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13/05/2020 | FRANCE | N°18/00123

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 13 mai 2020, 18/00123


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 13 MAI 2020



(n° 2020/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00123 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4W7T



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/02453





APPELANT



Monsieur [G] [L]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 2] 1972 à

[Localité 4]

Représenté par Me Thierry RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R046





INTIMEE



EPIC REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS Prise en la personne de ses représentan...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 13 MAI 2020

(n° 2020/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00123 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4W7T

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/02453

APPELANT

Monsieur [G] [L]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 4]

Représenté par Me Thierry RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R046

INTIMEE

EPIC REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

N° SIRET : 775 663 438

Représentée par Me Thomas ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0920

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé ce jour,

- signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [L] a été embauché par la Régie autonome des transports parisiens (RATP) le 6 septembre 1993 par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'agent de sécurité au sein du département SEC.

Il exerçait en dernier lieu la fonction de pilote de sécurité niveau 12.

La relation contractuelle est régie par le statut du personnel de la RATP.

M. [L] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 20 septembre 2012 d'une demande de reconstitution de carrière, de rappels de salaires afférents, de dommages et intérêts pour discrimination et au titre d'exécution déloyale du contrat de travail.

Il a été victime d'un accident de travail le 18 février 2013, ayant été blessé lors d'une intervention pour porter secours à un agent de station importuné par un individu ivre.

Il a repris à mi-temps thérapeutique le 27 janvier 2014, jusqu'au 14 mai 2014 où il a de nouveau été en arrêt de travail.

Le 14 janvier 2015, il a été provisoirement déclaré inapte à son emploi statutaire par le médecin du travail et reclassé dans la logistique.

Il a de nouveau été en arrêt de travail à compter du 21 avril 2015.

M. [L] a été déclaré inapte définitif en une seule visite, avec danger immédiat par la médecine du travail en date du 14 janvier 2016 et, après avis favorable de la commission médicale du 3 mars 2016, a été réformé pour motif médical le 11 mars 2016.

Contestant la régularité cette réforme, M. [L] a saisi le Conseil de Prud'hommes qui, par jugement de départage du 10 novembre 2017, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Le 11 décembre 2017, M. [L] a régulièrement interjeté appel.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 9 mars 2018, auxquelles il est expressément fait référence, M. [L] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 10 novembre 2017 et de :

- Dire et juger que Monsieur [L] a subi un préjudice de carrière et une inégalité de traitement;

- Dire et juger que la RATP a exécuté le contrat de manière déloyale et a manqué à son obligation de santé au travail ;

Par conséquent,

- Condamner la RATP à verser à Monsieur [G] [L] la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de carrière et de l'inégalité de traitement subie,

- Condamner la RATP à verser à Monsieur [G] [L] la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi à raison de l'exécution déloyale du contrat de travail et du manquement à l'obligation de sécurité de santé,

- Condamner la RATP à reconstituer rétroactivement le déroulement de carrière de Monsieur [G] [L], avec toutes les conséquences de droit en matière de rémunération et de points de retraite, suivant les modalités suivantes :

- Accès au niveau 8 dès 1996,

- Accès au grade de pilote de sécurité de niveau 9 en 1999,

- Accès au grade de pilote de sécurité de niveau 10 en 2002,

- Accès au grade de pilote de sécurité de niveau 11 en 2005,

- Accès au grade de pilote de sécurité de niveau 12, échelon 12 en 2008,

- Accès au grade de maîtrise de sécurité Confirmé 1 échelon 16 en 2009,

- Accès au grade de maîtrise de sécurité Confirmé 1 + 10 échelon 16 en 2010,

- Accès au grade de maîtrise de sécurité Confirmé 1 + 30 échelon 16 en 2011,

- Accès au grade de maîtrise de sécurité Confirmé 2 échelon 16 en 2012,

- Accès au grade de maîtrise de sécurité Confirmé 2 + 10 échelon 16 en 2013,

- Condamner la RATP à verser à Monsieur [G] [L] la somme de 44.483,18 € à titre de rappels de salaire et une somme de 4.448,32 €, au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2012, date de saisine du Conseil de Prud'hommes,

- Dire et juger que la décision de réforme équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- Condamner la RATP à verser à Monsieur [G] [L] la somme de 6.640,60€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre une somme de 664,06 €,au titre des congés payés afférents,

- Condamner la RATP à verser à Monsieur [G] [L] la somme de 79.687 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi du fait de sa réforme médicale intervenue sans procédure régulière et sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la RATP à verser à Monsieur [G] [L] la somme de 40.961,06 € à titre d'indemnité spéciale de rupture du contrat de travail,

- Condamner la RATP à la somme de 2. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la RATP aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 21 janvier 2020, auxquelles il est expressément fait référence, la RATP demande :

A titre principal :

- Constater l'absence d'inégalité de traitement à l'égard de M. [L] ;

- Constater la régularité et la validité de la réforme médicale de M. [L] ;

- Dire et juger M. [L] mal fondé en toutes ses demandes.

