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13/03/2020 | FRANCE | N°19/189347

France | France, Cour d'appel de Paris, I7, 13 mars 2020, 19/189347


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 13 MARS 2020

(no 7, 31 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 19/18934 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAZBJ

Décision déférée à la cour : Décision de l'Autorité des marchés financiers no 219C1942 en date du 14 octobre 2019

REQUÉRANTE :

ASSOCIATION POUR LA DÉFENSE DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES (ADAM) actionnaire de la S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES
Prise en la personne de sa préside

nte Mme Y... J...
Ayant son siège social au [...]
[...]

Élisant domicile au cabinet de Me Laure GÉNITEAU
[...]
[...]

Repr...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 13 MARS 2020

(no 7, 31 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 19/18934 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAZBJ

Décision déférée à la cour : Décision de l'Autorité des marchés financiers no 219C1942 en date du 14 octobre 2019

REQUÉRANTE :

ASSOCIATION POUR LA DÉFENSE DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES (ADAM) actionnaire de la S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES
Prise en la personne de sa présidente Mme Y... J...
Ayant son siège social au [...]
[...]

Élisant domicile au cabinet de Me Laure GÉNITEAU
[...]
[...]

Représentée par Me Laure GÉNITEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : R210
Assistée de Me Alain GÉNITEAU, avocat au barreau de BREST

DÉFENDERESSES AU RECOURS :

La société ALTRAN TECHNOLOGIES S.A.
Prise en la personne de son président directeur général
Inscrite au RCS de Nanterre sous le no 702 012 956
Ayant son siège social au [...]
[...]

Élisant domicile au cabinet de la SELARL 2H AVOCATS
[...]
[...]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN, de la SELARL 2H, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistée de Me Clément DUPOIRIER, du PARTNERSHIPS HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J025

La société CAPGEMINI, société européeene
Prise en la personne de son représentant légal
Inscrite au RCS de Paris sous le no330 703 844
Ayant son siège social au [...]
[...]

Élisant domicile chez la SCP RÉGNIER - BEQUET - MOISAN
[...]
[...]

Représentée par Me Benjamin MOISAN, de la SCP RÉGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Assistée de Me Emmanuel BROCHIER, de l'AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R170
Assistée de Me Jean-Yves GARAUD, du LLP CLEARY, GOTTLIEB, STEEN etamp; HAMILTON LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J021

EN PRÉSENCE DE :

L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
Prise en la personne de son président
[...]
[...]

Représentée par Mme V... D..., dûment mandatée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 février 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

– Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente de chambre, présidente,
– Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre,
– Mme Sylvie TRÉARD, conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée, et représenté lors des débats par Mme Madeleine GUIDONI, avocate générale, entendue en son avis.

ARRÊT :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, présidente de chambre, et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * *
Vu la décision de l'Autorité des marchés financiers no 219C1942 du 14 octobre 2019 déclarant conforme le projet d'offre publique d'achat de la société Capgemini visant les actions Altran technologies ;

Vu le visa no 19-490 apposé par l'Autorité des marchés financiers le 14 octobre 2019 sur la note d'information établie par la société Altran technologies en réponse à cette offre publique d'achat ;

Vu les déclarations de recours déposées le 24 octobre 2019 par l'Association pour la défense des actionnaires minoritaires contre la décision no219C1942 et l'apposition du visa no19-490 précitées ;

Vu les exposés des moyens déposés au greffe de la cour le 8 novembre 2019 par l'Association pour la défense des actionnaires minoritaires ;

Vu les observations écrites en réponse déposées au greffe de la cour le 20 décembre 2019 par la société Capgemini ;

Vu les observations écrites en réponse déposées au greffe de la cour le 20 décembre 2019 par la société Altran Technologies ;

Vu les observations écrites déposées au greffe de la cour le 26 décembre 2019 par l'Autorité des marchés financiers ;

Vu les observations en réplique déposées au greffe de la cour les 24 et 31 janvier 2020 par l'Association pour la défense des actionnaires minoritaires ;

Vu les observations en réplique déposées au greffe de la cour les 31 janvier 2020 par les sociétés Capgemini et Altran ;

Vu l'avis du ministère publicdu 5 février 2020 communiqué le même jour aux parties ;

*
* *

SOMMAIRE

FAITS ET PROCÉDURE 5

MOTIVATION 7

I. SUR LE RECOURS EN CE QU'IL EST FORMÉ CONTRE LA DÉCISION DE CONFORMITÉ 7

1. Sur la demande de communication de pièces 7

2. Sur la procédure 9

a) sur le moyen pris de l'absence de preuve du respect des règles de fonctionnement de l'AMF 9

b) sur le moyen pris de l'irrégularité du vote du collège par consultation écrite 9

c) sur le moyen pris du caractère incomplet du dossier soumis à l'AMF 10

d) Sur le moyen pris du caractère tardif d'un avis du conseil d'administration de la société Altran 14

e) Sur le moyen pris de l'irrégularité d'une consultation du comité social et économique 14

f) Sur le moyen pris de la « vacuité des orientations en matière d'emploi » 15

g) Sur le moyen pris de la caducité de l'offre 16

3. Sur le fond 18

a) sur le moyen pris de la violation des régles de la période de préoffre 18

b) sur le moyen pris d'« un conseil d'administration instrumentalisé » et de la stipulation d'une indemnité de rupture de 75 millions d'euros 19

II. SUR LE RECOURS FORMÉ CONTRE L'APPOSITION DU VISA No 19-490 22

III. SUR LES DEMANDES AU TITRE DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE 30

*
* *

FAITS ET PROCÉDURE

1.Le 24 juin 2019, la société Capgemini et la société Altran Technologies (ci-après «la société Altran»), dont les actions sont cotées sur le compartiment A du marché réglementé Euronext Paris, ont conclu un accord de négociations exclusives, approuvé le même jour par leur conseil d'administration, en vue de l'acquisition des actions de la société Altran par la société Capgemini dans le cadre d'une offre publique d'achat volontaire et amicale au prix de 14 euros par action.

2.Le même jour, la société Capgemini a conclu trois contrats avec respectivement la société Altrafin Participations, société appartenant au groupe Apax Partners (ci-après «Apax»), et messieurs L... et X..., tous deux fondateurs de la société Altran, portant sur l'acquisition hors marché de leurs participations respectives dans le capital de la société Altran, et qui cumulées, représentent 11,43% de ce capital.

3.Ce même jour, les sociétés Capgemini et Altran, ont publié un communiqué commun sur leur site internet, annonçant « la création d'un leader mondial de la transformation digitale des entreprises industrielles et de technologie » via la signature d'un accord de négociations exclusives en vue de l'acquisition des actions de la société Altran par la société Capgemini dans le cadre de la mise en oeuvre d'une offre publique d'achat au prix de 14 euros par action.

4.Le lendemain, l'Autorité des marchés financiers (ci-après «l'AMF») a publié un avis no219C1016 annonçant que la publication de ce communiqué de presse marquait le début de la période de préoffre et l'application des dispositions de son règlement général (art. 231-38 à 231-43 et 231-44 à 231-52) aux interventions et aux déclarations des interventions sur les titres Altran.

5.Le 2 juillet 2019, la société Capgemini a concrétisé l'acquisition, hors marché, des participations de la société Altrafin Participations et de MM. X... et L..., soit 11,43 % du capital de la société Altran, au prix de 14 euros l'action. La société Altrafin Participations et MM.X... et L... ont déclaré à l'AMF avoir franchi à la baisse les seuils de 5 % et de 10 % du capital de la société Altran et ne plus détenir aucune action de cette société à la suite de la cession intervenue le 2 juillet 2019. Cette déclaration a été publiée par l'AMF sur son site le 5 juillet 2019.

6.Le 16 juillet 2019, le comité d'entreprise international de la société Capgemini a émis un avis favorable à l'opération. Le comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale de la société Altran et le comité d'entreprise européen de cette dernière ont émis un avis favorable, le premier sans réserve le 2 août 2019, le second avec réserves le 8 août 2019.

7.Par un communiqué du 12 août 2019, les sociétés Capgemini et Altran ont annoncé avoir conclu, la veille, un accord de rapprochement, lequel avait été préalablement approuvé à l'unanimité par le conseil d'administration de la société Altran réuni le 9 août 2019.

8.Lors de ce conseil d'administration, les administrateurs se sont également prononcés sur l'intérêt de l'offre pour la société, ses actionnaires et ses salariés et les autres parties prenantes, et ont désigné le Cabinet Finexsi, en qualité d'expert indépendant, en application de l'article 261-1, I du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers (ci-après « le RGAMF »).

9.Le 11 août 2019, des actionnaires minoritaires de la société Altran, dont l'association pour la défense des actionnaires minoritaires (ci après, «l'ADAM») ont fait part à l'AMF de leurs objections au projet d'acquisition de la société Altran par la société Capgemini et le 5 septembre 2019, l'ADAM lui a transmis l'avis, émis par un consultant qu'elle a mandaté, sur le prix proposé de 14 euros l'action.

10.Le 22 septembre 2019, le Cabinet Finexsi a remis son rapport aux termes duquel il indique que le prix de 14 euros était équitable. Rapport qu'il a complété le 10 octobre 2019 pour y intégrer l'analyse du consultant mandaté par l'ADAM, y répondre et aux termes duquel il a maintenu son avis initial en confirmant le caractère équitable du prix.

11.Le 22 septembre 2019, le conseil d'administration de la société Altran a émis un avis favorable sur le projet, avis qu'il a maintenu le 10 octobre 2019 après avoir pris connaissance du complément de rapport du Cabinet Finexsi.

12.Le 23 septembre 2019, les sociétés BNP Paribas, Crédit Agricole Corporate and Investment Bank, HSBC France et [...], agissant pour le compte de la société Capgemini, ont déposé auprès de l'AMF, en application de l'article 231-13 I du RGAMF, le projet d'offre publique d'achat visant les actions de la société Altran ainsi que la note d'information établie par la société Capgemini. Le même jour, la société Altran a déposé son projet de note en réponse.

13.L'AMF a publié un avis reprenant les principales conditions de l'offre et a publié in extenso la note d'information établie par la société Capegemini et la note en réponse établie par la société Altran.

14.Ont été transmis à l'AMF, le complément de rapport du cabinet Finexsi, l'avis motivé du conseil d'administration de la société Altran pris à la suite de ce complément de rapport, ainsi que les nouvelles versions de la note d'information et de la note en réponse tenant compte de ce complément de rapport.

15.Par une décision no219C1942 du 14 octobre 2014, publiée le même jour sur son site, l'AMF a déclaré conforme le projet d'offre publique, cette décision emportant visa du projet de note d'information de l'initiateur, sous le no19-489 en date du 14 octobre 2019.

16.Le même jour, l'AMF a apposé le visa nono19-490 sur le projet de note en réponse de la société cible.

17.Le 24 octobre 2019, l'ADAM a saisi le premier président de cette cour d'une demande de sursis à exécution relative à la décision no219C1942 et au visa no19-490 et, par deux déclarations distinctes, formé un recours en annulation à leur encontre.

18.La demande de sursis a exécution ayant été rejetée par une ordonnance du 18 décembre 2019, l'AMF a, par un avis no 219C2818 publié le même jour, fixé la date de clôture de l'offre au 22 janvier 2020.

19.Les deux recours en annulation ont été joints.

20.Par le recours formé contre la décision de conformité no 219C1942 , l'ADAM demande à la cour de :

– avant dire droit, condamner l'AMF et la société Capgemini à verser aux débats la ou les actes et pièces jointes saisissant l'AMF des demandes auxquelles celle-ci a fait suite dans sa décision no 219C1942,

– surseoir à statuer jusqu'à ce que cette communication soit effective et donner un délai à l'ADAM pour compléter et développer ses moyens à la suite de cette communication,

– lorsque la communication sera effective, ou s'il n'est pas fait droit aux demandes de communication, annuler la décision no 219C1942.

21.Par son second recours formé contre l'apposition du visa du projet de note en réponse déposée par la société Altran, l'ADAM demande à la cour d'annuler ce visa no 19-490.

