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11/03/2020 | FRANCE | N°16/12439

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 11 mars 2020, 16/12439


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 11 MARS 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/12439 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZWZG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F13/05271





APPELANTE



Me [T] [V] (SELAFA MJA) - es qualité de liquidateur judi

ciaire de la SAS ADN MEDIAS

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205





INTIMÉES



Madame [E] [M]

[Adre...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 11 MARS 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/12439 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZWZG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F13/05271

APPELANTE

Me [T] [V] (SELAFA MJA) - es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ADN MEDIAS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205

INTIMÉES

Madame [E] [M]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Inès CHATEL CHALAOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E0143

Association UNEDIC DELEGATION AGS - CGEA IDF EST

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Janvier 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée

Greffier : Mme Anouk ESTAVIANNE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise SALOMON, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [E] [M] a été engagée par la SARL Cahetel dans un premier temps suivant contrat de qualification pour la période du 3 novembre 2003 au 2 novembre 2005, puis suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 octobre 2004, en qualité de rédactrice, statut de journaliste.

Par lettre du 30 juillet 2010, elle a démissionné de son poste.

Elle a ensuite été engagée par la SAS ADN médias, créée et gérée par Mme [O] [X], son ancienne responsable hiérarchique au sein de la société Cahetel, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2010, en qualité de rédactrice, statut de journaliste.

Le 26 juillet 2013, la salariée a été convoquée à un entretien préalable devant se tenir le 21 août 2013, qui n'a finalement donné lieu à aucune sanction.

À compter de cette date, elle a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail et n'a plus repris son poste.

Le 18 octobre 2013, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Les 18 novembre 2013 et 16 janvier 2014, deux blâmes ont été successivement notifiés à la salariée.

Après avoir été déclarée inapte définitivement à son poste à l'issue de deux visites médicales ayant eu lieu les 26 mai et 16 juin 2014, puis convoquée le 16 juillet 2014 à un entretien préalable devant se tenir le 28 suivant, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 31 juillet 2014.

L'entreprise, qui employait habituellement moins de onze salariés lors de la rupture de la relation contractuelle, applique la convention collective nationale des journalistes.

Par jugement rendu le 6 septembre 2016, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a :

- prononcé la résiliation du contrat de travail,

- condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2013 pour les créances salariales et à compter du jugement pour les autres créances :

* 511 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté et 51 euros au titre des congés payés afférents,

* 42 euros à titre de rappel de prime de treizième mois,

* 4 583 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 458 euros au titre des congés payés afférents,

* 15 850 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 14 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 200 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la convention collective nationale des journalistes,

* 7 644 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice de retraite par suite d'un abattement pratiqué sans autorisation,

* 6 874 euros à titre d'indemnité pour le revenu de remplacement pendant la maladie,

* 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- et condamné l'employeur aux dépens.

Le 3 octobre 2016, Mme [M] a interjeté appel du jugement.

Par jugement du 31 août 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société ADN médias et nommé la SELAFA MJA prise en la personne de Me [V] [T] en qualité de liquidateur.

Par conclusions transmises le 19 novembre 2019 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, la société MJA prise en la personne de Me [T] en qualité de liquidateur de la société ADN médias sollicite de la cour qu'elle :

- infirme le jugement,

- à titre liminaire, déclare l'action en résiliation judiciaire irrecevable pour défaut de respect de la procédure de conciliation préalable prévue par l'article 47 de la convention collective des journalistes,

- à titre principal, le rejet de toutes les prétentions de l'intimée et la condamnation de cette dernière à payer à la société ADN médias la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en cas de résiliation du contrat de travail, la compensation des sommes versées au titre du licenciement avec celles allouées au titre de la résiliation.

Par conclusions transmises le 16 décembre 2019 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [M] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation et sur les sommes mises à la charge de l'employeur, qui devront être fixées au passif de liquidation judiciaire de la société, à l'exclusion de celles allouées à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour violation de la convention collective des journalistes et de dommages-intérêts pour préjudice de retraite par suite d'un abattement pratiqué sans autorisation, qu'elle souhaite voir nouvellement fixer aux sommes respectives de 27 499 euros, 5 000 euros et 7 931 euros,

- prononcer les intérêts légaux,

- et dire les sommes opposables à l'AGS dans la limite des plafonds légaux.

