La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2020 | FRANCE | N°18/00663

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 15 mai 2020, 18/00663


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 3



ARRÊT DU 15 MAI 2020



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00663 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4YWH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/11644





APPELANTE



Association ORGANISME DE GESTION DE L'ETABLISSEMENT CATHOLIQUE D'ENSEIGNEMENT ECOLE [1] dit

'OGEC ECOLES [1]'

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Laurent DELVOLVE de l'AARPI Delvolvé Poniatowski Suay Associés, avocat au barreau de PARIS...

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 15 MAI 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00663 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4YWH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/11644

APPELANTE

Association ORGANISME DE GESTION DE L'ETABLISSEMENT CATHOLIQUE D'ENSEIGNEMENT ECOLE [1] dit 'OGEC ECOLES [1]'

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Laurent DELVOLVE de l'AARPI Delvolvé Poniatowski Suay Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : C0542

INTIMEE

Association OEUVRE [1]

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Jean-françois LOUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Claude TERREAUX, Président de chambre

M Michel CHALACHIN, Président de chambre

Mme Pascale WOIRHAYE, Consseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Claude Terreaux dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Claude TERREAUX, Président de chambre et par Viviane REA, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

L''uvre [1] ([1]), association privée reconnue d'utilité publique par Décret impérial du 25 décembre 1861, est propriétaire depuis 1886 d'un immeuble situé [Adresse 1].

Le 24 mars 1982, elle a prêté ce terrain à l'Association d'Education Ecole [1], devenue en 1998 Organisme de Gestion de l'Etablissement Catholique d'Enseignement Ecole [1], dit OGEC [1] (OGEC).

Ce prêt, ou commodat, qui se réfère expressément aux dispositions du prêt-à-usage prévues par le code civil, est ainsi rédigé en son article 2 :

«Le présent prêt est consenti pour une durée de 10 ans à compter du 1er septembre 1982, renouvelable par tacite reconduction pour une ou plusieurs périodes de 3 ans, sauf dénonciation dix-huit mois avant la fin de la dernière année scolaire qui termine la période de dix ans, et six mois avant la fin de la dernière année scolaire dans les autres cas ».

Par acte du 4 juin 2009, l'[1] a dénoncé le prêt du 24 mars 1982. L'OGEC discute la validité de cette dénonciation. Elle est restée dans les lieux, qu'elle occupe toujours aujourd'hui.

Saisi principalement d'une demande d'expulsion, de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation et d'une action en indemnisation et financement du remplacement d'un buste sur piédestal de la Baronne [R], fondatrice de l'[1], disparu lors de travaux menés par l'OGEC, le Tribunal a, par jugement entrepris du 14 novembre 2017 :

-Déclaré l'OGEC recevable en ses demandes ;

-Débouté l'OGEC de sa demande d'annulation de la dénonciation du contrat de commodat du 24 juin 2009 ;

-Constaté que l'OGEC était occupant sans droit ni titre du bien litigieux ;

-Autorisé l'expulsion avec l'assistance de la force publique si nécessaire, sans astreinte à compter du 31 juillet 2018 ;

-Dit L'OGEC redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 1er septembre 2010 jusqu'à la date de libération effective des lieux ;

-Condamné l'OGEC à payer la somme de 48.000€ à titre de dommages-intérêts pour la disparition du buste de la Baronne [R] et de la colonne la supportant ;

-Débouté l'[1] de sa demande de dommages intérêts relative à la perte de la valeur patrimoniale ;

-Débouté l'OGEC de sa demande de dommages-intérêts ;

-Ordonné avant-dire-droit sur la demande d'indemnité d'occupation une expertise ;

-Sursis à statuer sur les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile ;

-Réservé les dépens ;

-Renvoyé à une audience du juge de la mise en état ;

-Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

Par dernières conclusions du 31 janvier 2020 l'OGEC, appelante, demande à la Cour de :

- CONFIRMER le jugement dont appel du Tribunal de grande instance de Paris en date du 14 novembre 2017 (RG N 16/11644) en ce qu'il a :

· « DECLARE l'OGEC Ecole [1] recevable en ses demandes ;

· DIT n'y avoir pas lieu à prononcer une mesure d'astreinte ;

· DEBOUTE l'Association 'uvre [1] de sa demande de dommages-intérêts complémentaires afférents à la perte de valeur patrimoniale ;