En conséquence :

- Débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner M. [L] à 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamner aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 4 février 2020.

MOTIFS :

sur le préjudice de carrière et l'inégalité de traitement

sur la référence à une discrimination dans les écritures de l'appelant

L'appelant indique dans ses écritures que le jugement est critiqué 'en ce qu'il a dit que l'employeur avait justifié ses décisions par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et qu'aucun manquement au principe d'égalité de traitement ne pouvait être retenu' et en ce qu'il a en conséquence débouté M. [L] 'de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la discrimination et de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail à hauteur de 100.000 euros'.

Il ne forme cependant plus en cause d'appel aucune demande de dommages et intérêts au titre d'une discrimination et dans le dispositif de ses écritures demande désormais une somme de 50.000€ de dommages et intérêts à titre de réparation de son préjudice de carrière et d'inégalité de traitement, ce qu'autorise l'unicité de l'instance applicable à cette affaire introduite devant le conseil de prud'hommes avant le 1er août 2016.

Dans le corps de ses écritures il soutient cependant 'avoir connu une évolution de carrière moins favorable que celle d'autres salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation comparable, l'employeur ne pouvant justifier cette différence de traitement par des raisons objectives étrangères à toute discrimination'.

Néanmoins, le salarié n'énonce pas la cause qui pourrait fonder la discrimination dont il se plaint en ce qui concerne sa carrière et sa rémunération.

C'est exclusivement dans le développement de ses écritures relatif à la critique de la procédure de réforme médicale qu'il argue une discrimination liée à son état de santé en ce qu'il a été convoqué durant son arrêt maladie, ce qui est sans lien avec les développements relatifs à son déroulement de carrière et la rémunération qu'il a perçue avant la rupture de son contrat de travail.

La Cour observe aussi que le salarié a versé aux débats, le 5 janvier 2020, une pièce 65 dont il résulte qu'il était représentant du personnel au conseil de discipline en 2015.

Pour autant, à aucun moment dans ses écritures il n'évoque cette qualité de représentant du personnel, que ce soit comme cause d'une éventuelle discrimination ou au soutien d'un autre moyen.

Ce n'est donc finalement pas sur la discrimination telle que définie à l'article L 1132-1 du code du travail que le salarié fonde désormais ses demandes, mais sur l'inégalité de traitement.

Sur l'existence d'une inégalité de traitement

L'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés d'une même entreprise, pour autant que ceux-ci soient placés dans une situation identique.

M. [L] soutient que sa progression de carrière n'est pas cohérente avec les évaluations professionnelles de l'employeur et qu'elle a été moins favorable que celles de collègues ayant la même ancienneté que lui ou même plus jeunes.

Les règles de l'avancement au sein de la RATP sont contenues dans le statut du personnel lui-même complété par des instructions ou des accords d'entreprise.

Il en résulte un avancement au choix.

Il convient dès lors d'appréhender son évolution à l'aune des normes des fourchettes d'ancienneté, de ses évaluations et du parcours de ses collègues, issus de la même promotion que lui.

En 1993 M. [L] était agent de sécurité niveau 7, conformément paragraphe 1° du chapitre VIII du protocole d'accord du 30 juin 1994.

Il faisait l'objet d'appréciations élogieuses dans son évaluation de mars 1996. Si le salarié argue de ce qu'il est précisé 'qu'il tenait bien sa place en tant que chef d'équipe', la RATP indique qu'à défaut de pilote cette fonction est assumée par l'agent le plus ancien, qu'il s'agit d'un exercice occasionnel et il n'existe aucune disposition prévoyant que cette fonction soit nécessairement occupée par un pilote de sécurité.

Si les attestations produites par le salarié établissent l'exercice de cette mission, elles ne suffisent pas à caractériser le caractère permanent de cette fonction avant qu'il ne soit promu pilote.

