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20/05/2020 | FRANCE | N°18/03074

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 20 mai 2020, 18/03074


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 20 Mai 2020



(n° 2020/ , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03074 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FFS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/04700





APPELANTE



Madame [W] [I]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 5] - Maro

c

Demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Isabel CAVANNA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0380

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/007475 d...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 20 Mai 2020

(n° 2020/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03074 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FFS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/04700

APPELANTE

Madame [W] [I]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 5] - Maroc

Demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Isabel CAVANNA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0380

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/007475 du 25/04/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

Monsieur [E] [D]

N° SIRET : 390 333 870 00017

Sise [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Valérie LE BRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267

La société SCP [D]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Valérie LE BRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Christine HERVIER dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

En présence de Mme [V] [K], stagiaire PPI.

Greffier, lors des débats : Mme Marine BRUNIE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le prononcé de l'arrêt, initialement fixé dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, ayant été modifié en raison de l'état d'urgence sanitaire

- signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et par Marine BRUNIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée à effet au 11 mars 2002, Mme [W] [I] a été embauchée par M. [E] [D], notaire à [Localité 4], en qualité d'employée accueil standard qualifiée, catégorie employé, niveau 3, coefficient 117 selon la classification de la convention collective du notariat du 8 juin 2001, applicable à la relation de travail moyennant un salaire mensuel brut de 1 602,23 euros sur treize mois pour une durée hebdomadaire de travail de 37 heures.

Mme [I] a présenté des arrêts de travail pour maladie ne relevant pas du régime des risques professionnels à compter du mois de mars 2008 et n'a plus repris d'activité au sein de l'entreprise.

Par courrier recommandé du 25 juin 2008 Mme [I] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 8 juillet 2008, puis s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier adressé sous la même forme le 16 juillet 2008.

M. [D] employait habituellement au moins 11 salariés. Il a pris sa retraite en octobre 2013 et l'office a été repris par d'autres notaires.

Estimant être victime de harcèlement moral et de discrimination, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 16 septembre 2013 en nullité de son licenciement et condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. Après radiation prononcée le 12 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Paris, section activités diverses, statuant en formation de départage, a, par jugement du 25 janvier 2018 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure initiale et des prétentions antérieures des parties :

- rejeté la demande de rejet des pièces 43 à 47 de la demanderesse et des demandes relatives au harcèlement discriminatoire, au complément d'indemnité de licenciement, et au solde de salaire du mois de juillet 2008, présentées par M. [D],

- déclaré Mme [I] irrecevable en ses demandes relatives à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, au complément d'indemnité de licenciement, au solde de salaire du mois de juillet 2008, aux dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux, à la somme due au titre de la garantie professionnelle, et aux dommages et intérêts pour non respect du droit de l'information sur la formation professionnelle,

- débouté Mme [I] de l'intégralité de ses autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de Mme [I].

Mme [I] a régulièrement relevé appel du jugement le 15 février 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante transmises par voie électronique le 17 février 2020 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [I] prie la cour de :

- Infirmer le jugement,

- dire son action non prescrite au jour de la saisine du conseil de prud'hommes

A titre principal :

- prononcer la nullité de son licenciement,

- Ordonner, après paiement de toutes les sommes qui lui sont dues, sa réintégration au sein de l'étude notariale, [C] [M], [O] [H], Notaires associés de la SCP, successeurs de Me. [E] [D], dans son poste ou dans un emploi au moins équivalent, avec paiement sous astreinte de 50 euros par jour de tous les salaires et indemnité d'éviction que la salariée aurait perçus depuis son licenciement jusqu'au jour de sa réintégration, et ainsi condamner M. [D] à lui verser les sommes de :

* 274 623,75 euros à titre de salaires sur la période couverte par la nullité jusqu'à sa réintégration effective outre 27.462,37 euros de congés payés incidents,

* 65 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements de harcèlement moral,

* 40 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements de discrimination

