Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 20 Mai 2020
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02050 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2SOI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Janvier 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F13/00865
APPELANTE
SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
INTIME
Monsieur [I] [D]
[Adresse 2],
[Localité 3]
Représenté par Me Eric SLUPOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0956
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bruno BLANC, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Bruno BLANC, président
Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, conseillère
Monsieur Olivier MANSION, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, le délibéré ayant été prorogé jusqu'à ce jour.
- signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [I] [D] a été embauché suivant contrat à durée indéterminée par la société AIRFRANCE à compter du 9 mai 2005, en qualité d'agent d'escale.
Monsieur [I] [D] exerce les fonctions de technicien service client depuis le 1er janvier 2013.
Le titre 14 'achats de billets' de la convention d'entreprise commune prévoit qu'en application des résolutions IATA 788 et ATAF 120, les compagnies aériennes peuvent vendre à leurs personnels en activité ou retraités et à leurs ayants droit des billets à tarifs soumis à restrictions ( dits billets 'GP') avec conditions de transport spécifiques et désigne les personnes concernées par ce dispositif.
Parmi les ayants droit, figurent les conjoints, les descendants, les ascendants mais aussi les 'partenaires de voyage'.
Les partenaires de voyage sont désignés librement au choix de l'ouvrant droit qui dispose pour ces derniers de 4 billets aller-retour (ou 8 billets aller simple).
Le titre 14 de la convention susvisée renvoie aux conditions de transport liant la société Air France à ses passagers, bénéficiaires ou non de tarifs soumis à restrictions, s'agissant des conditions d'acquisition, d'utilisation, de suspension ou de retrait du bénéfice des billets.
Par ailleurs, des dispositions spécifiques sont prévues concernant les passagers handicapés ou à mobilité réduite.
Ainsi, le passager ayant un niveau d'invalidité reconnu par la sécurité sociale supérieur à 80 %, peut bénéficier de 8 billets à tarifs soumis à restrictions supplémentaires, à tarif spécifique pour lui- même et, le cas échéant, sous réserve que la carte d'invalidité de l'ouvrant droit le mentionne expressément, pour un accompagnateur majeur.
En sa qualité de salarié de la société AIR FRANCE, Monsieur [I] [D] bénéficie de billets dits GP et des dispositions spécifiques pour les passagers handicapés ou à mobilité réduite, au vu de son handicap.
Par un courrier en date du 13 septembre 2012, la société AIR FRANCE a informé Monsieur [I] [D] de ce que ses droits aux billets à tarifs soumis à restriction étaient suspendus à titre conservatoire à compter de cette date, lui reprochant d'avoir contrevenu aux stipulations du titre 14 de la convention commune d'entreprise, à plusieurs reprises, au cours de l'été 2012.
La direction des voyages du personnel et de 1' 'interline' de la société AIR FRANCE a ensuite confirmé cette mesure par lettre recommandée avec avis de réception le 9 octobre 2012.
Monsieur [I] [D] a, dès lors, saisi le présent Conseil, en sa formation des référés, le 1er mars 2013, afin de suspension de la mesure de suspension du droit aux billets dits 'GP' en date du 9 octobre 2012, de prononcé d'une astreinte et de condamnation de la société Air France au paiement d'une provision en réparation se son préjudice.
Le 19 février 2013, Monsieur [I] [D] a, parallèlement, saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny, en sa formation de jugement.
L'audience de référés s'est tenue le 5 avril 2013.
Par une ordonnance en date du 14 juin 2013, le Conseil a dit n'y avoir lieu à référé du chef de l'ensemble des demande, au fondement d'une contestation sérieuse.
Monsieur [I] [D] a interjeté appel le 9 juillet 2013.
Par un arrêt en date du 3 avril 2014, la Cour d'Appel de Paris a infirmé l'ordonnance précitée et condamné la société AirFrance à suspendre la mesure de suspension du bénéfice aux billets à tarifs soumis à réduction non commerciale infligée à Monsieur [I] [D], sans astreinte, condamné la société Air France à verser à Monsieur [I] [D] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société AIR FRANCE du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY le 16 janvier 2017, statuant en départage, qui :
S'est déclaré compétent, a :
- Annulé la mesure de suspension du droit d'accès aux facilités de transport prononcée le 9 octobre 2012, à l'encontre de Monsieur [I] [D];
- Condamné LA SOCIÉTÉ AIR FRANCE à verser à Monsieur [I] [D] la somme de 7.000 euros, (sept mille euros) à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, par privation d'un avantage conventionnel ;
- Condamné LA SOCIÉTÉ AIR FRANCE à verser à Monsieur [I] [D] la somme de 1.500 euros, (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné LA SOCIÉTÉ AIR FRANCE aux entiers dépens de l'instance,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par conclusions déposées sur le RPVA le 02 août 2019, la société AIR FRANCE demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu le 16 janvier 2017 par le conseil de prud'hommes de Bobigny ;
- Débouter Monsieur [D] de son appel incident ;
En conséquence :
- Constater que la suspension du bénéfice des billets à tarifs soumis à restrictions notifiée à Monsieur [D] n'est pas une sanction au titre des articles L. 1331-1 et suivants du Code du travail,
- Déclarer que la suspension du bénéfice des billets à tarifs soumis à restrictions notifiée à Monsieur [D] était justifiée,
- Débouter Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner Monsieur [D] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par conclusions déposées sur le RPVA le 20 juin 2017 , Monsieur [I] [D], appelant incident, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de BOBIGNY en date du 16 janvier 2017 en ce qu'il a annulé la mesure de suspension du droit d'accès aux facilités de transports prononcée le 9 octobre 2012, à l'encontre de Monsieur [I] [D];
- Infirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de BOBIGNY en date du 16 janvier 2017 en ce qu'il a limité la condamnation de la société Air France à 7.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral par privation d'un avantage conventionnel et Monsieur [I] [D] forme donc un appel incident sur le quantum de dommages et intérêts qui lui est accordé et demande la confirmation du jugement pour le reste ;
- En conséquence, juger autrement sur le quantum de dommages et intérêts et Condamner la société Air France à 30.000 euros à de dommages et intérêts pour préjudice moral au profit de Monsieur [I] [D] ;
- Confirmer la condamnation de la Société AIR France à payer au profit de Monsieur [I] [D] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la première instance ;
- Condamner la Société Air France aux dépens de première instance et d'appel ;
Y ajoutant ;
- Condamner la Société AIR France à payer au profit de Monsieur Monsieur [I] [D] à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et demandes des parties, il est expressément fait référence aux conclusions sus visées .