Au demeurant, le salarié reconnaît lui-même dans ses écritures que sa bonne appréciation et l'exercice de fonctions de chef d'équipe ne pouvaient conduire à sa promotion immédiate, compte-tenu d'un minimum d'ancienneté requis.

Force est aussi de constater qu'au titre de l'année 1996 il n'était encore qualifié que de 'bon' et exprimait lui-même le souhait de progresser et que ce n'est qu'à la suite de l'évaluation de l'année 1997 où il a été qualifié de 'très bon' qu'il a été identifié par l'évaluateur comme apte à passer en E8, ce qui s'est réalisé.

Son passage au niveau 8 s'est fait en juin 1998, 5 ans plus tard, soit dans la norme de la fourchette d'ancienneté de 3 à 7 ans de l'instruction générale N°468 et en cohérence avec l'évolution de ses évaluations.

Sur les 17 agents de la promotion de M. [L], 9 ont enregistré un temps de passage au niveau E8 plus court.

Les évaluations de l'année 1998 l'identifient comme bon, mais soulignent qu'il doit progresser dans la façon générale de servir, celle de l'année 1999 qu'il doit encore évoluer pour être un bon pilote de sécurité. Celle de l'année 2000 souligne une forte progression et propose un passage en N9, ce qui s'est réalisé.

Son passage au niveau 9 et au grade de pilote s'est fait en octobre 2001, 3,5 ans plus tard, soit dans la norme de la fourchette d'ancienneté de 3 à 7 ans de l'instruction générale N°468 et en cohérence avec l'évolution de ses évaluations.

Sur les 18 agents de la promotion, 5 partiront avant d'avoir atteint le niveau 9 et un seul agent l'atteindra avant M. [L].

Devenu pilote en 2001, M. [L] ne produit pas ses évaluations au titre des années 2001 et 2002. Son appréciation en avril 2003 est certes élogieuse et ne contient aucune restriction, mais celle de 2004 est bien plus nuancée avec deux critères 'insuffisants', en relevant des qualités professionnelles et un énorme potentiel, mais l'invitant à plus de motivation et conditionnant sa proposition à un maintien de ses efforts.

L'année 2005 n'est pas communiquée. Son évaluation de l'année 2006 indique qu'il est 'en progrès par rapport à 2005" mais doit s'investir davantage dans sa fonction de pilote.

Son passage au niveau 10 se fait en mars 2006, 4 ans et 5 mois plus tard, soit dans la norme de la fourchette d'ancienneté de 3 à 7 ans de l'instruction générale N°468 et en cohérence avec l'évolution de ses évaluations.

Sur les 13 agents de la promotion ayant atteint le niveau 9, 2 partiront avant d'avoir atteint le niveau 10, 5 l'atteindront avant M. [L] et 5 après lui.

Les évaluations 2007 et 2008 ne sont pas communiquées. Celle de novembre 2009 souligne un manque de motivation et l'appelle à réagir davantage en leader pour être en adéquation avec son rôle de pilote.

Son évaluation 2010 est élogieuse et souligne qu'il a fait les efforts attendus par son encadrement.

Il passe alors au niveau 11, soit au bout de 4 ans, ce qui reste dans la norme de la fourchette d'ancienneté de 2 à 5 ans issue du protocole d'accord 2008-2012 sur le déroulement de carrière des agents de sécurité et en cohérence avec l'évolution de ses évaluations.

Sur les 11 agents de la promotion ayant atteint le niveau 10, 1 ne le dépassera pas, 2 agents atteindront le niveau 11 après M. [L], 5 avant lui et 2 autres passeront respectivement EC1 en octobre 2008 et MD en février 2009.

En avril 2011, son évaluation souligne qu'il maîtrise totalement sa fonction mais ne s'implique pas suffisamment et, s'agissant d'un éventuel avancement précise ' agent ayant un potentiel qu'il n'exploite pas'. Dans les commentaires de l'évaluation, le salarié a demandé la révision complète de son dossier, estimant avoir le potentiel pour être agent de maîtrise.

En décembre 2011, il fait l'objet d'une évaluation satisfaisante , même s'il reste insuffisant dans la lutte contre la fraude. S'agissant d'un éventuel avancement, il est mentionné 'est administrativement proposable au niveau supérieur'. Il n'a pas signé cette évaluation.