- si la réintégration devait être jugée matériellement impossible, condamner M. [D] au paiement des sommes suivantes :

* 275 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

* 65 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements de harcèlement moral,

* 40 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements de discrimination,

En tout état de cause :

- condamner M. [D] au paiement des sommes suivantes :

* 2 034,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis non payé

* 203,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur solde d'indemnité de préavis,

* 1 435,27 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

* 1 786,81 euros au titre des salaires du mois de juillet 2008,

* 178,68 euros de congés payés incidents,

* 2 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux

* 12 205,00 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la garantie d'emploi conventionnelle,

* 5 000 euros de dommages et intérêts pour non bénéfice du droit individuel à l'information sur la formation

* 3.000 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991,

A titre subsidiaire :

- condamner M. [D] au paiement des sommes suivantes :

* 48 822 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 65 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements de harcèlement moral,

* 40 000 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice lié à la discrimination,

En tout état de cause :

- condamner M. [D] au paiement des sommes de :

* 2 034,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 203,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 435,27 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

* 1 786,81 euros au titre des salaires du mois de juillet 2018,

* 178,68 euros de congés payés incidents,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux,

* 12 205 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la garantie conventionnelle,

* 5 000 euros de dommages et intérêts pour non bénéfice du droit individuel à l'information sur la formation,

* 3 000 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

- débouter l'intimé de l'intégralité de ses demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé transmises par voie électronique le 24 juillet 2018 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [D] et la SCP [D] prient la cour de :

A titre principal :

- dire prescrites les demandes formulées par Mme [I] tant au titre de son licenciement que des agissements de harcèlement moral et discrimination

- en conséquence, déclarer l'ensemble des demandes formulées par Mme [I] irrecevables et l'en débouter,

A titre subsidiaire :

- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire :

- débouter Mme [I] de sa demande de réintégration et de rappel de salaire au titre de la nullité de son licenciement,

- débouter Mme [I] de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts à hauteur de 250 000 euros ou, à tout le moins, la limiter à la somme de 9 949,27 correspondant à ses six derniers mois de salaire,

- débouter Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 48.822 euros ou, à tout le moins, la limiter à la somme de 9.949,27 euros,

- la débouter du surplus de ses demandes,

- débouter Mme [I] de sa demande à hauteur de 3.000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à tout le moins, la ramener à de plus justes proportions,

- débouter Mme [I] de sa demande au titre de l'anatocisme.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 février 2020.

MOTIVATION :

Sur la prescription :

M. [D] soulève la prescription des demandes formées tant au titre de l'exécution du contrat de travail que de sa rupture.

Mme [I] conclut au rejet de la fin de non recevoir soulevée en contestant le point de départ du délai de prescription retenu par l'employeur et en invoquant l'application de l'article 2234 du code civil sur la force majeure.

Sur la prescription des demandes relatives à la rupture du contrat de travail :

La cour rappelle en premier lieu que contrairement à ce que soutient la salariée le point de départ de la prescription n'est pas le dernier jour du préavis mais celui de la notification du licenciement soit en l'espèce le 16 juillet 2008. En application de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription alors en vigueur était de cinq ans et ce délai était en cours lors l'entrée en vigueur de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 le ramenant à deux ans de sorte qu'en application des dispositions transitoires prévues par l'article 21 v de cette loi, le nouveau délai de prescription est applicable à compter de la promulgation de la loi sans que la durée totale du délai puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Il en résulte que le délai de prescription courait jusqu'au 16 juillet 2013 et que l'action de Mme [I], intentée le 16 septembre 2013 est donc tardive.

