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19/05/2020 | FRANCE | N°18/01931

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 19 mai 2020, 18/01931


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 19 MAI 2020



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01931 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B472L



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 16/00914





APPELANT



Monsieur [O] [Y]

[Adresse 1]

[Localit

é 2]

Représenté par Me David LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0101





INTIMÉE



SASU SLEEVER INTERNATIONAL

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-béatrix BEGOUE...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 19 MAI 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01931 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B472L

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 16/00914

APPELANT

Monsieur [O] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me David LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0101

INTIMÉE

SASU SLEEVER INTERNATIONAL

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-béatrix BEGOUEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2080

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte DELAPIERRGROSSE, Présidente de chambre et Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Brigitte DELAPIERRGROSSE, Présidente de chambre

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

Madame Hélène FILLIOL, Présidente de chambre

Greffier, lors des débats : Mme Anna TCHADJA-ADJE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt initialement prévu le 26 mars2020 prorogé au 19 mai 2020 au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Fabrice LOISEAU Greffier présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [Y] a été engagé, en qualité de responsable des études, à compter du 1er septembre 2007 par la société Sleever International dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Le contrat de travail de M. [Y] stipulait une clause de non concurrence en raison du caractère stratégique du poste et de l'accès du salarié à des informations confidentielles.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale de la plasturgie.

M. [Y] a informé, en août 2016, la société Sleever International de son intention de démissionner de ses fonctions pour rejoindre la société Synerlink dans le cadre du développement de son activité commerciale sous le nom de Apsleever.

Par lettre en date du 2 septembre 2016, la société Sleever International a indiqué au salarié que la clause de non concurrence ne serait pas levée.

Par lettre en date du 5 septembre 2016, M. [Y] a adressé sa démission à son employeur et a effectué son préavis de trois mois.

Le 2 décembre 2016, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau pour obtenir la nullité de la clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail.

Par jugement en date du 14 décembre 2017, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [Y] de toutes ses demandes ainsi la société Sleever International de sa demande au titre des dommages et intérêts résultant de la violation de la clause de non concurrence par le salarié et de sa demande sur la cessation de l'activité du salarié au sein de la société Synerlink,

- condamné le salarié au paiement des sommes suivantes :

- 10. 756, 21 € au titre de la contrepartie financière indûment touchée,

- 1. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le conseil a jugé que les sociétés Synerlink et Sleever International étaient des sociétés concurrentes dans le domaine de la fabrication des 'sleever' (étiquettes en plastique thermorétractable destinées à l'emballage de produits divers) mais que la société Sleever International ne démontrait pas un préjudice subi par l'activité de M. [Y] depuis son embauche au sein de la société Synerlink.

Le 24 janvier 2018, M. [Y] a interjeté appel de ce jugement et la société Sleever International a également relevé appel le 9 février 2018.

Par une ordonnance du 14 mars 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux procédures sous le numéro RG n° 18/01931.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 21 janvier 2020, M. [Y] conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour :

- juger que la clause de non concurrence stipulée à son contrat de travail est nulle,

- débouter la société Sleever International de sa demande en paiement de la somme de 10 756,21 € au titre de la contrepartie financière indûment perçue,

- condamner la société Sleever Internationale à lui payer la somme de 2. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Au soutien de la nullité de la clause de non concurrence, M. [Y] invoque la faculté de renonciation de la société Sleever International pendant la période d'interdiction, l'imprécision de l'interdiction, le caractère dérisoire de la contrepartie financière dérisoire et enfin la disproportion de l'obligation de non concurrence.

M. [Y] soutient qu'au regard de la nullité de la clause de non concurrence et de l'absence de caractère concurrent des activités des sociétés Sleever International et Synerlink, il n'a commis aucun manquement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 19 décembre 2019, la société Sleever International conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a débouté la société de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence et de sa demande de cessation d'activité au sein de la société Synlerlink.

La société Sleever International sollicite la cour de :

- juger que la clause de non concurrence est valide,

- condamner M.[Y] au paiement de la somme de 150. 000 € à titre de dommages et intérêts du fait de la violation de sa clause de non concurrence,

- ordonner au salarié de respecter ladite clause et de cesser immédiatement l'activité exercée pour le compte de la société Synerlink en violation de son engagement de non concurrence, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- constater l'extinction pour la société de l'obligation de payer au salarié la contrepartie pécuniaire du fait de la violation de la clause,

- condamner le salarié au paiement de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de la validité de la clause de non concurrence, la société Sleever International fait valoir qu'elle est indispensable à la protection de ses intérêts légitimes au regard de la spécificité du secteur dans lequel elle évolue et compte tenu du poste et des informations acquises par M. [Y] dans le cadre de son emploi. Elle ajoute que la clause de non concurrence est proportionnelle au cadre temporel, géographique et sectoriel du marché et que dès lors, M. [Y] ne se trouve pas dans l'impossibilité d'exercer une activité conforme à sa formation, ses connaissances et son expérience professionnelle. Enfin, elle soutient que cette clause comporte une contrepartie financière dont le montant n'est pas dérisoire au regard des faibles contraintes imposées au salarié.

