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22/05/2020 | FRANCE | N°19/02797

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 22 mai 2020, 19/02797


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 22 MAI 2020



(n° /2020 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02797 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7HPI



Décision déférée à la cour : Jugement du 17 Septembre 2018 -Tribunal de commerce de MEAUX - RG n° 2017JI44 -2018001985





APPELANT :



Monsieur [K] [E]

Demeurant [Adresse 2]>
[Localité 5]



Représenté par Me Aurélie CAGNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D2102



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/056759 du 04/02/2019 accordée...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 22 MAI 2020

(n° /2020 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02797 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7HPI

Décision déférée à la cour : Jugement du 17 Septembre 2018 -Tribunal de commerce de MEAUX - RG n° 2017JI44 -2018001985

APPELANT :

Monsieur [K] [E]

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Aurélie CAGNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D2102

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/056759 du 04/02/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE :

SELARL [V] [O], prise en la personne de Me [H] [O], ès qualités de liquidateur de la société SARL COCO PAL, immatriculée au RCS de MEAUX sous le numéro 813 129 590, dont le siège social est situé [Adresse 1],

Immatriculée au RCS de MEAUX sous le numéro 478 547 243

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Carole BOUMAIZA de la SCP GOMME et BOUMAIZA, avocat au barreau de PARIS, toque : J112

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2020, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre et Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre

Madame Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Hanane AKARKACH

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame Anne-France SARZIER, substitute générale, qui a fait connaître son avis écrit le 18 décembre 2019 et oral lors de l'audience. .

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Liselotte FENOUIL, greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

Par jugement du 20 mars 2017 le tribunal de commerce de Meaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL Coco Pal qui exerçait une activité de négoce de palettes depuis 2015 et avait pour gérant M.[E], désigné la Selarl [V]-[O] en qualité de liquidateur judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 13 mars 2017, date de la déclaration.

Saisi par assignation du liquidateur judiciaire du 25 janvier 2018, qui sollicitait la condamnation de M. [E] au paiement d'une somme de 194.036,02 euros ainsi qu'à une faillite personnelle et subsidiairement à une interdiction de gérer d'une durée de 6 ans, par jugement du 17 septembre 2018, le tribunal de commerce de Meaux, a condamné M. [E] à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 100.000 euros et a prononcé à son encontre une interdiction de gérer d'une durée de 6 ans.

M. [E] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 février 2019.

* * *

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 19 décembre 2019, M. [E] demande à la cour de :

Révoquer l'ordonnance de clôture,

Infirmer le jugement critiqué,

statuant à nouveau,

Le mettre hors de cause,

A titre subsidiaire,

Lui accorder 24 mois de délai pour les sommes qui seraient mises à sa charge.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 18 novembre 2019, la Selarl [V] [O], prise en la personne de Me [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Coco Pal demande à la cour de:

Confirmer le jugement,

Condamner M. [E] à lui payer 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans son avis notifié par RPVA le 19 décembre 2019, le ministère public demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé une interdiction de gérer de 6 ans à l'encontre de Monsieur [E], il s'en remet à la cour en ce qui concerne la condamnation de Monsieur [E] à contribuer à l'insuffisance d'actif dans une limite de 100.000 euros.

SUR CE,

Sur la révocation de la clôture.

M.[E] a déposé des conclusions sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture afin de pouvoir répondre à l'avis du parquet.

Il convient d'assurer le contradictoire et en conséquence il sera fait droit à cette demande de révocation de l'ordonnance de clôture celle-ci étant prononcée au jour de l'audience.

Sur la qualité de dirigeant de M. [E]

M.[E] expose qu'il n'a jamais dirigé effectivement la société, qu'il a fait confiance à M.[U], gérant de fait, qui aurait abusé de sa naïveté, qu'il ne sait ni lire, ni écrire le français et qu'il a, en fait, été engagé en qualité de chauffeur routier salarié par la société Coco Pal.

Il conteste avoir accompli le moindre acte de gestion de la société, affirme n'avoir pas perçu la somme de 93.800 euros comme le soutient le liquidateur judiciaire et précise n'avoir reçu que ses salaires par virement et qu'il ne disposait pas du pouvoir de faire fonctionner les comptes de la société.

