RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 06 Mars 2020
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/03040 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FAZ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Décembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16/01477
APPELANTE
CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DES MINES
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Agnès PROTAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0084
INTIMÉE
Madame [O] [N] [B]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1] ALGÉRIE
représentée par Me Mathieu PAGENEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Hélène BERTHOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : A476
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Localité 2]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Décembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre, et Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère
M. Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par M. Fabrice LOISEAU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (la CANSSM) d'un jugement rendu le par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à Mme [N] [B] [O].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits de la cause ayant été correctement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [O] [B] a présenté le 16 avril 2014 une demande de pension de réversion du chef de M. [S] [N], qui a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 18 juin 2014 de la CANSSM au motif que leur mariage contracté le 21 décembre 1976 en Algérie était irrégulier au regard du droit français.
La commission de recours amiable, saisie par Mme [B] le 9 mars 2015 a, lors de sa réunion du 19 novembre 2015, rejeté la demande de pension de l'intéressée.
Mme [B] a saisi, le 21 février 2016, d'un recours contre cette décision le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, qui a, par décision du 22 décembre 2017, fait droit à sa demande.
La CANSSM a interjeté appel de cette décision le 28 février 2018 et demande, par des conclusions écrites soutenues et déposées par son conseil, de confirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable du 19 novembre 2015, de juger que la conception française de l'ordre public international s'oppose à ce que le mariage polygamique contracté à l'étranger par celui qui est encore l'époux d'une française produise des effets en France, débouter Madame [O] [B] de ses demandes, fins et conclusions et statuer ce que de droit sur les dépens tant de première instance que d'appel.
Elle relève, à l'appui de son appel, l'absence de validité du mariage de M. [S] [N] et Mme [O] [B], alors que la première union contractée en France n'était pas dissoute, que sauf dispositions contraires, les conventions internationales réservent la contrariété à la conception française de l'ordre public international et que cette conception s'oppose à ce que le mariage polygamique contracté à l'étranger par celui qui est encore l'époux d'une française produise ses effets à l'encontre de celle-ci, que la décision de résidence séparée du 5 octobre 1976 et le jugement de séparation de corps entre Monsieur [S] [N] et Mme [T] prononcé le 28 septembre 1977 par le tribunal de grande instance de Valenciennes est sans effet et qu'en se mariant le
21 décembre 1976 avec Mme [B], M. [S] [N] a bien contrevenu aux dispositions de l'article 147 du code civil, que pour qu'un mariage soit déclaré putatif, il faut qu'une procédure en nullité ait été engagée devant le tribunal compétent dans un délai de 30 ans à compter de la célébration du mariage en application de l'article 184 du
code civil, que Mme [B] ne peut donc se prévaloir de la qualité de conjoint survivant et bénéficier de la pension de réversion.
La note produite en délibéré portant sur la convention franco-algérienne du 1er octobre 1980, qui n'a pas été autorisée par la cour, sera jugée irrecevable.
Mme [B] fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites par lesquelles elle sollicite la confirmation du jugement critiqué, qu'il soit confirmé qu'en l'absence d'annulation du mariage, Mme [B] a la qualité de conjoint survivant et doit bénéficier de la pension de réversion, qu'il soit enjoint à la caisse de reprendre les paiements rétroactivement à compter du jour du décés de son époux, soit le [Date décès 1] 2014 et de payer mensuellement la pension minière de réversion à Mme [B], que la caisse soit déboutée de ses demandes et condamnée à lui payer la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance et d'appel.
Elle fait valoir pour l'essentiel qu'en l'absence d'annulation du mariage, la veuve a bien la qualité de conjoint survivant au sens du code de la sécurité sociale.
Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
SUR QUOI,
En application de l'article 901 du code de procédure civile, l'appelant a l'obligation de mentionner sur son acte d'appel les chefs de jugement critiqués sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, la CANSSM a formulé un appel total mais qui porte sur un objet indivisible, qui est le bénéfice d'une pension de réversion. La cour est donc saisie de ce chef de jugement.
Sur le fond, il résulte des faits de l'espèce que M. [S] [N] a épousé en Algérie le
21 décembre 1976 Mme [O] [B] alors que sa précédente union avec
Mme [Q] [T], contractée le 16 février 1972 à [Localité 4], n'a été dissoute que le 10 février 1982. M. [N] est décédé le [Date décès 1] 2014.
La CANSSM a rejeté le 18 juin 2014 la demande de bénéfice de la pension de réversion de Mme [B] au motif que son mariage contracté le 21 décembre 1976 en Algérie était irrégulier au regard du droit français.
Cependant, la caisse a privé d'effets, par son refus, le mariage conclu entre M. [S] [N] et Mme [O] [B] pour cause de bigamie alors qu'en l'absence d'annulation de ce mariage, cette dernière avait bien la qualité de conjoint survivant, sans contrevenir à l'ordre public français.
La CANSSM devra en conséquence payer à Mme [O] [B] le montant de la pension de réversion qui lui est due à compter du jour du décès de son époux, soit le [Date décès 1] 2014, et lui payer mensuellement cette pension.
La décision des premiers juges sera donc, par ses seuls motifs qui se substituent à ceux du jugement, confirmée.
Il parait inéquitable de laisser à la charge de Mme [B] l'intégralité des frais irrépétibles ; il lui sera en conséquence la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme par substitution de motifs le jugement déféré,
Condamne la CANSSM à payer à Mme [O] [B] la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la CANSSM aux dépens d'appel.
Le Greffier,La Présidente,