· DIT n'y avoir pas lieu à exécution provisoire de la décision »

- INFIRMER ledit jugement en ce qu'il a :

· « DEBOUTE l'OGEC Ecole [1] de sa demande d'annulation de la dénonciation du contrat de commodat du 24 juin 2009 ;

· CONSTATE que l'OGEC Ecole [1] est occupant sans droit ni titre de l'ensemble situé [Adresse 2] depuis le 1er septembre 2010 ;

· AUTORISE l'Association 'uvre [1] à faire procéder à l'expulsion de l'OGEC Ecole [1] ainsi qu'à celle de tout occupant de son chef, avec l'assistance si nécessaire de la force publique et d'un serrurier, des locaux situés [Adresse 2], à compter du 31 juillet 2018 ;

· DIT que l'OGEC Ecole [1] est redevable d'une indemnité d'occupation mensuelle au profit de l'[1] du 1er septembre 2010 à la date de libération effective des lieux.

· CONDAMNE l'OGEC Ecole [1] à payer à l'Association 'uvre [1] la somme de 48.000 euros (quarante-huit mille euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage résultant de la disparition du buste en marbre de la Baronne [R] et de la colonne la supportant ;

· DEBOUTE l'OGEC Ecole [1] de sa demande de dommages-intérêts;

· Avant dire droit sur la demande de fixation et de condamnation afférente au paiement d'une indemnité d'occupation : Ordonne une mesure d'expertise immobilière ;

· SURSOIT à statuer sur les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile ;

· RESERVE les dépens ;

En conséquence

-DIRE ET JUGER que l'[1], compte-tenu de son objet statutaire en tant qu'association reconnue d'utilité publique, ne peut faire usage de son bien immobilier que dans le but d'assurer l'éducation morale et religieuse de ses jeunes enfants dans le strict respect de son objet social, par le moyen d'un établissement de l'enseignement privé catholique,

-DIRE ET JUGER que l'objet social de l'[1] est d'« assurer à ses enfants d'âge scolaire un enseignement primaire et professionnel, dans les conditions prescrites par la règlementation sur le contrôle des Etablissements d'Enseignement Privé, de leur assurer une éducation morale et religieuse »,

-DIRE ET JUGER que les moyens d'action de l'[1] sont l'« école »,

-DIRE ET JUGER que la limitation apportée à son droit de propriété répond à un motif d'intérêt général sous le contrôle, tant du Ministère de l'Intérieur que du Ministère de l'Education Nationale,

-DIRE ET JUGER que la mention, dans l'objet social de l'[1], d'«Etablissement d'Enseignement Privé » destiné à assurer « une éducation morale et religieuse » se rapporte nécessairement aux Etablissements d'Enseignement Catholiques lesquels agissent au travers d'un OGEC reconnu par la direction de l'Enseignement Catholique ;

-DIRE ET JUGER que les tentatives de dénonciation du contrat de commodat et notamment l'acte en date du 24 juin 2009 et la délibération de l'[1] du 18 juin 2012 ayant décidé de résilier le contrat de commodat, alors pourtant que ce contrat lui permettait d'accomplir pleinement son objet statutaire, sont contraires à l'objet social de l'[1].

En conséquence,

-DIRE ET JUGER que cet acte de dénonciation et cette délibération de l'Assemblée générale de l'[1] du 18 juin 2012 sont frappés d'une nullité absolue.

-DIRE ET JUGER que tant l'acte de dénonciation du commodat du 24 juin 2009 que l'acte de dénonciation du commodat du 21 décembre 2012 sont nuls et de nul effet.

-DIRE ET JUGER que l'OGEC n'a jamais acquiescé à la dénonciation du 24 juin 2009.

-DEBOUTER l'[1] de son appel incident.

-DIRE ET JUGER que la lettre de dénonciation du commodat en date du 4 juin 2009 n'a pas été signée par le Président du Comité Consultatif,

-DIRE ET JUGER que l'acte de dénonciation par le Ministère de Maître [Z], Huissier de Justice, en date du 24 juin 2009, n'a pas été délivré par l'[1], représentée par le Président de son Comité Consultatif,

-DIRE ET JUGER qu'il s'agit d'une nullité de fond affectant la validité de la dénonciation du contrat de commodat.

