Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 22 MAI 2020
(n° / 2020 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/13661 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAIS2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017062849
APPELANT
Monsieur [X] [I]
Né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7]
Demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Linda HALIMI-BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0427
INTIMÉE
SCP BTSG, en la personne de MAÎTRE [B] [N], ès qualité de liquidateur judiciaire de la Société DICI.,
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 434 122 511
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assisté de Me Victor RANIERI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN172,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2020, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre et Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre
Madame Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre
Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Hanane AKARKACH
MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis oral lors de l'audience.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Liselotte FENOUIL, greffière présente lors du prononcé.
*****
FAITS ET PROCÉDURE :
Sur déclaration de cessation des paiements du 18 août 2014, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 9 septembre 2014, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS DICI, qui exploitait un fonds de commerce de construction, rénovation et gros 'uvre. La date de cessation des paiements a été fixée au 31 juillet 2014.
La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 14 octobre 2014, la SCP BTSG , prise en la personne de Maître [B] [N], désignée liquidateur judiciaire.
M.[I] était actionnaire de la société DICI et avait été nommé président à compter du 18 mars 2014.
L'insuffisance d'actif s'élève à plus de 14 millions d'euros.
Considérant que M.[I] avait commis des fautes de gestion, le liquidateur de la société DICI l'a assigné devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 13 octobre 2017 aux fins de voir prononcer une faillite personnelle ou une interdiction de gérer, ainsi qu'en responsabilité pour insuffisance d'actif.
Par jugement du 26 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la faillite personnelle de Monsieur [I] pour une durée de 15 ans , l'a condamné à verser la somme de 1.419.549 euros à la SCP BTSG ès qualités, ainsi que la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 10 juillet 2019.
Par ordonnance du 1er octobre 2019 du président de la cour d'appel de Paris, l'exécution provisoire a été arrêtée.
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Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 4 octobre 2019, Monsieur [I] demande à la cour de :
Réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 février 2019,
Dire et juger que l'action en faillite personnelle est prescrite,
Débouter la SCP BTSG de ses demandes,
Dire et juger qu'il n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité,
Dire n'y avoir lieu à condamnation pécuniaire,
A titre subsdiaire,
Débouter la SCP BTSG de ses demandes de condamnation au titre de la failllite personnelle,
Ramener le montant des condamnations à de plus justes proportions.
En tout état de cause,
Condamner la SCP BTSG à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 31 octobre 2019, la SCP BTSG, prise en la personne de Me [N], ès qualités demande à la cour de :
Statuer ce que de droit sur l'irrecevabilité de l'appel interjeté par Monsieur [I],
Confirmer le jugement entrepris,
Lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la justice eu égard à la prescription soulevée,
Condamner Monsieur [I] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'audience, l'avocat général est d'avis que la procédure en sanction personnelle est prescrite.
S'agissant de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif il souligne le défaut de comptabilité, M. [I] n'ayant pris aucune initiative pour tenir celle-ci et fait valoir qu'il s'agit d'une faute de gestion en lien avec l'insuffisance d'actif. Il sollicite sa condamnation à la somme de 500'000 € au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif.
SUR CE,
Sur l'action en sanction personnelle
Monsieur [I] soulève la prescription de l'action en sanction personnelle en faisant valoir que celle-ci se prescrit par trois ans à compter du jugement d'ouverture de la procédure, et que dans le cas d'espèce, le jugement de redressement judiciaire du 9 septembre 2014, peu important à cet égard qu'il ait été converti en liquidation judiciaire par jugement du 14 octobre 2014.
Il expose que l'assignation de la SCP BTSG du 13 octobre 2017 est donc tardive, l'action étant prescrite depuis le 9 septembre 2017.
La SCP BTSG reconnaît le caractère sérieux de l'argument et s'en remet à la sagesse de la cour.
Selon l'article L653-1 du code de commerce, les actions en sanction personnelle se prescrivent par 3 ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure.
En l'espèce, alors que le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire de la société débitrice était en date du 9 septembre 2014, le liquidateur judiciaire a fait délivrer l'action en sanction personnelle par acte du 13 décembre 2017, soit plus de trois ans après l'ouverture de la procédure collective, de sorte que son action est prescrite
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif
La SCP BTSG fait valoir que Monsieur [I] qui s'est abstenu de tenir une comptabilité complète et régulière, qui a poursuivi abusivement une exploitation déficitaire et qui a augmenté frauduleusement le passif, qui s'élève à 14.500.000 euros, a commis des fautes de gestion qui justifient sa condamnation.
