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04/03/2020 | FRANCE | N°18/09045

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 04 mars 2020, 18/09045


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 04 Mars 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09045 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6EO2



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Juin 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL RG n° 18/000188





APPELANT



Monsieur [I] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par

Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242





INTIMEE



SASU STANLEY SECURITY FRANCE Représentée par ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 789 367...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 04 Mars 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09045 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6EO2

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Juin 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL RG n° 18/000188

APPELANT

Monsieur [I] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242

INTIMEE

SASU STANLEY SECURITY FRANCE Représentée par ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 789 367 174

représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substitué par Me Myriam ANOUARI, avocat au barreau de PARIS, toque : K 100

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence OLLIVIER, Vice présidente placée faisant fonction de conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 19 juillet 2019

Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [I] [H] a été engagé par la SASU STANLEY SECURITY FRANCE, selon un contrat de travail à durée indéterminée du 3 mars 2014, en qualité de responsable d'équipe commerciale.

La société employait plus de dix salariés et appliquait la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Elle a notifié au salarié un avertissement le 13 octobre 2017.

Par lettre du 14 novembre 2017, Monsieur [I] [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, au motif d'une absence de soutien de sa hiérarchie dans le cadre de l'exécution de sa prestation de travail.

Sollicitant la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses indemnités, il a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil le 13 décembre 2017.

Par jugement en date du 26 juin 2018, le conseil de prud'hommes a :

- jugé que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission,

- débouté Monsieur [I] [H] de ses demandes,

- l'a condamné à payer à la SASU STANLEY SECURITY FRANCE la somme de 26 121,12 euros d'indemnité de préavis non effectué,

- débouté la société du surplus de ses demandes,

- mis les dépens à la charge du salarié.

Monsieur [I] [H], ayant constitué avocat, a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour d'appel de Paris le 17 juillet 2018.

Par des écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 06 mai 2019, auxquelles il est renvoyé pour un plus exposé des faits, prétentions et moyens développés, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de juger que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'annuler l'avertissement et de condamner la société au paiement des sommes suivantes :

-26 121,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-2 612,11 euros au titre des congés payés sur préavis,

-7 800,07 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

-34 828,16 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-52 242,24 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,

-2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il sollicite que les sommes portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par les articles 1231-6 et 1231-7 du code civil.

Par des écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 31 décembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens développés, la SASU STANLEY SECURITY FRANCE demande à la cour de constater que la prise d'acte de la rupture du contrat produit les effets d'une démission et, en conséquence, de confirmer le jugement, débouter Monsieur [I] [H] de ses demandes et le condamner au paiement des sommes de 26 121,12 euros au titre de l'indemnité de préavis non effectué et de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [I] [H] fait valoir que:

- il a été laissé seul par sa hiérarchie dans la gestion de Monsieur [X], salarié au comportement exécrable et inacceptable,

- le 5 septembre 2017, Monsieur [X] a refusé de se conformer à ses directives et l'a insulté devant le personnel,

- il a été en arrêt de travail à la suite de cette altercation et la SASU STANLEY SECURITY FRANCE a engagé une procédure disciplinaire donnant lieu à l'avertissement notifié le 13 octobre 2017,

- la société a ainsi manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution de la relation de travail et à son obligation de sécurité,

- ces manquements justifiaient la prise d'acte aux torts de l'employeur.

La SASU STANLEY SECURITY FRANCE fait valoir que:

- Monsieur [I] [H] a toujours reçu le soutien de sa hiérarchie dès lors qu'il en a fait la demande, et Monsieur [X] a ainsi reçu deux avertissements,

- elle a pris les mesures nécessaires à la suite de l'altercation du 5 septembre 2017 puisqu'il a été annoncé à Monsieur [I] [H] que Monsieur [X] ne serait plus placé sous sa responsabilité,

- la sanction disciplinaire à l'encontre de Monsieur [I] [H] était justifiée,

- aucun des griefs invoqués ne justifie la rupture aux torts de l'employeur.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 octobre 2019 et l'audience de plaidoirie s'est tenue le 19 décembre 2019.