A titre subsidiaire, il expose qu'il fait l'objet de poursuites à titre personnel par l'administration fiscale, qu'il rencontre de graves problèmes de santé, qu'il a fait une demande d'allocation d'adulte handicapé, qu'il a été contraint de déposer un dossier auprès de la commission de surendettement, qu'il est père de 3 enfants de 15,13 et 12 ans et sollicite une réduction du montant de la condamnation et des délais de paiement de 24 mois.

La Selarl [V] [O], ès qualités, répond que M.[E] était le dirigeant de droit, qu'il importe peu qu'il ait été rémunéré pour ses fonctions de gérant. Elle relève qu'il est signataire de la déclaration de cessation des paiements, qu'il avait la signature sur le compte bancaire et qu'il a perçu la somme de 93.800 euros en provenance des comptes bancaires de la société Coco Pal.

Elle expose qu'il s'est abstenu de tenir une comptabilité conforme aux flux financiers de l'entreprise et n'a pas déposé ses comptes depuis la création de l'entreprise à l'exception d'une liasse fiscale en 2016, qu'il a opéré des prélèvements sans justification par virements bancaire du compte de l'entreprise sur son compte personnel, qu'il s'est soustrait volontairement au paiement de l'impôt qui a entraîné un redressement fiscal contribuant à l'augmentation frauduleuse du passif.

Elle précise que le passif déclaré s'élève à la somme de 333.406,02 euros.

Elle s'oppose à la mise hors de cause sollicitée et conclut à la confirmation du jugement.

La cour relève que M.[E] était dirigeant de droit de la société débitrice et que le fait que celle-ci ait été dirigée par un dirigeant de fait ne l'exonère pas de sa responsabilité.

I Sur la sanction personnelle.

Au titre de la sanction personnelle, dans son assignation, le liquidateur judiciaire invoquait:

'une augmentation frauduleuse du passif,

'le détournement d'une partie de l'actif,

'une comptabilité irrégulière

'le défaut de remise au liquidateur de la liste des créanciers.

Pour condamner M.[E] à une interdiction de gérer de six ans, les premiers juges ont retenu que la comptabilité était irrégulière, ainsi que l'existence de prélèvements effectués sans justification.

Dans ses conclusions d'appel, le liquidateur judiciaire invoque une augmentation frauduleuse du passif, un détournement d'actif, une tenue irrégulière de comptabilité, ainsi qu'un défaut de remise de la liste des créanciers.

1. Sur l'augmentation frauduleuse du passif.

Le liquidateur judiciaire reproche à M.[E] d'avoir omis d'effectuer une déclaration de TVA, ce qui a abouti à des pénalités d'un montant de 41'555 € et d'avoir minoré le résultat des recettes, ce qui a abouti à une majoration d'impôt de 11'111 €.

M.[E] répond qu'il n'avait pas accès à la comptabilité et que seul M.[U] s'en occupait.

Selon l'article L653-3, 3° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant qui a frauduleusement augmenté son passif.

En l'espèce, les majorations d'impôt consécutives à des défauts de déclarations constituent une augmentation frauduleuse du passif, de sorte que le grief est caractérisé.

2.Sur le détournement de l'actif.

Le liquidateur judiciaire reproche à M.[E] d'avoir perçu des virements bancaires émanant du compte de la société débitrice pour un montant de 93.800 €.

M.[E] conteste avoir reçu cette somme.

Selon l'article L653-1 du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite de tout dirigeant qui a détourné une partie de l'actif.

En l'espèce, il résulte des pièces aux débats que les opérations de vérification de l'administration fiscale ont mis en évidence que M.[E] et son épouse ont perçu de façon très irrégulière diverses sommes pour aboutir un montant de 93'800 € en ce qui concerne les années 2014 et 2015.

Il s'ensuit que le grief est constitué et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a retenu.

