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03/03/2020 | FRANCE | N°18/03466

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 03 mars 2020, 18/03466


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 03 MARS 2020



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03466 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5GZD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° F15/00612





APPELANT



Monsieur [C] [R]

[Adresse 3]

[Localité 4]
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Représenté par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374





INTIMÉE



SAS PV SENIORIALES PROMOTION & COMMERCIALISATION représentée par ses représentants légaux

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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 03 MARS 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03466 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5GZD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° F15/00612

APPELANT

Monsieur [C] [R]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374

INTIMÉE

SAS PV SENIORIALES PROMOTION & COMMERCIALISATION représentée par ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Janvier 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Sylvie HYLAIRE, présidente

Anne HARTMANN, présidente

Didier MALINOSKY, vice-président placé

Greffier, lors des débats : Mme Anna GAVAGGIO

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie HYLAIRE, Présidente et par Mathilde SARRON, Greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

M.[C] [R], né en 1947, est immatriculé depuis 2004 au registre spécial des agents commerciaux du greffe du tribunal de commerce de Melun ; le 10 mai 2004, il a conclu un mandat d'agent commercial pour une durée de 12 mois renouvelable automatiquement avec la SA Ramos Développement pour vendre à titre non exclusif au nom et pour le compte du mandant l'ensemble des logements des résidences Les Senioriales que le mandant projetait de réaliser ; ce mandat précisait que l'agent jouissait de la plus grande indépendance dans l'organisation de son activité et de sa structure juridique, qu'il déterminera seul ses horaires et ses méthodes de travail ainsi que le choix de ses collaborateurs ou correspondants et qu'il supportera tous les frais occasionnés par son activité ; ce contrat définissait les obligations du mandant et du mandataire ; le mandat précisait que l'agent était rémunéré sous forme de commissions.

Ce mandat non exclusif s'est poursuivi par la signature de nouveaux mandats conclus pour une durée de 12 mois renouvelable automatiquement avec la SAS PV Senioriales Promotion et Commercialisation venant aux droits de la société Ramos Développement, signés les 14 juin 2005 et 23 mai 2006.

Le 16 février 2007, les parties ont signé un contrat d'agent commercial annulant et remplaçant le précédent contrat, se substituant au mandat précédemment accordé à l'agent ; il précisait que ce mandat d'intérêt commun était conclu pour une durée indéterminée avec effet rétroactif au 2 janvier 2007 et qu'il était consenti à titre non exclusif.

Les articles 4 et 5 énuméraient les obligations du mandant et du mandataire et l'article 6 mentionnait qu'en sa qualité d'agent commercial, M. [R] jouissait de la plus grande indépendance dans l'organisation de son activité et de sa structure juridique et ajoutait « l'agent ne sera en aucun cas sous la subordination du mandant (...). Il déterminera seul ses méthodes et son temps de travail ainsi que les moyens matériels et humains qui lui paraissent nécessaires ; en conséquence, l'agent supportera tous les frais occasionnés par son activité » ; l'article 7 détaillait les conditions du versement des commissions dues à l'agent.

Deux avenants à ce contrat ont été signés les 30 mars 2007 et 21 juin 2007 concernant les commissions.

Le 8 février 2010, M. [R] a créé et immatriculé au registre du commerce du tribunal de commerce de Melun la SASU Immopat dont il est le président et qui a pour activité «  le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion ».

A compter de cette date, les relations commerciales, qui étaient régies par le mandat du 16 février 2007 modifié le 21 juin 2007 entre la SAS PV Senioriales Promotion et Commercialisation et M. [R], ont été établies avec la société Immopat et le règlement des factures établies au nom d'Immopat a été assuré dans la continuité du mandat toujours en cours, par la SAS PV Senioriales Promotion et Commercialisation, selon attestation du 6 mars 2013 de [W] [J], directeur commercial des Senioriales, M. [R] exerçant désormais son activité via la société qu'il avait créée.

En 2012, la société PV Senioriales Promotion et Commercialisation, souhaitant redynamiser la commercialisation de ses produits, a mis en place une nouvelle méthode de vente au terme de laquelle selon ce qu'elle indique elle-même, elle maintenait la mise à disposition de « fiches contacts » aux agents moyennant refacturation et la doublait de la possibilité pour l'agent commercial, moyennant paiement, de mandater le réseau d'assistantes commerciales des Senioriales (RAC) pour prendre directement à sa place un rendez-vous avec les prospects intéressés.