22.Aux termes de ses observations en réponse déposées les 20 décembre 2019 et 31 janvier 2020, la société Capgemini conclut au rejet tant de la demande de communication de pièces que des recours en annulation et à la condamnation de l'ADAM à lui payer la somme de 250 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

23.Aux termes de ses observations en réponse déposées les 20 décembre 2019 et 31 janvier 2020, la société Altran conclut au rejet de la demande de communication de pièces, de celles en annulation et à la condamnation de l'ADAM à lui payer la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

24.Dans ses observations en réplique déposées les 24 janvier et 31 janvier 2020, l'ADAM précise que sa demande de communication avant dire droit concernait notamment :

– l'engagement des banques présentatrices,
– les évaluations auxquelles ces banques ont procédé,
– les contrats de cession d'action du 24 juin 2019,
– l'accord de rapprochement du 11 août 2019,
– le contrat de prestations de services conclu en 2015 entre le fond Apax et M. H..., président directeur général d'Altran,
– la lettre de mission de l'expert indépendant.

25.Elle maintient ses autres demandes et y ajoutant, conclut, à titre subsidiaire, à la caducité de l'offre.

26.Le ministère public conclut au rejet des recours.

*
* *

MOTIVATION

I. SUR LE RECOURS EN CE QU'IL EST FORMÉ CONTRE LA DÉCISION DE CONFORMITÉ

1. Sur la demande de communication de pièces

27.L'ADAM demande la communication du ou des actes et pièces adressés par l'initiateur de l'offre à l'AMF, sur le fondement du principe de la contradiction tel que résultant de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et posé aux articles 15 et 16 du code de procédure civile. Elle fait valoir qu'en l'absence de ces éléments, elle ne peut exercer de manière effective son droit à recours, soulignant que les pièces qu'elle énumère dans ses dernières écritures ont été déterminantes puisque la décision attaquée y fait référence et qu'elles n'ont pas été retranscrites dans les notes d'information, à l'exception de quelques dispositions.

28.Les sociétés Capgemini et Altran concluent chacune au rejet de cette demande en faisant valoir d'une part, qu'aucun texte ne prévoit une telle communication et, d'autre part, que ces pièces, que sont le projet d'offre publique d'achat et le projet de note d'information de Capgemini visées dans la décision de conformité, ont été publiées de sorte que l'ADAM ne peut soutenir qu'elle ne dispose pas des éléments lui permettant d'exercer un recours effectif.

29.L'AMF considère que cette demande de communication de pièces doit être rejetée pour les mêmes motifs que ceux développés par les sociétés Capgemini et Altran.

* * *

Sur ce, la cour :

30.Une offre publique d'acquisition (ci-après une «OPA») est soumise au contrôle du régulateur des marchés financiers dans les conditions fixées au titre III du livre II du RGAMF. L'initiateur d'une telle opération est ainsi tenu de déposer un projet d'OPA auprès de l'AMF, dans les conditions fixées aux articles 231-13 du RGAMF.

31.Au terme de son examen, l'AMF se prononce sur la conformité du projet aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, par une décision susceptible d'un recours prévu par l'article R. 621-45 du code monétaire et financier.

32.Si l'exercice de cette voie de recours ouvre, devant la cour d'appel, une procédure soumise au principe de la contradiction, ni ce principe, ni le droit à un recours effectif ne confèrent au demandeur au recours un droit illimité et absolu à la communication de toutes les pièces et actes adressés à l'AMF par l'initiateur de l'offre.

33.L'auteur du recours ne doit pouvoir avoir accès qu'aux seules pièces ayant permis à l'AMF d'exercer son contrôle de conformité au regard des éléments prévus à l'article 231-21 du RGAMF, rédigé comme suit :

« Pour apprécier la conformité du projet d'offre aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, l'AMF examine :

1o Les objectifs et intentions de l'initiateur ;

2o Le cas échéant, la nature, les caractéristiques, les cotations, ou le marché des titres proposés en échange ;

3o Les conditions éventuelles de l'offre en application des articles 231-9 et 231-10 ;

3o bis Si le seuil de caducité prévu au 1o de l'article 231-9 I est applicable à l'offre, le nombre d'actions et de droits de vote que ce seuil représente à la date de dépôt de l'offre et éventuellement les raisons pour lesquelles l'initiateur demande à l'AMF qu'il soit fait application du 2o de l'article 231-9 I ;

4o L'information figurant dans le projet de note d'information ;

5o Dans les cas prévus à l'article 261-1, les conditions financières de l'offre, au regard notamment du rapport de l'expert indépendant et de l'avis motivé du conseil d'administration, du conseil de surveillance ou, dans le cas d'une société étrangère, de l'organe compétent.

L'AMF peut demander à l'initiateur de modifier son projet d'offre si elle considère qu'il peut porter atteinte aux dispositions mentionnées au premier alinéa, notamment aux principes définis par l'article 231-3 ».

34.Ces éléments sont rendus accessibles par leur mise en ligne sur le site de l'AMF dès leur dépôt et par les mesures de publicité du projet de note d'information, de cette note après visa, et de la note en réponse organisées par les articles 231-16, 231-27 du RGAMF, documents dont les contenus fixés aux article 231-18 et 231-19 du RGAMF et de l'instruction no 2006-07 de l'AMF, reprennent les éléments mentionnés à l'article 231-21 précité.

35.En l'espèce, il résulte des termes de la décision attaquée que le projet de note d'information établi par la société Capgemini et le projet de note en réponse établi par la société Altran ont été déposés et publiés sur le site de l'AMF le 23 septembre 2019, avis de publication Detamp;I no219C175, ce que l'ADAM admet, en page 5 de l'exposé de ses moyens. L'ADAM a d'ailleurs adressé des observations à l'AMF sur ces projets avant que celle-ci ne se prononce sur leur conformité, observations auxquelles l'AMF a répondu dans la décision attaquée. Ces notes, une fois le visa apposé, ont également été mises en ligne sur le site de l'AMF.

36.S'agissant des pièces dont la communication est demandée, il convient de relever que la note d'information de la société Capgemini reprend les éléments d'appréciation du prix de l'offre préparés par les banques présentatrices, et que la note en réponse de la société Altran reprend les termes principaux des contrats de cession et de l'accord de rapprochement, ces accords étant susceptibles d'avoir une incidence sur l'appréciation ou l'issue de l'offre, de sorte que, ces éléments rendus publics via la publication des notes d'information et en réponse, sont déjà à la disposition de l'ADAM.

37.La décision attaquée fait certes état d'éléments pris en compte par les banques présentatrices pour l'appréciation du prix offert et la valorisation de la société, mais ne s'est fondée ni sur les engagements de ces banques ni sur la lettre de mission de l'expert pour déclarer l'offre conforme. L'ADAM ne peut donc prétendre à la production de ces pièces, qui ne sont pas nécessaires à l'exercice de son recours.

38.Quant au contrat de prestations de services conclu entre la société Apax et une société détenue à 100% par M. H..., la décision attaquée ne l'évoque qu'au travers de la reprise des termes de la délibération du conseil d'administration appelé à prendre position sur le projet d'offre expliquant les raisons pour lesquelles l'intéressé a quitté la séance.

39.Il s'ensuit que c'est à tort que l'ADAM prétend ne pas avoir été en mesure d'exercer un recours effectif.

40.Il y a donc lieu de rejeter sa demande de communication de pièces, et partant sa demande de sursis à statuer.

2. Sur la procédure

a) sur le moyen pris de l'absence de preuve du respect des règles de fonctionnement de l'AMF

41.Ce moyen ne figure plus dans les dernières écritures de l'ADAM, laquelle a précisé oralement à l'audience l'avoir abandonné à la suite des productions, intervenues en cours d'instance,des procès-verbaux de séances du collège de l'AMF mentionnant le nom de ses membres ayant participé à la décision attaquée. La cour n'est donc plus saisie.

b) sur le moyen pris de l'irrégularité du vote du collège par consultation écrite

42.L'ADAM fait valoir que la décision de conformité est irrégulière, faute d'urgence constatée par une décision motivée antérieure à la consultation du collège et dès lors que ce constat a été fait postérieurement à la décision de recourir à la consultation écrite. Elle en déduit que la décision de conformité, à l'issue d'une procédure irrégulière, ne peut être qu'annulée.

* * *

Sur ce, la cour :

43.Il ne résulte ni de l'article L621-3, II du code monétaire et financier qui permet au collège, en cas d'urgence constatée par son président, de statuer par voie de consultation écrite, ni de l'article R.621-2 du même code qui organise les modalités de cette consultation, que le constat de l'urgence doit, à peine de nullité, faire l'objet d'une décision motivée préalable à la mise en œuvre de cette procédure. Le moyen invoqué par l'ADAM manque ainsi en droit.

44.En outre, il ressort de l'extrait du procès-verbal de séance du 8 octobre 2019 que l'offre publique d'acquisition litigieuse a été soumise à l'examen du collège de l'AMF et que ce dernier a indiqué qu'il «se prononcera définitivement par voie de consultation écrite conformément à l'article L.621-3, II du code monétaire et financier au vu des nouvelles versions du projet de note d'information, du projet de note en réponse et du rapport modifié de l'expert indépendant.». Figure, en annexe du procès-verbal de la séance du 22 octobre 2019, le compte rendu de la consultation écrite qui précise qu'en raison de la réception tardive de documents afférents au projet d'offre, la décision sur sa conformité a été reportée et que, constatant l'urgence à statuer sans attendre la prochaine réunion du collège du 22 octobre 2019, et conformément à l'article L621-3 II du code monétaire et financier, le président a demandé au collège de se prononcer par voie de consultation écrite et fixé le délai des réponses au 14 octobre.

45.Il en résulte que la décision de recourir à une consultation écrite a été motivée par l'urgence à statuer.

46.Le moyen doit donc être rejeté.

c) sur le moyen pris du caractère incomplet du dossier soumis à l'AMF

47.L'ADAM soutient que l'AMF ne s'est pas prononcée au regard d'un rapport établi par un expert indépendant et d'un avis motivé du conseil d'administration, comme l'exige l'article 231-21 du RGAMF.

48.Sur le premier point, l'ADAM expose que l'expert indépendant a été désigné par le conseil d'administration de la société Altran avec les voix d'administrateurs en conflit d'intérêts en les personnes de MM. R..., N... et H..., les deux premiers comme étant les représentants de la société Amboise Apax, le troisième pour avoir été nommé président de la société Altran en 2015 sous l'impulsion des sociétés du groupe Apax et missionné par ces dernières, peu de temps après sa nomination, pour organiser leur sortie du capital de la société Altran. Elle ajoute que l'expert indépendant a commencé ses travaux un mois avant d'avoir été officiellement désigné par le conseil d'administration de la société Altran, de sorte qu'il a été un simple prestataire de services de la société Altran, nécessairement dénué de toute indépendance. Elle souligne que cet expert a, dans son rapport, écarté l'existence d'un possible conflit d'intérêts de M. H... alors même que ce dernier a quitté la réunion du conseil d'administration du 22 septembre 2019 pour ce motif. Elle soutient encore que cet expert entretient des liens étroits avec les sociétés du groupe Apax, comme en témoignent les références qu'il a publiées sur son site internet. Elle allègue, enfin, qu'il a eu recours à des méthodes contestables et a perçu, pour ses travaux, une rémunération d'un montant inhabituel de 600 000 euros.

49.Sur le second point, l'ADAM soutient que l'avis du conseil d'administration de la société Altran sur le projet d'offre se limite à des références formelles à des documents divers sans aucun raisonnement construit, de sorte qu'il ne constitue pas l'avis motivé exigé à l'article 231-21 du RGAMF.

50.La société Capgemini répond, sur le premier point, que, conformément à l'article 261-4 du RGAMF et à l'instruction no2006-08 de l'AMF, l'expert indépendant a établi une déclaration d'indépendance que les éléments invoqués par l'ADAM ne permettent pas de remettre en cause. Elle souligne que l'expert indépendant a mis en oeuvre une approche multi-critères conforme à la réglementation, a motivé son rapport et a établi le caractère biaisé et erroné des travaux du consultant saisi par l'ADAM. Elle ajoute que le montant de la rémunération de cet expert est cohérent et en relation avec l'importance et la complexité de la mission, l'offre valorisant la société Altran à 5 milliards d'euros. Elle souligne qu'il n'y avait pas de conflit d'intérêts avéré au sein du conseil d'administration, lequel conflit ne peut exister que lorsque l'initiateur de l'offre est représenté au sein de ce conseil et que tel n'était pas le cas en l'espèce. S'agissant des administrateurs liés au groupe Apax et de M. H..., elle fait valoir que leur décision de ne pas participer aux délibérations du conseil d'administration sur l'avis motivé ne résulte pas de l'existence d'un conflit d'intérêts mais du constat que leur avis positif sur le projet d'offre ressort du fait qu'ils ont chacun concouru, en leur différentes qualités, à sa formation.

