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20/05/2020 | FRANCE | N°17/10764

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 20 mai 2020, 17/10764


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 20 Mai 2020



(n° 2020/ , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10764 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B37HH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 15/09251



APPELANTE



Madame [F] [L]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]
>

Représentée par Me Saïd SADAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305



INTIMEE



La société MAC MAHON DEVELOPPEMENT

Sise [Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 20 Mai 2020

(n° 2020/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10764 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B37HH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 15/09251

APPELANTE

Madame [F] [L]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Saïd SADAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

INTIMEE

La société MAC MAHON DEVELOPPEMENT

Sise [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Ségolène THOMAZEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1460

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

Greffiers : Madame Marine BRUNIE et Fabrice LOISEAU , lors des débats

En présence de Mme [X] [O], stagiaire PPI.

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le prononcé de l'arrêt, initialement fixé dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, ayant été modifié en raison de l'état d'urgence sanitaire

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente de chambre et par Madame Marine BRUNIE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat à durée indéterminée du 18 septembre 2006, Mme [F] [L] a été embauchée par la société Mac Mahon développement en qualité d'assistante de gestion, niveau IV, coefficient 200 de la convention collective nationale de l'immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières et agents immobiliers du 9 septembre 1988 applicable à la relation de travail. Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle percevait une rémunération conduisant à une moyenne brute mensuelle de 1 777,77 euros pour une durée de travail de 151,67 heures. La société employait habituellement moins de 11 salariés.

Mme [L] a présenté des arrêts de travail pour accident de travail qui se sont prolongés du 11 avril 2015 au 7 octobre 2015 et un litige a éclaté entre les parties quant à l'origine de cet arrêt de travail, Mme [L] accusant son employeur de l'avoir agressée sur son lieu de travail le 10 avril 2015. L'employeur a déclaré cet accident du travail le 9 juin 2015 en émettant des réserves et la CPAM a notifié à Mme [L] un refus de prise en charge au titre de la législation du travail qu'elle a contesté. La procédure était pendante devant la cour au jour des débats.

Par requête enregistrée le 23 juillet 2015, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

La première visite de reprise s'est tenue le 6 janvier 2016 et la seconde le 25 janvier 2016 à l'issue de laquelle le médecin du travail a déclaré Mme [L] inapte au poste et a précisé qu'elle serait apte à un poste de travail sans contraintes physiques ou organisationnelles, un télétravail étant possible sur un poste administratif, d'accueil ou de standard.

Par lettre recommandée du 24 février 2016, la société Mac Mahon développement a convoqué Mme [L] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 mars 2016 puis, lui a notifié son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par courrier adressé sous la même forme le 14 mars 2016.

Par jugement du 31 mars 2017 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure initiale et des prétentions antérieures des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section commerce, a :

- condamné la société Mac Mahon développement à payer à Mme [L] les sommes de :

* 626,95 euros à titre de rappel de salaire sur prime d'ancienneté,

* 500 euros de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale,

* 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [L] du surplus de ses demandes et la société Mac Mahon développement de sa demande reconventionnelle.

Mme [L] a régulièrement relevé appel du jugement le 28 juillet 2017.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante transmises par voie électronique le 30 octobre 2017 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [L] demande à la cour de :

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Mac Mahon développement à lui verser la somme de 625,95 euros au titre du rappel de primes conventionnelles, celle de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné l'employeur pour défaut de visite médicale et a débouté la société Mac Mahon développement de ses demandes reconventionnelles,

A titre principal :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail au 14 mars 2016,

- dire que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Mac Mahon développement à lui payer les sommes de :

* 3 555,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 355,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 4 222,20 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement arrêtée au 14 mars 2016

,

* 63'000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire :

- prononcer la nullité du licenciement, subsidiairement dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société Mac Mahon développement à lui payer les sommes de :

* 3 555,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 355,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 6 755,23 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement arrêtée au 14 mars 2016

,

* 63'000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul ou rupture abusive du contrat de travail,

- condamner la société Mac Mahon développement à lui payer les sommes suivantes pour préjudice distinct :

* 10'000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 3 500 euros de dommages-intérêts pour défaut de surveillance médicale,

* 3 500 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive à déclarer un accident du travail,

* 3 500 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive à la reprise du versement des salaires après inaptitude,

* 3 500 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive dans la délivrance des documents de fin de contrat,

- condamner la société Mac mahon développement à lui payer les sommes suivantes à titre de rappel de salaire :

* 1 066,66 euros sur la période du 26 février au 14 mars 2016,

* 626,99 euros à titre de rappel sur prime conventionnelle d'ancienneté arrêtée au 14 mars 2016,