Le 6 août 2015, soutenant qu'à partir de cette date , il aurait vu « une paralysie flagrante de son activité» et une diminution du montant de sa rémunération et que son contrat d'agent commercial est en réalité un contrat de travail, M. [R] a saisi le conseil des prud'hommes d'une demande de requalification de son contrat d'agent commercial en contrat de travail à durée indéterminée.

Par jugement rendu le 21 décembre 2017, le conseil a débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes.

Le 23 février 2018, M. [R] a relevé appel du jugement qui lui avait été notifié le 1e r février.

Aux termes de ses conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 décembre 2019, M. [R] demande à la cour d'infirmer le jugement, de requalifier son contrat d'agent commercial en contrat de travail à durée indéterminée et, en conséquence, de condamner la société PV Senioriales Promotion et Commercialisation à lui payer, avec intérêts légaux et remise des documents conformes correspondants, la somme de 121 995 euros à titre de rappel de salaire plus 12 199 euros pour congés payés afférents.

Il demande en outre à la cour de :

- condamner la société PV Senioriales Promotion et Commercialisation à verser les cotisations salariales et patronales aux organismes compétents à compter du mois de janvier 2007 jusqu'au jour du jugement à intervenir sur la base d'une rémunération moyenne annuelle brute de 192 846,50 euros, ;

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,

- condamner la SAS PV Senioriales Promotion et Commercialisation à lui payer les sommes de :

* 211 560 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 38 565,62 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 52 890 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 5 289 euros pour congés payés afférents,

* 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de lui octroyer le bénéfice de 120h au titre du DIF.

Suivant conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 décembre 2019, la société PV Senioriales Promotion et Commercialisation sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que les parties étaient exclusivement liées par un contrat de mandat.

Subsidiairement et dans l'hypothèse où la cour requalifierait la relation en contrat de travail, elle demande de dire qu'elle n'a pas manqué à ses obligations, de rejeter la demande de résiliation judiciaire et d'ordonner à M. [R] d'avoir à lui rembourser la somme de 493 165 euros.

En tout état de cause, elle demande à la cour de débouter M. [R] de toutes ses prétentions et infirmant le jugement de ces chefs, de le condamner à lui payer les sommes de :

- 3 000 euros pour procédure abusive,

- 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites régulièrement communiquées ainsi qu'au jugement déféré.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2019 et l'affaire a été fixée pour plaider à l'audience du 14 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification du contrat d'agent commercial

Aux termes du dernier contrat d'agent commercial à titre non exclusif signé entre les parties le 16 février 2007 dont toutes les dispositions ont été maintenues dans le cadre des deux avenants des 30 mars 2007 et 21 juin 2007, à l'exception de l'article 7 relatif à la rémunération, il est stipulé que l'agent commercial jouit de la plus grande indépendance dans l'organisation de son activité et de sa structure juridique, qu'il n'est en aucun cas sous la subordination du mandant et que l'agent n'assumera envers le mandant que les obligations et responsabilités prévues au contrat.

L'article 6 du contrat « conditions d'exercice du mandat » mentionne que l'agent déterminera seul ses méthodes et son temps de travail ainsi que les moyens matériels et humains qui lui paraissent nécessaires et qu'il supportera tous les frais occasionnés par son activité.

Cet article indique que :

- le mandant est libre d'accepter ou de refuser les réservations de lots obtenues par l'agent pour le compte du mandant notamment lorsqu'il n'est pas en mesure de se conformer aux délais demandés par le client ou lorsqu'il existe un doute objectif sur la solvabilité du client,

- dans l'intérêt commun, l'agent s'oblige à informer régulièrement le mandant de l'état du marché, des souhaits de la clientèle, des difficultés rencontrées et des actions de la concurrence et à ce titre l'agent s'engage à établir à l'attention du mandant des rapports mensuels sur les réservations réalisées dans le secteur qui lui est confié (en unité et en valeur), l'activité de tout concurrent éventuel du mandant, l'usage et/ou l'abus éventuel par un tiers de tout droit de propriété industrielle et/ou intellectuel (...) ; il est encore convenu que la réservation du lot choisi par le client visité par l'agent n'est validée qu'à réception par le mandant du chèque du client.

Le contrat prévoyait par ailleurs les obligations du mandant (article 4) et indiquait qu'en vue de permettre à l'agent de remplir au mieux la mission qui lui est confiée, le mandant s'engage à :

- fournir la quantité nécessaire de documentation (commerciale, publicitaire, promotionnelle et autres) se rapportant aux produits,

- fournir le catalogue des prix et ses mises à jour,

- fournir les supports contractuels et techniques nécessaires à la présentation des produits,

- payer une commission à l'agent, agir de manière diligente et de bonne foi et informer l'agent de l'annulation ou de la résolution des réservations ou ventes pour lesquelles il est intervenu.

M. [R] était inscrit au registre spécial des agents commerciaux ainsi que le mentionne le contrat précité.

Aux termes de l'article L. 8221-6 du code du travail, « sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription 1°- les personnes physique immatriculées (.....) au registre des agents commerciaux ».

Cette présomption de non-salariat de l'agent commercial peut néanmoins être détruite si la preuve est rapportée que l'activité de l'agent commercial s'exerçait en réalité dans des conditions le plaçant dans un lien de subordination permanent à l'égard de son donneur d'ordre.

Il est constant que le lien de subordination, élément déterminant de l'existence d'un contrat de travail, est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements du salarié.

M. [R] sollicite la requalification de son mandat d'agent commercial en contrat de travail en faisant valoir que son contrat de mandat précisait la mission confiée ainsi que ses secteurs d'intervention, que la rémunération prévue correspondant aux commissions représentait une part importante voire l'intégralité de ses revenus, ce qui le plaçait dans une dépendance économique à l'égard des Senioriales.

Il soutient que :

- son activité se trouvait dictée et contrôlée par la SAS PV Senioriales Promotion et Commercialisation qui lui donnait plannings et horaires précis, programmation de rendez-vous avec les prospects (mail de M. [E], directeur régional des ventes, en date du 14 février 2013), directives et objectifs à atteindre, exigeait un rapport de ses activités, de ses rendez-vous et des ventes réalisées, lui envoyait les dates de réunions commerciales et de formations qu'il affirme avoir un caractère obligatoire ;

- il ne disposait en fait d'aucune autonomie et se trouvait sous un lien de subordination ;

- alors que son activité devait s'exercer à titre indépendant, il recevait des directives comme, par exemple, pour le salon seniors à [Localité 5] en 2012 où la procédure commerciale à appliquer lui était rappelée (mail du directeur régional des ventes, M. [E] du 28 mars 2012 du 14 février 2013) ;

- il recevait des ordres du directeur commercial des ventes comme le 24 juin 2014 où, à l'occasion d'une diffusion d'un compte rendu de réunion commerciale, il est demandé de prendre le temps de le lire, de l'assimiler et de l'appliquer ;

- il devait impérativement se plier au processus mis en place par les Senioriales en matière de validation de ses R1 afin d'obtenir la commission due en fin de vente ;

-la société exerçait bien un pouvoir disciplinaire puisque, lors de la mise en place de l'attribution de rendez-vous R1 directement par les Senioriales, elle est devenue libre de favoriser certains commerciaux de manière discrétionnaire ;

- il a alerté la société sur le fait que la mise en place de ce système le mettait dans l'impossibilité d'assurer son activité du fait du peu de rendez-vous R1 qui lui étaient fixés et de réaliser son chiffre d'affaires (mails à M. [X] puis à M. [L] des 18 septembre 2014, 28 février 2015 et 21 avril 2015).

La société PV Senioriales Promotion et Commercialisation conteste l'existence d'un quelconque lien de subordination et fait valoir que M. [R] a toujours exercé en toute indépendance, que son action est de pure opportunité « dans le but de battre monnaie » en vue de sa retraite compte tenu de son âge, que jusqu'au 3 juin 2015 où il a fait contacter la société par son avocat, jamais il n'avait manifesté d'intérêt pour occuper un poste de commercial salarié alors qu'il y en avait eu d'ouverts au recrutement (pièce 15) et qu'au contraire, il s'est toujours prévalu de son statut d'indépendant (pièces 16 et 70) ; il a même créé une société (Immopat) qui dépensait une cinquantaine de milliers d'euros par an au titre de ses frais d'exploitation et elle ajoute qu'aucun bureau n'a jamais été mis à la disposition de M. [R].

La société PV Senioriales Promotion et Commercialisation ne conteste pas qu'à partir de 2012, elle a mis en oeuvre une nouvelle méthode de commercialisation optionnelle pour les années à venir, à savoir qu'outre l'attribution de fiches contacts que les agents commerciaux pouvaient continuer à contacter eux-mêmes, à réaliser les entretiens découverte et à fixer directement leurs rendez-vous, elle a donné à ses agents commerciaux la possibilité de mandater directement son réseau d'assistantes commerciales (RAC) pour réaliser pour leur compte les entretiens découvertes (RO) et leur transmettre les R1 lorsqu'ils étaient décrochés.

Elle rappelle et justifie que ce nouveau service était facultatif et facturé à l'agent commercial, que dans un premier temps M. [R] a refusé de bénéficier de ce service et de signer l'avenant proposé, en indiquant qu'il se sentait toujours capable de prendre seul ses rendez-vous et en estimant le coût trop cher, qu'ensuite il a demandé à tester la qualité des rendez-vous R1 pris avant de se positionner et que c'est enfin M. [R] qui mandatera les RAC pour lui fixer un nombre de rendez-vous hebdomadaires ; elle fait encore valoir et justifie que les cartes de visite sur lesquelles figurait le logo des Senioriales était facturé à M. [R].

Elle soutient ne jamais avoir imposé l'assistance à aucune réunion qu'elle organisait et auxquelles elle invitait l'ensemble des services commerciaux et communique différents mails.

Elle fait valoir que si M. [R] avait effectivement accès à l'intranet de la société et plus précisément au logiciel CRM, sur lequel il pouvait obtenir les informations commerciales nécessaires à l'exercice de son mandat, ce n'était pas pour contrôler son activité et que c'est en toute liberté qu'il pouvait le compléter en transférant ses rapports d'activité et en mentionnant comme bon lui semblait son agenda, à la différence des salariés qui devaient le remplir complètement journellement et impérativement.

Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, ce que rappelait d'ailleurs le contrat d'agent commercial signé le 16 février 2007 ainsi que les contrats antérieurs sous une rédaction différente mais équivalente, de sorte que le fait d'avoir à transmettre un rapport sur son activité ne prive pas l'agent commercial de son indépendance dans l'exercice de son activité.

Le fait que la société PV Senioriales Promotion et Commercialisation ait mis à disposition de ses agents commerciaux comme de ses salariés des outils informatiques (CMR) sur lesquels ils pouvaient remplir ou transmettre leurs rapports ou inscrire leurs rendez-vous ne saurait s'analyser comme une privation d'indépendance de l'agent commercial, ce logiciel constituant en même temps une source d'information et de documentation mise à la disposition du service commercial et des agents commerciaux et un outil adapté à l'évolution des technologies modernes de communication.

De même, le processus de validation des R1 par la société n'est pas constitutif de preuve d'un lien de subordination puisqu'il est le facteur déclenchant du droit à commissions ainsi que toujours prévu dès le début des mandats.

Par ailleurs, il ressort des pièces et explications de l'appelant que c'est en fait à partir de 2012 et de la mise en place d'une nouvelle méthode de commercialisation que M. [R] considère qu'il aurait perdu son indépendance.

Il communique son mail à [I] [E] du 23 décembre 2011 dans lequel il refuse de signer un avenant concernant les tarifs facturés pour les RO et les fiches et faisant une autre offre de tarif ainsi que la réponse du directeur général adjoint [N] [G] dans laquelle on lit « il nous paraît indispensable que nous trouvions un accord pour ta participation au fonctionnement du nouveau processus de vente. Il ne s'agit pas de remettre en cause ton indépendance mais simplement de faire participer activement les agents commerciaux performants à l'évolution de la société (...) L'objectif est de vendre plus grâce à la nouvelle méthode commerciale qui inclut un nouvel outil, un nouveau process pour la qualification et la découverte des prospects... Nouvelle proposition : Tu continues à produire tes rendez-vous sur la base de ton fichier existant- Nous te produisons des rendez-vous suite à des RO ».

Toujours au sujet de l'avenant, le 6 février 2012, M. [G] écrivait à M. [R] :

« nous te programmons des rendez-vous à compter de ce jour et ce pendant deux mois afin que tu puisses évaluer l'efficacité du système, ce dont nous sommes convaincus ».