-DIRE ET JUGER nul et de nul effet, l'acte de dénonciation du contrat de commodat en date du 24 juin 2009.

-DIRE ET JUGER qu'à la date de l'Assemblée Générale du 18 juin 2012 des membres ayant participé au vote n'étaient pas à jour de leurs cotisations à l'[1],

-DIRE ET JUGER que l'ordre du jour listé dans les 48 pouvoirs versés aux débats comportait exclusivement mandat de tentative de règlement amiable au litige,

-DIRE ET JUGER que la résolution 7 décidant l'expulsion de l'OGEC n'était pas prévue dans l'ordre du jour,

-DIRE ET JUGER que l'[1] n'apporte pas la preuve dont elle a la charge de la validité du vote des membres ayant abouti à la 7ème résolution de l'Assemblée Générale du 18 juin 2012.

-En l'état, dire et juger nulle et de nul effet la 7ème résolution de l'Assemblée Générale du 18 juin 2012

-DIRE ET JUGER que le contrat de commodat s'est poursuivi par tacite reconduction à compter du 1 er septembre 2010 au 30 août 2013 et est toujours actuellement en cours,

-DIRE ET JUGER que l'[1] n'est pas statutairement fondée à demander une indemnité d'occupation dans la mesure où elle n'est pas autorisée à tirer un revenu de cet immeuble comme faisant partie de sa dotation (art. 13 et 16 des statuts),

-DEBOUTER l'[1] de l'intégralité de ses demandes concernant l'expulsion de l'OGEC et le paiement d'une indemnité d'occupation,

-CONSTATER le droit au maintien de l'OGEC dans les locaux en raison de la non-conformité par rapport à l'objet social de l'[1] de la demande de résiliation du contrat de commodat,

En tout état de cause

-DIRE ET JUGER que l'[1] ne rapporte pas la preuve de la date à laquelle une indemnité d'occupation a été demandée,

-DIRE ET JUGER que l'[1] ne justifie pas du bien-fondé du montant de la demande au titre de l'indemnité d'occupation.

-DEBOUTER l'[1] de ses demandes en paiement d'astreinte et de dommages et intérêts,

En conséquence,

-DEBOUTER l'[1] de sa demande d'expulsion de l'OGEC.

-CONDAMNER l'[1] à lui payer une somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts du fait de la nullité de la décision d'expulsion.

-DIRE que l'Association 'uvre [1] a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de l'OGEC [1] en prenant une décision abusive et non fondée de non-renouvellement du contrat de commodat entrainant l'expulsion et la fermeture de l'école,

En conséquence,

-CONDAMNER l'Association 'uvre [1] à verser à l'OGEC [1] la somme de 500.000€ au titre de l'indemnité due par l'[1] à l'OGEC du fait du préjudice causé par l'[1] résultant du défaut de renouvellement sans motif ou pour des motifs abusifs, sauf à parfaire à dire d'expert.

-ORDONNER une mesure d'expertise judiciaire afin de faire estimer le montant de l'indemnité due par l'[1] à l'OGEC [1] du fait du préjudice causé par sa décision de non-renouvellement du commodat du 24 mars 1982.

-DONNER ACTE à l'OGEC de ce qu'elle demande à ce que soit mise en 'uvre une mesure de médiation judiciaire en application des articles 131-1 et suivants du Code de Procédure Civile.

- CONDAMNER l'[1] au paiement d'une somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 14 juin 2019, l'[1], intimée, demande à la Cour de :

1/ Sur la dénonciation du contrat de commodat :

A titre principal :

Vu le courrier de l'OGEC [1] du 10 décembre 2009 et le principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui » :

-ACCUEILLIR l'Association 'UVRE [1] en son appel incident

et y faisant droit :

-CONSTATER que l'OGEC ECOLE [1] a accepté la résiliation du contrat de commodat par son courrier du 10 décembre 2009 et dire qu'elle est irrecevable à en demander aujourd'hui la nullité.

