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20/05/2020 | FRANCE | N°18/02074

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 20 mai 2020, 18/02074


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 20 Mai 2020



(n° 2020/ , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02074 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5ARF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 14/12236



APPELANTE



Madame [W] [D]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]



Rep

résentée par Me Sophie BURY, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



La société LA POSTE

N° SIRET : 356 000 000

Sise [Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Antoine SAPPIN de la SELARL...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 20 Mai 2020

(n° 2020/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02074 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5ARF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 14/12236

APPELANTE

Madame [W] [D]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sophie BURY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

La société LA POSTE

N° SIRET : 356 000 000

Sise [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Antoine SAPPIN de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Christine HERVIER dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

En présence de Mme [Z] [M], stagiaire PPI.

Greffier, lors des débats : Mme Marine BRUNIE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le prononcé de l'arrêt, initialement fixé dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, ayant été modifié en raison de l'état d'urgence sanitaire

- signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et par Marine BRUNIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat à durée indéterminée à effet du 7 avril 2008, Mme [W] [D] a été engagée par la société La Poste comme responsable de la stratégie en communication interne et externe du courrier sur le développement durable et responsable, statut cadre. De 2010 à avril 2012, elle a géré la communication de l'association Culture papier pour le développement durable du papier et de l'imprimé (ci après l'association Culture papier). Elle bénéficie du statut de salariée protégée depuis le mois de janvier 2011, et depuis 2015 est élue au comité technique local de la branche service courrier colis de La Poste. Dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [D] percevait une rémunération mensuelle brute de base de 5 250 euros pour une durée de travail soumise à un forfait annuel de 211 jours.

Le 24 septembre 2014, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de la société La Poste pour obtenir, dans le dernier état de sa demande, la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail, soutenant être victime de harcèlement moral et de discrimination syndicale.

Le 17 juillet 2015, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de l'association Culture et papier afin d'obtenir essentiellement sa condamnation à lui payer des dommages-intérêts soutenant avoir fait l'objet d'un prêt de main-d''uvre illicite au profit de cette association.

À la suite des deux procédures diligentées par Mme [D], le conseil de prud'hommes de Paris a rendu deux décisions distinctes, le 26 décembre 2017 par lesquelles, il a :

- débouté Mme [D] de sa demande dans la procédure diligentée à l'encontre de l'association Culture et papier,

- dans la procédure diligentée contre la société La Poste, condamné la société à payer à Mme [D] la somme de 15'000 euros pour harcèlement moral et la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la déboutant du surplus de ses demandes et a débouté la salariée du surplus de ses demandes.

Mme [D] a relevé régulièrement relevé appel du jugement le 26 janvier 2018 dans l'affaire l'opposant à la société La Poste, étant précisé que l'appel relevé à l'encontre du jugement rendu dans le cadre de l'instance opposant Mme [D] à l'association Culture papier fait l'objet d'une procédure distincte.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant numéro 2 transmise par voie électronique le 28 janvier 2020 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [D] demande à la cour de :

- condamner solidairement la société La Poste et l'association Culture papier à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour prêt de main-d''uvre illicite,

- fixer son salaire annuel à la somme de 85'000 euros brut hors primes de rémunération variable,

- condamner la société La Poste à lui payer les sommes suivantes :

* 50'486,60 euros bruts à titre de rappel de salaire pour prime d'objectifs,

* 5 048,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 50'290,24 euros brut à titre de rappel de salaire pour discrimination,

* 5 029,02 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 30'000 euros brut à titre d'indemnité pour harcèlement moral,

* 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société La Poste à lui financer une formation externe diplômante de type Master 2 ou MBA à hauteur de la somme de 20'000 euros hors-taxes,

- ordonner à La Poste de lui confier des missions correspondant à sa qualification dans un autre service,

- ordonner la remise des bulletins de salaire rectifiés,

- condamner La Poste aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 18 février 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société La Poste prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [D] la somme de 15'000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- confirmer le jugement dans ses autres dispositions,

- débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes, la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- subsidiairement, apprécier les éventuelles condamnations à de plus justes proportions, débouter Mme [D] de sa demande de rappel de rémunération variable et de rappel de salaire,

- très subsidiairement, constater qu'elle ne pourrait prétendre qu'à une rémunération fondée sur la moyenne de rémunération des salariés du seul groupe B à l'exclusion des salariés appartenant au groupe C.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 février 2020.