En décembre 2012, l'évaluation précise qu'il est un pilote expérimenté mais qui n'adhère pas aux objectifs de l'unité opérationnelle et son implication insuffisante dans la lutte contre la fraude est soulignée. S'agissant d'un éventuel avancement, il est mentionné 'est proposable au tableau d'avancement'. Dans les commentaires de l'évaluation, le salarié a demandé la révision complète de son dossier, estimant avoir le potentiel pour être agent de maîtrise.

A la suite de son accident de travail, il ne fera pas l'objet d'évaluations sur son activité opérationnelle en 2013 et 2014.

En janvier 2015, à la suite d'un avis d'inaptitude provisoire, il est affecté à une mission temporaire dans le cadre de la logistique où son appréciation est bonne. Il la commente en indiquant ne pas comprendre pourquoi la plupart des agents de maîtrise qui l'évaluent sont des agents qu'il a lui-même formés sur le terrain et souligne ne jamais avoir été proposé pour un entretien lui donnant accès à un stage d'agent de maîtrise.

Cette année 2015, il passe en niveau 12, soit au bout de 5 ans, ce qui reste conforme au protocole d'accord 2008-2012 et en cohérence avec l'évolution de ses évaluations.

Sur les 8 agents de la promotion au niveau 11, 3 n'atteindront pas le niveau 12, 1 l'atteindra en 2012, M. [L] en 2015, 3 autres passeront respectivement EC1 en octobre 2008 et MD en février 2009.

Il apparaît que sur 17 agents de sa promotion, seuls six ont connu des carrières plus brillantes que lui, ce qui ne caractérise nullement une inégalité de traitement, dès lors qu'il a connu un avancement normal, conforme à ses évaluations et qu'il ne peut être fait grief à l'employeur, qui en avait la liberté, de ne pas l'avoir choisi pour des fonctions supérieures s'agissant d'un avancement au choix.

M. [L] ne saurait comparer sa carrière avec celle de M. K. (Pièce RATP N°5), entré à la RATP en 1987, ni à celle d'autres agents entrés à la RATP avant lui.

M. [L] produit une liste d''agents GPSR de 1990 à 2012 promus maîtrise' faisant apparaître des noms d'agents recrutés après lui et promus agents de maîtrise. Mais outre que l'employeur établit que cette liste est erronée ( le N°8 de cette liste, M. B. a ainsi été directement recruté comme agent de maîtrise en 1996), le salarié, qui ne s'inscrivait pas dans une démarche de mobilité, ne peut se comparer à ces agents, qui eux ont souhaité évoluer dans d'autres départements ou services ou dont l'évaluation caractérise une parfaite adhésion aux objectifs de l'entreprise.

Enfin, il ne justifie pas par les pièces produites aux débats et notamment l'attestation de M. [V] (pièce salarié N°14) qu'il aurait exercé de fait des fonctions d'agent de maîtrise.

M. [L], qui a exprimé à plusieurs reprises à sa hiérarchie son aspiration à des fonctions de responsabilité supérieure et son sentiment de manque de reconnaissance, justifie avoir été un collègue particulièrement apprécié, ainsi qu'il résulte des témoignages produits et il est incontestable qu'il a pu faire preuve d'engagement dans l'exercice de sa fonction d'agent de sécurité, y compris en ayant le courage de s'exposer physiquement.

Si ses évaluations saluent ses qualités professionnelles, elles n'en ont pas moins souligné, au fil des années, un investissement insuffisant et notamment sa difficulté récurrente à adhérer à un objectif essentiel de l'entreprise, en matière de lutte contre la fraude et, subséquemment à faire adhérer ses agents aux objectifs de l'unité opérationnelle. Cette insuffisance, voire cette rétivité, explique par des éléments objectifs le parcours qui a été le sien et les décisions de son employeur, qui disposait d'un pouvoir d'appréciation s'agissant de promotions au choix.

M. [L] n'établit pas dans ce contexte avoir subi une inégalité de traitement et il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef et de celui d'un préjudice de carrière, de sa demande de reconstitution de carrière et de ses conséquences de droit en matière de rémunération et de points de retraite et de sa demande de rappels de salaire et de congés payés afférents subséquentes.

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs et il y sera ajouté s'agissant des demandes relatives au préjudice de carrière et d'inégalité de traitement.

