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04/03/2020 | FRANCE | N°18/09625

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 04 mars 2020, 18/09625


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 04 MARS 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09625 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6HJS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 11/17443





APPELANTE



Société TUNISAIR

[Adresse 4]

[Localité

1] TUNISIE



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477







INTIME



Monsieur [Z] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Guillau...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 04 MARS 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09625 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6HJS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 11/17443

APPELANTE

Société TUNISAIR

[Adresse 4]

[Localité 1] TUNISIE

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIME

Monsieur [Z] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Guillaume BOULAN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN713

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Graziella HAUDUIN, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Anouk ESTAVIANNE

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Graziella HAUDUIN, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 11 juillet 2018 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en départage dans le litige opposant M. [Z] [R] à son ancien employeur, la société Tunisair, a dit que le licenciement du salarié est nul comme étant consécutif à un harcèlement moral, ordonné sa réintégration au poste qu'il occupait avant le licenciement ou à un poste équivalent dans le mois suivant la notification de la présente décision sous astreinte de 10 euros par jour de retard, condamné la société Tunisair à payer à M. [Z] [R] les sommes de:

- 1 433,12 euros au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire,

143,12 euros au titre des congés payés y afférents,

107 351 euros au titre de d'indemnité d'éviction,

42 026 euros par mois à compter de juin 2018 jusqu'à la réintégration du salarié,

10 000 euros au titre des dommages-intérêts pour harcèlement moral,

1 013 euros au titre de la prime de rendement,

101,30 euros au titre des congés payés y afférent,

dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision, ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, condamné la société Tunisair à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu les appels interjetés le 30 juillet 2018 par la société Tunisair et le 27 août 2018 par M. [R] de cette décision.

Vu la jonction des deux appels.

Vu les conclusions des parties auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel .

Aux termes de conclusions transmises le 26 février 2019 par voie électronique, la société Tunisair demande à la cour de :

A titre principal,

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Dire et juger que le licenciement de M. [R] repose sur une faute lourde et, subsidiairement, sur une faute grave,

- Débouter M. [R] de sa demande de nullité du licenciement,

- Débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Dans tous les cas, constater l'impossibilité de réintégration de M. [R],

A titre infiniment subsidiaire,

- Dire et juger que la réintégration ne pourra intervenir que sur le poste occupé par M. [R] avant son licenciement ou un poste équivalent,

- Le licenciement n'ayant pas été prononcé en raison de l'état de santé du salarié, déduire de l'indemnité pour nullité du licenciement les salaires ou revenus de remplacement perçus par M. [R],

- Condamner M. [R] à payer à la société Tunisair la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [R] aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions transmises le 26 novembre 2019 par voie électronique, M. [R] demande à la cour d'appel de Paris de le déclarer recevable et fondé son appel et de :

-Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en sa formation de départage mais uniquement en ce qu'il a :

o Débouté M. [R] de sa demande de voir juger le licenciement nul puisque survenu pendant un arrêt de travail pour un accident du travail et puisque sanctionnant la liberté d'expression

* En conséquence limiter la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul et en réparation du préjudice consécutif à son éviction à hauteur de 107 351 euros,

o limité les dommages-intérêts pour harcèlement moral à 10 000 euros,

o débouté M. [R] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la procédure vexatoire,

o limité les intérêts légaux courant sur les condamnations à compter de la décision rendue pour les sommes versées à titre de salaire,

o limité les frais irrépétibles de première instance à la somme de 1 500 euros.

En conséquence, il est demandé à la cour d'appel de Paris de statuer à nouveau et de :

-Dire et juger que M. [R] a été victime d'une poursuite du harcèlement moral dont il était victime,

-Constater que le licenciement n'est pas fondé et à titre subsidiaire que si les faits invoqués relevaient d'un abus de la liberté d'expression, le licenciement en tout état de cause ne pourrait que reposer sur une cause réelle et sérieuse, les faits relevant de la sphère personnelle de M. [R],

-Dire et juger nul le licenciement puisque survenu pendant un arrêt de travail pour accident du travail sur le fondement de l'article L.1226-9 du code du travail et puisque sanctionnant la liberté d'expression protégée par l'article L. 1121-1 du code du travail et à titre subsidiaire en tant qu'acte de harcèlement moral ou pour cause réelle et sérieuse en violation de la protection contre les accidents du travail,

