La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/03/2020 | FRANCE | N°17/11048

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 11 mars 2020, 17/11048


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 11 MARS 2020



(n° 2020/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/11048 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4AII



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/08257





APPELANTE



Madame [H] [V]

[Adresse 1]

ReprÃ

©sentée par Me Laurence SOLOVIEFF, avocat au barreau de PARIS, toque : A0007





INTIMEE



SNC SCSC

[Adresse 2]

Représentée par Me Anne-sophie NARDON, avocat au barreau de PARIS, toque :...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 11 MARS 2020

(n° 2020/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/11048 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4AII

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/08257

APPELANTE

Madame [H] [V]

[Adresse 1]

Représentée par Me Laurence SOLOVIEFF, avocat au barreau de PARIS, toque : A0007

INTIMEE

SNC SCSC

[Adresse 2]

Représentée par Me Anne-sophie NARDON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0530

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 janvier 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nadège BOSSARD, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La SCSC est une société en nom collectif qui commercialise des objets de souvenirs et cadeaux dans plusieurs points de vente situés à la Tour Eiffel à Paris.

Madame [H] [V] a été engagée selon contrat de travail à durée indéterminée du 20 juin 1996 en qualité de vendeuse caissière qualifiée, statut employé, niveau IV de la Convention collective des commerces de détail non alimentaires.

Selon avenant en date du 6 janvier 2004, elle a été promue au poste d'assistante de direction, niveau VI, moyennant une rémunération mensuelle brute d'un montant de 1 370 €.

Elle a connu plusieurs périodes d'arrêt de travail du 24 avril 2007 au 24 septembre 2007 puis du 14 août 2008 au 22 mars 2009 à la suite de deux accidents vasculaires cérébraux et du 7 décembre 2013 au 10 janvier 2014 pour les suites opératoires d'une thyroïdectomie.

Par courrier recommandé en date du 17 avril 2015, Madame [V] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 24 avril 2015 à 10h et a été mise à pied à titre conservatoire.

Le 21 avril 2015, un arrêt de travail lui a été prescrit pour asthénie physique et psychique et syndrome anxio-dépressif lequel a été prolongé jusqu'en décembre 2016.

Par lettre recommandée du 13 mai 2015, la SCSC a prononcé le licenciement de Madame [V] pour faute grave en raison d'une attitude irrespectueuse envers ses collègues et son supérieur hiérarchique.

Le 3 juillet 2015, Madame [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de solliciter, à titre principal, la nullité de son licenciement et à titre subsidiaire, contester le motif de son licenciement.

Par jugement en date du 26 juillet 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [V] de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Mme [V] a interjeté appel le 8 août 2017.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, signifiées par la voie électronique le 2 septembre 2019 et auxquelles la cour se réfère expressément, elle demande de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la société SCSC à lui payer la somme de 25 000 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé, à titre principal, par le harcèlement moral et à titre subsidiaire par les conditions vexatoires de travail,

- condamner la société SCSC à lui payer la somme de 45 000 € en réparation du préjudice causé par la violation des obligations de sécurité et d'exécution du contrat de travail de bonne foi,

- prononcer, la nullité de son licenciement au motif que la rupture du contrat de travail est fondée sur une discrimination en rapport avec l'état de santé de la salariée,

- ordonner sa réintégration à son poste sous astreinte de 300 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et se réserver le pouvoir de liquider ladite astreinte,

- ordonner à la société SCSC et préalablement à la réintégration de la salariée de consulter la médecine du travail et de mettre en place de visites de pré reprise puis de reprise et ce, aux fins

d'apprécier l'aptitude de la salariée et de procéder aux éventuels aménagements de poste requis,

- condamner, en conséquence, la société SCSC au paiement d'une indemnité minimum de 140 314 € égale au montant des revenus dont elle a été privée de la date du licenciement annulé (15 mai 2015) à ce jour, somme minimum arrêtée provisoirement au 15 septembre 2019 et à parfaire selon la date de prononcé de l'arrêt à intervenir,