A titre subsidiaire ;

-CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit que le contrat de commodat du 24 mars 1982 est venu à expiration le 31 août 2010 ;

Y ajoutant :

-DIRE en outre que le contrat de commodat a été conclu en violation des dispositions des statuts de l'Association 'UVRE [1] et de son statut d'association reconnue d'utilité publique et qu'il aurait été annulable s'il n'avait pas été résilié préalablement ;

-CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit que l'OGEC ECOLE [1] est occupant sans droit ni titre depuis le 1 er septembre 2010 des locaux sis [Adresse 2], propriété de l'association OEUVRE [1] ;

-CONFIRMER le jugement en ce qu'il a ordonné l'expulsion de l'OGEC ECOLE [1] et de tous occupants de son chef et dit que l'OGEC ECOLE [1] et tous occupants de son chef devront avoir quitté les lieux au plus tard le 31 juillet 2018 ;

Y ajoutant :

-DIRE qu'à défaut d'avoir libéré volontairement les lieux, l'OGEC ECOLE [1] sera condamné à une astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du 1 er août 2018, que l'association OEUVRE [1] pourra faire judiciairement liquider ;

-DIRE qu'il sera recouru en tant que de besoin à l'assistance de la Force Publique et d'un serrurier ;

A titre encore plus subsidiaire :

-DIRE que le contrat de commodat du 24 mars 1982 est venu à expiration le 31 août 2013 ;

-CONSTATER que l'OGEC ECOLE [1] est occupant sans droit ni titre depuis le 1 er septembre 2013 des locaux sis [Adresse 2], propriété de l'association OEUVRE [1] ;

-ORDONNER l'expulsion de l'OGEC ECOLE [1] et de tous occupants de son chef et dit que l'OGEC ECOLE [1] et tous occupants de son chef devront avoir quitté les lieux au plus tard le 31 juillet 2018 ;

-DIRE qu'à défaut d'avoir libéré volontairement les lieux, l'OGEC ECOLE [1] sera condamné à une astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du 1 er août 2018, que l'association OEUVRE [1] pourra faire judiciairement liquider ;

-DIRE qu'il sera recouru en tant que de besoin à l'assistance de la Force Publique et d'un serrurier ;

2/ Sur l'indemnité d'occupation due par l'OGEC ECOLE [1] :

A titre principal :

-ACCUEILLIR la concluante en son appel incident et y faisant droit :

-CONDAMNER l'OGEC ECOLE [1] à payer à l'association OEUVRE [1] une somme de 70.000 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1 er septembre 2010 et jusqu'à parfaite libération des lieux.

A titre subsidiaire :

-CONFIRMER le jugement en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise judiciaire afin de faire estimer le montant de l'indemnité d'occupation.

A titre encore plus subsidiaire :

-CONDAMNER l'OGEC ECOLE [1] à payer à l'association OEUVRE [1] une somme de 70.000 Euros par mois à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1 er septembre 2013 jusqu'à parfaite libération des lieux ;

3/ Sur la demande d'indemnisation au titre de la destruction du buste de Madame [R] :

-CONFIRMER le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'OGEC 'UVRE [1] à ce titre.

-INFIRMER cependant le jugement sur le quantum et CONDAMNER l'OGEC ECOLE [1] à payer à l'association OEUVRE [1] la somme de 68.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le remplacement du buste en marbre de la Baronne [R] et de la colonne le supportant, ainsi que pour la perte patrimoniale résultant de la disparition de ces derniers;

4/ En tout état de cause :

-DEBOUTER l'OGEC ECOLE DES SAINTS de l'ensemble de ses demandes, en tous leurs chefs et moyens ;

-CONDAMNER l'OGEC ECOLE [1] à payer à l'association OEUVRE [1] la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité fondée sur l'article 700 du Code de Procédure civile ;

-CONDAMNER l'OGEC ECOLE [1] aux entiers dépens qui seront recouvrés directement par Maître Jean-François LOUIS, associé de la SCP SOUCHON-CATTE-LOUIS, en application de l'article 699 du Code de Procédure civile ;

SUR CE ;

Sur le contrat conclu entre les parties ;

Considérant que le contrat de prêt conclu le 24 mars 1982 est un contrat de prêt à usage ou commodat ; que cet acte est régi par les dispositions de l'article 1888 du code civil qui précise que « Le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée » ; que l'[1] est et est toujours restée propriétaire de l'immeuble considéré depuis son achat en 1886, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'OGEC, et que ce dernier n'en a été que l'emprunteur ;