MOTIVATION :

Sur le prêt de main d'oeuvre illicite :

Mme [D] soutient qu'elle a fait l'objet d'un prêt de main-d''uvre illicite dès lors que la société La Poste l'a mise à la disposition de l'association Culture papier à titre lucratif au mépris de l'article L. 8241-1 du code du travail et subsidiairement, si la cour devait considérer qu'elle n'a pas été mise à disposition à titre lucratif, mais à titre non lucratif, sans respect des conditions de l'article L. 8241-2 du code du travail.

La société La Poste conclut au débouté et à la confirmation du jugement en soutenant que Mme [D] n'a pas été mise à disposition de l'association Culture et papier contrairement à ce qu'elle prétend et que la mission qui lui a été confiée entrait dans le cadre contractuel.

A titre liminaire, la cour précise que les demandes présentées à l'encontre de l'association Culture papier qui n'est pas dans la cause sont irrecevables.

La cour observe en premier lieu que selon les mentions de son contrat de travail, Mme [D] était responsable de la stratégie de communication interne et externe du courrier sur le développement responsable. Sa fiche de poste définissait ses missions effectuées sous la responsabilité du directeur des relations institutionnelles comme consistant à définir une stratégie de communication développement durable pour le compte de la branche service courrier colis, à mettre en 'uvre le plan d'action de communication annuelle et coordonner l'action de l'ensemble des interlocuteurs.

Il est constant qu'entre 2010 et le mois d'avril 2012, Mme [D] a géré en partie la communication de l'association Culture papier créée en 2010 par la Poste et d'autres institutions. Contrairement à ce que soutient la salariée, cette tâche n'a pas été effectuée dans le cadre d'une opération de prêt illicite de main-d''uvre à but lucratif prohibée par l'article L. 8241-1 du code du travail dès lors qu'il est constant que La Poste n'a pas facturé à l'association les prestations effectuées par Mme [D] et qu'elle est restée rémunérée par La Poste.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme [D], elle est demeurée sous la subordination juridique de son employeur d'origine et les quelques mails qu'elle verse aux débats ne suffisent pas à établir qu'elle était sous celle du directeur général de l'association M. [B] puisque la cour observe que dans un mail du 28 septembre 2011, elle explique elle-même qu'elle 'débriefe' son hiérarchique JMR chaque jour du bureau comme de tous ses dossiers Culture Papier et que par ailleurs, dans un mail du 29 août 2011 son supérieur hiérarchique M. [J] [X] lui demande qu'après chaque bureau/CA de Culture papier elle fasse un mail de 10 lignes à quelques personnes pour les tenir au courant.

De plus, il est constant que l'association Culture papier ne disposait d'aucun moyen matériel nécessaire à son activité et que Mme [D] n'était pas présente dans les locaux de l'association sauf de manière ponctuelle.

Il résulte de ce qui précède des éléments suffisants pour établir que Mme [D] n'a pas été mise à disposition de l'association Culture papier et que la mission qui lui a été confiée entrait dans le cadre contractuel général de son activité de responsable communication, l'employeur lui confiant celle de l'association Culture et papier dans le cadre de son pouvoir de direction.

La demande de dommages-intérêts qu'elle présente sera donc rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef.

Sur le harcèlement moral :

Mme [D] soutient qu'elle a fait l'objet d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande sauf à le réformer sur le montant des dommages-intérêts alloués puisqu'elle sollicite une somme de 30'000 euros en réparation de son préjudice.

