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11/03/2020 | FRANCE | N°19/07045

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 11 mars 2020, 19/07045


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 11 Mars 2020



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/07045 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFOB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2017 par le Cour d'Appel de PARIS section RG n° S17/11392





APPELANT



M. [H] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 7

] (ALGERIE)

comparant en personne, assisté de Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075





INTIMEE



SAS STE LOUVET ET CIE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 11 Mars 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/07045 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFOB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2017 par le Cour d'Appel de PARIS section RG n° S17/11392

APPELANT

M. [H] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 7] (ALGERIE)

comparant en personne, assisté de Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

INTIMEE

SAS STE LOUVET ET CIE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 542 063 722

non comparante

représentée par Me Clémentine COLE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1387

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Janvier 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Nasra SAMSOUDINE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre et par Nasra SAMSOUDINE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [G] [H] a été engagé par la société ETIRAGE DE CHARONNES à compter du 1er avril 1988 et a occupé des fonctions de responsable technique à partir de 2007.

Le 26 novembre 2010, il a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux d'une demande de résiliation judiciaire à laquelle il a notamment été fait droit par jugement du 29 novembre 2012. La résiliation judiciaire du contrat de travail a été prononcée à la date du 29 novembre 2012.

La société a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris le 28 novembre 2013. Monsieur [G] a été licencié pour motif économique le 13 décembre 2013.

Le 22 octobre 2014, la Cour d'appel de Paris, statuant sur le recours engagé contre le jugement du conseil de prud'hommes de Sens, a déclaré irrecevables les demandes du salarié à l'égard de la société LOUVET ET CIE et à confirmer la résiliation judiciaire du contrat de travail sauf en ce qui concerne la date de la rupture qu'elle a établie au 22 octobre 2014.

Cet arrêt a fait l'objet d'un recours devant la Cour de Cassation et par un arrêt du 22 septembre 2016, le pourvoi a été rejeté.

Monsieur [G] a de nouveau saisi le conseil des prud'hommes de Sens le 17 novembre 2014 à l'encontre de la société LOUVET ET CIE.

Par un jugement du 27 mars 2015, le conseil des prud'hommes a considéré que les demandes de Monsieur [G] étaient irrecevables du fait de l'autorité de la chose jugée acquise en raison des dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 22 octobre 1014.

Monsieur [G] a relevé appel de cette décision.

Par un arrêt en date du 18 janvier 2017 la Cour d'appel de Paris a infirmé l'intégralité du jugement, a déclaré recevables les demandes engagées par Monsieur [G] à l'encontre de la société LOUVET ET CIE. Constatant qu'il y avait eu transfert du contrat de travail entre les deux sociétés, elle en a conclu que la résiliation judiciaire du contrat de travail entre Monsieur [G] et la société ÉTIRAGE DE CHARONNE du 22 octobre 2014, avait engendré la rupture du contrat existant entre le salarié et la société LOUVET ET CIE . Elle a condamné la société LOUVET ET CIE au paiement des condamnations prononcées par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 22 octobre 2014. Elle a également condamné la société LOUVET ET CIE à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :

' 2866,10 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté jusqu'au 22 octobre 2014,

' 3708 euros à titre de rappel de 13e mois,

' 1976,55 euros de solde de congés payés,

' 44'422,66 euros de rappel de salaire jusqu'au 22 octobre 2014 et les congés payés afférents outre les intérêts capitalisés et la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens .

Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi et la Cour de cassation statuant par un arrêt en date 15 mai 2019 a rendu la décision suivante : « CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande de Monsieur [G] dirigées contre la SAS LOUVET, l'arrêt rendu le 18 janvier 2017 rectifié par arrêt du 8 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé' »

Monsieur [G] a saisi le 7 juin 2019 la Cour d'appel de Paris.

Par ses dernières conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [G] demande à la Cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Sens du 27 mars 2015, de constater que la résiliation judiciaire de son contrat de travail au 22 octobre 2014 a été prononcé par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt de cette même date, de constater le transfert de son contrat de travail au sein de la société LOUVET ET CIE à compter du 1er juillet 2011 et considérant la fraude à la loi et la responsabilité de la société LOUVET ET CIE juger qu'elle doit être tenue de payer les indemnités de rupture mis à la charge de la société ÉTIRAGE DE CHARONNES sous déduction de la somme de 32'591,76 euros déjà versée par le mandataire liquidateur le 17 janvier 2019, soit les sommes de :

' 41'747 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 10'436,79 euros au titre de l'indemnité de préavis,

' 58'075,99 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

À titre principal, il demande en outre la condamnation de la société LOUVET ET CIE au paiement de :

' 1465,62 euros au titre de rappel de prime d'ancienneté de 2 juillet 2011 à décembre 2011,

' 5862,48 euros au titre de rappel de prime d'ancienneté de janvier 2012 à décembre 2013,

' 808,67 euros de rappel de salaire de 13e mois sur 2013,

' 2899,10 euros de rappel de 13e mois pour l'année 2014 proratisée,

' 12'938, 64 euros de rappel de salaire de septembre à décembre 2013 et les congés payés afférents,

' 9871,49 de congés restant dus pour 2013,

' 32'346,60 euros de rappel de salaire de janvier à octobre 2014 et les congés payés afférents,

' 2442,70 euros de rappel de prime d'ancienneté de janvier à octobre 2014.

À titre subsidiaire, Monsieur [G] demande à la Cour de fixer le transfert de son contrat de travail à la société LOUVET ET CIE à compter du 1er juillet 2011, de constater qu'à défaut de licenciement et de règlement du salaire à compter de décembre 2013, la société a commis des manquements graves et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur. Il demande sa condamnation au paiement de :

' 71'457, 41 euros à titre d'indemnité de licenciement,

' 19'407,16 euros d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,

' 1465, 62 euros rappels de prime d'ancienneté de juillet 2011 à décembre 2011,

' 5862,48 euros de prime d'ancienneté de janvier 2012 à décembre 2013,

' 808,67 euros de rappel de salaire de 13e mois sur 2013,

' 9871,49 euros de congés restant dus pour 2013,

' 38'815, 92 euros de rappels de salaire de janvier à décembre 2014 et les congés payés afférents,

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2015,

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13ème mois de l'année 2015,

- 38.815,92 euros au titre du rappel de salaires de Janvier à décembre 2016,

- 3.881,59 euros au titre des congés y afférents,

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2016,

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13ème mois année 2016,

- 38.815,92 euros au titre du rappel de salaires de Janvier à décembre 2017,

- 3.881,59 euros au titre des congés y afférents ;

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2017,

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13 ème mois année 2017,

- 38.815,92 euros au titre du rappel de salaires de Janvier à décembre 2018,

- 3.881,59 euros au titre des congés y afférents,

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2018,

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13 ème mois année 2018,

- 38.815,92 euros au titre du rappel de salaires de Janvier à décembre 2019,

- 3.881,59 euros au titre des congés y afférents,

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2019,

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13ème mois année 2019.

A titre très infiniment subsidiaire :

Dire et juger qu'il existe un lien de subordination entre la société LOUVET et Monsieur

[G], qu'il existe un contrat de travail entre Monsieur [G] et la société LOUVET depuis le 1er Juillet 2011 ou à titre subsidiaire depuis le 6 Mai 2013 et en conséquence

dire et juger que seule la société LOUVET en sa qualité d'employeur pouvait procéder au licenciement de Monsieur [G] en sa qualité d'employeur ; que Monsieur [G] est toujours salarié de la société LOUVET depuis décembre 2013 ; constater que la société LOUVET n'a pas rompu le contrat de travail de Monsieur [G] ni maintenu le salaire de Monsieur [G] à compter de décembre 2013 ;prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société LOUVET à effet à la date du prononcé du présent arrêt et en conséquence condamner la société LOUVET au paiement des sommes suivantes :

- 71.457,41 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 19.407,96 euros (6 mois de préavis) au titre de l'indemnité de préavis ;

- 1.940,79 euros au titre des congés y afférents ;

- 1.465,62 euros au titre de rappel de la prime d'ancienneté de juillet 2011 à décembre 2011

- 5.862,48 euros au titre de la prime d'ancienneté de Janvier 2012 à décembre 2013;

- 808,67 euros au titre du rappel de 13ème mois année 2013 ;

- 12.938,64 euros au titre du rappel de salaires de septembre à décembre 2013 ;

- 1.293,86 euros au titre des congés y afférents ;

- 9.871,49 euros au titre des congés restants dus au titre de l'année 2013 ;

- 38.815,92 euros au titre du rappel de salaires de Janvier 2014 à décembre 2014

- 3.881,59 euros au titre des congés y afférents ;

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2014

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13ème mois année 2014;

- 38.815,92 euros au titre du rappel de salaires de Janvier 2015 à décembre 2015

- 3.881,59 euros au titre des congés y afférents ;

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2015

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13ème mois année 2015

- 38.815,92 euros au titre du rappel de salaires de Janvier à décembre 2016

- 3.881,59 euros au titre des congés y afférents ;

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2016

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13ème mois année 2016

- 38.815,92 euros au titre du rappel de salaires de Janvier à décembre 2017

- 3.881,59 euros au titre des congés y afférents ;

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2017

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13ème mois année 2017

- 38.815,92 euros au titre du rappel de salaires de Janvier à décembre 2018

- 3.881,59 euros au titre des congés y afférents ;

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2018

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13 ème mois année 2018

- 38.815,92 euros au titre du rappel de salaires de Janvier à décembre 2019

- 3.881,59 euros au titre des congés y afférents ;

- 2.931,24 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté de Janvier à décembre 2019

- 3.234,66 euros au titre du rappel de 13ème mois année 2019

En tout état de cause, considérant l'existence d'une fraude à la loi visant à éluder l'application de l'article L 1224-1 du code du Travail, il réclame la condamnation de la société LOUVET au paiement d'une somme de :

-125.241,84 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la fraude à la loi ;

- 83.404,56 euros à titre de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice subi du fait de la perte de ses droits à la retraite ;

- 20.873,58 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- ordonner la remise du certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle Emploi conforme à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;

- ordonner la remise des bulletins de paie de décembre 2013 jusqu'au jour du prononcé du

jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

- dire et juger que les sommes porteront intérêts à compter de la présente saisine ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- Condamner la société à payer à Monsieur [G] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

- La condamner aux entiers dépens de la présente procédure.

Par ses dernières conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société LOUVET ET CIE sollicite le rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur [G] et sa condamnation à 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur le transfert

Il est constant que la rupture de la relation de travail entre Monsieur [G] et la société ETIRAGE DE CHARONNES est définitivement acquise du fait de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi dont il a fait l'objet.

Monsieur [G] demande à la Cour de reconnaître le transfert de son contrat de travail à la société LOUVET ET CIE.

Il résulte des dispositions de L 1224 ' 1 du code du travail « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.»

Monsieur [G] prétend que son contrat de travail a été transféré à la société LOUVET ET CIE à compter du 1er juillet 2011, date à laquelle ses bulletins de salaire sont édités par la société LOUVET ET CIE.

Il est constant en l'espèce, au travers des éléments juridiques et statutaires que la société ETIRAGE DE CHARONNES n'a fait l'objet d'aucune succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société au profit de la société LOUVET ET CIE.

Il appartient dès lors à Monsieur [G] d'apporter la preuve de ce qu'il y a eu entre la société ETIRAGE DE CHARONNES et la société LOUVET ET CIE un transfert de l'entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité a été reprise ou s'est poursuivie. Dans ces seules circonstances le transfert du contrat de travail est de droit, du fait de la loi, et la société cessionnaire est tenue des obligations résultant du contrat de travail transféré. Pour en justifier il appartient à Monsieur [G] d'établir que les moyens corporels ou incorporels d'une importance significative et nécessaire à l'exploitation de l'entité ont été repris par le nouvel exploitant. La seule poursuite de l'activité est insuffisante à démontrer le transfert de l'entité de même que la cession de part ou la reprise d'une part du capital.

Il résulte des pièces au débat que la société ETIRAGE DE CHARONNES a initialement une activité de fabrication d'étirage et de commercialisation des tubes en acier et métaux non ferreux. Elle constitue une des quatre sociétés d'exploitation du groupe LOUVET.

Il résulte également des débats et du contrat de location-gérance du 1er juillet 2011 que la société ETIRAGE DE CHARONNES a été réorganisée et ses différentes activités ont été réparties sur trois sites autres du groupe.

Ces circonstances permettent de conclure d'emblée qu'il s'agit pour Monsieur [G] de démontrer non pas son transfert au sein du groupe LOUVET mais bien de la société ETIRAGE DE CHARONNES vers la société LOUVET ET CIE dont l'activité sociale était à l'origine limitée à la commercialisation de tubes en métaux non ferreux à destination de l'industrie.

Le 1er juillet 2011, une convention de location-gérance entre la société ETIRAGE DE CHARONNES et la société LOUVET ET CIE a été signée concernant l'activité de négoce de métaux non-ferreux. Cette convention dans son annexe 6 prévoyait la liste du personnel transféré sur le fondement de L 1224-1 du code du travail. Cette liste n'est produite par aucune des parties. Toutefois, le contrat de travail de Monsieur [G] lui attribue des fonctions de responsable technique dans le cadre de l'activité d'étirage. Cette qualification ne permet pas de le rattacher à l'activité de négoce et de supposer, en conséquence, qu'il faisait partie de la liste des salariés transférés de plein droit dans le cadre de cette convention de location-gérance.

S'agissant de l'activité d'étirage, Monsieur [G] justifie par un courrier du 2 mars 2010 qu'il a dans le cadre de son licenciement économique bénéficié d'une mesure de reclassement sur le site de [Localité 6].

Selon le témoignage de Monsieur [E], collègue de Monsieur [G], l'ensemble du personnel a été muté le 30 septembre 2010 sur [Localité 6]. En effet, l'activité d'étirage de la société ETIRAGE DE CHARONNES initialement situé [Localité 5] (77) a été transféré rétroactivement en 1er décembre 2010 au [Adresse 3] (89) comme l'indique le procès verbal de l'assemblée extraordinaire du 23 mars 2011. Le site de [Localité 6] qui devient établissement secondaire de la société ETIRAGE DE CHARONNES est déjà occupé par une des filiales du groupe LOUVET, la société TOUTUBES INDUSTRIES, qui a la même adresse que la société ETIRAGE DE CHARONNES et qui exerce une activité d'achat fabrication et vente de tout produit industriel. Elle va l'accueillir dans se locaux.

Monsieur [G] produit un relevé du site internet de la société LOUVET ET CIE qui mentionne que cette société a, depuis le 1er juillet 2011, son siège à l'adresse ci-dessus précisé à [Localité 6]. Cette information tirée d'internet est contredite par la décision d'Assemblée générale du 26 novembre 2013 de la société LOUVET ET CIE qui modifie le siège social d'[Localité 4] à [Localité 6]. Par ailleurs, il apparaît au travers du relevé Kbis que la société TOUTUBES INDUSTRIES a été radiée le 10 septembre 2012 après un transfert universel du patrimoine au profit de la société LOUVET ET CIE . Et surtout la société ETIRAGE DE CHARONNES est liquidée le 6 décembre 2013.

Ainsi, au 1er décembre 2010, le personnel de la société ETIRAGE DE CHARONNES déménage sur [Localité 6] dans les locaux d'une autre société du groupe la société TOUTUBES INDUSTRIES. La société LOUVET ET CIE n'intervient que le 10 septembre 2012 lorsqu'elle acquière la société TOUTUBES INDUSTRIES. Elle installera son siège plus tard en novembre 2013 dans ces locaux.

Il est à noter en outre que la société LOUVET ET CIE a procédé à l'acquisition de 70% des parts sociales de la société ETIRAGE DE CHARONNES dès novembre 2009 et dans les courriers des 18 novembre et 31 décembre 2009, la société LOUVET ET CIE indique au salariés de la société ETIRAGE DE CHARONNES avoir pris la direction de la société . Cette participation majoritaire dans la société au profit de la société LOUVET ET CIE n'est néanmoins pas de nature à conclure au transfert d'activité, ni de personnels ni des autres moyens corporels permettant la poursuite de l'activité.

Monsieur [G] estime qu'il y a eu transfert des moyens corporels ayant permis la poursuite de l'activité et produit une attestation de Monsieur [E]. Cette attestation confirme le déménagement des machines outils et la mutation de plusieurs salariés dans les locaux déjà occupés par la société TOUTUBES INDUSTRIES à [Localité 6]. Or le rachat de matériel situé à [Localité 6] au profit de la société LOUVET ET CIE est attesté par les factures de vente par le commissaire priseur le 14 mars 2018, période entre la liquidation judiciaire et la clôture pour insuffisance d'actif en novembre 2018 de la société ETIRAGE DE CHARONNES.

Monsieur [G] prétend que tout le personnel a été transféré.

Au vu des éléments qui précèdent il y a lieu de déterminer si le personnel a simplement été reclassé sur le site de [Localité 6] à la suite de la réorganisation de la société ETIRAGE DE CHARONNES issue de l'Assemblée générale extraordinaire du 20 décembre 2010 aux termes de laquelle est fixé au 1er décembre 2010 le changement de siège social de [Localité 5] à [Localité 8] et la création de deux établissements secondaires à [Localité 6] et à [Localité 4].

Monsieur [G] se réfère au transfert du personnel de la société TOUTUBES INDUSTRIES opéré selon les modalités de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail. Néanmoins la comparaison est inopérante puisque pour cette société, il est reconnu qu'elle a été radiée le 10 septembre 2012 à la suite d'un transfert universel du patrimoine au bénéfice de la société LOUVET ET CIE. Or tel n'a pas été le cas de la société ETIRAGE DE CHARONNES.

Le 2 janvier 2013, Monsieur [D], ancien salarié de la société ETIRAGE DE CHARONNES va signer un avenant à son contrat de travail avec la société LOUVET ET CIE indiquant la poursuite du contrat de travail selon les modalités de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail. Aucun élément ne vient expliquer pour quelle raison il est fait référence à cette procédure de transfert légal mais la Cour constate que ce contrat est élaboré en même temps que la société LOUVET ET CIE intégrait l'ensemble du personnel de la société TOUTUBES INDUSTRIES selon des dispositions similaires suite au transfert universelle du patrimoine et qu'une confusion a pu s'opérer. Cette confusion se confirme à la lecture de l'avenant au contrat de travail de Monsieur [E], salarié de la société TOUTUBES INDUSTRIES, qui s'avère être en tout point conforme à celui de Monsieur [D].

Monsieur [G] transmet d'autres contrats de travail de collègues travaillant dans l'activité d'étirage au sein de la société ETIRAGE DE CHARONNES. Le contrat de travail initial de Monsieur [V] du 3 novembre 2004, ses bulletins de salaire et sa fiche de fonction ne démontrent pas le transfert du contrat de travail selon les dispositions d de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail. Le courrier de Madame [Y] du 25 juin 2013 concernant les fiche de paie n'est pas non plus un élément de preuve suffisant. L'avenant au contrat de travail de Monsieur [R], autre collègue de Monsieur [G] prouve qu'au 1er septembre 2010 il y a seulement eu une modification du lieu d'exercice des fonctions de [Localité 5] à [Localité 6] qui a nécessité la signature d'un avenant entre le salarié et la société ETIRAGE DE CHARONNES.

S'agissant de Monsieur [G], il est établi qu'il a, par un courrier du 2 mars 2010, bénéficié d'une mesure de reclassement pour suivre l'activité d'étirage sur [Localité 6]. Néanmoins, à partir du 26 avril 2010, Monsieur [G] est en arrêt maladie discontinu jusqu'en mai 2013 a bénéficié de congés et a de nouveau été arrêté le 16 juin 2013. L'avenant au contrat de travail proposé par la société LOUVET ET CIE en 2013 n'a jamais été signé. Son licenciement interviendra en décembre 2013. Le courrier de l'employeur du 28 avril 2010 atteste qu'il a accepté le reclassement sur [Localité 6].