MOTIFS

Sur l'annulation de l'avertissement

L'article L. 1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Aux termes des dispositions de l'article L. 1333-1 code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, et forme sa conviction au vu des éléments retenus par l'employeur pour prononcer la sanction et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre d'avertissement datée du 13 octobre 2017 est rédigée dans les termes suivants:

" (...)

En début d'après-midi, vous avez demandé à ces trois ingénieurs commerciaux de descendre au sous-sol faire "une vraie session phone" pendant deux heures, et vous aviez apporté café et bonbons.

Mr [X] a refusé de descendre, indiquant qu'il entendait rester dans la salle de travail des ingénieurs commerciaux où il était installé pour réaliser ses appels et qu'il "n'était pas un gamin, qu'il avait autre chose à faire".

Le ton est monté et vous vous êtes mis à crier à son encontre : "tu n'as rien branlé ce matin, tu n'es qu'un branleur!", et vous avez ajouté en vous dirigeant vers le bureau du directeur de zone, Mr [E], que Mr [X] allait devoir s'expliquer. Vous avez alors réitéré qu'il n"'était qu'un branleur!".

Vous êtes entré en trombe dans le bureau de Mr [E] qui était en entretien avec un salarié; vous étiez hors de vous et avez indiqué, sur un ton élevé "si tu ne viens pas maintenant je me casse!".

Mr [E] vous a demandé de vous calmer et vous a dit qu'il arrivait.

Vous êtes alors retourné dans la salle des commerciaux et lorsque Mr [E] vous y a rejoint, vous étiez en train de hurler sur Mr [X]: "t'as rien branlé, t'es qu'un branleur!".

Mr [E] vous a de nouveau demandé de vous calmer et de le suivre dans son bureau, ce que vous avez refusé. La directrice générale BU SMB, Mme [P], qui était sur place vous a également demandé de vous calmer et de vous rendre dans le bureau de Mr [E] mais vous avez refusé et êtes sorti de l'agence.

Nous considérons le comportement que vous avez adopté le 5 septembre 2017 n'est pas admissible dans le cadre professionnel, et a fortiori venant d'un manager.

Que vous ayez été excédé par un collaborateur qui ne suit pas vos consignes et a un comportement déplacé est compréhensible, mais votre réaction est totalement inappropriée de la part d'un manager, que ce soit dans sa teneur - hausser le ton avec des propos grossiers- ou dans sa durée - vous n'avez pas su vous calmer, avez continué l'échange agressif et avez refusé d'aller dans votre bureau ou dans celui de Mr [E] pour discuter et apaiser la situation comme cela vous a été demandé à plusieurs reprises, que ce soit par votre manager direct, Mr [E] ou par la directrice générale, Mme [P].

Vous avez décidé de quitter l'agence et c'est à l'extérieur que Mr [E] vous a rejoint pour discuter.

Votre attitude a perturbé le bon fonctionnement de l'agence.

En entretien le 3 octobre dernier, vous avez reconnu avoir "traité de branleur" Mr [X] devant les autres salariés et vous être emporté ; vous avez admis que vous n'auriez pas dû réagir ou sur réagir ainsi.

Compte tenu de la situation et au regard des explications que vous avez exposées en entretien, nous avons décidé de vous notifier un avertissement. En effet, si les écarts de comportement d'un de vos collaborateurs nécessitent une réaction du management, ce n'est pas de cette façon qu'elle doit se manifester.

(...)"

La cour observe que, si Monsieur [I] [H] a admis avoir dit à Monsieur [X] qu'il n'avait rien "branlé" de la matinée, aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il ait proféré des insultes à l'encontre de son collaborateur. Par ailleurs, il convient de souligner que si les propos tenus par Monsieur [I] [H] n'étaient pas adaptés, ils sont intervenus en réponse à un comportement d'insubordination de Monsieur [X] à l'égard de son manager, perdurant depuis de nombreux mois et établi par les différents échanges de courriers électroniques et les avertissements adressés le 31 juillet 2015 et le 21 octobre 2016. La cour relève, en outre, que les pièces communiquées par Monsieur [I] [H], et notamment les courriers électroniques de Monsieur [T] et de Madame [O], démontrent que le salarié a lui-même été victime d'insultes de la part de Monsieur [X], qui l'a qualifié de "sale connard", devant d'autres collaborateurs.