Sur la contestation de la réforme

sur l'existence d'un contexte de harcèlement et d'un état de faiblesse

Si M. [L] fait état d'un 'contexte de harcèlement', en se référant à un rapport d'évaluation des conditions de travail au département environnement et sécurité de la RATP établi le 30 novembre 2004 par la société Emergences à la demande du CHSCT et présenté en séance extraordinaire le 17 janvier 2005, le rapport expose en son point 1.2 :'Concernant le phénomène de harcèlement, la discrimination raciale et syndicale, nous ne donnerons pas de preuve car nous n'avons pas été témoins de scènes de harcèlement ou de discrimination'.

Si par ailleurs le rapport fait état de récits de personnes s'estimant avoir été harcelées ou discriminées (personne d'origine étrangère ou exerçant une activité syndicale), M. [L] n'est pas cité dans ce rapport et n'argue pas que les auteurs de ce rapport se soient référés à sa situation personnelle.

Il reste constant que le rapport conclut que l'écart de représentation du travail existant entre les responsables et les agents de terrain explique pour une bonne part les phénomènes de souffrance et de maltraitance identifiés lors de cette enquête.

Si celle-ci a été effectuée courant 2004, le salarié établit que les médecins du travail ont de nouveau alerté la direction du département de la sécurité en mai 2005 sur l'impact de l'organisation du travail sur l'état de santé des agents du département et qu'en mars 2011, un médecin du travail a de nouveau alerté le département et proposé l'intervention d'un médecin spécialiste en risques psycho-sociaux, afin d'apporter des réponses et des pistes sérieuses de travail.

De nouveau, en novembre 2011, plusieurs médecins du travail ont alerté la direction et le CHSCT sur 'la situation délétère de plusieurs agents' et le risque de passage à l'acte. En mars 2012, le salarié justifie d'un avis de danger grave et imminent concernant trois agents signé de représentants de membres du CHSCT ayant donné lieu à une réunion extraordinaire du CHSCT et à la saisie par le président du CHSCT de la plate-forme de conseil et d'appui créée par le protocole sur les risques psychosociaux. En décembre 2012, le syndicat SATRATP a signalé par deux lettres recommandées avec accusé de réception au président de la RATP la situation de plusieurs agents comme étant victimes de harcèlement et discrimination.

Si ces éléments peuvent accréditer la médiocrité de l'environnement de travail de M. [L] à cette époque, aucun ne le concerne cependant directement et il a renoncé à soutenir l'existence d'un harcèlement moral dont il avait initialement saisi le conseil de prud'hommes en 2012.

Par ailleurs, l'arrêt de travail de M. [L], subséquent à un accident de travail de 2013, résulte d'une fracture de la cheville ayant mal évolué et provoquant claudication et douleurs du rachis.

S'il justifie d'un suivi psychologique, engagé six mois après l'accident, il résulte d'un rapport en date du 2 septembre 2015 du docteur [E], médecin expert spécialiste de la réparation juridique du dommage corporel, qu'il produit, que ce suivi est justifié par des 'troubles psychologiques liés à la douleur et à l'incapacité de retravailler'.

Dès lors, ce suivi psychologique du salarié ne permet pas de caractériser un mal-être résultant du comportement de l'employeur ou de l'environnement de travail du salarié.

Enfin, M. [L] ne présente aucune élément précis relatif à ses conditions de travail en 2016, au moment de sa réforme.

Il ne présente donc pas d'éléments qui pris dans leur ensemble permettraient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et ne caractérise pas même de lien entre son état de santé et un contexte de souffrance au travail.

En outre, s'il affirme que 'la RATP, qui avait pleinement conscience de (sa) grande vulnérabilité à cette période a profité de son état de grande faiblesse et de l'absence de conseils pour accélérer et violer la procédure de licenciement, par voie de réforme', il ne verse aucune pièce aux débats, ni pour caractériser la moindre initiative de la RATP de le licencier, ni de le pousser à la réforme.

Il résulte du rapport (précité) du 2 septembre 2015 du docteur [E] qu'il produit qu'il était consolidé et 'incapable de reprendre son travail à la RATP'.

Il apparaît qu'à la suite d'une visite du jeudi 14 janvier 2016, le médecin du travail, au visa de l'article D4624-31 du code du travail, l'a déclaré 'inapte définitif - procédure en une seule visite pour danger immédiat' alors qu'il occupait le poste de chargé de la logistique d'exploitation sur lequel il avait été reclassé.