3. Sur le défaut de comptabilité.

Le liquidateur judiciaire indique que M.[E] n'a pas tenu de comptabilité régulière, qu'il ne lui a remis qu'une liasse fiscale au titre de l'exercice 2016, ce que celui-ci ne nie pas, se bornant à indiquer qu'il ne sait ni lire ni écrire le français et que c'est le dirigeant de fait qui exerçait réellement la gestion.

Cependant, en sa qualité dirigeant de droit il avait une obligation de tenir une comptabilité, ce qu'il n'a pas fait.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu ce grief.

4. Sur le défaut de remise au liquidateur des renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L622-6 du code de commerce dans le mois suivant le jugement d'ouverture.

Il résulte de l'article L622-66 du code de commerce que le débiteur doit remettre au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours et l'informer des instances en cours auxquelles il est partie.

En l'espèce, le liquidateur judiciaire reproche à M.[E] de ne lui avoir fourni qu'une liste incomplète.

Cependant, tout en reconnaissant que M.[E] lui a remis une liste, il ne fournit aucun élément permettant de caractériser son caractère incomplet, de sorte que ce grief ne sera pas retenu.

5. Sur la durée de la sanction personnelle.

Le liquidateur judiciaire et le ministère public sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M.[E] une sanction d'interdiction de gérer d'une durée de six ans.

Il convient de relever que le fait d'accepter d'être dirigeant de droit d'une société, alors que, selon ses propres aveux, M.[E] ne sait ni lire ni écrire, constitue un acte d'une particulière gravité, démontrant ainsi son incapacité totale à diriger une quelconque entreprise.

C'est donc de façon proportionnée que les premiers juges l'ont condamné à une interdiction de gérer d'une durée de six ans. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

II Sur la sanction patrimoniale.

Ainsi qu'il a été précédemment démontré, M.[E] a multiplié les fautes de gestion, en tenant pas de comptabilité et en omettant d'effectuer les déclarations fiscales, ce qui a eu pour effet d'augmenter le passif. De même constitue une faute de gestion le fait de prélever à titre personnel des sommes pour un montant de 93'000 € sans justificatif, ainsi qu'il résulte de la vérification fiscale.

M.[E] conteste avoir reçu cette somme et indique qu'elle correspondait à des salaires d'un montant de 1705 € par mois.

Ces fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif.

Toutefois, il convient de relever que M.[E] avait effectivement droit un salaire en qualité de chauffeur, et il faut donc considérer les prélèvements de 93'000 € mis en évidence par l'administration fiscale, au regard du salaire auquel il avait effectivement droit.

Compte tenu de ces éléments, ainsi que de sa situation personnelle,M.[E], lequel est atteint de plusieurs maladies graves, ainsi qu'il résulte du certificat médical du 1er mars 2019, ce qui a provoqué de nombreuses hospitalisations, et également de sa situation financière, le couple ne percevant actuellement que des prestations 2813 € par mois, il convient de limiter le montant de la condamnation sur le fondement de sa responsabilité pour insuffisance d'actif à une somme de 48'000 € et d'accorder à M.[E] des délais de deux ans, celui-ci étant donc autorisé à s'acquitter du paiement de cette somme par mensualités pendant une période de deux ans, à compter de la signification de la présente décision, avec déchéance du terme en cas de non-respect de cet échéancier.

III. Sur les dépens et les frais hors dépens.

M.[E] sera condamné aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 € application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Révoque l'ordonnance de clôture,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné M.[E] à une interdiction de gérer, diriger, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de six ans et a ordonné la publicité de cette condamnation au fichier national des interdits de gérer tenu par le conseil national des tribunaux de commerce,

Confirme le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité pour insuffisance d'actif,

L'infirme sur le montant de la condamnation,

Statuant à nouveau,

Condamne M.[E] à payer entre les mains de la Selarl [V]-[O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coco Pal, une somme de 48'000 € au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif,

Autorise M.[E] à s'acquitter du montant de cette somme en 24 mensualités égales et dit qu'à défaut de paiement d'une mensualité à son échéance la totalité de la somme sera immédiatement exigible,

Condamne M.[E] aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2000 € pour frais hors dépens.

La greffière La Présidente

Liselotte FENOUIL Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/02797
Date de la décision : 22/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°19/02797 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-22;19.02797 ?
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