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04/03/2020 | FRANCE | N°17/12053

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 04 mars 2020, 17/12053


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 04 MARS 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12053 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4FQM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/07941





APPELANTE



Madame [F] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Cryst

al MAGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001





INTIMÉE



SOCIETE NOUVELLE D'EXPLOITATION DE RENOVATION ET DE RENAISSANCE (SNERR) du THEATRE DE PARIS

[Adresse 1]

[Localité 3]



Repré...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 04 MARS 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12053 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4FQM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/07941

APPELANTE

Madame [F] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Crystal MAGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001

INTIMÉE

SOCIETE NOUVELLE D'EXPLOITATION DE RENOVATION ET DE RENAISSANCE (SNERR) du THEATRE DE PARIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Carole BESNARD BOELLE de la SELARL 3B2C, avocat au barreau de PARIS, toque : B0678

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Décembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Anouk ESTAVIANNE

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Graziella HAUDUIN, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 1er février 2017 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris, statuant dans le litige opposant Mme [F] [C] à la société nouvelle d'exploitation de rénovation et de renaissance (SNERR) du Théâtre de Paris, a débouté la salariée de toutes ses demandes, soit celles formée au titre de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein, le rappel de salaires lié à cette requalification et les congés payés y afférents, le rappel de primes de précarité et les congés payés y afférents, rejeté aussi ses demandes formées au titre de la rupture des relations contractuelles et aussi la demande de rappel de salaires lié à des retenues abusives et a condamné la salariée aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 29 septembre 2017 par Mme [C] de cette décision.

Vu les conclusions des parties auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel.

Aux termes de conclusions transmises le 14 août 2018 par voie électronique, Mme [C] demande à la cour de :

Infirmer le jugement de première instance dans sa totalité.

Et, statuant à nouveau :

Dire et juger que l'ensemble des contrats de travail conclus entre le Théâtre de Paris et

Mme [C] doivent être requalifiés en un seul contrat à durée indéterminée.

Dire et juger que l'ensemble des contrats de travail à temps partiel conclus entre le Théâtre de Paris et Mme [C] doivent être requalifiés à temps complet.

En conséquence :

Condamner le Théâtre de Paris à verser à Mme [C] la somme de 47 356,41 euros au titre du rappel de salaire et 4735,64 euros au titre des congés afférents, ,

Condamner le Théâtre de Paris à verser à Mme [C] la somme de 1 445,52 euros au titre de l'indemnité de requalification,

Condamner le Théâtre de Paris à verser à Mme [C] la somme de 2 585,52 euros au titre de l'indemnité de précarité et 248,55 euros au titre des congés afférents.

Dire et juger que des retenues sur salaires abusives ont été effectuées.

En conséquence :

Condamner le Théâtre de Paris à verser à Mme [C] la somme de 8 986,68 euros au titre du rappel de salaire et 898,66 euros au titre des congés afférents.

Constater que le contrat a été rompu le jour du terme du dernier CDD sans qu'aucune

lettre de licenciement n'ait été adressée à Mme [C].

En conséquence :

Condamner le Théâtre de Paris à verser à Mme [C] la somme de 2 980,84 euros au titre de l'indemnité de préavis et 289,08 euros au titre des congés afférents.

Condamner le Théâtre de Paris à verser à Mme [C] la somme de 1 324 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

Condamner le Théâtre de Paris à verser à Mme [C] la somme de 14 454,20 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamner le Théâtre de Paris à verser à Mme [C] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de conclusions transmises le 28 août 2019 par voie électronique, la SNEER du Théâtre de paris demande à la cour de :

Dire et juger la société le Théâtre de Paris recevable et bien fondée en ses explications

et chefs de demandes,

En conséquence,

A titre principal,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes

de Paris le 1er février 2017,

Y statuant,

Dire et juger Mme [C] mal fondée en ses demandes,

Débouter Mme [C] de sa demande de requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

Débouter Mme [C] de sa demande de requalification des contrats à temps partiel en contrat à temps plein,

Débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la Cour devait entrer en voie de condamnation, réduire à de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts qui seraient allouée à Mme [C] à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

Condamner Mme [C] à verser à la société le Théâtre de Paris une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens.

Vu la clôture du 5 novembre 2019 et la fixation de l'affaire à l'audience du 4 décembre 2019.

SUR CE, LA COUR :

Ont été régularisés entre Mme [F] [C] et la société SNERR du Théâtre de Paris, entre le 17 novembre 2009 et le 21 juin 2014, 16 contrats à durée déterminée à temps partiel sans solution de continuité pour occuper l'emploi d'ouvreur lors d'un spectacle particulier.

Le 2 juillet 2015, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, s'est, par jugement dont appel, déterminé comme indiqué ci-dessus.

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée à temps plein et ses conséquences :

Tout d'abord, si conformément aux dispositions des articles L.1242-2 et D.1242-1 du code du travail un employeur peut recourir à un contrat à durée déterminée pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dans le cas d'emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, que le secteur des spectacles est spécifiquement visé et qu'il appartient au juge de vérifier si le recours à des contrats à durée déterminée est justifié par des raisons objectives qui s'entendent par l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

Tout d'abord, contrairement à ce qui est soutenu par la salariée, le titre IV intitulé «'dispositions particulières applicables au personnel d'accueil'» de l'annexe I- Exploitants de lieux, producteurs ou diffuseurs de spectacles dramatiques, lyriques, chorégraphies et de musique classique à la convention collective nationale du 3 février 2012 du spectacle vivant ne prohibe pas le recours au contrat à durée déterminée de droit commun, mais prévoit dans son article IV.3-Engagement-Nature des contrats, qu'il y soit recouru comme le contrat à durée indéterminée à temps plein ou temps partiel, le contrat à durée indéterminée intermittent ou enfin l'engagement en surnuméraire prévu à l'article IV.5 (contrats à durée déterminée en cas de variations de la fréquentation et du succès des spectacles), et in fine précise que la combinaison de tous les types de contrats est possible au sein d'une même entreprise ou d'un même service.

Cependant, l'accord inter branche sur la politique contractuelle dans le spectacle vivant public et privé du 24 juin 2008 annexé à la convention collective précitée prévoit la possibilité du recours au contrat à durée déterminée pour remplacement de salarié absent, accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise et pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant, dans les secteurs d'activité définis par décret dont celui des spectacles ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, le contrat ainsi conclu devant obligatoirement indiquer l'alinéa applicable de l'article L. 1242-2 du code du travail en fonction du cas de recours au contrat à durée déterminée à peine d'être réputé à durée indéterminée..

Il convient de constater qu'aucun des contrats à durée déterminée ne mentionne qu'il a été conclu dans le cadre d'un usage constant, si bien que le défaut de motif de recours doit conduire, par infirmation du jugement entrepris, à requalifier dès l'origine, soit le 11 novembre 2009, la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, étant observé que le refus du salarié de régulariser un contrat à durée indéterminée intermittent ne ressort pas de manière concordante et donc suffisante des attestations produites au débat par la société et ne peut en tout état de cause justifier que la société lui a proposé des contrats à durée déterminée irréguliers et ce bien après 2009.

Ensuite, selon les dispositions de l'article L.3123-14 du code du travail dans sa version applicable au litige le contrat à temps partiel est un contrat écrit comportant notamment les jours et les horaires de travail, mentionne les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification et les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée seront communiquées par écrit au salarié.

La variation constante des horaires et le dépassement fréquent de la durée contractuelle sans justification par l'employeur du respect d'un délai de prévenance suffisant entraînent la requalification du temps partiel en temps plein. Or, la comparaison des contrats de travail et des bulletins de salaire ainsi que l'absence de tout élément de nature à démontrer que la salariée a été prévenu tant des dépassements que de la fin anticipée du terme des contrats par l'arrêt du spectacle, font apparaître que dès le mois de janvier 2010 la salariée n'a pas été rémunéré des heures contractuelles, soit 18 heures réglées pour la première semaine du mois considéré au lieu des 22 heures hebdomadaires,puis en février suivant 60 heures pour le mois au lieu des 18 heures hebdomadaires contractuelles et que les horaires ont constamment varié pour dépasser les 10% d'heures complémentaires durant les mois de février et mars 2011 et aussi d'octobre 2013.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du temps partiel en temps complet.