La société La Poste conclut au débouté et à l'infirmation du jugement.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [D] soutient que le climat social au sein de la direction de la communication était dégradé et pathogène et s'appuie sur une enquête conduite à la demande du CHSCT faisant état de nombreux dysfonctionnements et d'une situation de souffrance au sein de la direction de la communication de la branche service courrier colis. Elle fait également état des refus qui ont été opposés à ses demandes de formation, et de l'arrêt brutal de la formation MBA qu'elle avait commencé à suivre dont le financement avait pourtant été validé par la poste. Par ailleurs, Mme [D] invoque sa déqualification alors que l'employeur ne peut imposer à un salarié protégé comme elle une modification de ses fonctions ou de ses conditions de travail sans son accord ainsi que les violences verbales dont elle a fait l'objet à deux reprises. Enfin, elle invoque la dégradation de ses conditions de travail se manifestant par un changement de bureau et la suppression d'un poste de stagiaire, le refus de l'employeur de lui permettre d'être repositionnée sur d'autres postes au sein du groupe et l'absence de tenue de ses entretiens d'évaluation.

La cour considère qu'au vu des pièces versées par la salariée sont établis les faits suivants :

- une modification de ses conditions de travail avec la création, en 2010, d'un nouvel échelon entre le directeur de la communication et elle-même en la personne de M. [X], directeur de la communication et des relations institutionnelles laquelle s'est accompagnée non seulement d'une modification de son périmètre de fonction dès lors que le courrier responsable devait être porté désormais par chaque pôle et n'était plus l'attribut d'un seul pôle : le sien ; qu'elle a été écartée de certains domaines qui faisaient partie de ses attributions originelles selon sa fiche de fonction (WWF, dossier carbone), mais aussi d'une diminution de ses responsabilités managériales puisque travaillant initialement avec deux collaborateurs, elle a finalement travaillé seule de février à octobre 2015,

- l'existence de pressions afin de lui faire accepter la modification de son contrat de travail dans le courant du dernier trimestre 2011 concrétisées par des courriels insistants,

- des refus d'accéder à ses demandes de formation et notamment un refus de financement intégral de sa formation MBA alors qu'elle avait commencé à la suivre,

- la dégradation de ses conditions de travail par des demandes pressantes pour réaliser des travaux sans lui donner les moyens préalables d'information nécessaires, par des reproches concernant des erreurs qui ne lui étaient pas imputables (mail du 15 septembre 2017 à propos d'un budget dont elle n'était pas responsable) ou en lui demandant d'effectuer des tâches déjà réalisées et dont le résultat avait été transmis à l'employeur,

- des difficultés quant à la perception de sa rémunération pendant son arrêt maladie, en ce compris une perception tardive de sa rémunération variable.

Ces éléments, pris dans leur ensemble sont de nature à laisser supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient donc à l'employeur de démontrer qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

La cour relève en premier lieu que l'employeur reste taisant sur la dégradation de ses conditions de travail établie par la salariée relative aux reproches injustifiés, aux demandes sans objet ou pressantes qui lui étaient faites et se contente d'invoquer les récriminations incessantes de Mme [D] alors que celles-ci, relayées par le CHSCT ou les organisations syndicales constituaient autant d'alertes sur sa situation de souffrance au travail.

Par ailleurs, l'employeur ne peut valablement se retrancher derrière son pouvoir de direction pour justifier le changement des conditions de travail d'un salarié protégé sans son accord et la restriction du périmètre de fonction de Mme [D] au fil du temps, tant en ce qui concerne son domaine d'intervention puisqu'elle s'est vu retirer la gestion du dossier courrier, du dossier carbone, ou les relations avec WWF et qu'elle a été écartée des réunions, les informations lui étant données a posteriori qu'en ce qui concerne son rôle managérial puisqu'outre la réduction de personnel, son supérieur hiérarchique, s'adressant directement à sa collaboratrice, passait outre son rôle de manager, sans qu'il soit justifié d'une carence quelconque de Mme [D] dans ce rôle.

Enfin, l'employeur reste taisant sur le fait que la rémunération variable 2018 de Mme [D] ne lui a été attribuée qu'en mai 2019, alors qu'elle la percevait habituellement en avril.

Il résulte de ce qui précède que l'employeur échoue à démontrer que les faits établis par la salariée sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral de sorte que la cour, retenant que Mme [D] a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet une atteinte à sa dignité, confirmera le jugement en ce qu'il a condamné la société La Poste à lui payer une somme de 15'000 euros de dommages-intérêts, cette somme suffisant à réparer son entier préjudice.