Il résulte de ces éléments que, d'une part, si Monsieur [I] [H] s'est emporté à l'occasion de cette altercation, aucune insulte ne peut lui être imputée, d'autre part, que l'employeur, alors qu'il avait connaissance de l'insubordination répétée de Monsieur [X] à l'égard de Monsieur [I] [H] depuis plusieurs mois, n'a pas pris les mesures nécessaires pour éviter cette altercation, nonobstant les avertissements adressés, en vain, à Monsieur [X]. Dès lors, la société ne peut pas reprocher à Monsieur [I] [H], insulté par son collaborateur, de s'être emporté et d'avoir quitté les lieux alors qu'elle a contribué à créer ces relations de travail dégradées par son inaction.

En conséquence, l'avertissement notifié le 13 octobre 2017 n'était pas justifié et sera annulé. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il n'est pas contesté, en l'espèce, que les relations entre les deux salariés étaient conflictuelles et il résulte des éléments du dossier que, malgré les avertissements adressés à Monsieur [X], cette situation a abouti à l'altercation du 5 septembre 2017.

Une telle situation nécessitait, comme l'avait constaté l'employeur, une séparation des deux salariés. A cet égard, il ne peut être reproché à Monsieur [I] [H] d'avoir émis des réserves quant à sa rémunération variable puisqu'il appartenait à l'employeur d'apporter une solution à cette situation, dont Monsieur [I] [H] n'était pas responsable, sans léser ce dernier.

La cour relève que la SASU STANLEY SECURITY FRANCE a accepté, le 5 octobre 2017, de changer Monsieur [X] d'équipe, en garantissant le maintien de la rémunération variable de Monsieur [I] [H] jusqu'à la fin de l'année.

Toutefois, cette solution est intervenue tardivement, en ce que l'employeur a laissé les relations entre ces deux salariés se dégrader, qu'il n'a procédé au changement d'équipe de Monsieur [X] en garantissant la rémunération de Monsieur [I] [H] qu'après la survenance de l'altercation du 5 septembre 2017 à l'occasion de laquelle Monsieur [I] [H] a été victime d'insultes et qu'il a sanctionné de manière injustifiée celui-ci par un avertissement.

Dès lors, par son inaction jusqu'à la survenance de cet événement dommageable pour le salarié et la réponse apportée sous forme de sanction disciplinaire injustifiée, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité.

Ce manquement a causé un préjudice moral à Monsieur [I] [H], qui a notamment été en arrêts de travail après l'altercation et la notification de l'avertissement.

Au regard des éléments qui lui sont présentés, la cour évalue l'indemnité à même de réparer l'intégralité du préjudice de Monsieur [I] [H] à la somme de 2 000 euros.

En conséquence, le jugement sera infirmé sur ce point et la société sera condamnée au paiement de cette somme.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

La prise d'acte de la rupture à l'initiative du salarié ne constitue ni un licenciement ni une démission mais une rupture produisant les effets de l'un ou de l'autre selon que les griefs invoqués par celui-ci à l'encontre de l'employeur étaient ou non justifiés.

Il appartient au salarié d'établir les griefs qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à l'employeur ne fixe pas les termes du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même s'il ne les a pas mentionné dans cet écrit.

La lettre de prise d'acte de la rupture est rédigée dans les termes suivants:

"(...)

Cependant, j'ai été contraint de constater, notamment au cours des derniers mois, une dégradation très importante de ma situation professionnelle en lien direct avec les conditions de la gestion du personnel dans l'entreprise.

Ainsi, il est constant que je me suis heurté à une absence totale de soutien de ma hiérarchie dans le cadre de l'exécution de ma prestation de travail. Je m'étais ouvert, dès le début d'année 2017 aux difficultés que je rencontrais et à mon souhait de changement de poste, voire d'agence et, ceci notamment aux fins de faire cesser le stress et l'anxiété qui étaient les miens et en dépit de ma parfaite connaissance du métier et de l'ensemble des prix et classements que j'ai pu obtenir au cours des dernières années qui en justifient pleinement.