Concernant la violation de la clause de non concurrence par M. [Y], la société soutient que les sociétés Sleever International et Synerlink exercent des activités concurrentielles et qu'en ayant rejoint cette dernière, M. [Y] a violé son engagement de non concurrence.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 22 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de la clause de non-concurrence

Le contrat de travail conclu par M. [Y] et la société Sleever International contenait une clause de non-concurrence libellée dans les termes suivants :

'Vous vous engagez formellement en cas de rupture de votre contrat de travail, pour quelque cause que ce soit, et quelque soit la partie qui aurait pris l'initiative d'une rupture, à ne prendre aucun poste quelconque, comme à ne vous intéresser ni directement ni indirectement, par vous-même ou par personne interposée, à une entreprise susceptible de faire concurrence à la société Sleever International, ses filiales et affiliées.

Vous vous interdisez notamment dans les mêmes conditions, d'entrer au service d'une entreprise fabriquant ou vendant des étiquettes en plastique ou des machines, directement ou indirectement, par vous-même ou par personne interposée, pour mettre en 'uvre ces étiquettes. La même interdiction viserait des activités annexes au moment de la cessation des relations contractuelles.

La présente interdiction aura une durée de 2 ans, à compter de la cessation

effective de vos fonctions. Cette interdiction porte sur l'ensemble du territoire français et de l'Europe.

En contrepartie de l'interdiction que vous vous engagez à observer, vous recevrez chaque mois à compter du jour de la cessation ou rupture du contrat de travail, une indemnité égale à 15% de votre salaire brut calculé sur la moyenne des salaires des trois derniers mois, à l'exclusion de toute prime, gratification etc'

Nous pourrons cependant vous dégager de cette clause de non-concurrence en vous notifiant cette renonciation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le délai d'un mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail, quelque soit la partie qui ait pris l'initiative de la rupture.

Nous pourrons également nous dégager du paiement de cette indemnité, chaque six mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail, en vous prévenant du fait que vous êtes dégagé de la clause de non-concurrence, un mois avant l'expiration de la période en cours par lettre recommandée avec accusé de réception.

D'une façon générale, nous ne pourrons jamais être réputés avoir renoncé à la présente clause, notre renonciation devant obligatoirement vous être signifiée par lettre recommandée avec accusé de réception.'

Aux termes de cette clause, le salarié s'interdit pendant une durée de deux ans à compter de la rupture de leur collaboration, d'exercer toute activité susceptible de concurrencer celle de la société Sleever International, c'est à dire toute activité se rapportant à la fabrication ou la vente d'étiquettes en plastique ou des machines mettant en oeuvre ces étiquettes et ce pour les secteurs géographiques et auprès des catégories de clients tels que mentionnés à l'article du contrat.

La contrepartie financière convenue est égale un 15 % du salaire mensuel moyen des trois derniers mois.

La société Sleever International s'est également réservée la possibilité de procéder à la levée de la clause postérieurement à la rupture du contrat de travail à l'issue de chaque période de six mois.

Il est constant qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et qu'elle comporte l'obligation pour l'employeur de verser une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Il est également constant que le montant de la contrepartie doit respecter le principe de la proportionnalité.

L'appréciation de l'intérêt légitime de l'entreprise nécessite pour cette dernière de pouvoir justifier d'un préjudice réel dans le cas où le salarié viendrait à exercer son activité professionnelle dans une entreprise concurrente.

En l'espèce, la clause de non-concurrence répond, au regard des pièces relatives au produit fabriqué, à la préservation des intérêts légitimes de l'entreprise. Elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié qui occupait un poste important s'agissant de celui de responsable des études en ce qu'il impliquait une connaissance approfondie des recherches menées par l'entreprise.

La clause de non-concurrence était également limitée dans le temps.

Concernant le périmètre d'interdiction, le contrat se réfère aux filiales de la société Sleever International et aux sociétés affiliées. Ce dernier terme ne recouvrant aucune notion juridique et ces sociétés n'étant pas expressément citées, cette clause qui ne permet pas au salarié de déterminer les entreprises au sein desquelles il ne devait pas exercer d'activité.

Par ailleurs, l'interdiction porte sur l'ensemble du territoire français et de l'Europe. L'absence de précision quant à la définition de l'Europe, la société Sleever International ayant omis de préciser si elle se référait aux pays de l'Union européenne ou à l'Europe géographique, l'espace concerné par l'interdiction est également indéterminé.

En l'absence de délimitation dans l'espace et de précision quant aux sociétés visées par l'interdiction de travailler, la clause de non-concurrence encourt la nullité sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens invoqués par M. [Y].

En conséquence, le jugement est infirmé et la société Sleever International est déboutée de ses prétentions à l'encontre de M. [Y].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement ;

Et statuant à nouveau,

Prononce la nullité de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail de M. [Y] ;

Déboute la société Sleever International de toutes ses demandes formées à l'encontre de M. [Y] ;

Condamne la société Sleever International à payer à M. [Y] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Sleever International au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/01931
Date de la décision : 19/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°18/01931 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-19;18.01931 ?
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