Par conclusions transmises le 7 juin 2018 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, l'association UNEDIC délégation AGS CGEA d'Ile de France Est sollicite, à titre principal, l'infirmation du jugement et le rejet des prétentions de la salariée, à titre subsidiaire, la réduction des demandes de cette dernière, en tout état de cause, le rappel des limites de sa garantie.

La clôture de l'instruction est intervenue le 19 décembre 2019 et l'affaire a été plaidée le 21 janvier 2020.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de la violation de l'article 47 de la convention collective des journalistes

Le liquidateur de la société ADN médias et l'association UNEDIC délégation AGS CGEA d'Ile de France Est soutiennent que l'action en résiliation judiciaire intentée par la salariée est irrecevable dès lors que l'article 47 de la convention collective applicable prévoit une procédure de conciliation préalable devant la commission paritaire amiable qui n'a pas été engagée par l'intéressée avant la saisine de la juridiction prud'homale.

Mme [M] considère que cette procédure ne s'imposait pas à elle s'agissant uniquement d'une recommandation.

Selon l'article 47 de la convention collective nationale des journalistes se rapportant aux conflits individuels, les parties sont d'accord pour recommander, avant le recours à la procédure prévue par les articles L. 761-4 et L. 761-5 devenus L. 7112-2 à L. 7112-4 du code du travail, de soumettre les conflits individuels à une commission paritaire amiable, ayant uniquement une mission conciliatrice.

Il en résulte, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que la saisine préalable de la commission paritaire ne présente aucun caractère obligatoire.

La fin de non-recevoir tirée de la violation de cette disposition est donc rejetée et le jugement déféré est confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [M] invoque, au soutien de sa demande de résiliation de son contrat de travail, les manquements suivants :

- violation des règles applicables en matière d'abattement sur salaire avant cotisations,

- violation des règles applicables en matière de transfert d'entreprise, subsidiairement de la clause de reprise d'ancienneté,

- violation des règles conventionnelles relatives à l'ancienneté des journalistes.

Le liquidateur de la société ADN médias conteste la réalité et le sérieux des manquements invoqués. Il soutient :

- s'agissant du premier manquement, que l'employeur a commis une erreur involontaire en omettant de demander par écrit à la salariée sa décision relative aux frais d'abattement et qu'il a régularisé la situation lorsque la salariée l'a dénoncée,

- s'agissant du deuxième manquement, qu'il n'y a jamais eu de transfert d'entreprise entre les sociétés Cahetel et ADN médias et que la salariée n'est pas fondée à revendiquer son ancienneté auprès de son précédent employeur,

- s'agissant du troisième manquement, que l'ancienneté de la salariée auprès de l'employeur remonte au 1er septembre 2010 et est distincte de son ancienneté en qualité de journaliste professionnelle.

Il ajoute que les manquements allégués n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail.

L'association UNEDIC délégation AGS CGEA d'Ile de France Est s'associe aux explications du liquidateur.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée à la demande du salarié aux torts de l'employeur lorsque ce dernier a commis des manquements à ses obligations d'une gravité telle qu'ils empêchent la poursuite du contrat.

Il appartient au salarié d'établir la réalité de ces manquements.

Sur la violation des règles applicables en matière de transfert d'entreprise, subsidiairement de la clause de reprise d'ancienneté

L'article L. 1224-1 du code du travail, qui dispose que, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise, prévoit un transfert des contrats de travail de plein droit dès lors qu'ils sont attachés à l'entité économique autonome transférée.

Le transfert d'une entité économique suppose que des moyens techniques, matériels et humains aient été spécifiquement affectés à la poursuite d'une finalité économique propre, et que l'entité transférée conserve son identité à la suite du transfert dont elle est l'objet.

En l'espèce, Mme [M] évoque des engagements de son ancien employeur qui ne résultent que de ses propres déclarations.