51.Elle répond, sur le second point, que l'avis du conseil d'administration a été rendu, après un rappel détaillé du contexte et des caractéristiques de l'offre, sur le base des documents remis au conseil, des conclusions de l'expert indépendant, et d'une analyse approfondie de l'intérêt de l'offre pour la société, ses actionnaires, et ses salariés par le comité des administrateurs indépendants que le conseil d'administration a fait sienne.

52.La société Altran expose, sur le premier point, s'agissant des modalités de désignation de l'expert indépendant, que ce dernier a été choisi sur recommandation du comité des indépendants désigné par le conseil d'administration lors de sa réunion du 24 juin 2019, recommandation faite après l'audition par le comité de deux cabinets d'expertise financière. Elle souligne que le fait que Messieurs R..., N... et H... aient pris part au vote du conseil d'administration ayant désigné l'expert indépendant est indifférent, dès lors que ces administrateurs n'étaient soumis à aucune interdiction de vote de quelque nature que ce soit, que la désignation de l'expert indépendant a été adoptée à l'unanimité des neuf votants, si bien que même sans les voix de ces administrateurs, ce dernier aurait été valablement désigné, et que le conseil d'administration n'a fait qu'entériner la recommandation préalable du comité des indépendants au sein duquel Messieurs R..., N... et H... ne siégeaient pas. Elle fait valoir que l'expert indépendant a commencé ses travaux, à la demande des comité des indépendants, et que l'ADAM n'explique pas en quoi une telle circonstance serait de nature à mettre en cause l'indépendance de l'expert, au regard des critères énoncés aux articles 261-4 du RGAMF et 1er de l'instruction AMF no2006-08.

53.Elle soutient, s'agissant des liens prétendus entre l'expert indépendant et les sociétés du groupe Apax d'une part, et les sociétés Bnp Paribas et Crédit agricole, d'autre part, que l'ADAM n'apporte aucun élément établissant que cet expert serait intervenu de manière répétée avec ces établissements présentateurs et que la simple mention du groupe Apax comme référence sur le site internet de cet expert ne démontre en rien les liens étroits allégués. Elle précise qu'il résulte d'un échange de mails avec l'expert indépendant que ce dernier n'a jamais été mandaté par ce groupe mais qu'il a effectué en 2011, sur décision du tribunal de commerce de Paris, une mission de co-commissariat aux apports au bénéfice de «la société Willink, détenue par deux entités Apax Partners» et, en 2016, sur désignation de la société GFI Informatique, une mission d'expert indépendant dans le cadre de l'offre publique d'achat simplifiée visant les titres de cette société initiée par Mannai Corporation, agissant de concert avec notamment deux entités Apax Partners.

54.Enfin, elle fait valoir que la seule circonstance que l'ADAM soit en désaccord avec les conclusions de l'expert indépendant ne permet pas d'en déduire une absence d'indépendance de ce dernier et elle observe que la rémunération qu'il a perçue satisfait aux critères fixés dans la recommandation AMF no2006-15.

55.Elle répond, sur le second point, que l'avis rendu par le conseil d'administration d'Altran le 22 septembre 2019 respecte les prescriptions imposées à l'article 231-19 du RGAMF et à l'article 3 de l'instruction AMF no2006-07 sur les offres publiques d'acquisition.

56.L'AMF fait valoir, sur le premier point, que l'expert indépendant a été désigné en application de l'article 261-1, I, 2o du RGAMF en raison notamment de l'existence d'accord de négociations exclusives et de rapprochement conclus les 24 juin et 11 août 2019 entre les dirigeants de la société Altran et la société Capgemini et que le conflit d'intérêts allégué par l'ADAM, s'il existait, ne serait donc pas entre les administrateurs cités par cette dernière et l'expert indépendant, mais entre ces administrateurs et la société Altran. Elle souligne que la circonstance que l'expert ait commencé ses travaux avant sa désignation effective par le conseil d'administration n'a aucune incidence sur son indépendance, dès lors qu'il l'a fait à la demande du comité des indépendants de la société Altran après avoir été choisi par ce dernier, en qualité d'expert indépendant et non de prestataire de service de la société Altran. Elle rappelle que l'expert indépendant a établi une déclaration d'indépendance en application de l'article 261-4, II de RGAMF et que dans son rapport, il fait état des missions qu'il a réalisées au cours de dix-huit derniers mois au rang desquels ne figure aucune mission confiée par les sociétés concernées par l'offre publique d'acquisition, ou par les sociétés du groupe Apax. Elle souligne que l'expert indépendant a parfaitement expliqué le choix de ses méthodes dans son rapport, et notamment celui du taux d'actualisation, après avoir mené une analyse critique de sa propre évaluation à la lumière des conclusions du consultant mandaté par l'ADAM. Elle fait valoir que le fait que l'expert indépendant ait pu considérer que les intérêts de M.H... soient alignés avec ceux des actionnaires de la société Altran ne saurait caractériser son manque d'indépendance au sens de la réglementation en vigueur dans la mesure où il n'appartient pas à l'expert de porter un jugement sur l'application du droit des sociétés.

57.Sur le second point, l'AMF répond que l'avis motivé du conseil d'administration de la société Altran répond aux exigences de l'article 231-19, 4o du RGAMF, lesquelles prévoient que l'avis motivé du conseil d'administration mentionné dans la note en réponse de la société visée porte « sur l'intérêt de l'offre ou sur les conséquences de celle-ci pour la société visée, ses actionnaires et ses salariés (...).Les conditions de vote dans lesquelles cet avis a été obtenu sont précisées, les membres minoritaires pouvant demander qu'il soit fait état de leur identité et de leur position ».

***

Sur ce, la cour :

58.Aux termes de l'article 231-21 du RGAMF, « Pour apprécier la conformité du projet d'offre aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, l'AMF examine (...) 5o Dans les cas prévus à l'article 261-1, les conditions financières de l'offre, au regard notamment du rapport de l'expert indépendant et de l'avis motivé du conseil d'administration, du conseil de surveillance (...). »

59.Aux termes de l'article 261-4, I, du RGAMF, «l'expert indépendant ne doit pas être en situation de conflit d'intérêts avec les personnes concernées par l'offre publique ou l'opération et leurs conseils. Sans que ces éléments puissent être considérés comme formant une liste exhaustive, les cas dans lesquels l'expert indépendant est considéré en situation de conflit d'intérêts sont précisés dans une instruction de l'AMF.
L'expert indépendant ne doit pas intervenir de manière répétée avec le ou les mêmes établissements présentateurs ou au sein du même groupe lorsque la fréquence de ces interventions est susceptible d'affecter son indépendance.»

60.Cet article précise en son II :

« L'expert établit une déclaration attestant de l'absence de tout lien passé, présent ou futur connu de lui avec les personnes concernées par l'offre ou l'opération et leurs conseils, susceptible d'affecter son indépendance et l'objectivité de son jugement lors de l'exercice de sa mission.
Lorsqu'il existe une situation créant un risque de conflit d'intérêts mais dont l'expert estime qu'elle n'est pas susceptible d'affecter son indépendance et l'objectivité de son jugement, il le mentionne et le justifie dans sa déclaration. »

61.L'article 1er de l'instruction AMF no2006-08 sur l'expertise indépendante énumère les cas dans lesquels l'expert est considéré comme étant dans une situation de conflits d'intérêts. Tel sera le cas lorsque cet expert : « 1o Entretient des liens juridiques ou des liens en capital avec les sociétés concernées par l'offre publique ou l'opération, ou leurs conseils, susceptibles d'affecter son indépendance ;
2o A procédé à une évaluation de la société visée par l'offre publique ou qui réalise l'opération au cours des dix-huit mois précédant la date de sa désignation, sauf si l'évaluation menée dans ce délai intervient dans le cadre d'une mission qui constitue le prolongement de la précédente ;

3o A conseillé l'une des sociétés concernées par l'offre ou toute personne que ces sociétés contrôlent au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce au cours des dix-huit mois précédant la date de sa désignation ;

4o Détient un intérêt financier dans la réussite de l'offre, une créance ou une dette sur l'une des sociétés concernées par l'offre ou toute personne contrôlée par ces sociétés au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, susceptible d'affecter son indépendance.»
62.En premier lieu, la cour observe qu'en l'espèce, en page 19 de son rapport, l'expert indépendant déclare être « indépendant au sens des articles 261-1 et suivants du RGAMF, en mesure à ce titre d'établir la déclaration d'indépendance prévue par l'article 261-4 et ne se trouver notamment dans aucun des cas de conflit d'intérêts visés à l'article 1er de l'instruction AMF no2006-08 ».

63.L'AMF, en présence d'une telle attestation, et faute d'avoir été informée d'éléments remettant en cause la sincérité de son auteur, a, à juste titre, considéré qu'elle pouvait apprécier la conformité de l'offre au regard de ce rapport, conformément à l'article 231-21, 5o du RGAMF précité.

64.En second lieu, et à titre surabondant, il appartient à celui qui conteste l'indépendance de l'expert désigné par la société visée par une offre publique d'acquisition d'établir que ce dernier est dans l'une des situations visées à l'article 1er de l'instruction AMF ou bien, cette liste n'étant pas exhaustive, de caractériser une situation de conflit d'intérêts avec la ou les entreprises concernées par l'offre ou l'opération et leurs conseils au sens de l'article 261-4 du RGAMF, ou encore d'établir que la fréquence des interventions de cet expert avec le ou les mêmes établissements présentateurs ou au sein du même groupe est susceptible d'affecter son indépendance.

65.L'ADAM, qui met en cause l'indépendance du Cabinet Finexsi, ne démontre pas, ni même ne soutient, que ce dernier se trouvait dans l'un des cas visés par l'article 1er de l'instruction AMF no 2006-08 à la date de sa désignation, ou serait intervenu de manière répétée avec les établissements présentateurs de l'offre litigieuse.

66.Elle invoque l'existence de « liens étroits » entre le Cabinet Finexsi et la société Apax, ainsi qu'avec deux des établissements présentateurs, qui résulteraient, selon elle, de la mention de ces sociétés dans la rubrique «références» du site internet de ce cabinet. Toutefois, la seule mention du nom de ces sociétés, parmi de nombreuses autres, sans aucune précision sur les conditions dans lesquelles le Cabinet Finexsi a travaillé avec chacune des ces sociétés, ne saurait suffire à démontrer l'existence des liens étroits invoqués et encore moins de liens de nature à affecter l'objectivité de l'expert, et pas davantage à établir des interventions répétées de ce cabinet avec les deux établissements présentateurs de l'offre litigieuse. En outre, la société Altran verse aux débats un échange de courriels aux termes desquels l'expert indépendant précise avoir été désigné par une société cible, en qualité d'expert indépendant dans le cadre de l'offre publique d'achat simplifiée visant les titres de cette société et dont l'initiateur agissait de concert avec notamment deux entités d'Apax mais n'avoir jamais été mandaté par cette dernière.

67.En l'absence de démonstration de lien, au sens des dispositions précitées, entre le Cabinet Finexsi et les sociétés du groupe Apax de nature à affecter l'indépendance de cet expert, l'argument tenant à la participation de M. H..., et des représentants des sociétés du groupe Apax au conseil d'administration ayant procédé à sa désignation, est dès lors inopérant.

68.Sont également inopérants à démontrer l'existence d'un conflit d'intérêts au sens des dispositions précitées ou encore l'existence d'un lien entre l'expert indépendant et une des entreprises concernées de nature à affecter son objectivité et son indépendance, les arguments de l'ADAM tenant au montant de la rémunération de cet expert, à ses choix méthodologiques pour l'évaluation des titres et à sa position sur l'éventuelle situation de conflit d'intérêts de M. H... avec la société Altran.