Ainsi le transfert des moyens corporels en personnel d'une importance significative pour permettre l'exploitation de l'entité reprise n'est pas démontré.

Monsieur [G] communique en outre divers documents qui permettent de s'interroger sur la situation de la société.

Dans un courrier du 25 juin 2013, Madame [Y] Président Directeur Général de la société LOUVET ET CIE déclare a deux reprises qu'un rachat de la société ETIRAGE DE CHARONNES par la société LOUVET ET CIE est intervenu fin 2009 début 2010. Monsieur [Z] parle de fusion depuis 2001 et Monsieur [T] ' d'insertion dans le groupe Louvet'. Aucune de ces opérations n'apparaît dans aucun Kbis ou document officiel. Il est certain toutefois qu'à partir de 2009 Monsieur [L] [Y] est actionnaire dans le capital de la SAS EDC et de la société LOUVET ET CIE.

Le 31 décembre 2009, la société EDC n'a plus de capitaux propres, plus aucune provision et un endettement qui a plus que doublé depuis 2006 et son activité est en perte de vitesse. La cessation des paiement sera fixé par le tribunal de commerce de Villefranche Tarare au mois de mai 2012.

Le 16 mai 2013, Madame [Y] transmet un courrier où elle va organiser le retour de maladie de Monsieur [G]. Cela s'explique à la fois par le contentieux judiciaire en cours qui n'avait pas encore statuer définitivement sur la résiliation judiciaire et la situation moribonde de la société ETIRAGE DE CHARONNES.

Ces éléments statutaires ne sont pas de nature à caractériser le transfert.

Monsieur [G] fait référence également à ses bulletins de salaire édités par la société LOUVET ET CIE à partir de janvier 2011. Quelque soit les motifs ayant présidé à leur élaboration, le salarié ne rapporte pas la preuve que l'élaboration de ses bulletins de salaire et de son salaire par la société LOUVET ET CIE démontre le transfert des moyens corporels ou incorporels d'une importance significative de la société ETIRAGE DE CHARONNES pour permettre l'exploitation de l'entité reprise.

Il ressort de l'analyse de l'ensemble des pièces transmises par le salarié qui a la charge de la preuve du transfert qu'il revendique qu'à partir de la fin de 2009, la société LOUVET ET CIE est devenue actionnaire majoritaire de la société ETIRAGE DE CHARONNES ;

Que la réorganisation qui a suivi les difficultés de l'entreprise, a conduit à une mutation du personnel affecté à la production d'étirage sur un autre site où existait déjà une implantation de cette activité, soit [Localité 6] ; Que cette modification du site de production a nécessairement généré un déplacement de l'outil de production ; Que cette réorganisation a pu également engendrer la modification de certains contrats de travail vers la société LOUVET ET CIE comme celui de Monsieur [D] ; Que néanmoins Monsieur [G] ne démontre pas une reprise du personnel ou des outils de production par la société LOUVET ET CIE ;Qu'il ne démontre pas plus une reprise des éléments incorporels; Que si la société ETIRAGE DE CHARONNES a continué à fonctionner tant bien que mal jusqu'au prononcé de sa liquidation judiciaire le 6 décembre 2013, la seule poursuite de l'activité est insuffisante à démontrer le transfert de l'entité de même que la cession de part ou la reprise d'une part du capital.

Il est manifeste que comme l'indique le document unique d'évaluation des risques professionnels de novembre 2013, la défaillance de la direction au sein de la société LOUVET ET CIE a conduit aux courriers erronés et à des positionnements au regard des salariés qui pouvaient les induire en erreur sur leur situation au sein des sociétés du groupe.

En conséquence de ces motifs, il convient de rejeter les demandes de Monsieur [G] relatives au transfert de son contrat de travail, de constater qu'il est demeuré salarié de la société ETIRAGE DE CHARONNES jusqu'à son licenciement le 13 décembre 2013, date de la rupture de son contrat de travail. Les demandes visant à transférer les obligations de la société ETIRAGE DE CHARONNES au titre de la rupture à la société LOUVET ET CIE sont rejetées.

