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12/03/2020 | FRANCE | N°19/08509

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 12 mars 2020, 19/08509


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 12 Mars 2020



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08509 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANUC



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 12 Juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG19/00713





APPELANTE

SOCIETE D'CHEZ EUX

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Isabelle FERREIRO, avocat

au barreau de PARIS, avocat postulant

représentée par Me Ernest SFEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2042, avocat plaidant





INTIME

M. [H] [R]

[Adresse 3]

[Localité 2]

re...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 12 Mars 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08509 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANUC

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 12 Juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG19/00713

APPELANTE

SOCIETE D'CHEZ EUX

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Isabelle FERREIRO, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant

représentée par Me Ernest SFEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2042, avocat plaidant

INTIME

M. [H] [R]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Baptiste CHORON, avocat au barreau de PARIS, toque C.2042, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 janvier 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Mariella LUXARDO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Madame Brigitte CHOKRON, Présidente

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Mariella LUXARDO, Présidente et par Madame FOULON, Greffière.

**********

Vu l'ordonnance rendue le 12 juin 2019 par la formation de référé du conseil de prud'hommes de Paris qui a rejeté les demandes de la société D'Chez Eux aux fins de contester l'avis d'inaptitude du médecin du travail concernant M. [R], et laissé les dépens à sa charge ;

Vu l'appel interjeté par la société D'Chez Eux contre cette décision le 25 juillet 2019 ;

Vu l'avis de fixation de l'affaire adressé aux parties le 13 septembre 2019 ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2020 par lesquelles la société D'Chez Eux demande à la cour de :

Infirmer la décision du conseil de prud'hommes du 12 juin 2019

Statuant à nouveau :

Recevoir la société D'Chez Eux dans ses demandes

- Désigner un médecin inspecteur du travail territorialement compétent (service de

l'inspection médicale du travail ' [Adresse 1] '

Docteur [Y] [C] ou tout médecin disponible pour le substituer en cas

d'empêchement), avec mission habituelle, et notamment :

- Solliciter la communication du dossier médical au médecin du travail et au

médecin traitant

- Confirmer ou non la pathologie et ses conséquences sur l'aptitude au poste

par un examen médical

- Donner son avis sur l'aptitude de monsieur [R] et dire si monsieur [R]

était réellement inapte à reprendre son travail à l'issue de son arrêt maladie ;

En conséquence, déclarer monsieur [R] apte, apte sous réserve ou inapte à

titre définitif

- Vérifier si l'appréciation initiale du médecin du travail n'était pas influencée

par le contexte du litige opposant les parties sur fond d'allégations de

harcèlement au travail

Se réserver le soin, après retour des conclusions du médecin inspecteur du travail,

de reformer l'avis d'inaptitude de monsieur [R] du 16 avril 2019

Réserver les frais irrépétibles et les dépens

Subsidiairement, Si la cour estimait qu'il revient au conseil de prud'hommes de Paris de tenir compte des conclusions du médecin inspecteur du travail

Renvoyer après obtention du rapport du médecin inspecteur du travail l'affaire

devant le conseil de prud'hommes de paris statuant au fond dans le cadre de

l'affaire enregistrée sous le numéro RG F19/00315 ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2019 par lesquelles M. [R] demande à la cour de :

A titre principal

Dire irrecevable la contestation de l'avis d'inaptitude de M. [R]

En conséquence

Débouter la société de l'intégralité de ses demandes

Condamner l'employeur à verser à monsieur [R] la somme 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

A titre subsidiaire

Dire infondée la contestation de l'avis d'inaptitude de Monsieur [R]

En conséquence

Débouter la société de l'intégralité de ses demandes

Condamner l'employeur à verser à monsieur [R] la somme 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

A titre infiniment subsidiaire

Mettre les frais d'expertise à la charge de l'appelant

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 24 janvier 2020 ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

sur le bien fondé de l'appel

Pour rappel, M. [R], salarié de la société D'Chez Eux depuis le 1er juin 2014 en qualité de maître d'hôtel, a été placé en arrêt maladie à compter du 13 novembre 2018.

Le 16 avril 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude, cochant la case de la rubrique 'Cas de dispense de l'obligation de reclassement : tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.

Le 2 mai 2019, la société D'Chez Eux a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une contestation de l'avis d'inaptitude.

Le 17 mai 2019, M. [R] a été licencié pour inaptitude.

Le 16 janvier 2019, il avait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat.

Par ordonnance du 12 juin 2019, dont appel, la formation de référé a rejeté la contestation de la société D'Chez Eux.

A l'appui de son appel, la société D'Chez Eux fait valoir que M. [R] a trompé le médecin du travail en lui faisant croire qu'il était victime de harcèlement moral ; qu'elle entend contester les éléments de nature médicale et démontrer que l'inaptitude de M. [R] est fantaisiste ; que celui-ci a déjà fait l'objet d'un refus de prise en charge de sa maladie professionnelle par décision de la CPAM du 29 août 2019. La société D'Chez Eux ajoute qu'elle a été contrainte de licencier M. [R] avant l'expiration du délai légal d'un mois mais que si l'avis d'inaptitude était annulé, M. [R] pourrait reprendre son poste.