- ordonner la délivrance de bulletins de paie conformes ainsi que la remise d'un solde de tout compte et d'une attestation Pôle Emploi mentionnant la résiliation judiciaire du contrat de travail et intégrant l'ensemble des rémunérations y compris celles issues des condamnations à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir, la cour se déclarant compétente pour liquider l'astreinte,

- condamner la société Mac Mahon développement au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux dépens,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement avec intérêts au taux légal à compter de la saisine et capitalisation des intérêts,

- débouter la société Mac Mahon développement de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée transmises par voie électronique le 8 janvier 2018 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Mac Mahon développement prie la cour de :

- confirmer le jugement et débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à lui payer à titre reconventionnel les sommes de :

- 30 000 euros pour procédure abusive en raison de la prétendue agression physique,

- 30'000 euros pour procédure abusive en raison du prétendu harcèlement moral,

- subsidiairement, ramener les demandes de Mme [L] à de plus justes proportions,

- la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 janvier 2020.

MOTIVATION :

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement comme c'est le cas en l'espèce, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et, si tel est le cas, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Mme [L] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en invoquant à l'encontre de celui -ci :

- des manquements à l'obligation de sécurité,

- des agissements de harcèlement moral,

- un manquement à l'obligation de payer au salarié la rémunération convenue,

- des irrégularités dans la conduite de la procédure de licenciement,

- des manquements lors de l'établissement du solde de tout compte.

La société Mac Mahon développement conteste l'ensemble des manquements qui lui sont reprochés mettant en avant un esprit de vengeance de la salariée et l'ancienneté des relations personnelles qu'elle entretenait avec le gérant, M. [U].

Sur les manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité :

Mme [L] fait état d'une agression physique et verbale sur le lieu du travail le 10 avril 2015, et dénonce également l'absence de suivi médical pendant la relation de travail ainsi que la résistance de l'employeur à organiser la visite médicale de reprise.

S'agissant des faits du 10 avril 2015, Mme [L] explique avoir été prise à partie par son employeur après qu'elle a refusé d'effectuer un travail qu'il entendait lui confier quelques minutes avant la fin de sa journée lorsqu'il est tardivement arrivé au bureau et soutient qu'il lui a crié dessus, l'a injuriée, a jeté son manteau, a soulevé le bureau sur lequel étaient son ordinateur et ses dossiers lesquels ont chuté et qu'il l'a bousculée et serrée fortement par le bras, lui occasionnant des hématomes.

L'employeur conteste la violence de la scène ainsi que la valeur probante de l'attestation de Mme [T] communiquée par la salariée et, démentant toute violence physique, fait valoir que la salariée n'a consulté son médecin que plusieurs jours après les faits allégués, le 15 avril 2016.

Il ressort cependant au vu des pièces communiquées par les deux parties que Mme [T], se tenant dans une pièce voisine de celle où se trouvaient Mme [L] et le gérant de la société Mac Mahon développement, M. [U], a, dans une attestation précise et circonstanciée, expliqué avoir entendu ce dernier « élever fortement la voix en utilisant des expressions particulièrement déplacées comme tu me casses les couilles », puis avoir entendu le bruit des affaires qui tombaient sur le sol et M. [U] qui ordonnait à la salariée de partir, avoir entendu celle-ci crier « au secours » avoir ouvert sa porte de sorte que Mme [L] s'est réfugiée dans son bureau en se tenant le bras. Elle ajoute qu'elle a constaté que des affaires étaient éparpillées sur le sol.

Cette attestation qui corrobore les déclarations de main courante de Mme [L] n'est en rien contredite par celle de M. [H] communiquée par l'employeur qui se tenait lui aussi dans le bureau voisin et a entendu le ton monter et Mme [L] crier au secours.

Enfin, les affirmations de Mme [L] quant à l'existence des violences physiques qu'elle dénonce sont corroborées par les certificats médicaux qu'elle verse aux débats étant précisé que le premier certificat médical du docteur [K] faisant état de 'multiples ecchymoses du bras' est bien daté du 11 avril, lendemain des faits et non pas du 15 contrairement à ce que soutient l'employeur, le cachet de la pharmacie ayant délivré les médicaments prescrits faisant d'ailleurs lui aussi état de cette date du 11 avril.

L'ensemble de ces éléments suffit à caractériser les faits dénoncés, le courrier dactylographié non signé, et ne répondant à aucune des exigences posées par l'article 202 du code de procédure civile, censé émaner de M. [P] associé de M. [U], cogérant avec lui de plusieurs sociétés, étant dépourvu de toute valeur probante.

Par ailleurs, il est constant que la société Mac Mahon développement n'est pas en mesure de justifier avoir procédé au suivi médical de la salariée et que la visite de reprise consécutive à son arrêt de travail n'a été organisée que plusieurs mois après la fin de son arrêt de travail.