Par ailleurs, si les ours qu'elle produit font ressortir :

- sur la forme, des titres, mises en page et police,

- sur les moyens, des membres de l'équipe pour partie, la rédaction de magazines (Votre bébé et Madame [R]) et un éditeur (Star presse),

identiques d'une société sur l'autre, ces éléments ne suffisent pas à démontrer une affectation spécifique de moyens techniques et matériels de la société Cahetel au profit de la société ADN médias, étant observé que les locaux de chacune de ces sociétés étaient distincts, comme cela apparaît sur les extraits Kbis versés au débat par le liquidateur de la société ADN médias ([Localité 7] (94) pour la première, [Localité 6] (93) pour la seconde).

La cour considère, en conséquence, qu'aucun transfert d'entreprise n'a eu lieu entre les sociétés Cahetel et ADN médias, ce qui conduit à écarter le manquement allégué sur ce fondement.

Par ailleurs, l'article 1156 ancien du code civil, devenu 1188, dispose qu'on doit rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

Néanmoins, il n'est pas possible, lorsque les termes d'une convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent ni de modifier les stipulations qu'elle renferme.

En l'espèce, la clause contractuelle de reprise d'ancienneté conclue avec la société ADN médias stipule que Mme [M] bénéficie de la reprise de son ancienneté en tant que journaliste professionnelle à compter du 3 novembre 2003.

Cette clause prévoit ainsi, sans ambiguïté possible, une reprise de l'ancienneté limitée au seul statut de journaliste et non de l'ancienneté acquise auprès de la société Cahetel.

Dans ces conditions, la violation alléguée à titre subsidiaire de ladite clause n'est pas démontrée, ce qui conduit au rejet de la demande d'indemnité pour le revenu de remplacement pendant la maladie calculé sur la base d'une ancienneté rectifiée.

Le jugement déféré est donc infirmé sur ces points.

Sur la violation des règles conventionnelles relatives à l'ancienneté des journalistes

Compte tenu des développements qui précèdent sur l'ancienneté de la salariée, il y a lieu de rejeter les demandes de rappel de prime d'ancienneté, de congés payés afférents et de prime de treizième mois qu'elle a présentées sur la base d'une ancienneté rectifiée.

Le jugement entrepris est également infirmé sur ces demandes.

Sur la violation des règles applicables en matière d'abattement sur salaire avant cotisations

L'article 9 de l'arrêté ministériel relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dont l'application n'est pas discutée, prévoit que les professions, prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique. Cette déduction est, dans la limite de 7 600 euros par année civile, calculée selon les taux prévus à l'article 5 de l'annexe IV du code précité. L'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord. À défaut, il appartient à chaque salarié d'accepter ou non cette option. Celle-ci peut alors figurer soit dans le contrat de travail ou un avenant au contrat de travail, soit faire l'objet d'une procédure mise en 'uvre par l'employeur consistant à informer chaque salarié individuellement par lettre recommandée avec accusé de réception de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits, accompagné d'un coupon-réponse d'accord ou de refus à retourner par le salarié. Lorsque le travailleur salarié ou assimilé ne répond pas à cette consultation, son silence vaut accord définitif. L'assiette des cotisations est alors constituée par le montant global des rémunérations, indemnités, primes, gratifications ou autres acquises aux intéressés, y compris, le cas échéant, les indemnités versées au travailleur salarié ou assimilé à titre de remboursement des frais professionnels, à l'exception de celles versées, d'une part, à certaines professions bénéficiant d'une déduction forfaitaire spécifique dont le montant est notoirement inférieur à la réalité des frais professionnels exposés par le travailleur salarié ou assimilé et, d'autre part, de celles versées au titre d'avantages venant en contrepartie de contraintes professionnelles particulièrement lourdes. La liste limitative de ces exceptions est jointe en annexe du présent arrêté. L'application de ces dispositions s'entend sans préjudice des dispositions du sixième alinéa de l'article R. 242-1 du code de la sécurité sociale.

L'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts précise que, pour la détermination des traitements et salaires à retenir pour le calcul de l'impôt sur le revenu, les contribuables exerçant les professions désignées dans le tableau ci-dessous ont droit à une déduction supplémentaire pour frais professionnels, calculée d'après les taux indiqués audit tableau, soit, pour les journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux, critiques dramatiques et musicaux : 30 %.

En l'espèce, il résulte des bulletins de paie produits qu'un abattement de 30 % a été pratiqué sur le salaire de Mme [M] avant cotisations entre le 1er septembre 2010 et le 31 décembre 2013.

Il est constant que l'employeur aurait dû demander à la salariée sa position sur l'application de ce dispositif lors de sa mise en place et qu'il ne l'a pas fait.

Il en résulte incontestablement un manquement de la société ADN médias à ses obligations réglementaires.

S'il est exact, au regard des pièces communiquées, que ce dernier a, d'une part, cessé cette pratique à compter du 1er janvier 2014, d'autre part, mis en 'uvre la procédure d'information et de recueil de la décision de la salariée par lettre du 22 janvier 2014, il n'a, en revanche, à aucun moment régularisé la situation pour la période passée.

Or, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, cette pratique a eu pour effet de réduire l'assiette de cotisations aux caisses de retraite et d'assurance maladie pendant plusieurs années.

La cour estime que le préjudice qui en est résulté est suffisamment réparé par l'allocation de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, ce, pour la seule période du 1er septembre 2010 au 1er janvier 2014.

En effet, au regard des développements qui précèdent sur son ancienneté, Mme [M] n'est pas fondée en sa réclamation sur ce point pour la période antérieure.

Le jugement de première instance est ainsi infirmé sur le montant octroyé.

Sur la gravité du manquement retenu

Un seul manquement de l'employeur à ses obligations ayant été retenu et le comportement fautif ayant cessé à compter du 1er janvier 2014, il en résulte que la demande de résiliation du contrat de travail n'est pas fondée.

Il y a lieu, dès lors, d'infirmer la décision des premiers juges sur ce point, mais également en leurs condamnations au titre du préavis, d'un reliquat d'indemnité de licenciement, en tenant compte des développements qui précèdent sur l'ancienneté, et des dommages-intérêts pour licenciement abusif, la cour constatant que le licenciement ne fait l'objet d'aucune contestation.

Sur les dommages-intérêts pour violation de la convention collective nationale des journalistes

Compte tenu des développements qui précèdent, Mme [M] ne justifie d'aucune violation, par l'employeur, des dispositions de la convention collective applicable.

Par ailleurs, elle invoque des manquements sans lien avec ladite violation qui est exclusivement visée dans sa demande en réparation présentée dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.

La demande de dommages-intérêts qu'elle présente est donc rejetée, par infirmation du jugement.

Sur les autres demandes

En application de l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société ADN médias a arrêté le cours des intérêts légaux.

En conséquence, la créance allouée est majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, ce, jusqu'au 31 août 2017, date du jugement de liquidation judiciaire, aucun intérêt n'étant dû au-delà de cette date.

Il est, en outre, rappelé que la rupture du contrat de travail étant antérieure à l'ouverture de la procédure collective, cette créance a pris naissance à la date de la rupture et doit être garantie par l'association UNEDIC délégation AGS CGEA d'Ile de France Est, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables à cette date, conformément aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.

La société ADN médias succombant principalement à l'instance, il y a lieu de dire que les dépens tant de première instance que d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

L'équité commande de laisser à la société ADN médias la charge de ses frais de procédure non compris dans les dépens, la cour observant que Mme [M] n'a pas repris, dans le dispositif de ses conclusions qui, seul, la saisit comme cela a été précédemment rappelé, la demande présentée à ce titre dans les motifs de ses écritures.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir et accordé, en son principe, une indemnisation pour préjudice de retraite par suite d'un abattement pratiqué sans autorisation ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Fixe la créance de Mme [M] au passif de liquidation judiciaire de la SAS ADN médias à la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice de retraite par suite d'un abattement pratiqué sans autorisation, avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2016, ce, jusqu'au 31 août 2017, aucun intérêt n'étant dû au-delà de cette date ;

Dit que cette créance est garantie par l'association UNEDIC délégation AGS CGEA d'Ile de France Est, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables à cette date, conformément aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;

Déboute Mme [M] de toutes ses autres demandes ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/12439
Date de la décision : 11/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/12439 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-11;16.12439 ?
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