-Dire et juger que la procédure de licenciement revêt un caractère vexatoire,

-Ordonner la réintégration de M. [Z] [R] dans son poste ou à défaut, dans un poste équivalent, dès la notification de la présente décision sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

-Se réserver la liquidation de l'astreinte en cas d'inexécution,

-Condamner la société Tunisair à lui payer la somme suivante :

o dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à son éviction :

177 275 euros, à parfaire à concurrence de 2 026 euros par mois du 1er décembre 2018 jusqu'à la date de la réintégration effective ;

o dommages-intérêts en réparation des préjudices distincts au titre du harcèlement moral  : 30 000 euros

o dommages-intérêts au titre de la procédure vexatoire : 10 000 euros

o rappel de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire : 1 433,12 euros

o congés payés afférents : 143,12 euros,

o prime de rendement : 1 013 euros,

o congés payés afférents : 101,30 euros,

o frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 6 000 euros

-Fixer le point de départ des intérêts à la date de la saisine du conseil de prud'hommes pour les condamnations au paiement des rappels de salaire et de congés payés et à compter de la date du jugement pour autres sommes confirmées en appel.

Vu la clôture du 3 décembre 2019 et la fixation de l'affaire à l'audience du 4 décembre 2019.

SUR CE, LA COUR :

[Z] [R] a été engagé à compter du 15 décembre 2003 par la société Tunisair suivant contrat à durée déterminée en qualité d'agent de statistiques, qui s'est poursuivi ensuite. Il a été victime d'un accident du travail le 21 février 2007. Le licenciement pour motif disciplinaire notifié le 26 décembre 2007 a été annulé et sa réintégration ordonnée sous astreinte par le conseil de prud'hommes de Paris par jugement du 27 mai 2009, confirmé par la cour d'appel de Paris suivant arrêt du 28 septembre 2010. Après avoir refusé plusieurs postes en vue de sa réintégration, M. [R] a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 18 janvier 2012, a, au regard de l'insuffisance des efforts faits par la société Tunisair de lui proposer un poste similaire à celui qu'il occupait, liquidé l'astreinte ordonnée par la juridiction prud'homale pour la période du 25 juin 2009 au 23 novembre 2010 à hauteur de 30 000 euros. La cour d'appel de Paris, saisie par M. [R], a par arrêt définitif du 12 juin 2014 porté cette somme à 35 000 euros et, après avoir considéré que deux des dernières propositions de poste de réintégration faites par l'employeur devaient être considérées comme satisfaisantes, a néanmoins condamné la société au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'astreinte prononcée par l'arrêt de la cour du 28 septembre 2010 précité, motif pris que si la société a respecté l'injonction judiciaire, elle l'a fait avec retard et sans justifier de l'impossibilité de le faire à la date prescrite.

Le salarié, de nouveau en arrêt de travail à compter du 17 août 2011, a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 août 2011 par lettre du 16 août précédent, puis licencié pour faute lourde par lettre du 8 septembre 2011 motivée comme suit :

«(') Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute lourde.

En effet, nous vous reprochons notamment :

- D'avoir utilisé abusivement le matériel informatique de la société, à des fins personnelles pendant le temps de travail,

- De vous être connecté à internet à partir de la société de manière abusive, à des fins personnelles et de calomnie de votre employeur pendant le temps de travail,

- D'avoir tenu des propos inacceptables sur l'entreprise et ses dirigeants, sur votre site FACEBOOK,

D'avoir refusé systématiquement et sans motif légitime tous les postes de travail proposés, et donc de ne pas avoir respecté vos obligations contractuelles. »

L'arrêt de travail du 17 août 2011 a été pris en charge le 13 octobre 2011 par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine au titre de la législation professionnelle comme rechute de l'accident du travail initial du 21 février 2007 consolidé le 10 mars 2008. La contestation par l'employeur du caractère professionnel de cette rechute déclarée a été rejetée par arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 4 février 2016. Enfin, par arrêt en date du 15 juin 2017 la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale ayant accueilli l'action en faute inexcusable engagée par le salarié à l'encontre de son employeur s'agissant de l'imputabilité à ce dernier de l'accident du travail survenu le 21 février 2007.

Revendiquant l'annulation de son licenciement et sa réintégration et estimant avoir été victime de faits de harcèlement moral, M. [R] a le 29 décembre 2011 saisi le conseil de prud'hommes de Paris, qui statuant par jugement, dont appel, s'est déterminé comme indiqué ci-dessus.

Sur le harcèlement moral :

Les premiers juges, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail définissant le harcèlement et en régissant la preuve, ont, après une exacte appréciation des éléments de fait, de droit et de preuve du dossier,non utilement remise en cause, à bon droit retenu que M. [R] a établi des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, postérieurs à ceux pris en considération par le conseil de prud'hommes saisi de la contestation du premier licenciement, soit pour l'employeur d'avoir fait des propositions de réintégration insuffisantes entre le 27 mai 2009 ( date du jugement) et le 28 septembre 2010 (date de l'arrêt de la cour saisie de l'appel du jugement du 27 mai précité), d'avoir finalement proposé des postes de reclassement satisfaisants en novembre 2010 à la suite de la pression de l'inspection du travail et des décisions liquidant l'astreinte, d'avoir attribué une mauvaise note avec pour conséquence de diminuer fortement la prime de rendement sans finalement la maintenir suite à la contestation élevée par le salarié à défaut de pouvoir justifier de cette note, d'avoir invité M. [K], responsable du service Fret de la société Tunisair-France, ainsi qu'il en atteste, à la suite de l'affectation de M. [R] au service fret en juin 2009, à surveiller ce dernier et à noter tous ses agissements, retards et éventuels manquements à ses obligations, dans une stratégie destinée à le «'pousser vers le départ'et enfin la dégradation de l'état de santé de l'intéressé en lien avec l'activité professionnelle ainsi qu'il l'a été démontré par les différentes décisions précitées rendues dans le contentieux de sécurité sociale. Ils ont ensuite exactement considéré que la société Tunisair échouait à justifier par des éléments objectifs ces faits, déduit que le harcèlement moral était établi et fait une juste évaluation de la réparation devant être allouée au salarié.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le licenciement et ses conséquences :

L'article L. 1226-9 du code du travail dispose qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

En l'espèce, au moment de la notification du licenciement le 8 septembre 2011, le contrat de travail de M. [R] était suspendu par suite de l'arrêt de travail du 17 août précédent avec mention dès l'origine par le médecin de l'existence d'une rechute en lien avec l'accident du travail de 2007, ce que n'ignorait pas la société Tunisair.

La preuve des faits constitutifs de faute lourde incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, d'une gravité suffisante empêchant le maintien du salarié dans l'entreprise et s'il procèdent d'une intention de nuire.

Au vu des éléments versés aux débats en cause d'appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d'appel, ont à bon droit écarté dans les circonstances particulières de l'espèce l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement. En effet et tout d'abord, la société reconnaît n'avoir pas fourni du travail à temps plein à M. [R] et ainsi ne peut lui reprocher à faute une utilisation qualifiée d'abusive de son ordinateur alors qu'il ressort des pièces versées au débat par elle que le salarié ne s'est pas connecté à des fins personnelles, donc étrangères au travail, chaque jour de présence dans l'entreprise, mais 34 jours sur les 45 jours entre le 1er mai et le 16 août 2011 et que le procès-verbal d'huissier du 28 juillet 2011, qui au demeurant n'a pu porter que sur la période du 1er mai au 28 juillet 2011, soit en réalité concernant moins des 45 jours susvisés, ne permet pas de quantifier le temps réellement passé par M. [R] sur facebook durant le temps de travail et ainsi que déterminer si l'utilisation abusive du matériel informatique de la société est démontré. Ensuite, la dénonciation sur le réseau social précité par M. [R] du comportement des dirigeants de l'entreprise l'employeur ne peut être considéré, dans les circonstances particulières de l'espèce et principalement du harcèlement moral subi par l'intéressé depuis de nombreuses années, comme excédant la liberté d'expression reconnue à chaque salarié.

Enfin, ils ont à bon droit retenu qu'il ne pouvait être reproché à faute à M. [R] d'avoir refusé les postes de travail qui lui ont été proposés suite à la réintégration ordonnée par la cour d'appel de Paris par arrêt du 28 septembre 2010, en retenant que les propositions ont été jugées insatisfaisantes jusqu'au moins novembre 2010, étant observé que le caractère satisfaisant des dernières propositions de poste par l'employeur n'a été finalement consacré que le 12 juin 2014 par la cour d'appel de Paris saisie de la liquidation de l'astreinte et que le salarié était toujours victime de harcèlement moral comme l'a été démontré ci-dessus.

Le licenciement notifié durant une période de suspension du contrat de travail pour accident du travail doit être, en l'absence de démonstration de l'existence d'une faute grave ou lourde, annulé. Il est également démontré par le salarié que l'employeur a, par le licenciement, porté atteinte à sa liberté d'expression en le sanctionnant. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a écarté les moyens de nullité tenant à la violation des règles protectrices des salariés accidentés du travail et à la liberté d'expression, et dans cette seule mesure.

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de réintégration formulée par le salarié au poste qu'il occupait avant son licenciement ou à défaut à un poste équivalent sous astreinte, l'impossibilité de celle-ci ne pouvant résulter ni des propos tenus par l'intéressé sur facebook, ni des contentieux nés de la précédente réintégration à la suite de l'annulation du licenciement notifié en 2007, ni de l'éventualité du refus futur du salarié du poste qui lui sera proposé en vue de sa réintégration, ni enfin du sentiment supposé de totale impunité conféré à M. [R] par l'effet de la nouvelle décision de réintégration et de son éventuelle incompatibilité avec le pouvoir de direction de l'employeur.

Le salarié, dont le licenciement a été annulé pour violation des règles protectrices des salariés victimes d'un accident du travail et de sa liberté d'expression, qui quant à elle constitue une atteinte à une liberté ou un droit fondamental de valeur constitutionnelle, est en droit de prétendre au titre de son éviction au versement du rappel de salaires dû entre la date du licenciement et la date effective de la réintégration, sans déduction des sommes perçues à titre de revenus de remplacement durant cette période. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu à cet égard un salaire mensuel de 2 026 euros, montant non contesté par la société Tunisair.

Le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a condamné la société Tunisair à régler à M. [R] la prime de rendement et les congés payés y afférents ainsi que le rappel de salaire et les congés payés afférents à la période de mise à pied conservatoire mais infirmé sur le point de départ des intérêts légaux qui sera fixé à la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

Il n'est justifié d'aucune circonstance particulière ayant entouré le licenciement de nature à démontrer que le salarié a subi un préjudice, non indemnisé par ailleurs, du fait de la procédure de licenciement, le fait pour un employeur de prendre la précaution de faire procéder à la convocation à l'entretien préalable au licenciement par un huissier de justice ne pouvant, au regard du litige préexistant entre les parties, être considéré comme vexatoire. Il n'est pas non plus démontré qu'un huissier aurait laissé à une date au demeurant non précisée un message sur un répondeur évoquant des faits graves. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les autres dispositions :

Le jugement sera confirmé pour le surplus, soit l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens.

Il convient en considération des solutions apportées aux différents points en litige de laisser à la charge de chacune des parties appelantes les dépens et les frais irrépétibles engagés par elle.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement nul pour harcèlement moral, fixé l'indemnité d'éviction et dans sa disposition relative au point de départ des intérêts pour les créances de nature salariale ;

Le confirme pour le surplus :

Statuant à nouveau dans cette mesure et y ajoutant :

Dit le licenciement de M. [Z] [R] nul pour violation des règles protectrices des salariés accidentés du travail et de la liberté d'expression ;

En conséquence :

Condamne la société Tunisair à verser à M. [R] au titre de l'indemnité d'éviction une somme équivalent au rappel de salaires dû entre la date du licenciement et la date effective de la réintégration, sans déduction des sommes perçues à titre de revenus de remplacement durant cette période ;

Rejette toutes autres demandes ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/09625
Date de la décision : 04/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°18/09625 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-04;18.09625 ?
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