En application de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi ou de la convention ou de la force majeure. C'est à Mme [I] qui l'invoque de rapporter la preuve de la situation de force majeure l'ayant empêchée de contester son licenciement. Or, elle échoue à rapporter cette preuve en se contentant de produire d'une part un certificat médical établi le 19 décembre 2014 par un médecin généraliste selon lequel elle a développé un syndrome dépressif sévère ayant duré jusqu'à l'automne 2013 la rendant inapte à assurer toute procédure judiciaire et dont les mentions faisant état de mauvaises relations avec l'employeur reproduisent en réalité les déclarations de la patiente et d'autre part des certificats médicaux faisant état des interventions qu'elle a subies en raison de problèmes ophtalmiques en 2009, 2010 et 2012 ; l'ensemble de ces pièces médicales ne suffisant pas à établir un événement imprévisible et irrésistible l'empêchant d'intenter une action en justice à l'encontre de son employeur pendant cinq ans.

La cour, déclarera donc l'action de Mme [I] prescrite en ce qu'elle porte sur la nullité et l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ainsi que pour toutes les demandes en découlant : réintégration, indemnité pour licenciement nul, rappel de salaire jusqu'à la réintégration, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, et congés payés afférents, indemnité de licenciement, dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux, absence de respect de la garantie professionnelle, non respect du DIF.

Sur la prescription des demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et discrimination :

M. [D] soutient que les demandes sont prescrites pour les faits discriminatoires en application de l'article L. 1134-5 du code du travail, la discrimination se prescrivant par cinq ans à compter de la révélation du caractère discriminatoire. Mme [I] s'oppose à la demande en faisant valoir que la date à laquelle elle a eu connaissance de la discrimination dont elle a été victime remonte au 16 octobre 2008, date du dernier courrier que lui a adressé l'employeur.

Ce courrier du 16 octobre 2008 qu'elle communique est une lettre de l'employeur par lequel il lui indique qu'il réfute ses allégations diffamatoires, que ses critiques sur le décompte ne sont pas justifiées et qu'il n'entend donc pas donner aucune suite à son courrier.

La cour considère que ce courrier ne constitue aucunement une révélation des éléments de discrimination dénoncés par la salariée et constituant le point de départ du délai de prescription alors qu'elle se plaint de faits datant pour la plupart de 2003 et 2006 et d'avant juillet 2008 dont elle a eu connaissance du caractère discriminatoire allégué antérieurement au licenciement puisqu'elle écrit à l'employeur dans une lettre du 22 mai 2006 qu'elle 'ne peut plus continuer à faire l'objet de sa part d'un traitement discriminatoire et malveillant'.

La cour considère en conséquence que la salariée connaissait dès son licenciement l'ensemble des éléments de faits qu'elle présente comme laissant supposer l'existence d'une discrimination et qu'elle ne justifie pas avoir eu la révélation de leur caractère discriminatoire seulement le 16 octobre 2008.

La demande de dommages-intérêts pour discrimination est donc irrecevable en raison de la prescription.

S'agissant de la prescription de la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :

L'employeur soulève la prescription de la demande en faisant valoir que celle-ci est soumise au délai de prescription de cinq ans de droit commun et que la salariée ne peut invoquer des faits postérieurs au licenciement. Mme [I] s'oppose cependant à juste titre à l'irrecevabilité soulevée en faisant valoir que le point de départ du délai de prescription est la date du dernier fait de harcèlement allégué de sorte que, celui-ci étant constitué par le courrier du 16 octobre 2008 daté du dernier jour du préavis de trois mois prévu par l'article 12.3 de la convention collective, la demande sera déclarée recevable et la cour en examinera le bien fondé au fond.

S'agissant de la prescription de la demande de rappel de salaire pour le mois de juillet 2018 :

L'employeur fait valoir que la demande est prescrite dès lors que le point de départ du délai de prescription en matière de rappel de salaire lorsque le contrat est rompu est la date de la rupture du contrat de travail.

Cependant l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa version en vigueur en juillet 2008 par référence à l'article 2224 du code civil disposait que l'action en paiement des salaires se prescrivait par cinq ans à compter de la date à laquelle celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. En l'espèce, le point de départ du délai de prescription de la demande se situe donc à la date d'exigibilité des salaires soit le 31 juillet 2008 de sorte que l'action de Mme [I], diligentée le 16 septembre 2013 est prescrite étant rappelé que les dispositions transitoires de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 ramenant le délai de prescription à trois ans sont applicables à compter de la promulgation de la loi sans que la durée totale puisse excéder celle qui était initialement prévue.