Considérant qu'en l'espèce le contrat de prêt stipule en son article 2 que « ce prêt est consenti pour une durée de dix ans à compter du 1er septembre 1982, renouvelable par tacite reconduction pour une ou plusieurs périodes de trois ans, sauf dénonciation 18 mois avant la fin de la dernière année scolaire qui termine la période de dix ans et six mois avant la fin de la dernière année scolaire dans les autres cas » ; que telle est la loi des parties que chacune a acceptée en connaissance de cause ;

Considérant que le propriétaire a dénoncé ce contrat par lettre RAR datée du 4 juin 2009, confirmée par acte d'huissier au 24 juin 2009 ;

Considérant que le contrat a donc été régulièrement respecté, réserve faite des contestations soulevées par l'appelante et que la Cour va examiner ci-dessous, et le bien est désormais à disposition entière du propriétaire-préteur, et l'emprunteur sans droit sur ce dernier depuis le 1er septembre 2010 ;

Sur la validité de la dénonciation ;

Sur l'objet de l'[1] ;

Considérant que l'objet de l'[1] tel que modifié en 1961 est défini dans l'article 1er de ses statuts, qui stipule qu'elle a pour but » de :

« dispenser à ses enfants d'âge scolaire un enseignement primaire et professionnel, dans les conditions prescrites par la réglementation sur le contrôle des Établissement d'Enseignement Privée » ;

- leur assurer une éducation morale et religieuse ;

- pourvoir ensuite à leur placement ».

Considérant que l'[1] justifie qu'elle exerce des activités étrangères à l'enseignement au sens strict en aidant des jeunes artistes et artisans d'art, et au placement de ces derniers, et en animant des ateliers pour enfants des Centres de Loisirs de la ville de [Localité 2] auprès des musées ; 

Considérant que l'OGEC ne justifie pas en revanche, ni même n'allègue, effectuer de telles activités, même à l'égard de la recherche d'emploi pour ses propres élèves ; que des lors l'[1] a des activités plus larges que l'OGC, limité à des tâches d'enseignement ;

Sur la tutelle de l'Eglise catholique sur l'enseignement catholique ;

Considérant que pour faire valoir que l'[1] a à tort notifié la résiliation du prêt de son immeuble, l'OGEC fait valoir que l'[1] doit y assurer une éducation religieuse, est soumise à ce titre aux règles applicables à ce genre d'établissement et que la dénonciation est contraire à son objet social ;

Mais considérant que si l'[1] a choisi de faire jusqu'à présent un prêt de son immeuble à l'OGEC, dans le but d'accomplir son objet social, au moins pour partie, il lui reste loisible, en tant que propriétaire de son bien, d'un user et d'en abuser et d'en percevoir les fruits à sa guise dans cette limite ; qu'il convient de rappeler ici, ainsi que le souligne à juste titre l'[1], qu'elle peut confier l'usage des locaux litigieux à une autre personne que l'OGEC ; qu'il lui est même possible en faisant les adaptations légales nécessaires et en obtenant les autorisations administratives, d'exploiter elle-même ainsi qu'elle l'a fait par le passé, les locaux dont elle est propriétaire ;

Considérant qu'enfin sa forme associative ne fait pas obstacle à ce que l'[1] perçoive des revenus de l'immeuble au cas où elle choisirait de conclure un bail prévoyant des loyers, destinés notamment à lui permettre de mieux réaliser son objet, pourvu qu'elle ne réalise pas de bénéfices ;

Considérant que l'OGEC explique encore, rappelant le passé de l'association et le fait qu'elle ait été agréée historiquement à fin de lui mettre à disposition ses locaux pour qu'elle y pratique l'enseignement, qu'il n'est « pas possible à l'[1] de mettre arbitrairement un terme à la mise à disposition des locaux dès lors que l'OGEC continue d'y exploiter l'école conformément à la mission qui lui a été confiée en application de ses statuts et que l'[1] n'a aucun projet de remplacement par une nouvelle école de l'enseignement privé religieux qui lui permettrait de répondre à son objet social » ;

