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19/05/2020 | FRANCE | N°18/01924

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 19 mai 2020, 18/01924


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

19 MAI 2020



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01924 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B47X4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 16/03290





APPELANT

Monsieur [B] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3] / France

Repr

ésenté par Me Lauriane CENEDESE, avocat au barreau de PARIS, toque : R009





INTIMEE

SA LUCIAD Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domicilié...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

19 MAI 2020

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01924 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B47X4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 16/03290

APPELANT

Monsieur [B] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3] / France

Représenté par Me Lauriane CENEDESE, avocat au barreau de PARIS, toque : R009

INTIMEE

SA LUCIAD Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]/BELGIQUE

Représentée par Me Jean-françois BOULET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0002

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre

Madame Hélène FILLIOL Présidente de Chambre ,

Greffier, lors des débats : Mme Anna TCHADJA-ADJE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt initialement prévu le 26 mars2020 prorogé au 19 mai 2020 au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par, Fabrice LOISEAU Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [S] a été engagé, en qualité de directeur commercial France, à compter du 1er juillet 2009 par la société Luciad dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Le 14 avril 2011, les parties ont conclu une rupture conventionnelle qui a été homologuée par l'administration le 30 juin 2011.

En date du 15 avril 2011, une transaction a également été conclue entre les parties.

M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 23 mars 2016 pour obtenir la nullité de la clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail et le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 28 novembre 2017, le conseil de prud'hommes a condamné la société Luciad au paiement des sommes de 4 300 € au titre de rappel de commissions et de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, s'agissant de la validité de la clause de non concurrence, le conseil a jugé que M. [S] avait été informé de la levée de la clause dans le cadre de la convention de rupture conventionnelle signée le 14 avril 2011.

Sur la transaction signée le 15 avril 2011, le conseil a jugé que cette transaction, aux terme de laquelle l'indemnité conventionnelle a été déduite des salaires dus, était nulle mais que M. [S] l'avait signée en connaissance de cause et que par conséquent, il n'était pas fondé à demander des dommages et intérêts en raison de la nullité de la clause.

Sur la demande de remboursement de 4. 300 € à titre de commissions, le conseil a jugé qu'il n'était pas contesté que des commissions d'un montant de 4. 300 € étaient dues et qu'elles avaient été abusivement déduites du dernier salaire.

Sur les demandes et intérêts en raison de la faute de l'employeur, le conseil a jugé que M. [S] ne démontrait pas avoir subi un préjudice du fait de l'existence de cette clause.

Le 9 février 2018, M. [S] a interjeté appel de ce jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 24 janvier 2018, M. [S] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires à 9. 342, 33 € et a condamné la société au paiement de 4. 300 € au titre de rappel de commissions et 700 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et l'infirmation sur les autres chefs de demandes.

M. [S] demande à la cour de condamner sous astreinte la société au paiement:

A titre principal,

- 56. 053, 98 € bruts à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail et 5. 605, 39 € bruts à titre de congés payés y afférents,

Subsidiairement,

- 61. 659, 38 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non-concurrence insérée dans la transaction du 15 avril 2011.

Il sollicite en tout état de cause une somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, s'agissant de la demande de contrepartie financière de la clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail, M. [S] soutient que la société Luciad n'a pas respecté les dispositions contractuelles puisqu'elle y a renoncé avant la rupture du contrat de travail du salarié.

A titre subsidiair, sur la nullité de la clause de non concurrence insérée dans le protocole transactionnel du 15 avril 2011, M. [S] fait valoir que ce protocole transactionnel était nul en lui-même et comportait une obligation de non concurrence dépourvue de toute contrepartie financière.

Sur la nullité de l'accord transactionnel, M. [S] soutient que la transaction a été signée avant l'homologation par l'administration de la rupture conventionnelle, qu'elle a pour objet la rupture du contrat et non son exécution et qu'elle ne comporte aucune concession de l'employeur.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 17 juillet 2018, la société Luciad conclut à titre principal à l'infirmation du jugement et à l'irrecevabilité des prétentions du fait de l'autorité de la chose jugée liée à la transaction intervenue.

A titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement et demande à la cour de:

- juger que M. [S] a été délié de sa clause de non concurrence,

- rejeter ses demandes au titre de la contrepartie financière à l'indemnité de non concurrence et ses demandes indemnitaires,

- rejeter la demande de dommage et intérêt au titre d'une prétention faute de l'employeur,

Elle sollicite l'infirmation partielle du jugement en ce qu'il n'a pas condamné le salarié au remboursement de l'indemnité transactionnelle et elle sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 4 300 € au titre de cette indemnité.

A titre infiniment subsidiaire, elle conclut à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions.

En tout état de cause, elle sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la validité de l'accord transactionnel, la société Luciad soutient que cette transaction pouvait avoir pour objet de délier M. [S] de son obligation de non concurrence et qu'elle a respecté les conditions de validité, celle-ci ayant été conclue après la signature de la convention de rupture conventionnelle, comprenant des concessions réciproques et résultant du consentement des parties. La société Luciad ajoute qu'en tout état de cause, la transaction interdit au salarié qui l'a signée de demander ensuite l'indemnité d'un préjudice, même reconnu postérieurement à la signature.

Si la cour retenait la nullité de l'accord transactionnel, la société Luciad fait valoir que cet accord doit être annulé dans sa totalité et que par conséquent, M. [S] devra restituer les sommes perçues au titre de cet accord.

Concernant l'absence d'obligation de non concurrence, la société Luciad soutient qu'à la date de cessation de son contrat de travail, M. [S] n'était plus soumis à une clause de non-concurrence puisqu'il y avait renoncé en signant la convention de rupture conventionnelle le 14 avril 2011. La société ajoute que l'accord transactionnel ne comporte aucune nouvelle obligation de non concurrence et qu'en tout état de cause, la prétendue obligation de non concurrence contenue dans cet accord n'a jamais contraint M. [S] dans ses recherches d'emploi.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 22 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de la société Luciad tendant à l'irrecevabilité des demandes de M. [S] et la nullité de la transaction invoquée par ce dernier

La société Luciad oppose à M. [S] sa décision de le délier de la clause de non-concurrence contenue dans la transaction.

Elle invoque l'article 2052 du code civil qui, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort et qu'elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion.

Il résulte de l'application combinée des articles L.1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail qu'un salarié et un employeur ayant signé une convention de rupture ne peuvent valablement conclure une transaction, d'une part, que si cette dernière intervient postérieurement à l'homologation de la rupture conventionnelle par l'autorité administrative, d'autre part, que si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture.

En l'espèce, les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle le 14 avril 2011 et conclu une transaction le 15 avril 2011 aux termes de laquelle elles ont décidé de mettre un terme au contrat de travail par rupture conventionnelle prenant effet le 30 juin 2011. Par ailleurs, l'article 5 de la transaction précise qu'elle règle tout litige né ou à naître relatif à l'exécution et à la rupture du contrat de travail qui liait les parties.

Dès lors qu'elle a été conclue antérieurement à l'homologation de la rupture conventionnelle et pour objet, au moins pour partie, la rupture du contrat de travail, la transaction est nulle.

En conséquence, la demande de remboursement de l'indemnité transactionnelle de 4 300 € formée par la société Luciad à l'encontre de M. [S] est bien fondée.

Par ailleurs, la demande formée par M. [S] au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence est recevable dès lors que la transaction est nulle.

Sur la demande formée par M. [S] de contrepartie financière de la clause de non-concurrence

Il est constant que la clause de non-concurrence, dont la validité est subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière, est stipulée dans l'intérêt de chacune des parties au contrat de travail, de sorte que l'employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause, au cours de l'exécution de cette convention.

L'article 17 du contrat de travail stipule que la société Luciad peut renoncer au paiement de l'indemnité de la clause de non-concurrence par lettre recommandée dans les quinze jours de la fin effective du contrat et que dans ce cas, le salarié n'est pas tenu de respecter la clause de non-concurrence.