Sur la discrimination :

En application de l'article L. 1134-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application de l'article L.1132-1 du code du travail, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné entant que de besoin, toutes les meures d'instruction qu'il estime utiles

En l'espèce, Mme [D] soutient avoir été victime de discrimination en raison de ses activités syndicales et présente les éléments de fait suivants :

- l'absence de versement de 100 % de sa rémunération variable contractuellement due à objectif atteint,

- le retrait brutal et vexatoire de la formation acceptée par La Poste,

- l'absence d'évolution notable de son salaire fixe de base, constamment inférieur à la ventilation des salaires de sa catégorie professionnelle

S'agissant de sa rémunération variable, Mme [D] soutient qu'elle n'a perçu qu'une faible part du montant prévu par son contrat de travail, alors qu'elle atteignait pourtant entre 100 et 120 % de ses objectifs chaque année ce qui aurait dû entraîner le versement d'une rémunération variable égale à 20 % de sa rémunération annuelle brute. Les faits sont établis et le montant des sommes perçues n'est pas contesté.

S'agissant de la formation, Mme [D] reproche à l'employeur d'avoir refusé de prendre en charge la totalité de sa formation en MBA en 2011 alors que dans le même temps elle finançait intégralement la formation d'un autre salarié, M. [P], dont le coût était bien supérieur à la sienne ainsi que celle d'une autre salariée, Mme [T]. La cour observe que la société La Poste se contente de démentir les allégations de Mme [D] sans produire aucun élément relatif aux formations de ces deux salariés malgré la sommation de communiquer notifiée par Mme [D] le 10 juillet 2015 de sorte qu'elle retiendra les faits comme établis.

Enfin en troisième lieu, Mme [D] fait état de l'absence d'évolution notable de son salaire fixe de base alors qu'elle était cadre stratégique et du fait que sa rémunération se situe constamment sur le point inférieur de la ventilation des salaires de sa catégorie professionnelle en se comparant à la moyenne des salariés du groupe B et C et la cour observe que les bilans sociaux de La Poste versés aux débats confirme ses allégations au moins pour l'année 2013 puisqu'il y apparaît que la moyenne des salaires du geoupe B auquel appartient la salariée était supérieure à sa rémunération annuelle de sorte qu'elle retiendra les faits comme établis.

L'ensemble de ces faits laissant supposer une discrimination, il appartient à la Poste de démontrer qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

S'agissant de la rémunération vairiable de la salariée, les dispositions contractuelles indiquaient qu'à son salaire « s'ajoutera une prime variable liée aux résultats obtenus dans le poste et déterminée dans le cadre des procédures d'appréciation de la performance développée par La Poste. Le montant de cette prime pourra atteindre 20 % de son salaire annuel brut tel que défini aux 3 premiers alinéas de la présente partie « rémunération ». ». La société La Poste fait valoir à juste titre que l'appréciation de la performance dépendait donc de facteurs personnels et de facteurs collectifs qu'elle a expliqués dans un document daté de 2013 de sorte que la seule atteinte de ses objectifs personnels par la salariée ne conduisait pas automatiquement à l'attribution du maximum de la rémunération variable. Il appartient donc à l'employeur de démontrer que la performance collective ne lui permettait pas d'attribuer à la salariée la totalité de la rémunération variable prévue au contrat. Ne produisant aucun élément sur ce point alors qu'elle est seule détentrice des données et de la méthode d'appréciation, la société La Poste échoue à prouver que l'absence de versement de la totalité de la rémunération variable est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

S'agissant de l'absence de financement intégral de la formation commencée par Mme [D], il appartient à l'employeur de démontrer que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Or, en s'abstenant de déférer à la sommation de communiquer notifiée sur ce point par Mme [D], La Poste qui se contente de démentir les faits ou d'expliquer que compte tenu du grand nombre de salariés syndiqués dans ses effectifs il est inenvisageable de supposer qu'elle puisse avoir une attitude discriminante, ne démontre pas que les faits sont en réalité justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La cour retiendra donc que Mme [D] a été victime de discrimination quant au financement de sa formation en raison de son appartenance syndicale.