69.Le cabinet Finexsi ayant été recommandé en qualité d'expert indépendant au conseil d'administration de la société Altran par le comité ad hoc, désigné par cette société conformément à la recommandation AMF no 2006-15 sur l'expertise indépendante dans le cadre d'opérations financières, la circonstance qu'il a commencé ses travaux, à la demande de ce comité ad hoc après que ce dernier l'ait recommandé, et ce, sans attendre sa désignation officielle par le conseil d'administration, ne lui a pas fait perdre son indépendance à l'égard de la société Altran, contrairement à ce que soutient l'ADAM.

70.S'agissant de l'insuffisance alléguée de la motivation de l'avis du conseil d'administration de la société Altran sur le projet d'offre, avis repris in extenso en page 20 de la note en réponse établie par cette société, la cour constate d'une part, que le conseil d'administration, lors de sa séance du 22 septembre 2019, a déclaré faire sien le projet d'avis motivé établi par le comité des administrateurs indépendants, et d'autre part, que ce document énonce l'ensemble des éléments retenus par ce comité en faveur du projet quant à l'intérêt de l'offre :

– pour la société Altran, au regard notamment de sa stratégie de politique industrielle, commerciale et financière, des possibilités de fusions et autres ré-organisations avec d'autres entités du groupe Capgemini, de la composition des organes sociaux et de direction de la société,

– pour les actionnaires, au regard du prix proposé et de la politique de distribution des dividendes envisagée par l'initiateur,

– pour les salariés de la société Altran.

71.Ce document précise que les membres du conseil d'administration se sont à nouveau réunis le 10 octobre 2019 afin de prendre connaissance du complément de rapport établi par l'expert indépendant, et qu'après en avoir délibéré, le conseil a, à l'unanimité des membres présents et représentés, maintenu son avis motivé sur l'offre dans les mêmes termes que celui adopté lors de sa séance du 22 septembre 2019.

72.Il en résulte que cet avis du 22 septembre 2019, complété par le 10 octobre suivant, loin de se borner à des références formelles, comme le soutient à tort l'ADAM, est un avis motivé ayant permis à l'AMF d'exercer son contrôle de conformité.

73.Le moyen pris de l'absence d'un rapport établi par un expert indépendant et d'un avis motivé du conseil d'administration de la société Altran doit donc être rejeté.

d) Sur le moyen pris du caractère tardif d'un avis du conseil d'administration de la société Altran

74.L'ADAM ayant déclaré, au cours de l'audience, abandonner ce moyen, la cour n'en est plus saisie.

e) Sur le moyen pris de l'irrégularité d'une consultation du comité social et économique

75.L'ADAM soutient que le comité social et économique n'a pas été consulté selon le calendrier fixé aux articles L.2312-42 et L.2312-46, I du code du travail dont il résulte que cette consultation doit intervenir entre le dépôt du projet d'offre et l'avis motivé du conseil d'administration de la société.
76.La société Altran répond que l'appréciation de la régularité de la consultation du comité économique et social n'entre pas dans le périmètre des attributions de la cour.

77.Elle souligne que les textes invoqués par l'ADAM qui visent le comité économique et social sont issus de l'ordonnance no2017-1386 du 22 septembre 2017 laquelle a laissé aux entreprises jusqu'au 31 décembre 2019 pour mettre en place cette nouvelle institution, de sorte qu'elle a consulté son comité central de l'union économique et social, alors en place, en application des articles L.2323-35 et suivants du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2017. Elle souligne que ces dispositions ouvrent la faculté de consulter cette institution représentative du personnel à compter de l'annonce de l'offre publique ou à compter du dépôt de l'offre et qu'en l'espèce, elle a choisi de mettre en oeuvre cette consultation dès l'annonce de l'offre.

78.La société Capgemini soutient également que la régularité de la prétendue infraction au régle du droit du travail échappe au contrôle opéré par la cour.

79.L'AMF souligne que si le code du travail prévoit la consultation des comités d'entreprise de l'auteur de l'offre et de l'entreprise sur laquelle porte l'offre, lors du dépôt de l'offre publique d'acquisition, il n'interdit pas que ceux-ci soient consultés préalablement à ce dépôt.

***

Sur ce, la cour :

80.La régularité de la consultation des institutions représentatives du personnel ne fait pas partie des critères d'appréciation de la conformité de l'offre publique d'acquisition énumérés à l'article 231-21 du RGAMF rappelés plus avant. Il en résulte, comme le soutient à juste titre la société Capgemini, que l'appréciation de la régularité de cette consultation échappe au contrôle exercé par l'AMF en application de l'article précité.

81.A titre surabondant, la cour relève que les dispositions du code du travail, tant dans leur rédaction issue de l'ordonnance no2017-1386 du 22 septembre 2017 que dans celle antérieure à cette ordonnance, offrent la faculté à la société cible d'organiser la consultation de ses institutions représentatives du personnel, dès l'annonce de l'offre, à la demande de la société initiateur de l'offre. Cette faculté de consultation anticipée ayant été exercée en l'espèce, le moyen pris d'une consultation irrégulière pour avoir été mise en oeuvre avant le dépôt de l'offre est des lors sans portée.

82.Le moyen doit donc être rejeté.

f) Sur le moyen pris de la « vacuité des orientations en matière d'emploi »

83.L'ADAM soutient que la note d'information ne répond pas aux exigences de l'article L.621-8 du code monétaire et financier et que l'AMF aurait dû, en présence d'une note incomplète refuser d'apposer son visa, ce qui ne pouvait la conduire qu'à déclarer l'offre non conforme.

84.Les sociétés Capgemini et Altran soulignent que la société Capgemini a décrit ses orientations en matière d'emploi dans la limite des données dont il avait connaissance, conformément à l'article 231-18 du RGAMF de sorte que l'AMF pouvait légitimement considérer comme suffisante l'information figurant dans la note d'information.

85.L'AMF s'associe à ces arguments.

***

Sur ce, la cour :

86.Aux termes de l'article L.621-8, IX, du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable, « Dans des conditions et selon des modalités fixées par son règlement général, l'Autorité des marchés financiers appose également un visa préalable quand une personne physique ou morale fait une offre publique d'acquisition d'instruments financiers dans les conditions prévues par l'article L. 433-1. La note sur laquelle la commission [l'AMF]appose un visa préalable contient les orientations en matière d'emploi de la personne physique ou morale qui effectue l'offre publique ».

87.L'article 231-18, 4o du RGAMF dispose que la note d'information établie par l'initiateur mentionne « ses orientations en matière d'emploi (...), notamment, eu égard aux données dont il dispose et en cohérence avec ses intentions sur la politique industrielle et financière mentionnée au 3o, les changements prévisibles en matière de volume et de structures des effectifs ».

88.L'instruction AMF no2006-07, sur les offres publiques d'acquisition, prévoit, en son article 2, point 3, que la note d'information doit contenir les intentions de l'initiateur pour une durée couvrant douze mois à venir en décrivant « les motifs de l'offre, dans la limite des données dont l'initiateur a connaissance et en cohérence avec ses intentions en matière de politique industrielle, sociale et financière, à travers :

c) l'orientation en matière d'emploi, notamment :

– le maintien des emplois de leur personnel et de leurs dirigeants ainsi que tout changement important des conditions d'emploi, notamment les plans stratégiques de l'initiateur pour les deux sociétés et les répercussions probables sur l'emploi et les sites d'activités des sociétés ;
– les perspectives à court et moyen terme ;
– les engagements pris par l'initiateur, ainsi que les restructurations envisagées et leurs conséquences le cas échéant.»

89.L'article L.621-8-1 du même code précise que pour délivrer ce visa, l'AMF vérifie si le document est complet et compréhensible, et si les informations qu'il contient sont cohérentes.

90.Il résulte de ces dispositions que l'obligation d'informer les actionnaires sur les orientations en matière d'emploi s'apprécie à la mesure des éléments et données dont dispose l'initiateur de l'offre. Il importe que les incertitudes qui subsistent à la date du visa, aient fait l'objet d'une information expresse des actionnnaires, dès lors que par ailleurs, la note contient une information complète et cohérente sur les élément essentiels de l'offre.

91.La note d'information établie par la société Capgemini répond à ces exigences en ce qu'elle contient l'ensemble des éléments visés à l'article 231-18 du RGAMF et mentionne les orientations en matière d'emploi suivantes :

« L'Offre s'inscrit dans le cadre de la stratégie de développement de Capgemini. Elle ne devrait pas avoir d'impact significatif sur les principes actuels de gestion des effectifs et des ressources humaines de la Société, à l'exception de ceux résultant du processus d'intégration qui débutera après la réalisation de l'opération. A ce jour, aucune décision n'a été prise et aucune étude de faisabilité n'a été engagée ».

92.Le moyen doit donc être rejeté.

g) Sur le moyen pris de la caducité de l'offre

93.L'ADAM expose que par un communiqué publié sur le site de l'AMF le 14 janvier 2020, la société Capgemini a annoncé avoir acquis 100 actions Altran au prix unitaire de 14,50 euros, et relevé, en conséquence, le prix de son offre à 14,50 euros euros en application des articles 231-39, I et 232-9 du RGAMF. Elle soutient, en premier lieu, que cette acquisition, intervenue le dernier jour du délai pendant lequel une surenchère est possible, n'est qu'un prétexte pour bénéficier de cette surenchère et constitue donc un détournement de procédure. Elle fait valoir, en second lieu, que les engagements publiés dans ce communiqué du 14 janvier 2020 constituent une déclaration d'intentions très importante pour les actionnaires, et que ces intentions ayant été modifiées par rapport à celles figurant dans la note d'information, elles auraient dû être reprises dans un complément de note d'information, et faire l'objet d'un avis motivé de la part du conseil d'administration d'Altran. Elle en déduit que ces modifications des intentions de l'initiateur rendent caduque la décision de conformité du 14 octobre 2019.

94.Les sociétés Altran et Capgemini concluent au rejet de ce moyen au motif pour la première, que l'ADAM ne précise pas le fondement juridique de la caducité alléguée, et pour la seconde, que l'ADAM ne caractérise aucun changement d'intention.

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Sur ce, la cour :

95.Aux termes de l'article 231-39, I du RGAMF, « Dans le cas d'une offre publique d'achat relevant des dispositions du chapitre II du présent titre, lorsque l'initiateur et les personnes agissant de concert avec lui procèdent à des interventions à l'achat sur les titres de la société visée, toute intervention réalisée au-dessus du prix de l'offre entraîne de manière automatique le relèvement de ce prix à 102 % au moins du prix stipulé et, au-delà, au niveau du prix effectivement payé, quelles que soient les quantités de titres achetées, et quel que soit le prix auquel elles l'ont été, sans que l'initiateur ait la faculté de modifier les autres conditions de l'offre. Passé la date limite posée par l'article 232-6 pour le dépôt d'une surenchère et jusqu'à la publication du résultat de l'offre, l'initiateur et les personnes agissant de concert avec lui ne peuvent acheter des titres de la société visée à un prix supérieur à celui de l'offre. »

96.Le délai dans lequel l'initiateur de l'offre peut surenchérir sur les termes de son offre, prévu à l'article 232-6 du même règlement, est de cinq jours avant la clôture de l'offre.

97.L'article 232-9 prévoit que l'obligation, mise à la charge de l'initiateur de l'offre qui surenchérit, d'établir une note d'information complémentaire soumise à l'appréciation de l'AMF dans les conditions de l'article 231-20, n'est pas applicable en cas de relèvement automatique de l'offre.

98.En l'espèce, est versé aux débats le communiqué publié par l'AMF le 14 janvier 2020 annonçant l'acquisition, le même jour, par la société Capgemini de 100 actions Altran au prix unitaire de 14,50 euros, et que cette acquisition place l'initiateur de l'offre dans la situation de relèvement automatique du prix auquel son offre publique est libellée, et par conséquent, que ce prix est relevé à 14,50 euros. Ce communiqué précise que les autres stipulations de l'offre demeurent inchangées.

99.Il en résulte que la société Capgemini n'a fait qu'exercer, dans le délai fixé par l'article 232-6 précité, la faculté qui lui était offerte par cette disposition.

100.C'est donc en vain que l'ADAM invoque un détournement de procédure.

