :

* 39.655,17 € d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3.965,52 € de congés payés afférents,

* 200.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul ;

Y ajoutant :

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Hop! et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3.000 euros ;

- Condamne la société Hop! aux dépens de première instance et d'appel ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/05445
Date de la décision : 27/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°18/05445 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-27;18.05445 ?
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