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande, Mme [I] invoque plusieurs séries de faits constitués soit par des menaces, agressions verbales, insultes désobligeantes, soit par des sanctions disciplinaires injustifiées, soit par une mauvaise application des dispositions légales et conventionnelles en matière de congés payés, RTT, durée du préavis, soit par la non prise en compte de ses absences pour arrêt maladie, soit enfin par la remise tardive de ses bulletins de salaire.

La cour relève en premier lieu que les menaces, agressions verbales, insultes désobligeantes évoquées par la salariée ne ressortent que des propres courriers de celle-ci ainsi que d'une attestation émanant de l'une de ses amies n'ayant pas constaté les faits par elle-même et ne sont corroborées par aucun élément objectif de sorte que la cour ne les retiendra pas.

En revanche, la matérialité des autres faits est établie et pris dans leur ensemble, ceux-ci sont de nature à laisser supposer des agissements de harcèlement moral de sorte qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

S'agissant des sanctions disciplinaires, l'avertissement du 21 avril 2006 a été délivré pour absence injustifiée alors que la salariée produit un arrêt de travail pour cette journée et que l'avertissement lui a été notifié sans même qu'elle ait eu le temps de l'envoyer à son employeur et sans même qu'il lui demande de justifier son absence et M. [D] ne produit aucun élément suffisant à démontrer que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

S'agissant du litige entre les parties qui s'est reproduit année après année à propos des jours de congés et de RTT, la cour considère que l'employeur se contente d'invoquer les nécessités du service pour justifier ses refus aux demandes présentées par Mme [I] sans en justifier et échoue à démontrer que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

S'agissant de l'envoi tardif des bulletins de salaire, Mme [I] démontre que les bulletins de salaire des mois de juin et juillet 2008 ne lui ont pas été adressés à leur date d'exigibilité mais postérieurement dès lors que celui du mois de juin porte mention d'une date de fin de contrat au 19 septembre 2008 alors que le 30 juin 2008, le licenciement n'avait pas été prononcé, sans que l'employeur soit en mesure de démontrer que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Enfin, s'agissant de la durée du préavis, l'employeur admet avoir fixé la date de fin de contrat au 19 septembre 2008 alors que le préavis était de trois mois en application de l'article 12.3 de la convention collective et non de deux et reconnait une erreur dans ses écritures ce qui ne suffit pas à démontrer que cette mauvaise évaluation était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout agissement de harcèlement moral.

Il résulte de ce qui précède des éléments suffisants pour considérer que Mme [I] a été victime d'agissement répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou d'altérer sa santé dans les conditions de l'article 1152- 1 du code du travail de sorte qu'il sera fait droit à sa demande et que M. [D] sera condamné à lui payer la somme de 2 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice.

Sur les autres demandes :

La SCP [D] dont la qualité d'employeur n'est pas établie et qui est aujourd'hui dissoute sera mise hors de cause.

M. [D] sera condamné aux dépens de l'instance mais la cour ne fera pas application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 profit de Mme [I].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré Mme [I] irrecevable en ses demandes relatives à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, au complément d'indemnité de licenciement, au solde de salaire du mois de juillet 2008, aux dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux, à la somme due au titre de la garantie professionnelle, et aux dommages et intérêts pour non respect du droit de l'information sur la formation professionnelle,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :

Déclare les demandes présentées par Mme [W] [I] relatives à la nullité du licenciement, aux demandes en découlant, aux dommages intérêts pour discrimination irrecevables en raison de la prescription,

Condamne M. [E] [D] à payer à Mme [W] [I] la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

Met hors de cause la SCP [D],

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 au profit de Mme [W] [I],

Condamne M. [E] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/03074
Date de la décision : 20/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°18/03074 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-20;18.03074 ?
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