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2017.
Les parties, présentes à l'audience, ont été informées que l'affaire était mise en délibéré et que l'arrêt serait rendu le 18 mars 2020 par mise à disposition au greffe de la cour.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Au regard des articles L.1331-1 et L.1331-2 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération; les amendes ou autres sanctions pécuniaires étant interdites.
La notion de faute vise les manquements du salarié à ses obligations professionnelles. Ainsi, le pouvoir disciplinaire de l'employeur ne peut en principe s'appliquer qu'aux faits commis par le salarié dans l'exercice de ses fonctions et non à ceux qui sont étrangers à l'exécution du contrat de travail.
En l'espèce, le bénéfice des billets à tarifs soumis à restrictions est régi par deux textes, le contrat de transports d'une part et la convention commune d'entreprise du 6 mai 2006 d'autre part. Le contrat de transport stipule expressément que le bénéfice de ces billets se fait exclusivement en dehors de l'activité professionnelle des salariés alors désignés en tant que « passagers ».
Le titre 14 de la convention commune d'entreprise conditionne l'ouverture du bénéfice des billets à tarifs soumis à restrictions à la qualité de salariée et à une ancienneté dans l'entreprise supérieure à six mois. Par ailleurs, la convention renvoie au contrat de transport et stipule « toutes les dispositions relatives notamment aux conditions d'acquisition et d'utilisation, aux modalités de réservation, de listage, d'émission, aux tarifs, aux conditions générales de transport (priorité d'embarquement et de surclassement...) et aux formalités administratives font l'objet d'un contrat de transport unique pour l'ensemble des catégories et de notes d'application portés à la connaissance des ouvrants droit salariés ou retraités (Internet, Intranet...). ». Le contrat de transport précise ainsi à son chapitre 2 que « Pour l'utilisation de ces billets, les passagers doivent se conformer aux règles en vigueur telles que précisées dans le présent contrat. En cas d'utilisation non conforme ou abusive, l'achat et/ou l'utilisation de ces billets peuvent être suspendus ou supprimés à tout moment par Air France. »et à son chapitre 11 que «A sa discrétion, exercée de manière raisonnable, Air France peut, à tout point d'embarquement et/ou de correspondance, refuser de transporter un Passager et ses bagages si un ou plusieurs des cas suivants s'est ou se produit:
(a) le Passager ne s'est pas conformé du droit applicable. (')
(f) le Passager (ou la personne qui a le Billet) n'a pas acquitté le tarif en vigueur et/ou tous les frais, taxes ou redevances exigibles. »
En l'espèce Monsieur [I] [D] s'est vue suspendre par courriel du 13 septembre 2012 de la Responsable des Irrégularités de la Direction des Voyages du Personnel et de l'Interline, le bénéfice de ses billets à tarifs soumis à restrictions du fait du non respect par Monsieur [I] [D], durant l'été 2012, des conditions d'utilisation des billets à tarif réduit soumis à des restrictions prévues par le contrat de transport.
Au regard des éléments précités, aucun manquement de Monsieur [I] [D] à ses obligations professionnelles ne lui a été reproché par la société Air France.
La suspension ne fait pas suite, et ne sanctionne, aucune faute de Monsieur [I] [D] dans l'exécution du contrat de travail.
Par conséquent, il est établi que la suspension temporaire du bénéfice des billets à tarifs soumis à restrictions ne constitue pas une sanction disciplinaire.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur [I] [D] de ses demandes d'annulation de sanction disciplinaire et de l'octroi de dommages et intérêts.
Il n'apparaît pas inéquitable que les parties conservent la charge de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant par mise à disposition et contradictoirement,
Déclare recevables les appels de la société AIR FRANCE et de Monsieur [I] [D] ;
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau :
Constate que la suspension du bénéfice des billets à tarifs soumis à restrictions notifiée à Monsieur [I] [D] n'est pas une sanction au titre des articles L. 1331-1 et suivants du Code du travail ;
Déboute Monsieur [I] [D] de l'ensemble de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [I] [D] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT