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11/03/2020 | FRANCE | N°17/05698

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 11 mars 2020, 17/05698


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 11 Mars 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/05698 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3EAB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 15/04000





APPELANTE



Madame [K] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

née le [Date naissance

1] 1963 à



représentée par Me Nadia ines HAMZA, avocat au barreau de PARIS, toque : R242





INTIMEE



SAS DHI COMPANY

[Adresse 3]

[Localité 4]

N° SIRET : 493 95 7 8 23



représe...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 11 Mars 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/05698 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3EAB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 15/04000

APPELANTE

Madame [K] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

née le [Date naissance 1] 1963 à

représentée par Me Nadia ines HAMZA, avocat au barreau de PARIS, toque : R242

INTIMEE

SAS DHI COMPANY

[Adresse 3]

[Localité 4]

N° SIRET : 493 95 7 8 23

représentée par Me Alexandra LORBER LANCE de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Romain THIESSET, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Janvier 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 06 Janvier 2020

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [E] a été engagée par la société DELSEY SA, en qualité de responsable coordination groupe, statut cadre dirigeant, selon un contrat de travail à durée indéterminée du 1er mars 2004. Par avenant du 1er janvier 2009, elle a été nommée responsable du développement des ressources humaines du Groupe DELSEY. Son contrat de travail a été transféré à la SAS DHI COMPANY le 1er mai 2013.

La société a dispensé d'activité Madame [E] par lettre du 3 février 2015 et, par lettre du 27 février 2015, a convoqué Madame [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. Madame [E] s'est vue notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée du 18 mars 2015.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et sollicitant l'octroi de diverses indemnités, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 7 décembre 2016, a l'a déboutée de toutes ses demandes.

Ayant constitué avocat, elle a interjeté appel de cette décision auprès de la cour d'appel de Paris, selon une déclaration d'appel transmise par le réseau privé virtuel des avocats le 11 avril 2017.

Par des écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 octobre 2019, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits et moyens développés, Madame [E] conclut à l'infirmation du jugement. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 9.912,23 euros bruts et la moyenne des douze derniers mois de salaire à la somme de 10.494,70 euros bruts. Elle sollicite également la condamnation de la société DHI COMPANY au paiement des sommes suivantes :

-62.964 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-6.296,40 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

-25.900,92 € nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-94.452,30 € bruts au titre de l'indemnité contractuelle de départ supplémentaire prévu par l'avenant au contrat de travail du 21 juin 2011,

-7.860,06 € bruts au titre du bonus 2015 pour la période du 1er janvier au 18 septembre 2015,

-786,01 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

-6.015,28 € bruts à titre de rappel de salaires sur la période de mise à pied à titre conservatoire,

-601,52 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

-117,83 € nets au titre de la note de frais kilométriques portant sur la période de septembre-décembre 2014,

-447.586,28 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

-50.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

-12.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de la procédure de première instance que de la présente procédure d'appel.

Par des écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 31 octobre 2019, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits et moyens développés, la SAS DHI COMPANY demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter Madame [E] de ses demandes. A titre subsidiaire, elle sollicite de débouter Madame [E] de sa demande indemnitaire au titre d'un licenciement vexatoire et discriminatoire, ainsi que de limiter le montant des dommages et intérêts qui seraient alloués au titre du licenciement abusif à une somme représentant six mois de salaire avant précompte des cotisations salariales de sécurité sociale. Elle conclut à la condamnation de Madame [E] au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture rendue le 5 juillet 2017 a été révoquée par ordonnance du 9 janvier 2019. Une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 4 décembre 2019 et l'audience de plaidoirie s'est tenue le 14 janvier 2020.

MOTIFS

Sur le licenciement

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

La lettre de licenciement du 18 mars 2015, qui circonscrit le litige, est rédigée dans les termes suivants :

« Nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave, privatif du préavis et toute indemnité de rupture.

En effet, comme nous vous l'avons indiqué, nous avons été destinataire au mois de janvier 2015 d'une demande de remboursement d'une note d'hôtel à [Localité 5], facturée à votre nom de jeune fille de surcroît.

Une telle demande n'est toutefois pas justifiée dans la mesure où cette dépense n'avait aucun caractère professionnel, ce déplacement ayant été réalisé à titre personnel pendant une période correspondant à une « récupération » que vous aviez sollicitée.

Comme nous vous l'avons précisé, cette demande de remboursement de frais prétendument professionnels constitue un premier manquement à vos obligations que la société ne peut tolérer.