101.Quant au communiqué publié par la société Capgemini le même jour, concernant notamment le fait que le prix de son offre était ferme et définitif et que si l'opération était un succès au 22 janvier 2020, elle ne réaliserait pas de nouvelle offre ni de fusion sur la base d'un prix par action Altran supérieur au prix de l'offre pendant au moins 18 mois, l'ADAM se borne à alléguer qu'il caractériserait un changement des intentions de l'initiateur de l'offre, sans démontrer en quoi ces déclarations modifient les engagements et intentions figurant dans la note d'information et justifieraient qu'elles soient soumises à l'appréciation de l'AMF via le dépôt d'un complément de note d'information.

102.Le moyen doit donc être rejeté.
3. Sur le fond

a) sur le moyen pris de la violation des régles de la période de préoffre

103.L'ADAM soutient, en premier lieu, que les cessions des titres Altran consenties hors marché par la société Apax et MM. L... et X... à la société Capgemini étaient interdites parce qu'elles constituent des opérations d'initiés, les parties ayant connaissance à très bref délai du projet d'OPA et les cessions ayant été conclues au prix de 14 euros l'unité alors que la valeur du titre sur le marché était de 11,47 euros. Elle en déduit que l'AMF, qui doit veiller au respect notamment du libre jeu des offres et de la surenchère devant présider au bon déroulement d'une OPA, ne pouvait donc déclarer conforme ce projet.

104.Elle soutient, en second lieu, que le calendrier prévu aux articles 231-16 et 231-17 du RGAMF, dont il résulte que la société cible ne fait connaître l'avis de son conseil d'administration qu'une fois le projet d'offre déposé, n'a pas été respecté, le conseil d'administration de la société Altran s'étant prononcé en faveur de ce projet lors de ses réunions des 24 juin, 9 août 22 septembre 2019, soit avant le dépôt du projet d'offre à l'AMF effectué le 23 septembre 2019. Elle en déduit une atteinte au processus d'offre, à la transparence du marché et au libre jeu des offres et surenchères.

105.La société Altran répond, s'agissant du calendrier, qu'elle n'a pas publié un communiqué sur le fondement de l'article 231-17 du RGAMF visant à faire connaître l'avis motivé de son conseil d'administration sur le projet d'offre, mais un communiqué annonçant le dépôt de son projet de note en réponse qui comprend le seul avis motivé de son conseil d'administration, celui du 22 septembre 2019, publication faite conformément à l'article 231-26 du RGAMF.

106.La société Capgemini, fait valoir que le moyen pris de l'existence d'une opération d'initiés ne relève pas de la compétence de la cour statuant sur le recours formé contre une décision de conformité d'une OPA. Elle ajoute qu'il résulte de la jurisprudence européenne que les transactions effectuées entre deux contractants détenant la même information ne sont pas constitutives d'opérations d'initiés interdites.

107.L'AMF fait valoir, s'agissant de la prétendue opération d'initiés dont procéderait les acquisitions par la société Capgemini du bloc d'actions Altran, que ces acquisitions s'inscrivent dans l'objectif de prendre le contrôle de la société Altran via la mise en oeuvre d'une OPA dont les principales caractéristiques en termes de nature et de prix ont été annoncées au marché dès le 24 juin 2019, comme l'exige l'article 223-6 du RGAMF et invoque un arrêt rendu par la cour le 15 novembre 1994.

108.Elle soutient que le grief tiré du non respect du calendrier n'est pas fondé, dans la mesure où le conseil d'administration de la société Altran pouvait faire connaître son avis sur le projet d'offre avant le dépôt de celui-ci dès lors que ce projet avait été rendu public par un communiqué du 24 juin 2019, soit bien avant son dépôt à l'AMF, qui annonçait les principales caractéristiques du projet d'offre en termes de nature et de prix. Elle ajoute que seule la réïtération de l'avis motivé du 10 octobre 2019 vaut avis motivé du conseil d'administration au sens de la réglementation boursière.

***

Sur ce, la cour :

109.A titre liminaire, la cour constate qu'à l'audience, l'ADAM a confirmé qu'elle abandonnait le moyen pris de ce que les acquisitions des actions Altran par la société Capgemini intervenues hors marché résultaient d'un accord conclu pendant la période de préoffre. La cour n'en est donc plus saisie.

110.S'agissant de l'argument pris d'une opération d'initiés que constitueraient les actes de cession du 24 juin 2019, il n'appartient pas à la cour, statuant sur le recours formé contre une décision de conformité d'une OPA, d'examiner si l'initiateur de l'offre s'est livré à une opération d'initiés

111.Quant au calendrier de la publicité de l'avis du conseil d'administration de la société Altran, il convient de rappeler que l'article 231-16, III du RGAMF prévoit que le projet d'offre fait l'objet, au plus tard lors de son dépôt, d'un communiqué donnant les principaux éléments du projet de note d'information et ses modalités de mise à disposition, tandis que l'article 231-17 offre la faculté à la société cible de publier, dès la publication de ce communiqué, l'avis de son conseil d'administration sur l'intérêt de l'offre, ou sur ses conséquences pour elle, ses actionnaires et ses salariés.

112.Ces dispositions n'imposent donc pas à la société cible de ne publier l'avis de son conseil d'administration qu'après le dépôt du projet d'offre, comme le soutient à tort l'ADAM.

113.En outre, l'OPA dont s'agit étant une opération amicale, souhaitée par les deux parties, qui a fait l'objet d'un communiqué commun le 24 juin 2019 annonçant les principales caractéristiques de l'offre, il n'était pas interdit à la société Altran de publier un communiqué pour faire connaître le soutien du projet d'offre par son conseil d'administration comme elle l'a fait le 24 juin 2019, ni de publier le12 août 2019 un communiqué faisant part de l'accord de rapprochement approuvé le 9 août précédent et précisant que « son conseil d'administration a considéré à l'unanimité des membres présents ou représentés que l'offre est conforme aux intérêts de la société, de ses actionnaires, de ses salariès, ainsi que des autres parties prenantes, a approuvé les termes de l'offre », tout en ajoutant que l'avis motivé prévu par la réglementation boursière sera rendu après remise du rapport de l'expert indépendant.

114.Enfin, contrairement à ce que semble soutenir l'ADAM, cet avis motivé n'a pas fait l'objet d'un communiqué autonome. Il a été porté à la connaissance du public via la publication le 23 septembre 2019 du projet de note en réponse établie par la société Altran, effectué en application de l'article 231-26 du RGAMF, qui inclut cet avis. (pièce Altran no31)

115.Le moyen doit donc être rejeté.

b) sur le moyen pris d'«un conseil d'administration instrumentalisé» et de la stipulation d'une indemnité de rupture de 75 millions d'euros

116.L'ADAM soutient, en premier lieu, que l'approbation du projet d'offre et de l'accord de rapprochement, qui met à la charge de la société Altran une indemnité de rupture de 75 millions d'euros, ont été donnés par le conseil d'administration de la société Altran lors de ses réunions des 24 juin et 9 août 2019 auxquelles ont participé des administrateurs en situation de conflits d'intérêts pour avoir partie liée avec l'initiateur de l'offre, de sorte que ces délibérations sont irrégulières. Elle fait valoir que ce conseil, même réuni hors la présence des administrateurs en situation de conflits d'intérêts, ne pouvait donc plus se déjuger les 22 septembre et 10 octobre 2019, pour être contraint par la menace d'une indemnité de rupture à la charge de la société Altran s'il modifiait sa position. Elle en déduit qu'une telle situation est contraire au libre jeu des enchères et surenchères, et qu'il appartenait à l'AMF de demander que les dispositions conférant un avantage à l'initiateur de l'offre soient écartées.

117.Elle ajoute que la dissimulation du conflit d'intérêts de certains membres du conseil d'administration, et de l'existence d'une indemnité de rupture jusqu'au jour du dépôt du projet d'offre est contraire au principe de loyauté et de transparence que l'AMF doit faire respecter.

118.Elle soutient, en deuxième lieu, que c'est à tort que l'AMF a retenu que l'indemnité de rupture ne faisait pas obstacle au libre jeu des enchères et des surenchères alors qu'une telle indemnité, qui représente 2% des fonds propres de la société cible, interdit de fait à la cible de rechercher « un chevalier blanc ».
119.Elle fait valoir, en troisième lieu, qu'en déclarant l'offre conforme malgré la stipulation d'une telle indemnité interdisant toute offre concurrente, l'AMF a failli dans sa mission de surveillance des opérations liées à l'offre, au motif, que l'accord de rapprochement a été conclu le 11 août 2019 entre les sociétés Altran et Capgemini, actionnaire détenant plus de 10% des droits de vote de la société Altran, de sorte que la procédure prévue à l'article L.225-38 du code de commerce relative aux conventions réglementées aurait dû être suivie. Elle ajoute que l'accord de rapprochement ainsi conclu est contraire à l'intérêt social de la société Altran au motif que cet accord, en stipulant une indemnité de rupture de 75 millions d'euros, met en jeu 2% des fonds propres de la société Altran pour assurer le succès d'une opération financière à laquelle est personnellement intéressé le mandataire social signataire.

120.Elle expose, en dernier lieu, qu'en approuvant l'accord de rapprochement et son indemnité de rupture de 75 millions d'euros, sans suivre la procédure des conventions réglementées, MM. H..., R... et N... ont, à l'évidence, fait de leurs pouvoirs, à des fins personnelles, un usage contraire à l'intérêt de la société Altran, et commis ainsi un délit d'abus de pouvoir, infraction prévue et réprimée à l'article L.242-6, 4o du code de commerce. Elle en déduit que l'AMF ne pouvait pas déclarer conforme un projet d'offre publique reposant sur un délit d'abus de pouvoir.

121.La société Altran répond que la seule décision sociale pertinente dans le cadre d'une offre publique d'achat est l'avis motivé du conseil d'administration de la société cible, lequel répond aux exigences du RGAMF, et constate qu'aucune critique n'est faite par l'ADAM contre cet avis. Elle ajoute que cette dernière tente de déplacer le débat en concentrant ses critiques sur les délibérations du conseil d'administration des 24 juin et 9 août 2019, critiques qui sont sans portée dès lors que seul l'avis motivé du conseil d'administration est pris en compte. Elle souligne que la stipulation d'une indemnité de rupture, pratique courante admise par l'AMF dans le cadre de la négociation d'une offre publique amicale, ne constitue pas un outil de contrainte rendant impossible le retrait de l'opération en cause ou faussant le libre jeu des offres concurrentes et surenchères, mais un gage de l'intérêt mutuel que se portent les parties. Elle soutient que l'indemnité du rupture de 75 millions ne peut pas avoir pour effet de porter atteinte à la loyauté dans la compétition ou encore de décourager tout nouvelle offrant, s'agissant d'une opération valorisant la société Altran à 5 milliards d'euros.

122.La société Capgemini fait valoir, s'agissant des conflits d'intérêts invoqués par l'ADAM, qu'il y a conflit avéré au sein du conseil d'administration d'une société visée par une offre publique lorsque l'initiateur de l'offre est représenté au sein dudit conseil, ses représentants ayant intérêt à minimiser le prix de l'offre. Tel n'est pas le cas en l'espèce, la société Capgemini n'ayant à ce jour aucun représentant au sein du conseil d'administration de la société Altran. Elle ajoute, s'agissant des administrateurs liés à la société Apax et de M. H..., que l'expert indépendant a analysé les accords auxquels ils sont parties et constaté que leurs intérêts sont parfaitement alignés avec ceux des actionnaires de la société Altran et qu'aucun de ces accords n'est susceptible de remettre en cause le caractère équitable de l'offre.

123.S'agissant de la stipulation d'une indemnité de rupture dont, elle soutient que de telles indemnités sont courantes dans ce type d'opération et conformes à l'intérêt des deux parties, en ce qu'elles leur permettent de s'assurer du sérieux des intentions de l'autre pour éviter d'engager des frais inutiles et d'exposer leur réputation. Elle souligne que compte tenu de son montant proportionné à l'opération qui valorise la société Altran à 5 milliards d'euros, l'indemnité convenue entre les sociétés Capgemini et Altran n'empêchait pas le conseil d'administration de la société Altran de revenir sur sa décision initiale.

124.L'AMF expose que l'ADAM invoque en vain l'irrégularité des décisions prises par le conseil d'administration pour contester la décision de conformité dès lors que l'AMF n'a pas compétence pour les apprécier.