Cet avis n'a pas été contesté et c'est bien le salarié qui a presque immédiatement pris l'initiative, par lettre du lundi 18 janvier 2016 à laquelle il joignait la fiche d'inaptitude définitive, de demander à son employeur 'de passer en commission de réforme suite à des problèmes graves de santé'. Il précisait dans ce courrier : ' Je ne souhaite pas de reclassement et je désire une réforme médicale'.

Outre que lorsqu'il a pris cette décision, la procédure qu'il avait engagée devant le conseil de prud'hommes restait en cours et qu'il bénéficiait des conseils d'un avocat en capacité de l'éclairer, il n'est pas démontré en l'espèce que sa démarche a été engagée dans un contexte de harcèlement ou de faiblesse.

Sur la régularité de la procédure

Il résulte de l'article 43 du statut du personnel de la RATP que la réforme constitue un mode spécifique de cessation des fonctions d'un agent de la RATP.

Aux termes de l'article 85 du statut 'Exception faite des cas visés à l'article 81, les agents dont l'état ne peut être amélioré par aucun traitement et ayant fait l'objet d'une décision d'inaptitude définitive à tout emploi, peuvent être mis à la réforme à l'expiration de leurs droits aux congés prévus aux articles 80 et suivants. Au cours de leurs congés, ces agents peuvent à tout moment demander à être déférés devant la Commission médicale.

La situation des agents réformés est réglée conformément aux dispositions du Règlement des retraites'.

Il résulte des éléments qui précèdent que M. [L] a librement fait le choix de solliciter sa réforme médicale.

Aux termes de l'article 94 du statut 'La Commission Médicale [...] se réunit périodiquement en vue de donner un avis sur les cas particuliers et obligatoirement : [...] à la demande des agents en congé de maladie de plus de 3 mois, sur leur inaptitude à tout emploi à la RATP, après avis d'inaptitude définitive à l'emploi statutaire par le médecin du travail, et sur leur réforme [...] ;

La rupture de la relation de travail résultant d'une réforme et non d'un licenciement, M. [L] n'est pas fondé à soutenir que son employeur aurait dû respecter les dispositions relatives au licenciement, et le convoquer notamment à un entretien préalable.

La procédure de réforme ne pouvant être assimilée à un licenciement, M. [L] ne peut arguer de son irrégularité au motif qu'il était en arrêt de travail pour accident de travail lorsque la réforme est intervenue, étant relevé qu'aux termes de l'article 94, c'est précisément les agents en congé de maladie de plus de 3 mois qui peuvent demander l'avis de la commission médicale sur leur inaptitude et sur leur réforme.

En outre, le salarié ne peut utilement soutenir qu'il ne pouvait être convoqué devant la commission durant son congé maladie, l'instruction n°6/VII du 15 avril 1952 de la direction générale de la RATP à laquelle il se réfère étant relative à la procédure pour inaptitude à l'emploi statutaire, provisoire ou définitive de l'article 97 du statut, et non pour inaptitude définitive à tout emploi de l'article 99, la cour relevant, surabondamment, que M. [L] n'a pas exercé de recours à l'encontre de la déclaration d'inaptitude rendue en urgence par le médecin du travail, mais l'a tout au contraire immédiatement adressée à son employeur pour lui demander la saisine de la commission médicale en vue de sa réforme.

Sur l'existence d'une discrimination

M. [L] argue d'une discrimination liée à son état de santé.

Si, conformément à l'article L1134-1 du code du travail il lui appartient de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il n'illustre la discrimination évoquée que par le fait qu'il a été convoqué devant la commission médicale alors qu'il était en arrêt maladie, ce qu'il estime contraire à l'instruction générale n°10 de la RATP.

Dès lors que le salarié a demandé par lettre du 18 janvier 2016 à passer en commission de réforme en précisant désirer une réforme médicale après avoir été déclaré inapte définitif en une seule visite, avec danger immédiat par la médecine du travail le 14 janvier 2016, le fait d'avoir été convoqué alors qu'il était en arrêt-maladie ne suffit pas à laisser supposer l'existence d'une discrimination de la part de son employeur, qui n'a fait que répondre à sa demande et n'a pas commis d'irrégularité de procédure.

Sur la mise à la réforme sans recherche de reclassement

Aux termes de l'article 97 du statut du personnel de la RATP, l'inaptitude à l'emploi statutaire, provisoire ou définitive, relève de la seule compétence du médecin du travail, qui peut sur demande de l'agent recueillir l'avis du conseil de prévoyance.