Toutefois, cette demande a d'autant plus attiré notre attention qu'elle nous a été présentée par Monsieur [C] [P], alors Président du Conseil de Surveillance de la société.

Des investigations ont donc été engagées par la société afin d'éclaircir cette situation, susceptible de vous impliquer, vous et Monsieur [C] [P].

Ces investigations ont d'une part conduit à constater, a posteriori, que de nombreuses demandes de remboursement de frais professionnels n'étaient pas justifiées au regard de votre activité. Notamment, aux mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2014, vous avez demandé le remboursement de frais de déplacement dans un certain nombre de magasins dans lesquels, en réalité, vous ne nous êtes pas rendue. Plus généralement, les conditions dans lesquelles vous évaluez les dépenses liées à vos déplacement ne sont pas conformes aux règles et procédures applicables et n'ont vocation qu'à majorer indument la prise en charge, par la société, de ces prétendus frais.

D'autre part et s'agissant plus particulièrement de la note d'hôtel à [Localité 5], ces investigations ont notamment permis de constater que vous étiez effectivement présente avec Monsieur [C] [P] à [Localité 5], et que vos déclarations relatives à cette facture, selon lesquelles vous vous seriez rencontrés fortuitement ou encore selon lesquelles vous étiez présente à [Localité 5] pour célébrer l'anniversaire de votre frère, étaient manifestement mensongères.

Interrogé sur ces évènements et sur un certain nombre d'irrégularités révélées par ces recherches, Monsieur [C] [P] nous a pour sa part précisé que vous « travaillez » pour lui en marge de votre activité au sein de la société, pendant votre journée de repos hebdomadaire. D'ailleurs, vous vous présentez (il vous présente et vous êtes reconnue comme) son « assistante personnelle ».

Nous n'avons jamais été informés de cette activité professionnelle parallèle, qui caractérise pourtant nu conflit d'intérêt évident compte tenu notamment de la nature et de l'importance de vos fonctions au sein de la société.

Par ailleurs, après vérification de votre situation, il apparaît que l'exercice d'une telle activité professionnelle pour le compte de Monsieur [C] [P] n'est pas possible dans la mesure où :

vous exercez de nouveau votre activité à temps complet, pour le compte de la société, depuis le 1er mai 2013, date à laquelle votre salaire a été revu à hauteur d'un temps plein. Il a été alors convenu qu'à titre tout à fait exceptionnel certains vendredis où vous seriez en déplacement à l'étranger pourraient être récupérés.

Vous bénéficiez, contractuellement, du statut de cadre dirigeant.

A ce titre, il apparaît d'ailleurs que vous avez continué à solliciter régulièrement des journées de « récupération », en contrepartie du travail prétendu pendant la journée de repos qui, antérieurement, vous avait été attribuée.

Pourtant, dans le cadre de ces conditions nouvelles, ces journées de récupération n'étaient pas justifiées, ce que vous ne pouvez pas ignorer.

A titre d'exemple, vous avez sollicité 18 journées de récupération sur la seule année 2014 alors que vous n'avez eu que 5 vendredis en déplacement professionnel.

Lors de votre entretien, vous n'avez pas été en mesure de nous apporter, sur ce point, d'explications. Au contraire , vous avez reconnu avoir profité de 2 vendredis en Asie pour « faire du tourisme ».

Nous avons également constaté, lors de nos investigations, que Monsieur [C] [P] vous avait accordé des conditions particulières de rupture éventuelle de votre contrat de travail, qui ne sont pas justifiées, et qui démontrent la réalité du conflit d'intérêt entre les fonctions occupées au sein de la société et celles assurées personnellement pour le compte de Monsieur [C] [P].

Lors de votre entretien préalable, vous avez tenté de minorer votre rôle auprès de Monsieur [C] [P], prétendant que vos fonctions se limiteraient à quelques réservations de voyages, et représenteraient tout au plus quelques heures par mois.

Cependant, les manquements à vos obligations contractuelles, que caractérise cette situation, ne sont pas atténués par l'importance et la nature prétendument relatives de vos fonctions assurées en marge de votre activité professionnelle.

En toute hypothèse, lors de votre entretien préalable, nous vous avons démontré le caractère mensonger de vos propos. Vous avez d'ailleurs finalement reconnu que les tâches réalisées pour le compte de Monsieur [C] [P] étaient beaucoup plus importantes que vous ne le prétendiez.

En effet, les investigations que nous avons réalisé nous ont permis de constater que, en réalité, les fonctions assurées pour le compte de Monsieur [C] [P] sont très importantes et variées.

Nous avons également constaté que vous assuriez ces responsabilités non seulement pendant votre jour prétendu de repos, mais également tous les autres jours de la semaine et pendant vos horaires de travail, pour une durée du travail bien plus importante que « quelques heures par mois ».

En outre, nous avons constaté que vous exercez ces fonctions « d'assistante personnelle » avec les moyens professionnels mis à votre disposition et appartenant à l'entreprise.

Notamment, vous n'avez pas hésité à utiliser votre adresse électronique professionnelle dans le cadre de nombreux échanges que vous avez pu avoir avec les interlocuteurs de Monsieur [C] [P], au titre de ses affaires personnelles(ce qui pourrait d'ailleurs engager, auprès de ces tiers, la responsabilité de la société).

C'est également dans ce cadre que sont stockés sur votre ordinateur professionnel de nombreux rapports d'activité et informations confidentielles concernant des sociétés au sein desquelles Monsieur [C] [P] exerce des fonctions ou des mandats, ce qui pourrait nous être reproché par ces différentes entreprises.

Par ailleurs, lors de nos investigations, nous avons découvert que vous aviez développé une autre activité personnelle de coaching, une nouvelle fois sans en avoir informé la société. Vous avez exercé cette activité rémunérée auprès des sociétés de Monsieur [C] [P], en utilisant là encore les moyens professionnels de la société (notamment le logiciel PI que la société utilise et qui lui est, dans ce cadre, facturé).

Concernant cette activité, nous avons d'ailleurs constaté que, au moins à une reprise, vous l'aviez exercée pendant une période de « récupération ». nous avons dans ces conditions interrogée sur les raisons précises de cette « récupération », que vous aviez a priori justifiée à l'époque comme étant la contrepartie d'un travail prétendu pendant vos congés payés du mois d'août 2012. Toutefois, là encore, vous n'avez pas été en mesure de nous apporter des explications. Bien plus, de manière surprenante, il apparaît que cette récupération a été validée par Monsieur [C] [P], qui n'avait pourtant aucune autorité en la matière, ce que vous savez pertinemment.

Enfin, nos investigations nous ont permis de constater que vous aviez réservé à de nombreuses reprises, aux frais de la société, des déplacements pour le compte de Monsieur [C] [P], que vous avez pourtant refacturés à d'autres sociétés de Monsieur [C] [P] en votre qualité d'assistante personnelle.

Ces différents éléments démontrent de manière évidente les conflits d'intérêt entre vos obligations professionnelles et vos activités parallèles et, dans ce cadre, de nombreux manquements à vos obligations contractuelles, dont celle essentielle de loyauté. Votre comportement a par ailleurs causé, de manière délibérée, un préjudice financier à la société.

Bien entendu, nous ne pouvons tolérer une telle situation, qui nous conduit à mettre un terme à nos relations contractuelles, sans pouvoir envisager leur poursuite même pendant la durée de votre préavis.

Votre licenciement, pour faute grave, prend effet immédiatement ».

Il est reproché à la salariée d'avoir participé à des demandes de remboursement de frais professionnels frauduleuses et irrégulières ; d'avoir sollicité le bénéfice de journées de récupération non justifiées ; d'avoir exercé une activité rémunérée au profit du Président du Conseil de surveillance, ce qui constituait un conflit d'intérêts ; d'avoir exercé cette activité pendant ses horaires de travail et avec les moyens professionnels de la société ; d'avoir développé une autre activité personnelle sans en avoir informé la société et de l'avoir exercée au profit des sociétés de Monsieur [P] avec les moyens de l'entreprise.

Sur la demande de remboursement d'une note d'hôtel à [Localité 5] présenté par le président du conseil de surveillance

Mme [E] fait valoir que le reproche ne lui pas personnellement imputable, cette note d'hôtel n'ayant pas été présentée par elle mais par Monsieur [P].

Cependant, cette note, présentée en janvier 2015, d'un montant de 1625,69 euros, est établie au nom de jeune fille de Mme [E], pour un séjour non professionnel, ses activités professionnelles ne justifiant pas sa présence à l'étranger. La société produit, en outre, la photocopie du passeport de Mme [E]. Ce grief est donc établi.

Sur les autres demandes de remboursement de frais professionnels

Mme [E] fait valoir que ses supérieurs hiérarchiques ont validé ces frais professionnels alors qu'ils savaient que ses fonctions n'impliquaient pas de tels déplacements, qu'elle a procédé ainsi à la demande expresse de la société, et que les faits sont prescrits.

La SAS DHI COMPANY fait valoir que ce n'est qu'à réception d'une demande de remboursement de frais professionnels manifestement frauduleuse en janvier 2015 qu'elle a engagé des vérifications et découvert les irrégularités, de sorte que les faits ne sont pas prescrits.

En effet, la salariée ne peut se prévaloir de la prescription de certains faits dès lors qu'ils s'inscrivent dans un phénomène répétitif et que c'est le dernier d'entre eux - la demande de remboursement d'une note d'hôtel en janvier 2015 - qui a amené l'employeur à diligenter une enquête ayant établi la réalité et l'ampleur des agissements de la salariée.

L'employeur produit une demande de remboursement de frais de déplacement de décembre 2014 pour les visites de site de septembre à décembre 2014 alors qu'il résulte des courriels de Mesdames [G] et [Y] que Madame [E] ne s'est pas rendue dans les lieux qu'elle mentionne.

Par ailleurs, contrairement aux allégations de la salariée, cette situation n'était pas connue et approuvée par la société. En effet, la signature de ses demandes de remboursement par la secrétaire générale n'emporte pas connaissance et approbation par l'employeur de la pratique frauduleuse de la salariée.

Ce grief est établi et la salariée sera déboutée de sa demande au titre de frais kilométriques portant sur la période de septembre'décembre 2014.

Sur les journées de récupération

La société soutient ensuite que Madame [E], en sa qualité de cadre dirigeant, ne pouvait bénéficier de journées de récupération en contrepartie des heures de travail réalisées, que celle-ci a pourtant régulièrement demandé à en bénéficier.

Elle produit des formulaires de demandes de récupération pour l'année 2014 ainsi qu'un courriel du 15 mai 2013 de Madame [U] indiquant : « ton salaire de base serait revu à hauteur d'un temps plein actuel » ; Madame [E] a répondu : « peut-être préciser que je reste à un régime officiel de 4/5ème du lundi au jeudi (sous-entendu officieusement je travaille le vend), mais cela me permettrait de continuer à récupérer officiellement les vendredis où je suis en déplacement ». L'employeur invoque à cet égard le manque de loyauté de la salariée dans l'exécution de son contrat de travail.

Madame [E] fait observer que sa dernière demande date du 15 décembre 2014 alors que la procédure de licenciement a été engagée le 27 février 2015 et que ces faits sont donc prescrits, qu'elle n'a jamais exercé ses fonctions à temps plein, qu'il a toujours été convenu qu'elle récupérerait les vendredis où elle travaillait, qu'il s'agissait d'une sorte de temps partiel bien qu'en sa qualité de cadre dirigeant elle n'était pas soumise à la réglementation relative à la durée du travail.

Seule Madame [U] a été destinataire des informations du courriel du 15 mai 2013 au sujet de l'organisation du travail de Madame [E]. Cette dernière ne peut donc conclure à la connaissance de cette situation par l'employeur du fait de la validation de ses demandes de récupération par Madame [F], ni invoquer la prescription des faits, ceux-ci ayant été révélés au cours de l'enquête interne préalable au licenciement.

L'article 8 du contrat de travail de Madame [E] stipule : « Vous effectuerez 27,25 heures hebdomadaires qui se répartiront sur le lundi ' mardi ' jeudi ' et vendredi. En tant que responsable de Coordination Groupe, du fait de vos responsabilités au sein de l'entreprise, vous avez été classée dans la catégorie « Cadre Dirigeant ». Ceci signifie que votre horaire de travail n'est soumis à aucun contrôle, de ce fait, vous ne pointez pas, et vous n'êtes tenue à aucun horaire spécifique. Dans le cas où la nécessité se ferait ressentir, votre temps partiel pourrait être transformé en temps complet. Dans ce cas, votre salaire serait recalculé au prorata du nombre d'heures effectuées. Ceci vous serait éventuellement indiqué par avenant au présent contrat ». Les avenants au contrat de travail de la salariée n'ont pas modifié ces stipulations.

La situation décrite par cet article correspond au courriel du 15 mai 2013 dans lequel il est indiqué : « ton salaire de base serait revu à hauteur d'un temps plein actuel ». Toutefois, il est expressément donné accord, dans ce courriel, au maintien de la situation de Madame [E] à un temps de travail à hauteur de 4/5eme : « pas de problème pour préciser travail au 4/5ème lundi jeudi ».