La salariée peut prétendre au versement d'un rappel de salaires égal à la différence des sommes perçues et celles auxquelles elle pouvait prétendre sur la base d'un temps plein dont il n'est pas contesté qu'il était de 35 heures par semaine, mais aussi pour l'intégralité des périodes contractuelles. En effet, il y a lieu de relever que l'existence de jours dits «'off'», non contestés par la société, consistant selon la salariée dans le fait pour l'employeur de lui imposer des jours non travaillés alors que prévus dans le contrat de travail ou selon l'employeur dans le fait pour les ouvreurs de demander à ne pas travailler certains soirs pour «'bénéficier de plus de pourboires [puisque] répartis entre moins de personnes, a eu pour conséquence, quelque que soit leur cause, de priver à certains moments l'intéressée de la rémunération prévue par les contrats de travail successifs. Cependant et enfin la salariée ne peut pas revendiquer le paiement des salaires pour les périodes intercalaires à défaut pour elle de démontrer qu'elle s'est tenue entre les contrats à la disposition permanente de l'entreprise.

Ainsi, en application de ces principes, il sera alloué à la salariée, en considération des taux horaires successifs tels qu'ils résultent du tableau récapitulatif pour toute la période d'emploi produit au débat par elle, non utilement contesté même subsidiairement par l'employeur, par infirmation du jugement déféré, la somme de 22 219,62 euros et celle de 2 221,96 euros de congés payés, ainsi qu'un rappel d'indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de 2 221,96 euros et 221,96 euros de congés payés y afférents et une indemnité de requalification au moins égale au dernier mois de salaire perçu et qui sera allouée à hauteur du montant revendiqué de 1 445,52 euros.

Sur les retenues abusives :

Ces retenues correspondent au montant des pourboires perçus par la salariée et centralisés par l'employeur en application des articles L. 3244-1 et L. 3244-2 et R.3244-1 et R.3244-2 du code du travail et doivent être déduits dans les cas où l'employeur garantit un salaire minimum conventionnel, ce qui est le cas en l'espèce comme stipulé par les différents contrats de travail produits.

Il n'est produit au débat par la salariée aucune pièce, ni soutenu de moyen ou d'argument de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui, après avoir examiné les pièces comptables produites par la société, ont exactement considéré qu'aucun rappel n'était dû à ce titre à la salariée, si bien que le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail :

La rupture des relations contractuelles requalifiées en contrat à durée indéterminée étant intervenue au mépris des règles du licenciement, elle sera donc, par infirmation du jugement entrepris, jugée comme dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Il sera alloué à la salariée une indemnité de préavis de deux mois, soit 2 980,84 euros, et 289,08 euros de congés payés y afférents, non contestés dans leur montant même subsidiairement, ainsi qu'une indemnité de licenciement, revendiquée et non contestée, à hauteur de 1 324 euros euros égale à 1/5ème de mois en considération d'une ancienneté de 4,58 ans et d'un salaire moyen de 1 445,42 euros.

En considération de son ancienneté et de sa situation personnelle, la salariée peut aussi prétendre en réparation du préjudice subi à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture à la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les autres dispositions :

Le jugement entrepris sera infirmé pour ce qui a trait à la charge des dépens.

La société, qui succombe au principal, sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel et à verser à la salariée 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement sur les dispositions relatives au rappel de salaire pour retenues abusives ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Requalifie les relations contractuelles entre Mme [F] [C] et la SNERR du théâtre de Paris en contrat à durée indéterminée à temps plein dès le 11 novembre 2009 ;

Dit que la rupture des relations contractuelles le 24 juin 2014 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SNERR du théâtre de Paris à verser à Mme [C] les sommes suivantes :

- rappel de salaires : 22 219,62 euros,

- congés payés sur ce rappel : 2 221,96 euros,

- rappel d'indemnité de fin de contrat : 2 221,96 euros,

- congés payés sur cette indemnité : 221,96 euros,

indemnité de requalification : 1 445,52 euros,

- indemnité de préavis de deux mois : 2 980,84 euros,

- congés payés sur préavis : 289,08 euros,

- indemnité de licenciement : 1 324 euros,

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 000 euros ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la SNERR du théâtre de Paris aux dépens de première instance et d'appel et à verser Mme [F] [C] 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/12053
Date de la décision : 04/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°17/12053 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-04;17.12053 ?
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