- à titre subsidiaire et si la cour ne devait pas dire et juger entaché de nullité le licenciement intervenu, dire et juger le licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- condamner, en conséquence, la société SCSC au paiement à Madame [V] des sommes suivantes :

* 80 950 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 5 396,72 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 539,67 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

* 14 466,16 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- à titre subsidiaire et si la Cour de Céans estimait le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, dire et juger que la faute grave du salarié ne ressort pas des éléments versés aux débats et en conséquence condamner la société SCSC à lui payer les sommes suivantes :

* 5 396,72 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

* 539,67 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis.

* 14 466,16 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

- condamner la société SCSC à lui payer des sommes de :

* 35 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation des obligations de formation et tenue d'entretiens incombant à l'employeur,

* 15 600 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation des droits de la salariée à bénéficier d'une pause quotidienne,

- assortir les condamnations de l'intérêt légal à compter de la date d'introduction de l'instance prud'homale et en ordonner la capitalisation,

- condamner la société SCSC à la remise à Madame [V] des bulletins de paie, attestation Pôle Emploi, certificat de travail et contrat de travail conformes à l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours après la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société SCSC au paiement d'une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, signifiées par la voie électronique le 31 juillet 2019 et auxquelles la cour se réfère expressément, la société SCSC demande de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [V] de ses demandes,

- débouter Madame [V] de l'ensemble de ses demandes,

- subsidiairement, si la faute grave de Madame [V] ne devait pas être retenue, limiter le montant des condamnations mises à la charge de la SCSC à la somme de 5.162,58 euros au titre de l'indemnité de préavis et de 12.547,94 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

En tout état de cause,

- condamner Madame [V] à verser à la SCSC la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [V] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 septembre 2019.

Par arrêt en date du 25 septembre 2019, la cour a ordonné une médiation et dit que l'affaire serait rappelée à l'audience du 27 janvier 2020.

A ladite audience, les parties ayant indiqué que la médiation n'avait pas aboutie, l'affaire a été de nouveau plaidée.

MOTIFS :

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Selon l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L1154-1 du code du travail prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [V] soutient avoir subi des agissements de harcèlement moral du fait d'un groupe de salariés ainsi que de la part du directeur de la société.

Elle expose avoir subi des mises à l'écart et des critiques infondées, des propos antisémites de la part de ses collègues de travail, à la suite de sa demande d'aide auprès de la commission de solidarité, de ses critiques légitimes du fonctionnement de celle-ci et de son absence de participation au mouvement de grève organisé par les salariés de la société. Elle reproche à son employeur de s'être abstenu d'agir alors que son intervention était d'autant plus nécessaire que la mise à l'écart et les propos insultants étaient émis par des représentants du personnel interdisant, par conséquent, à la salariée de faire appel aux institutions représentatives du personnel au sein de l'entreprise. Elle expose que le directeur s'est personnellement employé à lui adresser des reproches à la suite de la revendication par elle de fonctions plus adaptées à ses capacités physiques amoindries. Elle soutient avoir été licenciée afin que Mme [Y], l'une de ses collègues, obtienne son poste. Elle invoque enfin au cours de l'année 2014, un état dépressif réactionnel à ses conditions de travail nécessitant des traitements médicamenteux et un suivi spécialisé.

Elle produit une lettre adressée le 26 juin 2014 à la société aux termes de laquelle elle sollicitait l'accès au fond social de solidarité et demandait à bénéficier d'une somme de onze mille euros pour faire face à ses difficultés liées à une procédure de divorce et une situation de surendettement. Elle y expose que sa demande a été 'refusée verbalement par l'intermédiaire des délégués du personnel', qu'elle s'est ensuite adressée au directeur, M. [X], lequel lui a affirmé qu'il mettrait en oeuvre les moyens nécessaires pour qu'une partie de ce fonds de solidarité puisse lui être alloué, mais qu'elle n'a aucune réponse. Elle y ajoute 'Je suis aussi très étonnée car suite à ma demande des bruits de couloir ont circulé concernant ma judéité et il m'a été rapporté que tous les juifs étaient riches et n'avaient donc pas besoin de ce type d'aide. Je suis malheureusement en mesure d'affirmer qu'il s'agit là d'un abus grossier.' Dans un courrier adressé le 17 juillet 2014, la fille de Mme [V], également salariée de la société, a regretté l'absence de confidentialité régnant au sein de la commission d'attribution des aides et a évoqué les préjugés antisémites des délégués du personnel.

L'appelante produit l'attestation de M. [R], salarié, lequel déclare qu'au retour d'arrêt de travail de Mme [V] en 2014, une salariée qu'elle avait formée a déclaré vouloir la remplacer, que d'autres vendeuses n'adressaient plus la parole à Mme [V] et qu'une vendeuse a proposé à M. H. de signer une pétition dirigée contre Mme [V] ce qu'il a refusé. Le planning versé aux débats révèle que Mme M. , qu'elle avait formée et qui avait déclaré vouloir la remplacer, l'a effectivement remplacée à compter d'avril 2015.

Elle n'établit cependant pas avoir été stigmatisée à la suite de la grève de 2015 à laquelle elle n'a pas participé.

Les faits établis sus évoqués, pris dans leur ensemble, font présumer une situation de harcèlement moral.

Toutefois, l'employeur établit par les pièces qu'il produit que Mme [V] tenait elle-même des propos insultants et à connotation raciste tels que 'rentre dans ton pays' à l'égard de ses collègues qui s'en sont plaints auprès du directeur afin qu'il prenne les mesures nécessaires pour faire cesser cette situation conflictuelle.

Il établit également que Mme [V] a tenu des propos outranciers à l'égard des délégués du personnel en leur demandant s'il 'fallait qu'elle boive de l'eau de javel pour pouvoir toucher cette aide' lesquels ont déclenché une procédure d'alerte pour 'agression verbale et harcèlement'. Elle a également insulté Mme P, sa collègue de travail et véhiculé des éléments de la vie privée de l'une de ses collègues, Mme M., laquelle a sollicité les délégués du personnel pour que ces allégations cessent.

En outre, Mme [V] n'a pas été remplacée dans ses fonctions par Mme M. lors de sa présence effective dans la société mais uniquement lors de ses absences pour arrêt de travail en avril 2015 puis en septembre 2015 soit postérieurement à son licenciement. Elle n'a donc à aucun moment été écartée de son poste.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [V] ne subissait pas d'agissements de harcèlement moral mais contribuait à la mésentente entre les salariés de la société.

Elle ne démontre pas plus de manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, les faits invoqués par elle n'étant pas de nature à le caractériser.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ces chefs.

Sur la demande de nullité du licenciement pour discrimination :

Selon l'article L1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut-être (...) licenciée (...) en raison de (...) son état de santé ou de son handicap.

En vertu de l'article L1134-1 du même code, dans sa rédaction applicable du 29 mai 2008 au 20 novembre 2016, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [V] soutient que son licenciement en date du 13 mai 2015 est intervenu alors qu'elle avait demandé à bénéficier d'un poste adapté à ses capacités physiques réduites.

La salarié établit avoir connu plusieurs arrêts de travail : du 24 avril 2007 au 24 septembre 2007 puis du 14 août 2008 au 22 mars 2009 à la suite de deux accidents vasculaires cérébraux, du 7 décembre 2013 au 10 janvier 2014 pour les suites opératoires d'une thyroïdectomie et à compter du 21 avril 2015 en raison d'un syndrome anxio dépressif comme cela résulte des certificats médicaux produits.

Toutefois, aucune des pièces produites ne prouve qu'une demande d'adaptation de son poste ait été adressée à l'employeur. Le courrier adressé le 26 juin 2014 à la société par Mme [V] est relatif à la nature des tâches qu'elle effectuait en ce qu'elles n'étaient pas conformes selon elle à ses fonctions d'assistante de direction. Il n'y est nullement indiqué que les tâches qui lui étaient confiées avaient été modifiées à compter de ses arrêts de travail. Il ne s'agit pas plus d'une demande d'adaptation du poste au regard de l'état de santé de la salariée.

En l'absence de caractérisation tant d'une modification des tâches confiées à compter des arrêts de travail que d'une demande d'adaptation de poste, la seule existence d'arrêts de travail ne saurait faire présumer l'existence d'une discrimination.

La demande en nullité du licenciement pour discrimination est en conséquence rejetée.

Sur le licenciement pour faute grave :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement reproche à Mme [V] d'avoir adopté une attitude irrespectueuse envers ses collègues , en ayant d'une part colporté des propos inacceptables en ces termes ' ce n'est pas normal que je n'ai pas touché le fond d'entraide. [K] l'a obtenu. Il faut faire une tentative de suicide et être à l'hôpital pour l'avoir.', 'elle vit au dessus de ses moyens.', d'autre part, eu une violente altercation avec Mme M le 12 mars 2015 en lui disant 'tu ne rentres pas dans mon local !', 'c'est ma place de ministre que tu veux'' puis alors qu'elle sortait du local lui a dit ' va baver au bureau, va faire ta suceuse au bureau'. L'employeur précise que de nombreux salariés se plaignent et demandent à ne plus travailler avec elle ce qui perturbe la bonne organisation et le bon fonctionnement de l'entreprise.

Il lui est également reproché de s'emporter violemment lorsqu'une modification d'une boutique ou de l'une de ses commandes est effectuée par le directeur et de tenir des propos dénigrants et péjoratifs relatifs au physique de son supérieur en le désignant auprès de ses collègues en ces termes 'où il est le P'tit'.

La société établit par les attestations versées aux débats de six salariés et du supérieur hiérarchique de Mme [V] que celle-ci a tenu lesdits propos injurieux envers ses collègues et son supérieur hiérarchique et était irascible. Ce comportement a nui à l'organisation de l'entreprise dans la mesure où les collègues concernés ne souhaitaient plus travailler avec elle.

Ce comportement injurieux désorganisant le fonctionnement de la société rendait impossible la poursuite du contrat de travail de Mme [V]. Son licenciement pour faute grave est donc justifié. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité :

Selon l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1°) des actions de prévention des risques professionnels;

2°) des actions d'information et de formation;

3°) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Mme [V] reproche à son employeur de s'être abstenu de la faire convoquer à une visite médicale au cours du mois de janvier 2015 alors que ladite visite avait été ordonnée par le médecin du travail au mois de janvier 2014 et soutient que son état de santé dégradé laissait présager un avis d'inaptitude ou du moins un avis d'aptitude partiel qui aurait obligé l'employeur à un reclassement ou à un aménagement de poste.

Il n'est pas contesté que l'avis d'aptitude du 16 janvier 2014 intervenu lors de la reprise du travail de Mme [V] après une thyroïdectomie indiquait 'à revoir dans un an'.

L'employeur ne justifie pas avoir fait convoquer Mme [V] entre janvier 2015 et avril 2015, date du licenciement, et a ainsi manqué à son obligation de prévention des risques s'agissant au surplus d'une salariée dont l'état de santé justifiait une attention particulière.

Mme [V] a subi un préjudice du fait de l'absence de nouvel examen lequel sera réparé par l'allocation de la somme de 2000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation et absence d'entretien professionnel :

L'article L6315-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige à compter du 7 mars 2014, dispose que : 'I. A l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié.

Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité, d'un congé parental d'éducation, d'un congé de soutien familial, d'un congé d'adoption, d'un congé sabbatique, d'une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l'article L. 1222-12, d'une période d'activité à temps partiel au sens de l'article L. 1225-47 du présent code, d'un arrêt longue maladie prévu à l'article L. 324-1 du code de la sécurité sociale ou à l'issue d'un mandat syndical.

II. Tous les six ans, l'entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s'apprécie par référence à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.

Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d'apprécier s'il a :

1° Suivi au moins une action de formation ;

2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;

3° Bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n'a pas bénéficié des entretiens prévus et d'au moins deux des trois mesures mentionnées aux 1° à 3° du présent II, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l'article L. 6323-13.'

Dans sa rédaction antérieure, applicable du 26 novembre 2009 au 7 mars 2014, le texte prévoyait qu'à l'occasion de son embauche, le salarié est informé que, dès lors qu'il dispose de deux ans d'ancienneté dans la même entreprise, il bénéficie à sa demande d'un bilan d'étape professionnel. Toujours à sa demande, ce bilan peut être renouvelé tous les cinq ans.

Le bilan d'étape professionnel a pour objet, à partir d'un diagnostic réalisé en commun par le salarié et son employeur, de permettre au salarié d'évaluer ses capacités professionnelles et ses compétences et à son employeur de déterminer les objectifs de formation du salarié.

Un accord national interprofessionnel étendu détermine les conditions d'application du bilan d'étape professionnel.

Madame [V] reproche à son employeur de n'avoir bénéficié d'aucune formation ni entretien professionnel sur son évolution de carrière et de ne pas l'avoir été informée de ses droits en la matière. Elle considère que cette absence de formation l'a empêchée d'exercer les fonctions d'assistante de direction auxquelles elle avait été nommée.

La société établit que Mme [V] a suivi deux formations 'accueil et relations clientèle' en juin 2005 et novembre 2011, d'une durée d'une journée chacune. Ces formations répondaient aux besoins de ses fonctions réelles de vendeuse hautement qualifiée chargée des commandes et de leur réception. La dénomination d'assistante de direction qui lui a été accordée en 2004 ne correspondait nullement à la nature de ses fonctions. Au surplus, aucun poste d'assistante de direction n'existait au sein de cette entreprise.

S'agissant de l'entretien professionnel, il n'est devenu obligatoire pour l'employeur de l'organiser qu'à compter de mars 2014 et ce selon un rythme bi-annuel. Il en résulte qu'à la date du licenciement de Mme [V], le 13 mai 2015, le délai de deux années imparti à l'employeur pour y procéder à compter de mars 2014 n'avait pas expiré de sorte qu'aucun manquement de sa part n'est établi.

Sur la période antérieure, Mme [V] ne démontre pas avoir sollicité un tel entretien. Elle ne peut faire grief à son employeur de ne pas avoir organisé un entretien qu'elle n'a pas sollicité, la loi n'en faisant alors pas l'obligation à l'employeur. Ce dernier n'était en outre tenu d'informer ses salariés qu'au moment de leur embauche de sorte que cette obligation d'information ne s'appliquait qu'aux embauches postérieures à mars 2014. Mme [V] ayant été engagée antérieurement, elle ne peut reprocher à son employeur de ne pas avoir procédé à une information à laquelle il n'était pas tenu.

La salariée est, en conséquence, déboutée de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de pause :

Selon l'article L3121-33 du Code du Travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes.

Mme [V] expose qu'elle exerçait ses fonctions de réception et de gestion de commande, depuis l'année 2002, de 6h00 du matin à 13h00, sans bénéficier d'un quelconque temps de pause.

Sa collègue, Mme B., atteste de ce que Mme [V] bénéficiait d'une pause de 30 minutes au cours de sa journée de travail.

La salariée est en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société SCSC est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et a condamné Mme [V] aux dépens,

statuant sur le chef infirmé,

CONDAMNE la société SCSC à payer à Mme [H] [V] la somme de 2000 euros à titre de dommages-dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

CONDAMNE la société SCSC à payer à Mme [H] [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par la société SCSC,

CONDAMNE la société SCSC à aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/11048
Date de la décision : 11/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°17/11048 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-11;17.11048 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award