L'absence des conditions pour un transfert légal du contrat de travail ne permet pas non plus d'imputer à la société LOUVET ET CIE la responsabilité du licenciement en raison de la méconnaissance des obligations liés au transfert.

Sur la relation de travail et les fautes de la société LOUVET ET CIE

Monsieur [G] a travaillé à son retour d'arrêt maladie du 15 mai au 16 juin 2013 avant d'être à nouveau arrêté. Il soutient qu'il a travaillé pour le compte de la société LOUVET ET CIE celle ci s'étant comportée comme son employeur.

Dès lors que le transfert est écarté, pendant cette période jusqu'à son licenciement le 13 décembre 2013, Monsieur [G] avait encore comme employeur la société ETIRAGE DE CHARONNES.

Monsieur [G] doit démontrer qu'un nouveau contrat de travail est né en parallèle avec la société LOUVET ET CIE.

Or, il apparaît que Monsieur [G] avait fait l'objet d'une première sollicitation de la part de la société LOUVET ET CIE, le 12 mars 2013, après avoir annoncé une reprise le 13 mars. Le contrat a été refusé et Monsieur [G] ne l'a pas signé.

Par un courrier du 19 juin 2013, il déclare : ' Tant que le tribunal ne statut pas le contrat est suspendu je reste donc salarié étirage de charonne avec les avantages qui vont avec.' et donc vouloir rester salarié de la société ETIRAGE DE CHARONNES. Il confirme le 24 juin 2013 : ' Aujourd'hui n'ayant jamais accepté mon transfert, vous ne pouvez m'imposer les conséquences d'un transfert et une nouvelle convention collective.'

Il est manifeste qu'en désaccord avec son employeur, Monsieur [G] a refusé les modifications de son contrat de travail initial. Il ne peut dès lors venir soutenir désormais qu'un nouveau contrat de travail s'est mis en place contre sa volonté avec la société LOUVET ET CIE.

Dans les circonstances particulières de l'espèce, le seul fait que Madame [Y] ait repris en main la gestion des échanges avec le salarié alors que la société ETIRAGE DE CHARONNES était en difficulté, ne permet pas de faire présumer l'existence d'un nouveau contrat de travail.

Cette situation est d'autant plus avérée qu'aucun lien n'apparaît plus entre les parties à partir du moment où le mandataire judiciaire licencie le salarié dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société ETIRAGE DE CHARONNES.

Il résulte de ces motifs que le contrat de travail de Monsieur [G] avec la société ETIRAGE DE CHARONNES son employeur s'est poursuivi jusqu'à son licenciement et qu'il n'est pas fondé à solliciter à la société LOUVET ET CIE des rappels de salaire ou l'exécution d'obligations attachées à cette relation de travail.

De même rien n'établit qu'il y ait eu de la part de la société LOUVET ET CIE une fraude dans son refus de mettre en application les dispositions de l'article L1224-1 du code du travail. N'étant pas employeur, la société LOUVET ET CIE ne peut voir sa responsabilité engagée au titre du travail dissimulé en raison des mentions figurant sur les bulletins de salaire ou pour les manquements aux dispositions relatives à la délivrance des documents sociaux comme l'attestation Pôle Emploi.

Eu égard au rejet concernant les demandes de rappel de salaire, la demande de réparation du préjudice résultant des pertes des droits à retraite sera également rejetée.

PAR CES MOTIFS

Se prononçant au vu de l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la chambre sociale de la Cour de cassation,

INFIRME le jugement ;

Et statuant à nouveau ;

DIT que le contrat de travail de Monsieur [G] avec la société ETIRAGE DE CHARONNES n'a pas fait l'objet d'un transfert ;

REJETTE l'ensemble des demandes formées par Monsieur [G] à l'encontre de la société LOUVET ET CIE ;

VU l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [G] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 19/07045
Date de la décision : 11/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°19/07045 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-11;19.07045 ?
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