En l'absence d'avenant modifiant la durée du travail de Madame [E], celle-ci est restée à temps partiel et pouvait obtenir, du fait d'un travail plus important, la récupération de certains jours.

Le reproche tiré de journées de récupération non justifiées ne peut donc être retenu.

Sur l'exercice d'activités annexes et l'utilisation du matériel de la société

Mme [E] soutient qu'elle n'a pas eu d'activité concurrente de celle de l'employeur et qu'elle n'a pas exercé d'activité au dépens de son temps de travail pour le compte de celui-ci, qu'elle était libre d'organiser son temps de travail, qu'elle n'a pas fait un usage abusif des moyens professionnels mis à sa disposition, que l'usage de sa messagerie électronique à des fins personnelles n'était pas abusif, qu'elle a stocké peu de documents concernant ses activités personnelles dans son ordinateur professionnel et aucun document confidentiel, qu'elle n'a pas fait une utilisation abusive du logiciel PI , qu'elle n'a jamais permis l'utilisation ou mis à disposition de tierces personnes ce logiciel

La société réplique que Madame [E] ne pouvait à la fois exercer les fonctions de directrice du développement des ressources humaines du Groupe DESLEY, cadre dirigeant, directement rattaché au président du directoire, et être l'assistante personnelle du président du conseil de surveillance dont les fonctions sont de contrôler la gestion de l'entreprise par son président et ses cadres dirigeants, qu'il en résulte l'existence d'un conflit d'intérêts caractérisé par l'octroi d'avantages contractuels qu'il considère non justifiés et des refacturations de frais de déplacement de Monsieur [P] auprès des sociétés dans lesquelles il exerce des mandats.

S'agissant de l'activité d'assistante personnelle de Monsieur [P], la société produit plus d'une cinquantaine de courriels de Mme [E] relatifs aux affaires de Monsieur [P], dont celles concernant des sociétés tierces.

En outre, les supports de présentation, factures et contrats de prestation, présents sur l'ordinateur professionnel de la salariée, démontrent qu'elle exerçait, en plus de l'activité d'assistante personnelle de Monsieur [P], une activité de coaching, également avec le matériel de l'entreprise puisque ses supports et contrats étaient stockés sur son ordinateur professionnel.

Ce comportement révèle un manque de loyauté à l'égard de la société DHI COMPAGNY, en l'absence de document de nature à établir que ce jour celle-ci était informée de ces activités.

Par ailleurs, même si elle la minimise, Mme [E] reconnaît une utilisation personnelle des moyens mis à sa disposition par l'entreprise.

Ainsi, les griefs invoqués par l'employeur, à l'exception de celui tiré des jours de récupération, sont établis et constituaient une violation des obligations contractuelles d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Le licenciement pour faute grave est justifié.

Il ne résulte d'aucun élément probant, l'existence de circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement.

Sur le bonus

Madame [E] sollicite l'octroi d'une somme correspondant au bonus qu'elle aurait dû percevoir pour la période du 1er janvier au 18 septembre 2015, date à laquelle aurait dû prendre fin son préavis.

Alors qu'il appartient à l'employeur de prouver qu'il s'est libéré de son obligation et que les avenants au contrat de travail de la salariée prévoient l'existence d'un bonus, la société ne fournit aucun élément de nature à mettre en cause le bien-fondé de cette créance.

Toutefois, dès lors que le licenciement pour faute grave a été jugé fondé, Madame [E] ne peut prétendre au versement d'une somme au titre d'un bonus pour la période du 1er janvier au 18 septembre 2015, mais seulement pour la période du 1er janvier au 18 mars 2015, date de son licenciement.

Ainsi, selon les méthodes de calcul présentées par la salariée et non contestées par l'employeur, elle a droit au versement d'une somme de 2.376,30 euros à titre de bonus, outre 237,63 euros au titre des congés payés y afférents.

Dès lors, le jugement sera infirmé sur ce point et la société sera condamnée au versement de ces sommes.

Sur les frais de procédure

La SAS DHI COMPANY, succombant à l'instance, sera condamnée aux entiers dépens.

Compte tenu de la décision intervenue, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 7 décembre 2016, sauf en ce qu'il a débouté Madame [E] de sa demande de paiement du bonus pour l'année 2015,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS DHI COMPANY à verser à Madame [E] la somme de 2.376,30 euros au titre du bonus pour l'année 2015, outre 237,63 euros au titre des congés payés y afférents.

Condamne la SAS DHI COMPANY aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/05698
Date de la décision : 11/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/05698 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-11;17.05698 ?
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