125.Elle ajoute, s'agissant de l'indemnité de rupture, dite clause « break up fees », que de telles clauses ne sont pas interdites par le droit français des offres publiques d'acquisition, sous réserve que l'indemnité ne porte pas atteinte au libre jeu des offres et de leur surenchères, son montant ne devant pas dissuader son débiteur d'accepter une offre concurrente mieux-disant d'un tiers. Elle précise que sa pratique tend à fixer un plafond équivalent à 2% des fonds propres de la société cible, et ce, par référence au seuil de 2% d'accroissement de la valeur de l'offre pour qu'une offre en surenchère ou concurrente en numéraire puisse est déclarée conforme en application de l'article 237-2 du RGAMF. Elle expose qu'en l'espèce, l'indemnité de rupture de 75 millions d'euros représente 2% des fonds propres de la cible, de sorte qu'elle ne pouvait pas porter atteinte au libre jeu des offres et et de leur surenchères.

***

Sur ce, la cour :

126.Comme rappelé plus avant, l'article 231-21 du RGAMF prescrit à l'AMF, pour apprécier la conformité du projet d'offre aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, notamment d'examiner, dans les cas prévus à l'article 261-1, les conditions financières de l'offre au regard du rapport de l'expert indépendant et de l'avis motivé du conseil d'administration.

127.Elle s'assure, au travers des éléments qui lui sont soumis pour l'exercice de son contrôle, du respect des principes édictés à l'article 231-3 du RGAMF.

128.Ainsi que l'a justement relevé la décision attaquée, l'AMF n'a pas compétence pour apprécier la régularité des délibérations du conseil d'administration des 24 juin et 9 août 2019 au regard d'une prétendue situation de conflits d'intérêts en son sein. Il lui incombe uniquement de contrôler que l'information est sincère et complète et n'occulte aucun élément de l'avis motivé du conseil d'administration de la société Altran du 22 septembre 2019, complété le 10 octobre 2019.

129.Elle n'a pas davantage compétence pour se prononcer sur la régularité de l'accord de rapprochement, signé le 11 août 2019 par l'initiateur de l'offre et la société cible, au regard des règles applicables aux conventions réglementées ou pour s'interroger sur un éventuel abus de pouvoir de la part des dirigeants signataires de cet accord.

130.Il lui incombait de vérifier, comme elle l'a fait dans la décision attaquée, que les principales stipulations de cet accord de rapprochement ont été rendus publics lors du dépôt de l'offre publique d'acquisition au moyen des notes d'information et en réponse, et de s'assurer ainsi que cette information a été portée, en temps utile, à la connaissance du marché et des actionnaires.

131.Il lui incombait également de vérifier, comme elle l'a fait, que le montant de l'indemnité de rupture stipulée dans ce contrat n'était pas de nature à entraver le libre jeu des offres et de leurs surenchères. Pour ce faire, elle a constaté que ce montant n'excédait pas 2% de la valeur des fonds propres de la société Altran, et ce, conformément à sa pratique consistant à déterminer ce plafond par référence au seuil de 2 % d'accroissement de la valeur pour qu'une offre en surenchère ou concurrente en numéraire puisse être déclarée conforme en application de l'article 232-7 du règlement général.

132.Sur ce dernier point, il convient d'ajouter, à titre surabondant, que l'ADAM, qui concentre ses critiques sur le montant de cette indemnité sans remettre en cause la pratique consistant, dans des opérations d'offre publique d'acquisition volontaire résultant d'un accord entre l'initiateur et la cible, à stipuler une telle indemnité, se borne à critiquer ce plafond au seul motif qu'elle ne comprend pas la référence à ce seuil de 2% d'accroissement de la valeur, sans apporter aucun élément de nature à remettre en cause, en l'espèce, sa pertinence.

133.Le moyen, mal fondé, doit donc être rejeté.

II. SUR LE RECOURS FORMÉ CONTRE L'APPOSITION DU VISA No 19-490

134.L'ADAM demande l'annulation du visa no 19-490 apposé sur la note d'information établie par la société Altran en réponse à l'OPA visant ses actions, par voie de conséquence de l'annulation de la décision de conformité de l'AMF no219C1942.

135.Elle soutient également que l'AMF n'aurait pas dû apposer son visa dans la mesure où cette note ne respecterait pas les dispositions de l'article L. 621-8-1 du code monétaire et financier, en ce qu'elle manquerait de cohérence, de pertinence et serait incomplète.

136.L'ADAM reproche tout d'abord à l'AMF de ne pas avoir « fait la lumière » sur les relations entre les dirigeants de la société Altran et le groupe Apax, notamment en termes financiers, avant d'apposer son visa. Elle fait valoir les enjeux financiers et le conflit d'intérêts généré par les contrats de prestations de services relatifs à la sortie d'Apax du capital de la société Altran et à l'acquisition des blocs d'actions.

137.Elle met, au surplus, en doute la régularité du contrat du 16 juin 2015 confiant à M. H... l'organisation de la société d'APAX du capital de la société Altran, au motif qu'il n'a pas été rendu public dès sa conclusion au mépris du principe de loyauté, des dispositions conjuguées des articles 19.1 du règlement (UE) no 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché, 10 du règlement no 2016/522 du 17 décembre 2015, L. 621-18-2 du code monétaire et financier, 4, § 1, point 15, de la directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers, L. 211-1 et D. 211-1 A du code monétaire et financier et enfin des articles 17 du règlement (UE) no596/2014 et 223-2 et suivants du RGAMF sur les informations privilégiées.

138.Elle estime également que dans le « document de référence 2018 » de la société Altan (pièce visa no5, extrait du « Rapport du conseil d'administration sur le gouvernement d'entreprise » page 82 ), l'encadré relatif aux « informations complémentaires sur les mandataires sociaux », est volontairement mensonger et trompeur en ce qu'il n'identifie aucune situation de conflit d'intérêts, alors qu'une telle situation a été reconnue par M. H... et les représentants d'Apax lorsqu'ils se sont retirés des réunions du conseil d'administration de la société Altran les 22 septembre et 10 octobre 2019. Elle en déduit que le principe de cohérence et de pertinence aurait voulu que les caractéristiques du contrat conclu entre Apax et M. H... soient toutes rendues publiques et que le document de référence 2018, qui fait partie de l'information donnée aux actionnaires et au marché à l'occasion de l'offre, soit rectifié. Elle relève que si l'existence de ces contrats a été révélée dans le cadre de l'offre, en revanche leur contenu est demeuré confidentiel.

139.Concernant l'existence ou non de conflits d'intérêts, elle invoque le caractère contradictoire des différentes informations fournies dans la note.

140.Elle se prévaut également du rapport 2019 sur le gouvernement d'entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétes cotées par lequel l'AMF a reconnu que certains contrats conclus entre des dirigeants de société côtée et un actionnaire, donnant droit à rémunération au moment de la sortie de l'actionnaire du capital en fonction de la valorisation de la participation cédée « posent, outre la question du conflit d'intérêt potentiel éventuellement généré et du respect de l'intérêt social par le dirigeant concerné, celle de l'information du marché (
) ». Elle estime qu'il s'agit de la situation en cause et que l'AMF n'aurait pas dû réserver ces observations aux lecteurs de son rapport 2019 mais qu'elle aurait dû veiller à ce qu'elles figurent dans la note en réponse avant d'y apposer son visa. Elle se réfère également au rapport du Haut comité de gouvernement d'entreprise (ci-après le « rapport du HCGE ») publié la même année, qui évoque les difficultés de compatibilité d'une convention de prestations de services avec des fonctions de président du conseil de surveillance au regard des dispositions du code AFEP MEDEF (pièce ADAM no 36).

141.L'ADAM soulève ensuite l'incohérence de l'information relative à la réalisation du plan stratégique « The High Road - Altran 2022 », dont la direction de la société Altan avait confirmé le sérieux et la crédibilité à l'occasion des communiqués publiés entre le 6 septembre 2018 et le 5 septembre 2019, laissant entendre que la réalisation de son plan était en très bonne voie, tandis que dans le cadre de l'offre publique cette vision de l'avenir a été modifiée (renvoyant au rapport Finexsi page 45). Elle estime qu'il appartenait à l'AMF, face à ce « double discours » des dirigeants de la société Altran, et connaissant par ailleurs les conflits d'intérêts qui étaient les leurs, « de mettre en lumière cette incohérence », afin de permettre aux actionnaires de prendre leur décision d'apporter ou non leurs actions à l'offre, en toute connaissance de cause.

142.Elle reproche encore à l'AMF d'avoir apposé son visa alors que la note comprenait, en page 27, une référence à une disposition abrogée, et ce nonobstant la lettre qu'elle lui avait adressée le 6 octobre 2019 lui faisant remarquer que le projet de note se référait à des dispositions légales inexistantes (les articles L. 2323-35 et suivants du code du travail). Elle estime qu'il ne peut dès lors s'agir d'une erreur matérielle, le visa ayant été apposé en toute connaissance de cause. Elle fait également valoir qu'aucune disposition de l'article 9 de l'ordonnance no 2017-1386 du 22 septembre 2017 ne prévoit que les anciennes dispositions du code du travail demeurent applicables jusqu'au 31 décembre 2019.

143.Enfin, elle fait valoir que même si, s'agissant de la conformité, l'AMF statue, « au vu de l'expertise indépendante ››, il lui appartient avant d'apposer son visa, de veiller à l'équilibre dans l'information donnée aux actionnaires, qui ne doit pas être unilatérale. Contestant le taux d'actualisation retenu par l'expert indépendant ainsi que le prix auquel il aboutit et revendiquant les avis et consultations réalisés à sa demande, elle estime que l'AMF, en présence d'une querelle d'experts, aurait dû exiger que ces documents gurent au rang des « informations complémentaires à insérer ››. Elle précise que l'expert indépendant, partie prenante à la querelle, ne peut fidèlement en rendre compte.

144.La société Altran réfute l'ensemble de ces griefs.

145.Elle relève en particulier que le contrat du 16 juin 2015 a été communiqué à l'expert indépendant, qui n'a identifié aucune difficulté, et que la note en réponse contient une information détaillée, tant quant à ce contrat qu'à la situation de MM. M... et T..., respectivement directeur général délégué et directeur général adjoint de la société Altran. Elle souligne que l'AMF et la cour d'appel de Paris ne sont pas juges de la validité d'un contrat privé, ni davantage du document de référence, et que les questions soulevées par l'ADAM n'ont aucun impact sur la conformité de la note en réponse. Elle relève que l'information fournie dans la note en réponse, concernant tous les éléments invoqués au soutien de l'existence d'un conflit d'intérêts, est complète et cohérente. Elle fait observer que le prix d'offre est strictement égal à celui payé par la société Capgemini à la société Altrafin Participations et MM X... et L... et qu'en cas de rehaussement du prix d'offre, les intérêts de tous seront alignés. Elle constate que la note en réponse ne fait état d'aucun conflit d'intérêts, parce qu'il n'y en avait pas, ce que l'expert indépendant a confirmé en page 61 de son rapport.

146.Concernant les prétendues incohérences relatives à son plan stratégique, elle estime qu'il appartenait à l'expert indépendant de s'interroger sur la probabilité d'une réalisation de ce plan afin d'éclairer le marché et les actionnaires et que cet éclairage ne traduit aucune incohérence dans l'information délivrée.

147.Enfin, elle estime que la note en réponse ne saurait être critiquée pour ne pas avoir inclus des documents que la réglementation n'envisage pas qu'elle intègre, ce d'autant moins que, pour la parfaite information du marché et des actionnaires, l'expert indépendant a repris les critiques des avis et consultations communiqués par l'ADAM dans son rapport et y a répondu en détails. Elle ajoute qu'il n'appartient par ailleurs pas à la cour de juger du taux d'actualisation calculé par l'expert indépendant.

148.La société Capgemini demande également à la cour de rejeter ce recours. Elle fait valoir, s'agissant de l'applicabilité de l'article L. 2323-35 du code du travail, que les dispositions transitoires applicables sont celles de l'article 9, V, 1er alinéa de l'ordonnance du 22 septembre 2017 lesquelles prévoient que « V. - Lorsqu'il est fait application des dispositions prévues au I du présent article, ainsi que pendant la durée des mandats en cours, les dispositions des titres Ier et II du livre III relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise [l'article L. 2323-35 du Code du travail figure dans le titre II du livre III], [
] demeurent applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la présente ordonnance ». Elle en déduit que dès lors que les mandats du comité d'entreprise de la société Altran étaient en cours lors de la consultation, c'est valablement que le comité d'entreprise a rendu son avis sur le fondement de l'article 2323-35 du code du travail.