La cour retiendra donc que le manquement à l'obligation de sécurité dénoncé par la salarié est établi.

S'agissant du manquement à l'obligation de payer sa rémunération au salarié et les demandes financières en découlant :

Mme [L] reproche en premier lieu à l'employeur de ne pas lui avoir versé la prime d'ancienneté conventionnelle dans sa totalité et dans ses écritures la société Mac Mahon développement explique qu'il s'agit d'une erreur de son service comptable. Au vu de l'article 36 de la convention collective instaurant une majoration du salaire brut en fonction de l'ancienneté et du niveau de classification du salarié, la cour retient que le manquement est caractérisé. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Mac Mahon développement à payer à Mme [L] la somme de 626,99 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté.

En second lieu, Mme [L] reproche à l'employeur de ne pas avoir repris le paiement de son salaire ni engagé de procédure de licenciement dans le mois suivant la tenue de la seconde visite médicale de reprise ayant constaté son inaptitude.

La cour observe à cet égard que l'employeur est effectivement tenu de reprendre le versement de la rémunération du salarié déclaré inapte dans le mois suivant l'avis médical d'inaptitude délivré par le médecin du travail s'il ne le licencie pas, quelle que soit l'origine, professionnelle ou non, de l'inaptitude et qu'en l'espèce la société Mac Mahon développement en se contentant de fournir des bulletins de salaire pour les mois de février et mars ne faisant pas apparaître la reprise du paiement ainsi qu'un tableau récapitulatif insuffisamment explicatif quant aux retenues mentionnées ne démontre pas être libérée de son obligation. La cour considère en conséquence que le manquement dénoncé est établi et fera droit à la demande de rappel de salaire présentée par la salariée à hauteur de la somme de 1 066,66 euros pour la période du 26 février au 14 mars 2016. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de ce chef de demande.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [L] invoque les faits suivants :

- l'agression physique et verbale dont elle a été victime le 10 avril 2015,

- le refus de l'employeur de déclarer l'accident du travail,

- l'absence de suivi médical,

- le versement incomplet de sa prime d'ancienneté,

- la dégradation de ses conditions de travail à la fin de l'année 2013 en raison des reproches vexatoires de l'employeur, de ses emportements répétés, de ses propos infantilisants proférés en public et de l'absence de paiement de ses heures supplémentaires,

- l'absence de communication de ses bulletins de salaire depuis le mois de septembre 2015

La société Mac Mahon développement conteste tout agissement de harcèlement moral mais la cour a retenu que les faits du 10 avril 2015 étaient matériellement établis, que l'employeur s'était abstenu de déclarer l'accident du travail jusqu'au 9 juin 2015 soit pendant près de 2 mois, que Mme [L] n'avait pas bénéficié d'un suivi médical et que sa prime d'ancienneté ne lui avait pas été versée en son entier. Tous ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l'employeur de démontrer qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

La cour relève que quel que soit le motif pour lequel l'employeur s'est mis en colère contre sa salariée, rien ne justifie son emportement verbal et physique peu important que les faits n'aient pas donné lieu à qualification pénale. Par ailleurs, l'erreur du comptable ne suffit pas à justifier que l'intégralité de sa rémunération n'ait pas été versée à Mme [L] et enfin, l'employeur échoue à expliquer pour quelles raisons un délai de 2 mois lui a été nécessaire pour déclarer l'accident du travail de Mme [L] malgré les demandes de celle-ci alors qu'il est légalement tenu d'effectuer la déclaration sans délai, quitte à l'assortir de réserves. La société Mac Mahon développement échoue donc à démontrer que les faits établis par la salariée sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout agissement de harcèlement moral.

Mme [L] produit des certificats médicaux justifiant qu'elle a été arrêtée à la suite des faits du 10 avril 2015 jusqu'en octobre 2015 de sorte que les agissements de l'employeur ont entraîné une dégradation de son état de santé.

Il résulte de ce qui précède que les faits de harcèlement moral sont établis. La société Mac Mahon développement sera condamnée à payer à Mme [L] une somme de 2 000 euros de dommages-intérêts suffisant à indemniser son entier préjudice. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Les manquements retenus par la cour sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que faisant droit à la demande présentée par Mme [L], la cour prononcera la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date d'envoi de la lettre de licenciement soit le 14 mars 2016.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail :

La cour relève que Mme [L] a présenté des arrêts de travail qui se sont prolongés jusqu'en septembre 2015, et que le médecin du travail a prononcé son inaptitude au poste qu'elle occupait en préconisant un aménagement de poste sans contraintes physiques ou organisationnelles ou en télétravail, ce qui revient à interdire tout contact physique avec l'employeur étant rappelé que Mme [L] est la seule salariée de l'entreprise et considère que ces éléments suffisent à établir que l'inaptitude physique de la salariée est la conséquence des agissements de harcèlement moral commis par l'employeur de sorte que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de ce chef de demande et des demandes d'indemnisation en découlant.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, la société Mac Mahon développement sera condamnée à payer à Mme [L] la somme de 3 555,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 355,55 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, en application de l'article 33 de la convention collective, la société Mac Mahon développement sera condamnée à payer à Mme [L] une somme de 4 222,20 euros sur la base d'une ancienneté remontant au 18 septembre 2006.