Monsieur [I] répond qu'il n'a été en fonction que moins de 6 mois, qu'il ne peut être tenu pour responsable de l'absence de comptabilité avant son arrivée, que la société était en difficultés avant qu'il n'en assure la direction puisqu'elle faisait déjà l'objet d'une procédure de conciliation, qu'il a pris les mesures nécessaires pour l'ouverture de la procédure, qu'il a répondu au liquidateur judiciaire qu'il ne détenait pas les informations nécessaires et l'a invité à se rapprocher des personnes adéquates, qu'il a de plus répondu aux correspondances qui lui étaient adressées. Il insiste sur son respect du délai légal pour la déclaration de cessation des paiements et précise que la date ne peut plus être remise en cause.
Il ajoute qu'en tout état de cause les fautes de gestion qui pourraient être retenues n'ont pas contribué à l'insuffisance d'actif.
Il soutient qu'il ne dispose pas des ressources pour faire face à la condamnation prononcée en première instance et que sa précédente condamnation à combler l'insuffisance d'actif d'une autre société ne permet pas de présumer de sa responsabilité dans cette instance, s'agissant d'une société dans laquelle il n'a exercé de fonction que pendant quelques mois.
Il convient de relever que le liquidateur judiciaire s'est trouvé face à une absence totale de comptabilité et Monsieur [I] ne démontre pas avoir pris des initiatives pour faire établir une comptabilité pendant le temps où il a dirigé la société débitrice.
L'absence de comptabilité prive le dirigeant d'outils de pilotage indispensables et constitue une faute de gestion d'autant plus grave qu'elle a abouti à une insuffisance d'actif de plus de 14 millions d'euros.
Monsieur [I] ne peut se réfugier derrière l'absence totale de comptabilité pour considérer qu'il n'est pas démontré que celle-ci ait contribué à l'insuffisance d'actif.
Monsieur [I] prétend être sans ressources et ne pouvoir payer au liquidateur judiciaire la somme à laquelle il a été condamné en première instance. Il indique être gérant de société Sixone, n'avoir perçu en 2018 qu'une somme de 1737 euros et précise que son épouse est diplômée en sophrologie, mais ne tire aucun revenu de cette activité.
Le liquidateur judiciaire répond que Monsieur [I], qui a déjà fait l'objet de condamnation en comblement de passif pour d'autres sociétés qu'il dirigeait, a organisé son insolvabilité et que c'est ainsi que, pour échapper à toute saisie, il occupe des appartements meublés luxueux dont les loyers sont payés par les sociétés qu'il dirige.
Il ressort en effet des pièces versées aux débats par Monsieur [I] que celui-ci résidait précédemment [Adresse 2], ainsi qu'il résulte de l'extrait K bis de la société Sixone, puis [Adresse 4], ainsi qu'il résulte de son avis d'imposition et qu'il occupe actuellement, depuis avril 2018, à titre gracieux, un appartement de 103 m², [Adresse 3], mis à sa disposition par la société Sixone, cet appartement ayant été loué par celle-ci pour un montant mensuel de 3315 euros.
Il résulte de ces éléments que Monsieur [I] vit dans des quartiers prestigieux de la ville de [Localité 5] et que l'appartement mis à sa disposition [Adresse 6] s'analyse en un avantage en nature d'un montant mensuel de 3315 euros et qu'il n'est donc pas dénué de ressources.
Compte tenu de l'importance de l'insuffisance d'actif, de l'absence totale de comptabilité, ce qui constitue une faute d'une particulière gravité, de la durée de quatre mois de ses fonctions de dirigeant et de sa situation personnelle, c'est de façon proportionnée que les premiers juges l'ont condamné à supporter l'insuffisance d'actif de la société DCI à hauteur de 500'000 euros et le jugement sera donc infirmé sur le quantum de cette condamnation.
Sur les dépens et les frais hors dépens.
Monsieur [I] sera condamné aux dépens.
L'équité commande, en application de l'article 700 du code de procédure civile de le condamner au paiement d'une somme de 10'000 euros au titre des frais hors dépens.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Monsieur [X] [I] au titre de l'insuffisance d'actif de la société DCI,
L'INFIRME sur le montant de la condamnation,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE Monsieur [X] [I] à verser à la société BTSG, prise en la personne de Maître [B] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société DCI, une somme de 500'000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif,
Infirme le jugement en ce qu'il l'a condamné à une sanction de faillite personnelle d'une durée de 15 ans,
Statuant à nouveau,
DÉCLARE la prescrite l'action en faillite personnelle.
CONDAMNE Monsieur [X] [I] aux dépens ainsi qu'au paiement entre les mains de Maître [B] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société DCI, une somme de 10'000 euros au titre des frais hors dépens.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Michèle PICARD