Aux termes de l'article 98, l'inaptitude définitive à tout emploi à la régie relève de la seule compétence de la commission médicale et entraîne obligatoirement la réforme de l'agent concerné.

Aux termes de l'article 99, l'agent faisant l'objet, après avis du médecin du travail, d'une décision d'inaptitude définitive peut être reclassé dans un autre emploi, si l'agent n'est pas reclassé, il est réformé.

Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsque l'inaptitude définitive de l'agent à son emploi statutaire est constatée par le médecin du travail, sa réforme ne peut intervenir que s'il est ensuite déclaré définitivement inapte à tout autre emploi par la commission médicale, ou si son reclassement est impossible.

Dès lors que ce n'est pas l'employeur, mais bien le salarié qui a pris l'initiative d'engager une procédure conduisant à la rupture du contrat de travail, par lettre du 18 janvier 2016, en demandant la réunion de la commission médicale en vue de sa réforme, et que le salarié a expressément précisé dans ce même courrier ne pas souhaiter de reclassement, il ne peut être fait grief à l'employeur d'avoir, une fois l'avis favorable de la commission rendu, prononcé la mise à la retraite du salarié par réforme le 11 mars 2016 sans avoir procédé à une recherche de reclassement.

En effet, si la RATP, lorsqu'elle prend l'initiative d'envisager la rupture du contrat de travail à raison de l'inaptitude du salarié, est tenue de procéder à cette recherche de reclassement, même lorsque le salarié n'en fait pas la demande, afin que cette rupture ne s'impose qu'une fois explorées toutes autres solutions préservant la relation de travail, tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que le salarié par son courrier du 18 janvier 2016 a non seulement pris l'initiative de demander sa réforme, mais aussi clairement exprimé ne pas souhaiter de reclassement et donc vouloir quitter l'entreprise.

Sur la mise à exécution de la réforme

Aux termes de l'article 94 du statut, les décisions du Président Directeur Général prises au vu des avis de la commission médicale sont immédiatement exécutoires.

Aux termes de l'article 50 de ce statut, la réforme est prononcée par le Président Directeur Général sur proposition de la Commission médicale visée à l'article 94 et l'agent réformé est soumis aux dispositions du règlement des retraites.

L'employeur justifie par les pièces produites que Mme [Z], responsable de l'unité processus ressources humaines et prestations du département gestion et innovation sociales, signataire de la lettre du 11 mars 2016 notifiant au salarié sa mise à la réforme, disposait de la délégation de signature du Président directeur Général.

Enfin, si la lettre notifiant la mise à la réforme du salarié ne comportait pas d'indication de voie de recours, cette information figure à l'article 95 du statut des personnels de la RATP et était donc nécessairement connue de l'agent dès lors qu'il en a reçu un exemplaire lors de son engagement.

Dès lors, la procédure de réforme n'est pas irrégulière et la rupture du contrat de travail de M. [L], qui en est à l'initiative, ne peut être assimilée à un licenciement, qui plus est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [L] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts subséquente.

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur les demandes financières liées à la rupture du contrat de travail

La mise à la retraite n'ouvrant pas droit à une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et une indemnité spéciale de licenciement, M. [L] sera débouté de ses demandes subséquentes.

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Renonçant à sa demande initiale de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la discrimination et de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail à hauteur de 100.000 euros', M. [L] demande désormais une somme de 50.000€ de dommages et intérêts 'Au vu de l'exécution déloyale du contrat de travail et du manquement à l'obligation de santé au travail".

Pour fonder sa demande de dommages et intérêts, M. [L] se réfère à l'article 1134 du code civil alors applicable et indique pour tout moyen que 'l'évolution anormale de la carrière explicitée ci-dessus et l'absence de prise en compte de son état de santé explicitée ci-dessous caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail'.

Il résulte des développements qui précèdent que le salarié n'administre pas la preuve de ses allégations.

Il sera débouté de sa demande et le jugement entrepris sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles

M. [L] sera condamné aux dépens de l'instance d'appel et conservera la charge de ses frais irrépétibles.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la RATP et de condamner M. [L] à lui verser une somme de 1.500€ à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

DÉBOUTE M. [L] de ses demandes de dommages et intérêts au titre d'un préjudice de carrière et d'une inégalité de traitement ;

CONDAMNE M. [L] aux dépens ;

CONDAMNE M. [L] à payer à la RATP la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [L] de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/00123
Date de la décision : 13/05/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°18/00123 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-13;18.00123 ?
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