Sur l'indemnité pour licenciement nul, eu égard à l'âge de Mme [L] (née en 1953), à son ancienneté dans l'entreprise (plus de 9 ans), aux circonstances du licenciement, au montant de sa rémunération des six derniers mois, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure au licenciement (ARE), la société Mac Mahon développement sera condamnée à lui payer la somme de 22'000 euros suffisant à réparer son entier préjudice.

Sur les demandes indemnitaires :

Mme [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 3 500 euros de dommages-intérêts en raison du défaut de surveillance médicale dont elle a fait l'objet mais dès lors qu'elle ne justifie pas du préjudice allégué, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée et le jugement infirmé en ce qu'il a condamné la société Mac Mahon développement à lui payer une somme de 500 euros à ce titre.

Mme [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 3 500 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive à déclarer un accident du travail et dès lors que les faits ont été retenus par la cour et que la carence de l'employeur a nécessité de multiples interventions de la salariée pour faire reconnaître ses droits, son préjudice est justifié et sera suffisamment indemnisé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros. La société Mac Mahon développement sera condamnée au paiement de cette somme et le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de ce chef de demande.

Mme [L] sollicite encore la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 3 500 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive à la reprise du versement des salaires à la suite de l'inaptitude mais dès lors qu'elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui qui a été réparé par l'allocation des rappels de salaire, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Enfin, Mme [L] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 3 500 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive dans la délivrance des documents de fin de contrat et dès lors que l'échange de correspondances qu'elle verse aux débats établit que le 13 avril 2016 les documents n'avaient toujours pas été transmis, que le contrôleur du travail a dû adresser un courrier à l'employeur pour lui rappeler ses obligations le 25 mai 2016 et que l'attestation n'a finalement été délivrée que le 27 mai 2016, il s'en est ensuivi un préjudice pour Mme [L] qui n'a pu s'inscrire au pôle emploi et a dû effectuer des relances et des démarches pour être remplie de ses droits, qui sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros. La société Mac Mahon développement sera condamnée au paiement de cette somme et le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de ce chef de demande.

Sur les demandes reconventionnelles :

Le caractère abusif des demandes présentées par la salariée n'étant pas établi, les demandes de dommages-intérêts présentées par la société Mac Mahon développement à titre reconventionnel seront rejetées et le jugement confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces chefs de demande.

Sur les autres demandes :

Il sera précisé que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale courent à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire courent à compter de la présente décision. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

La société Mac Mahon développement sera condamnée à remettre à Mme [L] des bulletins de paie, une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte, la demande en ce sens sera rejetée.

La demande présentée au titre de l'exécution provisoire par Mme [L] sera rejetée, la présente décision n'étant pas susceptible de recours suspensif.

La société Mac Mahon développement sera condamnée aux dépens et devra indemniser Mme [L] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de ce qui a été alloué en première instance, étant précisé que les frais d'huissier qu'elle a exposés dans le cadre de sa défense et dont elle réclame le paiement au titre des dépens sont englobés dans cette somme.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf sur la condamnation prononcée au titre du rappel de prime conventionnelle et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté Mme [F] [L] de ses demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive à la reprise du versement des salaires et la société Mac Mahon développement de ses demandes reconventionnelles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail au 14 mars 2016 et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement nul,

Condamne la société Mac Mahon développement à payer à Mme [F] [L] les sommes suivantes :

* 3 555,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 355,55 euros au titre des congés payés y afférents,

* 4 222,20 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 22'000 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement,

* 2 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral,

* 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour résistance abusive à effectuer la déclaration d'accident du travail,

* 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour résistance abusive dans la délivrance des documents de fin de contrat,

* 1 066,66 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 26 février au 14 mars 2016,

Précise que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale courent à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire courent à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Ordonne à la société Mac Mahon développement de remettre Mme [F] [L] des bulletins de paie, une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte conformes à la présente décision,

Déboute Mme [F] [L] du surplus de ses demandes,

Condamne la société Mac Mahon développement à payer à Mme [F] [L] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'huissier,

Condamne la société Mac Mahon développement aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 17/10764
Date de la décision : 20/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°17/10764 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-20;17.10764 ?
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