149.L'AMF observe pour sa part, en premier lieu, que le grief tiré d'une prétendue information « balbutiante » sur les relations entre Apax et la société Altran n'est pas fondé. Elle relève que les contrats conclus en 2013 par MM. M... et T..., et juin 2015 s'agissant de M. H..., ont été conclus bien avant le dépôt du projet d'offre dont la légalité est contestée. Elle estime qu'ils doivent être considérés comme étant sans lien avec l'offre en cause et en déduit qu'il ne lui appartenait pas d'exiger, outre leur mention dans la note en réponse, leurs caractéristiques. Elle ajoute que le contrat de 2015 a été mentionné par l'expert indépendant au seul titre de la bonne information des actionnaires, non en ce qu'il pourrait être qualifié d'accord connexe à l'offre.

150.Elle estime, en deuxième lieu, concernant le grief tiré d'une prétendue incohérence de l'information relative à la réalisation du plan stratégique, que les commentaires explicatifs de la direction de la société Altran, en réponse aux constats de l'expert indépendant, ne démontrent pas une vision incohérente concernant son développement dès lors que l'expert a fait part de son analyse concernant les ambitions du management qui lui apparaissaient très volontaristes. Elle ajoute qu'en tout état de cause les communiqués auxquels la requérante se réfère sont étrangers au recours et que seule l'analyse critique de l'expert indépendant prévaut dans le cadre d'une appréciation du caractère équitable du prix offert. Elle en déduit que l'information relative au plan stratégique n'était pas incohérente au sens de l'article L. 621-8-1 du code monétaire et financier.

151.Elle observe, en troisième lieu, que le grief tiré d'une prétendue contradiction dans l'information donnée sur les conflits d'intérêts n'est pas fondé. Elle estime que le choix de certains administrateurs de se déporter lors des conseils des 22 septembre et 10 octobre 2019 s'explique davantage par le fait que l'ADAM a adressé différents courriers mettant en exergue ce risque de conflits qu'à une situation de conflits d'intérêts patente, de sorte qu'il n'en résulte pas d'incohérence en termes d'information. Elle rappelle par ailleurs qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur la régularité des délibérations du conseil d'administration dans le cadre de l'examen d'un projet d'OPA (citant Com., 21 janvier 2014, pourvoi no 12-29.475, Bull. 2014, IV, no 10)

152.Enfin, sur le grief tiré des prétendues incohérences figurant dans le rapport de l'expert indépendant, l'AMF observe que le taux d'actualisation retenu par l'expert est de 8,74 % tandis que celui du cabinet missionné par l'ADAM a privilégié un taux de 7,5%, soit un écart de 1,24 point représentant 4,3 euros par action. Elle constate que l'expert indépendant s'en est expliqué, en relevant que la norme comptable employée par le cabinet n'avait pas le même objectif que la méthode d'actualisation des flux de trésorerie disponible dite « DCF » qu'il a utilisée. Elle en déduit qu'aucune incohérence n'en résulte dès lors que ces deux taux ne poursuivent pas le même objectif. Elle ajoute que le taux d'actualisation retenu a été déterminé en fonction du risque d'exécution du plan d'affaires de la société Altran, auquel le cabinet n'a pas eu accès. Elle souligne qu'en application de la réglementation, elle statue au vu de l'expertise indépendante, et non en considération des évaluations effectuées par des tiers désignés par des actionnaires de la société visée, étant précisé que l'expert ne les a pas pour autant ignorées dès lors qu'il les a analysées et mises en perspective avec sa propre expertise avant de finaliser son rapport.

***

Sur ce, la cour :

153.Il doit être relevé, en premier lieu, que le recours en annulation formé contre la décision de conformité de l'AMF no 219C1942 est rejeté par le présent arrêt, de sorte que la demande d'annulation par voie de conséquence du visa no 19-490 pris en application de cette décision est sans objet.

154.Il convient de rappeler, en second lieu, que l'apposition d'un visa sur la note en réponse établie par la société cible intervient dans les conditions prévues à l'article L.621-8-1, I du code monétaire et financier.

155.Aux termes de cet article :

« Pour délivrer le visa mentionné à l'article L. 621-8, l'Autorité des marchés financiers vérifie si le document est complet et compréhensible, et si les informations qu'il contient sont cohérentes. L'Autorité des marchés financiers indique, le cas échéant, les énonciations à modifier ou les informations complémentaires à insérer.

L'Autorité des marchés financiers peut également demander toutes explications ou justifications, notamment au sujet de la situation, de l'activité et des résultats de l'émetteur ainsi que des garants éventuels des instruments financiers objets de l'opération. »

156.Le caractère complet du document s'apprécie au regard des éléments prévus à l'article 231-19 du RGAMF qui fixe le contenu de la note de la réponse en ces termes :

« La note en réponse de la société visée, dont le contenu est précisé par une instruction de l'AMF, mentionne :

1o Les accords mentionnés à l'article 231-5 ;

2o Les éléments mentionnés à l'article L. 225-37-5 du code de commerce, le cas échéant actualisés à la date de l'offre tels que la société en a connaissance ;

3o Le rapport de l'expert indépendant dans les cas prévus à l'article 261-1. La société visée peut, sous sa responsabilité, décider de ne pas mentionner certaines informations figurant dans le rapport de l'expert indépendant afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d'induire le public en erreur ;

3o bis Dans les cas prévus aux articles L. 2312-42 à L. 2312-51 du code du travail, l'avis du comité social et économique de la société visée et, le cas échéant, le rapport de l'expert-comptable réalisé pour le compte du comité d'entreprise en application des dispositions de l'article L. 2312-45 du code du travail ;

4o L'avis motivé du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ou, dans le cas d'une société étrangère, de l'organe compétent, sur l'intérêt de l'offre ou sur les conséquences de celle-ci pour la société visée, ses actionnaires et ses salariés, et, le cas échéant, les mesures susceptibles de faire échouer l'offre qu'elle a mises en œuvre, ou décide de mettre en œuvre. En cas de mesure nouvelle susceptible de faire échouer l'offre, la société publie un communiqué pour en informer le marché. Les conditions de vote dans lesquelles cet avis a été obtenu sont précisées, les membres minoritaires pouvant demander qu'il soit fait état de leur identité et de leur position ;

5o Lorsqu'elles sont disponibles et diffèrent de l'avis mentionné au 4o, les observations du comité social et économique ou, à défaut, des membres du personnel 6o Les intentions des membres des organes sociaux mentionnés au 4o d'apporter ou non leurs titres à l'offre, précisant en particulier, si l'offre comporte plusieurs branches, celle à laquelle ils ont l'intention d'apporter leurs titres, le cas échéant ;

7o Les modalités de mise à disposition des informations mentionnées à l'article 231-28.

La note en réponse comporte la signature du représentant légal de la société visée attestant l'exactitude des informations figurant dans la note. »

157.En l'espèce, la note en réponse litigieuse (pièce visa no 4 de l'ADAM) comporte l'information liminaire suivante :

« [e]n application des dispositions de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier et de l'article 231-26 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (l'« AMF »), l'AMF a, en application de la décision de conformité relative à la présente offre publique d'achat en date du 14 octobre 2019, apposé le visa no 19-490 sur la présente note en réponse. La présente note en réponse a été établie par Altran Technologies et engage la responsabilité de ses signataires. Le visa, conformément aux dispositions de l'article L. 621-8-1, I. du code monétaire et financier, a été attribué après que l'AMF a vérifié « si le document est complet et compréhensible, et si les informations qu'il contient sont cohérentes ». Il n'implique ni approbation de l'opportunité de l'opération, ni authentification des éléments comptables et financiers présentés. »

158.La note en réponse sur laquelle l'AMF a apposé son visa :

– présente l'offre et ses principales caractéristiques ;

– expose son contexte et ses motifs ;

– indique l'avis du conseil d'administration de la société Altran, les intentions de ses membres et celles de la société relative aux actions auto-détenues ou d'autocontrôle, ainsi que l'avis du comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale de la société ;

– mentionne les accords susceptibles d'avoir une incidence sur l'appréciation ou l'issue de l'offre, ainsi que les éléments susceptibles d'avoir une incidence en cas d'offre publique ;

– intègre le rapport de l'expert indépendant ;

– précise enfin les modalités de mise à disposition des informations relatives à la société et les personnes qui assument la responsabilité de la note en réponse.

159.Il s'ensuit que ce document respecte les conditions prévues à l'article L.621-8-1, I du code monétaire et financier, étant suffisament « complet et compréhensible » pour informer le public.

160.Les informations qu'il contient sont en outre cohérentes, contrairement à ce que soutient l'ADAM.

161.La cour constate, tout d'abord, que la note d'information en réponse fait état de la désignation d'un expert indépendant, opérée en application de l'article 261-1 du RGAMF, lequel prévoit que «[l]a société visée par une offre publique d'acquisition désigne un expert indépendant lorsque l'opération est susceptible de générer des conflits d'intérêts au sein de son conseil d'administration, de son conseil de surveillance ou de l'organe compétent, de nature à nuire à l'objectivité de l'avis motivé mentionné à l'article 231-19 ou de mettre en cause l'égalité des actionnaires ou des porteurs des instruments financiers qui font l'objet de l'offre ».

162.Elle intègre également son rapport, comme il vient d'être indiqué, conformément aux articles 231-19 et 261-1 et suivants du RGAMF.

163.Loin de révéler des incohérences ou contradictions, la note porte à la connaissance des actionnaires et du marché des éléments objectifs sur les conditions dans lesquelles les buts poursuivis par les organes de direction de la société cible peuvent être atteints.

164.Concernant la présentation du plan stratégique de la société Altran, l'ADAM n'est pas fondée à invoquer les communications réalisées antérieurement au dépôt de l'offre, qui correspondent aux ambitions des dirigeants de la société Altran, pour considérer que la note en réponse révèlerait une incohérence dans la communication relative à la réalisation de ce plan. Cette note, qui a pour objet d'informer le marché et les actionnaires de la position de la société Altran à l'égard de l'OPA dont elle est cible, expose en effet tant les objectifs poursuivis par les dirigeants de cette société que l'analyse critique de l'expert indépendant désigné, laquelle procède d'une démarche objective et nuancée, impliquant mesure et prudence (pièce visa no 4 précitée, rapport pages 44 et suivantes). L'information délivrée dans la note en réponse, qui n'occulte aucun élément, prend soin d'indiquer les différents point de vue de manière cohérente.

165.Concernant les éléments relatifs aux relations entre le groupe Apax et les dirigeants de la société Altran ainsi que les informations contradictoires sur l'existence de conflits d'intérêts, il est constant que la note en réponse expose les situations que l'ADAM considère comme source de conflit d'intérêts en particulier :

– l'accord liant Altrafin participations, le FCPR Apax France VII et les sociétés AlphaOmega, Altamir et Altimus dont il est précisé qu'elle « regroupe historiquement les managers clés de la société [Altran] détenant 2,44% du capital d'Altrafin participations », les participations de MM M... et T..., respectivement directeur général délégué et directeur général adjoint de la société Altran, dans le capital de la société Altimus, ainsi que le mécanisme d'interessement sous forme de bons de souscription d'action Altrafin participations (page 9 de la note en réponse)

– le contrat du 16 juin 2015 missionnant M. H... pour organiser, moyennant rémunération, la sortie du groupe Apax du capital de la société Altran (pages 9-10 de la note en réponse, page 61 du rapport de l'expert indépendant ).

166.Contrairement à ce que soutient l'ADAM, l'AMF n'était pas tenue d'exiger plus de détails sur le contenu de ce contrat, conclu entre le président directeur général de la société cible et un ancien actionnaire, qui n'était pas l'initiateur de l'offre, dès lors que la note en réponse rappelle suffisamment son existence et ses caractéristiques essentielles, aux pages précitées. Elle n'avait pas davantage à s'interroger, plus que la note en réponse ne le fait déjà, sur les relations entre les dirigeants de la société Altran et certains de ses actionnaires, ou ancien actionnaire comme le groupe Apax, étant une nouvelle fois rappelé que ce dernier n'est pas l'initateur de l'offre publique en cause.