Les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle le 14 avril 2011 dans le cadre de laquelle la société Luciad a précisé qu'elle avait décidé de libérer le salarié de la clause de non-concurrence de sorte que l'indemnité compensatrice n'était pas due (article 2-3).

En application de l'article 1237-7 du code du travail, la convention de rupture fixe la date de la rupture du contrat de travail qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation.

En l'espèce, l'homologation de la rupture conventionnelle est intervenue le 30 juin 2011 de sorte que le délai de quinze jours au plus tard suivant la première présentation de la notification de la rupture, dont disposait contractuellement l'employeur pour dispenser le salarié de l'exécution de l'obligation de non-concurrence, avait pour point de départ le lendemain de la date de la rupture fixée par la convention de rupture, soit le 1er juillet 2011.

Il s'en déduit que la renonciation de l'employeur au bénéfice de cette clause est intervenue au cours de l'exécution du contrat de travail alors que la clause de non-concurrence fixait un délai de renonciation à compter de la rupture du contrat de travail.

La société Luciad n'ayant pas respecté les modalités de renonciation au bénéfice de cette clause, celle-ci est dépourvue d'effet de sorte que la société est redevable de la contrepartie financière, soit la somme de 56 053, 98 € bruts et de de 5 605, 39 € bruts à titre de congés payés y afférents, ce qui correspond à la moitié de la rémunération brute moyenne des douze derniers mois de salaire en application de l'article 17 du contrat de travail.

La demande principale formée par M. [S] étant bien fondée, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée à titre subsidiaire aux fins d'indemnisation du préjudice résultant de la nullité de la clause de non-concurrence insérée dans la transaction du 15 avril 2011.

Sur la demande formée par M. [S] en paiement de la somme de 4 300 €

M. [S] sollicite la somme de 4 300 € outre les congés payés afférents au titre de commissions au motif, à titre principal, que dans le cadre de la transaction du 15 avril 2011, cette somme a été abusivement déduite au titre de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle des commissions qui lui étaient dues.

D'une part, M. [S] ne peut pas se fonder sur la transaction dont l'annulation prononcée ci-dessus emporte restitution des sommes versées de part et d'autre.

D'autre part, l'examen des bulletins de paie révèle que M. [S] percevait mensuellement entre 3 000 € et 5 000 € de commissions. Il ne donne aucune indication concernant la détermination du montant de cette somme et les affaires au titre desquelles il peut prétendre à un rappel de commissions. Il ne produit d'ailleurs aucune pièce. Enfin, le contrat de travail ne stipule pas le versement de commissions. Dès lors, cette demande n'est pas justifiée.

A titre subsidiaire, il se fonde sur l'absence de versement par la société Luciad de l'indemnité transactionnelle. Cette demande revient en réalité à se fonder de nouveau sur la transaction qui a été annulée. En conséquence, cette demande ne peut aboutir.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Luciad à payer à M. [S] la somme de 4 300 € au titre de rappel de commissions,

- rejeté la demande de paiement formée par M. [S] au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

- rejeté la demande en paiement formée par la société Luciad au titre de l'indemnité transactionnelle,

- rejette la demande de nullité de la transaction formée par Monsieur [S]

Confirme le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

Prononce la nullité de la transaction conclue entre M. [S] et la société Luciad le 15 avril 2011 ;

Condamne en conséquence M. [S] à payer à la société Luciad la somme de 4 300 € au titre de l'indemnité transactionnelle ;

Juge que la société Luciad n'a pas valablement renoncé au bénéfice de la clause de non-concurrence ;

Condamne en conséquence la société Luciad à payer à M. [S] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur par le conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de l'arrêt pour celles à caractère indemnitaire, et avec capitalisation des intérêts :

- 56 053, 98 € bruts à titre de contrepartie financière de clause de non-concurrence et 5605, 39 € bruts € au titre des congés payés afférents

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Luciad au paiement des dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/01924
Date de la décision : 19/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°18/01924 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-19;18.01924 ?
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