Enfin, s'agissant du montant de la rémunération de Mme [D] et son évolution, la cour observe que si comme le soutient l'employeur, la salariée établit sa comparaison sur la base de bilans sociaux englobant dans une seule catégorie les rémunérations des salariés des groupes B et C, alors que les salaires du personnel relevant du groupe C, groupe des cadres dirigeants sont supérieurs à ceux du groupe B auquel appartient la salariée, il n'en demeure pas moins que les chiffres du groupe B fournis pour la seule année 2013 révèlent que son salaire était inférieur à la moyenne perçue par les salariés relevant comme elle du groupe B et que la Poste en se contentant d'évoquer une ancienneté inférieure à celle du groupe majoritaire et en s'abstenant de communiquer les chiffres du groupe B pour les autres années ne produit pas d'éléments suffisant à démontrer que l'infériorité de la rémunération de Mme [D] et de son évolution salariale est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La cour retiendra donc que Mme [D] a bien été vitime de discrimination en raison de son activité syndicale tant en ce qui concerne le financement de sa formation qu'en ce qui concerne sa rémunération de base et le versement de sa rémunération variable.

Sur le rappel de salaire au titre de la rémunération fixe :

Il sera fait droit à la demande présentée par Mme [D] dont l'évaluation n'est pas utilement critiquée par l'employeur de sorte que la société La Poste sera condamnée à payer la salariée la somme totale de 50 290,24 euros brut outre 5 029,02 euros au titre des congés payés y afférents pour la période comprise entre 2012 et 2019.

Au vu des bilans sociaux communiqués, la cour fixera également le salaire annuel fixe de Mme [D] à la somme de 83 796 euros hors prime de rémunération variable.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire présentée au titre de la rémunération variable :

Au vu des salaires annuels perçus et dédution faite des sommes déjà versées par l'employeur pour les salaires exigibles de 2011 à 2018, il sera fait droit à la demande présentée par Mme [D] dont le montant n'est pas utilement critiqué par l'employeur à hauteur de la somme de 50 486,60 euros brut outre 5 048,66 euros brut au titre des congés payés y afférents. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Sur les demandes tendant à obtenir la condamnation de la société La Poste à financer à Mme [D] une formation externe diplômante de type Master 2 MBA à hauteur de 20'000 euros hors-taxes et à lui confier des missions correspondant à sa qualification dans un autre service :

Ces demandes seront rejetées, aucune disposition légale n'autorisant la cour à s'immiscer dans la gestion de l'entreprise et l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction pour le contraindre au financement de telle formation au profit d'un salarié ou à son affectation dans un service. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ces chefs de demande.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et, pour les sommes exigibles postérieurement, à compter de leur date d'exigibilité. Les les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

L'employeur devra remettre à la salariée des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision.

La société La Poste sera condamnée aux dépens et devra indemniser Mme [D] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société Culture papier,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société la Poste à payer à Mme [W] [D] la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral et l'a déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour prêt de main d'oeuvre illicite et tendant à obtenir la condamnation de la société La Poste à lui financer une formation externe diplômante de type Master 2 ou MBA à hauteur de 20'000 euros hors-taxes et à lui confier des missions correspondant à sa qualification dans un autre service,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Fixe la rémunération annuelle brute hors prime de Mme [W] [D] à la somme de 83 796 euros,

Condamne la société La Poste à payer à Mme [W] [D] les sommes de :

- 50 486,60 euros brut outre 5 048,66 euros brut au titre des congés payés y afférents à titre de rappel de salaire sur rémunération variable pour la période courant entre 2011 et 2018,

- 50 290,24 euros brut outre 5 029,02 euros au titre de congés payés y afférents à titre de rappel de salaire sur rémunération fixe, pour la période courant de 2012 à 2018 ;

Rappelle que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la récpetion par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et pour les sommes exigibles postérieurement, à compter de leur date d'exigibilité et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter le la décision qui les prononce,

Condamne la société La Poste à payer à Mme [W] [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société La Poste aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/02074
Date de la décision : 20/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°18/02074 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-20;18.02074 ?
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