167.Cette note signale également qu' « [a]près avoir entendu les conclusions de l'Expert Indépendant, et considérant que leur avis positif sur le projet d'Offre de CAPGEMINI ressort notamment du fait qu'ils ont chacun concouru, en leurs différentes qualités, à sa formation, P... H..., F... R... et W... N... décident de ne pas participer à la suite de la réunion, aux délibérations du Conseil d'administration et au vote qui s'en suit sur l'avis motivé que le Conseil est invité à rendre. O... C... fait de même. » (page 24). Loin de valoir reconnaissance d'un conflit d'intérêts avéré relatif à l'offre, comme le soutient l'ADAM, cette précision tend uniquement à signaler que ces administrateurs se sont abstenus de participer aux délibérations et au vote du 22 septembre 2019 en raison du concours qu'ils ont pu apporter à cette procédure, et ce, dans un souci manifeste d'impartialité du conseil d'administration et de conciliation, l'ADAM s'étant inquiétée du fait que certains administrateurs pourraient être en situation de conflits d'intérêts dans une lettre du 13 aout 2019 (pièce no 10 de l'ADAM). Le rappel de la mesure préventive adoptée n'est donc pas en contradiction avec le fait qu'aucun conflit d'intérêts n'est mentionné dans la note en réponse et dans le « document de référence 2018 » (pièce visa no 5 de l'ADAM).

168.À cet égard, la cour rappelle qu'il ne lui appartient pas davantage d'apprécier, dans le cadre du recours formé contre l'apposition du visa no 19-490, la régularité du « document de référence 2018 » ainsi que la nécessité de le faire rectifier.

169.À titre surabondant, la cour relève que rien ne permet de contredire l'analyse de l'expert indépendant selon lequel les intérêts de M. H... « apparaissent alignés avec ceux des actionnaires auxquels s'adresse l'offre », en recherchant le meilleur prix de cession pour les actions Altran. En effet, sa rémunération, dont le montant est précisé page 10 de la note, est fixée selon un mécanisme de paliers en fonction de la valorisation des parts d'Apax au moment de sa sortie du capital de la société Altran (plus le prix de l'action est élevé, plus la rémunération est importante), et se trouve ainsi directement corrélée au prix de l'offre publique. Il convient, en outre, d'observer que les informations relatives à l'existence de ce contrat de 2015 et à la rémunération de M. H... figurent, en toute transparence, dans la note en réponse et qu'il est également indiqué « qu'Apax n'a reçu et ne recevra aucune contrepartie tant de la société [Altran] que de l'initiateur au titre du paiement de cette rémunération qui est à son entière charge »(note en réponse page 10), de sorte que cette note assure une information suffisante du marché sur les intérêts en présence. Elle ne s'écarte donc pas de la ligne de conduite de l'AMF, telle qu'elle ressort de son « rapport 2019 sur le gouvernement d'entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétes cotées ».

170.La cour ajoute de manière toute aussi surabondante, que l'ADAM n'est pas davantage fondée à invoquer le rapport du HCGE pour mettre en cause le contrat conclu en 2015, et par voie de conséquence l'indépendance de M. H... dans l'exercice de ses fonctions au sein de la société Altran, dès lors qu'une information suffisante a été donnée au marché concernant les intérêts en présence.

171.Concernant la référence que fait la note en réponse à des dispositions abrogées, la cour constate que celle-ci mentionne, en page 27, que « conformément aux articles L. 2323-35 et suivants du code du travail, le CCUES a été consulté dans le cadre de l'information-consultation des instances représentatives du personnel d'Altran technologies sur le projet de l'Offre ».

172.Cet article figure dans le code du travail, dans la deuxième partie : Les relations collectives de travail, au Livre III : Les institutions représentatives du personnel, dans le Titre II : Comité d'entreprise.

173.Il est constant que l'ordonnance no 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales a abrogé ces dispositions et qu'à compter du 1er janvier 2018 l'article L.2312-42 a remplacé l'article L. 2323-35 du code du travail, sous réserve des dispositions transitoires prévues notamment à l'article 9 de cette ordonnance.

174.Aux termes de cet article 9, I, il est ainsi prévu que « [l]es dispositions de la présente ordonnance, autres que celles mentionnées à l'article 8, entrent en vigueur à la date d'entrée en vigueur des décrets pris pour leur application, et au plus tard le 1er janvier 2018, sous réserve des dispositions prévues par le présent article ».

175.Le paragraphe II de cet article précise que « Le comité social et économique est mis en place au terme du mandat des délégués du personnel ou des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lors du renouvellement de l'une de ces institutions, et au plus tard le 31 décembre 2019 », sous réserve des dispositions prévues aux 1o à 3o de ce paragraphe.

176.Le paragraphe V du même article ajoute que « [l]orsqu'il est fait application des dispositions prévues au I du présent article, ainsi que pendant la durée des mandats en cours, les dispositions des titres I er et II du livre III relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise (
) demeurent applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la présente ordonnance ».

177.En l'espèce, nul ne démontre, ni ne prétend, que le mandat du comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale de la société Altran consulté (mentionné en pages 27 et 28 de la note en réponse) n'était pas en cours à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, de sorte que les dispositions de l'article L. 2323-35 du code du travail, comprises dans le Titre II livre III, demeuraient applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de l'ordonnance no2017-1386, lorsque la procédure de consultation des représentants du personnel a été organisée au cours de l'été 2019.

178.À titre surabondant, la cour ajoute que cette référence aux anciens textes n'est, en tout état de cause, pas de nature à affecter la régularité du visa apposé, la note en réponse n'en demeurant pas moins complète et compréhensible comme l'exige l'article L. 621-8-1, I du code monétaire et financier.

179.La cour relève en effet que la consultation du comité central d'entreprise de l'unité économique et social [CCUES] de la société Altran a été organisée dans les conditions rappelées dans la note en réponse et que l'avis de ce comité est annexé dans son intégralité. Il convient également de préciser que l'ordonnance no 2017-1386 précitée, en abrogeant l'article L. 2323-35 du code du travail et en le remplaçant par l'article L. 2312-42, a essentiellement remplacé le terme « comité d'entreprise » par « comité social et économique », (outre les modifications apportées à la numérotation des articles du code de travail auquel l'article se réfère) en conservant la même procédure, de sorte que les modifications intervenues sont, en tout état de cause, sans incidence sur le caractère complet et compréhensible de la note en réponse.

180.Concernant la nécessité d'inclure dans la note en réponse les travaux de consultants mandatés par l'ADAM, au rang des « informations complémentaires à insérer », la cour rappelle qu'aux termes de l'article L.621-8-1, I du code monétaire et financier, le visa est délivré lorsque le document apparaît « complet et compréhensible, et si les informations qu'il contient sont cohérentes. L'Autorité des marchés financiers indique, le cas échéant, les énonciations à modifier ou les informations complémentaires à insérer ».

181.L'article 231-19 du RGAMF, qui précise le contenu de la note en réponse, se réfère, en son 3o, au seul rapport de l'expert indépendant. Dès lors, il ne peut être soutenu, comme le fait l'ADAM, qu'il convenait que le rapport de l'expert indépendant désigné conformément à l'article 261-1 du RGAMF et celui du cabinet missionné par l'ADAM « soient rendus publics dans les mêmes conditions ».

182.Le rapport de l'expert indépendant, qui figure dans la note en réponse, expose en détail la méthode employée et ses justifications (rapport pages 44 et suivantes). Ce rapport consacre également des développements, aux pages 65 et suivantes à l'analyse du cabinet mandaté par l'ADAM, intitulée « Avis sur le prix proposé par CAPGEMINI dans le cadre d'un projet d'offre publique d'achat visant les actions de la société ALTRAN », ainsi qu'à l'analyse complémentaire intitulée «Analyse des éléments d'appréciation du prix d'offre contenus dans le projet de note en réponse à l'offre de CAPGEMINI » et à la consultation du 3 octobre 2019, dont l'ADAM se prévaut à l'appui de son recours. Il expose également quel est l'écart entre la valorisation issue de la méthode qu'il propose et celle présentée par le cabinet mandaté par l'ADAM, quels sont les taux qui en résultent de part et d'autre et justifie de nouveau ses choix. Il relève également que dans le cadre de ses travaux, ce cabinet « n'a pas eu accès au management d'ALTRAN et n'a donc pas eu la possibilité d'effectuer une revue critique du plan d'affaires, ce qui lui aurait sans doute permis d'avoir une appréciation plus fine du niveau de risque du plan « The High Road 2022 » » et note également que ce cabinet « n'a pas non plus pris en compte l'appréciation des analystes, qui suivent de manière régulière la société ALTRAN et en ont donc une connaissance approfondie, sur les risques du plan « The High Road 2022 », même dans son scénario dit dégradé. » Il précise également que l'ADAM a rendu publiques les conclusions de ces avis, en tout ou partie et renvoie à cette fin à l'article de l'AGEFI du 9 octobre 2019 intitulé « L'Adam nourrit le débat avec l'AMF dans le dossier Capgemini-Altran ».
183.Par suite, la note en réponse, qui comprend tous les éléments requis par la réglementation, et comporte en outre des éléments complémentaires concernant les évaluations proposées par le cabinet et les consultants choisis par l'ADAM, satisfait aux exigences de l'article L. 621-8-1,I du code monétaire et financier.

184.Le recours de l'ADAM dirigé contre « la décision de l'Autorité des marchés financiers portant apposition du visa no 19-490 du 14 octobre 2019 » doit donc être rejeté.

III. SUR LES DEMANDES AU TITRE DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

185.La société Capgemini, après avoir rappelé que l'article 700 du code de procédure civile n'était pas compris dans le titre VI du livre II du code de procédure civile (que l'article R. 621-45 du code monétaire et financier écarte), demande à la cour d'en faire application et de condamner l'ADAM à lui payer à ce titre la somme de 250 000 euros.

186.La société Altran demande également la condamnation de l'ADAM à lui payer la somme de 100 000 euros sur le même fondement.

187.L'ADAM fait valoir, en réplique, que l'article 700 du code de procédure civile, à le supposer applicable dans le cadre d'un recours contre une décision de l'AMF, vise exclusivement les frais non compris dans les dépens et qu'en l'occurrence aucune justification n'est apportée à ce titre. Elle ajoute que l'application de ce texte n'a lieu que lorsque l'équité le justifie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

***

Sur ce, la cour

188.Conformément aux dispositions de l'article R. 621-45 du code monétaire et financier, les recours contre les décisions de l'AMF portés devant la cour d'appel de Paris sont, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, formés, instruits et jugés conformément aux dispositions de l'article R. 621-46 du code monétaire et financier.

189.L'article 700 du code de procédure civile, qui n'est pas expressément écarté par ces dispositions est ainsi applicable en l'espèce.

190.Les sociétés Altran et Capgemini ayant constitué avocat et déposé des écritures pour répliquer aux mémoires de l'ADAM, ont exposé des frais non compris dans les dépens.

191.L'ADAM ayant perdu son procès, et supportant de ce fait la charge des dépens, elle sera, en équité, condamnée à payer aux sociétés Capgemini et Altran la somme de 10 000 euros chacune.

*
* *

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de communication de pièces et de sursis à statuer ;

Rejette les recours formés par l'Association pour la défense des actionnaires minoritaires contre la décision de l'Autorité des marchés financiers du 14 octobre 2019 déclarant conforme le projet d'offre publique d'achat de la société Capgemini visant les actions Altran technologies et l'apposition du visa no19-490 de la note en réponse établie par la société Altran technologies ;
Condamne l'Association pour la défense des actionnaires minoritaires à payer aux sociétés Altran technologies et Capgemini une somme de 10 000 euros chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'Association pour la défense des actionnaires minoritaires aux dépens.

LA GREFFIÈRE,

Véronique COUVETLA PRÉSIDENTE,

Brigitte BRUN-LALLEMAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : I7
Numéro d'arrêt : 19/189347
Date de la décision : 13/03/2020
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2020-03-13;19.189347 ?
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