Mais considérant que sur ce point le fait que les anciens statuts et les anciennes pratiques de l'association dès le début de son fonctionnement, et même sous ses anciens statuts, jusqu'à ce jour ne sauraient créer de droits pour l'OGEC sur l'immeuble dont elle n'est pas propriétaire ; que l'OGEC ne peut, sans procéder à une expropriation de fait, prétendre avoir acquis un droit au maintien du prêt pour l'éternité ; qu'il convient à cet égard de souligner que ce contrat de prêt conclu est un acte qui suppose pour l'[1] une grande faveur puisqu'il a permis l'occupation du bien, jusqu'à la résiliation du prêt, par l'OGEC qui a ainsi pu l'exploiter ;

Considérant que la Cour ne peut que s'appuyer sur les statuts actuels qui ne prévoient qu'un prêt de durée limitée avec un préavis, et que l'OGEC le savait parfaitement et a bénéficié du préavis convenu ; qu'il lui appartenait de prendre toutes dispositions, notamment financières, pour tenir compte de l'éventualité d'un non-renouvellement du prêt ; que ni les nouveaux statuts ni la déclaration d'utilité publique ne prévoyaient d'exclusivité pour l'OGEC d'occuper ce lieu, ce qui d'ailleurs eût été illégal ;

Considérant que si le Code de droit canonique s'impose à tous les membres de « l'Eglise latine », ses dispositions particulières s'appliquent aux personnes qui en sont destinataires et concernées par son application ; que spécialement les Canons 796 à 806 sont applicables aux « Ecoles », et non aux personnes membres d'associations où à ces dernières, qui restent régies par les règles civiles sauf indications spéciales ; que c'est dès lors à l'OGEC, école, que ces règles s'appliquent, et non à l'[1], simple propriétaire d'un bien qu'elle a prêté ; que c'est l'OGEC qui est soumis, entre autres, à la tutelle épiscopale ; que dès lors ces explications, outre surtout qu'elles sont sans base légale devant le juge civil, sont sans portée ; que le fait que les membres de l'[1] soient de confession catholique, et en conséquence membres de l'Eglise, ne change rien au fait que ces derniers n'ont pas à se voir appliquer des dispositions, même de droit canonique, qui ne mes concernent pas ;

Considérant que la Cour observe en outre ainsi que le souligne l'[1], que par courrier du 10 décembre 2009, l'OGEC avait souhaité entamer des négociation en vue de la conclusion d'un bail, donnant lieu par nature au versement d'un loyer ; qu'elle a montré par là qu'elle n'avait aucun doute sur sa compréhension de la situation ; que cependant par cette proposition qui n'a jamais été acceptée et n'a pas fait l'objet de proposition précise, il ne peut être conclu qu'il y a eu renonciation expresse ;

Considérant qu'il y a lieu dès lors de confirmer le jugement sur ce point, par ces motifs et ceux non-contraires des premiers juges ;

Considérant que si la vocation catholique de l'association telle qu'elle a toujours fonctionné depuis son origine est indiscutée, pas plus que la conviction catholique de ses membres, de nombreux établissements catholiques, soit nouveaux, soit déjà existants à des fins d'expansion de leur établissement actuels, peuvent être intéressés à l'exploitation de ces locaux, sans contrevenir aux statuts ; que par ailleurs l'OGEC, ainsi qu'il l'a été vu ci-dessus, a été avisée par la dénonciation par lettre RAR datée du 4 juin 2009, confirmée par acte d'huissier au 24 juin 2009 ; qu'elle a donc pu depuis cette date s'y préparer et chercher un nouveau local si elle souhaite poursuivre son activité ailleurs ;

Sur la régularité de l'acte de dénonciation ;

Considérant qu'ainsi que le relèvent les premiers juges, il n'est pas discuté en l'espèce que le conseil d'administration de l'[1], les 15 octobre 2007 et 17 novembre 2008, puis l'assemblée générale ordinaire de l'association, les 19 novembre 2007 et 15 décembre 2008, ont voté à l'unanimité la dénonciation du contrat de commodat ;

Considérant que de même l'acte de dénonciation du 24 juin 2009 a été remis à la demande de l'Association agissant poursuites et diligences de son Président sans autre précision ; que les extraits des procès-verbaux des délibérations du conseil d'administration mais également ceux de l'assemblée générale ordinaire (des 19 novembre 2007 et 15 décembre 2008) ont été annexés à l'acte de dénonciation et Maître [X], avocat, y est expressément mandatée pour procéder aux démarches de dénonciation ; que le comité consultatif, en ce compris son président, a lui-même, au terme de deux avis rendus à l'unanimité de ses membres les 19 novembre 2007 et 17 novembre 2008 également annexés, avalisé l'ensemble des décisions prises ;