Force est de constater que, et fort malheureusement, je n'ai reçu de la part de l'entreprise aucun retour et que cette dernière n'a jamais été force de proposition pour ne serait-ce qu'examiner ensemble les suites de ma carrière au sein de Stanley.

Cette situation calamiteuse dans la gestion du personnel s'est encore accentuée lorsque j'ai fait part à ma hiérarchie des difficultés que je rencontrais avec le sieur [X].

C'est en effet à de nombreuses reprises que j'ai alerté ma hiérarchie des difficultés managériales qu'engendrait l'attitude de contestation permanente de ce monsieur qui refusait tout à la fois de respecter les obligations de l'entreprise mais aussi celles que, dans cette optique, et en ma qualité de manager je tentais de lui faire respecter.

Monsieur [X], manifestement soutenu par certains membres du management a été, le 5 septembre dernier notamment, jusqu'à m'insulter sans que cela, d'évidence, n'entraîne de la part de l'entreprise une réaction d'une part digne de ce nom mais aussi, d'autre part, respectueuse, tout simplement, des règles légales en cette matière.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations c'est afin de ne pas être plus malade encore que je ne le sois, que je vous confirme donc -- et c'est à grand regret-- l'obligation qui est à présent la mienne, dans un souci de préservation , de mettre fin, à vos torts exclusifs, à la relation contractuelle qui nous liait.

(...)"

Il résulte des développements précédents que la SASU STANLEY SECURITY FRANCE a manqué à son obligation de sécurité, occasionnant une dégradation de l'état de santé de son salarié. Dans ses conditions, et malgré la mise à l'écart, tardive, de Monsieur [X] pour régulariser la situation, ces manquements justifiaient la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

En conséquence, la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [I] [H] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences de la prise d'acte aux torts de l'employeur

A la date du licenciement, Monsieur [I] [H] percevait une rémunération mensuelle brute de 8 707,04 euros, était âgé de 33 ans et bénéficiait d'une ancienneté de trois ans et sept mois au sein de l'entreprise.

Sur l'indemnité de licenciement

Conformément à l'article L. 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et Monsieur [I] [H] avait une ancienneté de trois ans et 7 mois, il y a donc lieu de faire application de l'article L. 1234-9 du code du travail.

En conséquence, le jugement sera infirmé sur ce point et la société sera condamnée au paiement de la somme de 7 800,07 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Selon l'article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Aucune faute grave n'étant retenue à l'encontre du salarié, l'employeur, auquel est imputable la rupture du contrat de travail et l'inexécution du préavis, se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter.

C'est en conséquence à tort que la société soulève que Monsieur [I] [H] n'aurait pas été en mesure d'effectuer son préavis du fait de son engagement auprès d'un autre employeur.

Dès lors, le jugement sera infirmé sur ce point et la société sera condamnée au paiement de la somme de 26 121,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 612,11 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il est constant que l'entreprise emploie plus de dix salariés et que l'ancienneté de Monsieur [I] [H] est de 3 ans et 7 mois. Il y a donc lieu de faire application de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Monsieur [I] [H] a donc droit à une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaires bruts.

En conséquence, le jugement sera infirmé sur ce point et la société condamnée au paiement de la somme de 26 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les frais de procédure :

La SASU STANLEY SECURIT FRANCE, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que des entiers dépens d'instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 26 juin 2018,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule l'avertissement notifié à Monsieur [I] [H] le 13 octobre 2017,

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SASU STANLEY SECURIT FRANCE à verser à Monsieur [I] [H] les sommes suivantes :

-2 000 euros de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

-7 800,07 euros d'indemnité légale de licenciement,

-26 121,12 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

-2 612,11 euros au titre des congés payés y afférents,

-26 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

Déboute la SASU STANLEY SECURITY FRANCE de ses demandes,

Condamne la SASU STANLEY SECURITY FRANCE aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/09045
Date de la décision : 04/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°18/09045 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-04;18.09045 ?
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