M. [R] soulève à titre principal l'irrecevabilité de la contestation au motif qu'elle n'est pas fondée sur des éléments de nature médicale mais sur les éléments du litige au fond opposant les parties sur la réalité du harcèlement moral ; que le litige portant sur la reconnaissance de la maladie professionnelle échappe à la compétence de la juridiction prud'homale ; à titre subsidiaire, il entend démontrer qu'il a été victime de harcèlement moral et conteste une prétendue demande de rupture conventionnelle qui aurait échoué ; que la CPAM a reconnu que son arrêt de travail relève d'une affection de longue durée ayant entraîné une IPP de 25 %.

En droit, il ressort de l'article L.4624-7 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, que le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes en la forme des référés d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l'employeur, n'est pas partie au litige.

Le conseil de prud'hommes peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s'adjoindre le concours de tiers. A la demande de l'employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l'employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification.

La décision du conseil de prud'hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

En application de l'article R.4624-32 du code du travail, l'examen de reprise a pour objet:

1° De vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé ;

2° D'examiner les propositions d'aménagement ou d'adaptation du poste repris par le travailleur ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises le cas échéant par le médecin du travail lors de la visite de préreprise ;

3° De préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du travailleur ;

4° D'émettre, le cas échéant, un avis d'inaptitude.

En application de l'article R.4624-42 du code du travail, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :

1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;

2° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;

3° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et

indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ;

4° S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.

Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.

En application de l'article R.4624-45 du code du travail, en cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail mentionnés à l'article L. 4624-7, le conseil de prud'hommes statuant en la forme des référés est saisi dans un délai de quinze jours à compter de leur notification. Les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail.

Le conseil de prud'hommes statue en la forme des référés dans les conditions prévues à l'article R. 1455-12. Le médecin du travail informé de la contestation peut être entendu par le médecin-inspecteur du travail.

En l'espèce, la société D'Chez Eux a exercé l'action en contestation de l'avis médical émis par le médecin du travail, prévue par l'article L.4624-7 du code du travail.

La question soulevée par le contenu de cette contestation doit faire l'objet d'un examen juridictionnel sur le bien fondé de l'action, et n'est pas sanctionnée par une irrecevabilité de la demande.

L'ordonnance du 12 juin 2019 mérite sa confirmation en ce qu'elle a écarté ce moyen d'irrecevabilité soulevé par M. [R].

Sur le bien-fondé de la contestation, il sera relevé que la société D'Chez Eux ne donne pas d'explications pertinentes permettant de remettre en cause l'avis médical du 16 avril 2019, se bornant à invoquer le caractère fantaisiste de l'inaptitude de M. [R] alors que les dispositions légales et réglementaires du code du travail encadrent la procédure de déclaration d'inaptitude.

La société D'Chez Eux ne conteste pas le respect de cette procédure par le médecin du travail, de sorte qu'elle a été en mesure de procéder à un échange avec le médecin lui permettant de faire valoir des observations sur l'avis qui était envisagé.

Elle ne conteste pas plus qu'au terme de cette procédure, le médecin du travail a émis son avis après avoir procédé aux examens et études prévus par les textes, dont notamment l'examen médical, l'étude de poste et des conditions de travail.

La contestation du harcèlement moral invoqué par M. [R] à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat, doit faire l'objet d'un débat dans le cadre de l'instance engagée au fond devant le conseil de prud'hommes qui sera appelé à se prononcer, en fonction des demandes des parties, sur le lien susceptible de rattacher l'avis d'inaptitude du 16 avril 2019 aux faits allégués de harcèlement moral.

Par ailleurs la contestation de la déclaration de maladie professionnelle du 5 mars 2019 auprès de la CPAM de Paris, doit faire l'objet d'une procédure distincte devant les organismes de sécurité sociale, avec un recours éventuel devant le tribunal judiciaire, la cour observant que la lettre communiquée par la société, en date du 29 août 2019, révèle que la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [R] est toujours en cours, dans l'attente de l'avis devant être donné par le comité régional CRRMP.

La société D'Chez Eux ne fait pas état d'éléments de nature médicale révélés dans le cadre de la procédure devant la CPAM, qui pourraient mettre en doute les éléments médicaux sur lesquels le médecin du travail s'est appuyé pour rendre son avis.

Aucun élément ne justifie donc la remise en cause de l'avis du 16 avril 2019.

La cour relève en outre que la société D'Chez Eux a tiré les conséquences de cet avis en notifiant à M. [R] le 17 mai 2019 son licenciement pour inaptitude.

La mention figurant dans la lettre de licenciement selon laquelle M. [R] pourrait reprendre son poste si l'avis d'inaptitude était annulé, constitue un simple engagement de sa part, qui devient sans objet dès lors qu'elle ne fournit pas de pièces suffisantes en vue de justifier du bien fondé de la contestation dont elle est à l'origine.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la contestation exercée par la société D'Chez Eux et la demande de désignation d'un médecin inspecteur du travail pour procéder à un nouvel examen médical, ne sont pas fondées, l'ordonnance rendue le 12 juin 2019 devant être confirmée en ce qu'elle a rejeté ces demandes.

sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au vu de la solution du litige, les dépens d'appel doivent rester à la charge de la société D'Chez Eux qui devra verser à M. [R] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance du 12 juin 2019,

Y ajoutant,

Condamne la société D'Chez Eux à verser à M. [R] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Met à la charge de la société D'Chez Eux les dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 19/08509
Date de la décision : 12/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°19/08509 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-12;19.08509 ?
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