Considérant qu'au surplus et surtout l'OGEC ne discute pas avoir bien eu connaissance de ces actes et de leur sens ; qu'une irrégularité sur ce point ne pourrait concerner que le fonctionnement interne de l'association ; qu'il en va de même des discussions sur le fait que certains membres de l'[1] n'auraient pas été à jour de leurs cotisations, ce que les pièces produites par l'association et ses explications ne permettent pas de retenir pour établi ; qu'aucun membre de l'association n'a contesté la délivrance de l'acte ; que l'OGEC n'établit pas ni même n'allègue que la décision de mettre fin au prêt eût été différente ; que dès lors celle-ci ne peut prétendre tirer profit de manquements, qui au surplus ne sont pas établis, ne concerneraient que le fonctionnement interne de l'[1] et ne lui ont pas causé préjudice pour se maintenir dans les locaux qui ne lui appartiennent pas ;

Considérant qu'il y a lieu dès lors, par ces motifs et ceux non-contraires des premiers juges, de confirmer le jugement sur ce point ;

Sur la demande d'expulsion ;

Considérant que le fait que les premiers juges aient organisé une médiation, laquelle n'a d'ailleurs pu être menée à bien, ne saurait faire obstacle à la demande du propriétaire de récupérer son bien ; qu'il n'y a plus lieu d'ordonner une nouvelle médiation et que l'OGEC sera déboutée de sa demande sur ce point ; que cette demande revêt un caractère dilatoire ;

Considérant que de même la demande d'indemnisation du préjudice de l'OGEC, qui occupe illégalement sans droit ni titre les locaux de la demanderesse, ne saurait aboutir, sauf pour elle à se prévaloir de sa propre faute ; que c'est à bon droit que les premiers juge ont débouté l'OGEC de sa demande ;

Sur l'indemnité d'occupation et l'expertise ;

Considérant que l'[1] doit payer une indemnité d'occupation ; qu'elle a en effet causé un préjudice indiscutable à l'[1] du fait de la privation pour celle-ci de relouer ce bien ou d'en tirer un revenu compte-tenu de sa taille, de son emplacement et de sa nature ; que c'est à bon droit que le premier juge a ordonné une expertise ;

Considérant que l'[1] ne demande pas le versement d'une indemnité provisoire à valoir sur l'indemnité qui sera calculée par l'expert ; qu'il n'y a pas lieu à statuer sur ce point ;

Considérant qu'il sera statué sur la prescription par le Tribunal lors de la fixation de l'indemnité d'occupation ;

Sur l'astreinte ;

Considérant que le Tribunal, qui avait refusé d'accorder l'exécution provisoire, a pu ne pas considérer devoir fixer une astreinte ; que cependant à ce jour, 11 années après la dénonciation, et alors que l'OGEC occupe les lieux de fait sans droit ni titre, la situation nécessite qu'il soit fait droit à la demande d'astreinte ; que la Cour a les éléments pour fixer cette dernière à 500€ par jour de retard, qui courra dans le délai de 15 jours à compter de la fin de l'année scolaire en cours ; qu'il appartiendra au Tribunal, qui suivra le déroulement de l'expertise, de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

Sur la réfection du buste et de sa colonne ;

Considérant que le jugement sera confirmé sur ce point, l'existence du préjudice moral pour l'association, personne morale, n'étant pas clairement démontrée ; 

Sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la longueur de la procédure et la situation respective des parties justifie que l'OGEC, qui continue ce jour à occuper le local sans droit et a contraint son propriétaire à agir en justice pour faire valoir son droit, sera condamné à lui verser la somme de 12.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement ;

-Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

-Dit qu'à défaut d'avoir libéré les lieux dans le délai de 15 jours qui suivra la fin de l'année scolaire 2019-2020, l'OGEC devra payer une astreinte de 500€ par jour de retard à l'[1] ;

-Renvoie l'affaire devant le Tribunal Judiciaire de PARIS, qui sera chargé du suivi de l'expertise et te de la liquidation de l'astreinte ;

-Condamne l'OGEC au paiement de la somme de 12.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-La condamne aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 18/00663
Date de la décision : 15/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°18/00663 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-15;18.00663 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award