Le 8 mars 2012, M. [R] se plaignait de n'avoir pas eu de RO sur le 77 et le 91 (départements de son secteur géographique) depuis le mail du 6 février ; le 4 avril 2012, il se plaignait de ne rien avoir eu sur le 91, il lui était répondu : « sur le 91 que 4 contacts enregistrés en 2 mois, voilà la raison et il ressort de ces échanges de mails qu'un RO avait été donné à M. [R] sur le 58. »

Suite à cette mise en place d'une nouvelle méthode de commercialisation, les échanges se sont poursuivis en 2013.

En juillet 2013 après la création de bureau de vente, il était indiqué à M. [R] : « je tiens absolument à développer une collaboration efficace entre [F] et toi, nous aurons une rencontre à la rentrée où je vous proposerai des modalités permettant de fluidifier et de rendre efficace votre collaboration (...).» ; M. [R] répondait : « Merci pour ton retour », sans marquer de désapprobation.

Antérieurement à 2012/2013, M. [R] ne communique aucun élément de nature à justifier qu'il se serait trouvé dans un lien de subordination.

A compter de ces années, il produit un certain nombre de mails mais seulement de l'ordre d'un par mois sur 2013-2014, échangés avec le directeur régional des ventes ou envoyés par ce dernier à différents destinataires dont M. [R], demandant par exemple l'envoi du prévisionnel pour la semaine suivante et la fin du mois d'octobre 2013 pour 18h (pièce 41), un mail d'avril 2014 de félicitations à plusieurs destinataires, dont l'appelant, en raison de la réalisation de 6 réservations, d'autres mails toujours adressés à une collectivité de destinataires indiquant : « il faut travailler chaque RDV, chaque Prospect à fond, n'attendez pas que le RAC vous pose des RDV cà va venir, allez les chercher dans votre CRM ».

En février 2015 (pièce 73), M. [L] [Y] et M. [R] se mettent d'accord pour au minimum 2 R1 posés par le RAC chaque semaine « en fonction bien évidemment du nombre de contacts au sein du RAC », M. [R] ajoutant : « ce qui me permet de travailler sur les mêmes départements qu'auparavant à savoir 77, 91, 94, 89, 51, 10 régulièrement et sereinement ».

Ainsi et dans le même temps, M. [R] pouvait continuer à travailler sur ses propres prospects, en sus de ceux qui lui étaient communiqués par les RAC.

Le 19 mars 2015, M. [R] écrivait au directeur national des ventes sur le ton de la constatation et de l'évidence « je ne suis pas un commercial salarié » (pièce 70 de M. [R]), ce qui démontre qu'à cette date encore, il ne contestait pas être toujours indépendant.

Il ne ressort pas des différents éléments relevés ci-dessus et des 95 pièces, comprenant plusieurs pages d'échanges, communiquées par M. [R] qu'il ait fait l'objet d'un quelconque reproche ou ait été sanctionné pour quelque motif que ce soit ni avant 2012 ni après cette date pour avoir répondu qu'il ne se rendrait pas à une invitation que ce soit pour une réunion commerciale ou à une réunion de formation pour l'utilisation de nouveaux logiciels.

Il résulte des échanges communiqués, sans qu'il soit justifié que la société ait exercé une quelconque contrainte sur lui, par exemple, sous peine de rupture du mandat de commercialisation qui les unissait, que M. [R] a adhéré à la nouvelle méthode de commercialisation après avoir négocié le coût et le nombre de R1.

S'il était destinataire, comme d'autres, d'objectifs généraux que la société désirait atteindre sur certains programmes, il n'en ressort pas qu'il lui en était fixé personnellement et il justifie encore moins qu'il lui ait été reproché de ne pas avoir réalisé une année X ou sur une période Y un seuil de ventes ou réservations.

Le fait pour un directeur des ventes d'envoyer un message incitatif à l'ensemble des membres de la force de vente en incluant les agents commerciaux ne caractérise pas l'existence d'un lien de subordination de ces derniers à son égard, de même que l'annonce de challenges à toute la force de vente ne revêtait pas un caractère obligatoire de participation. M. [R] ne justifie pas en outre s'être vu demander ses dates de congés, contrairement à ce qui se passait pour les commerciaux ainsi que la société intimée en justifie.

Les demandes de comptes rendus rentrent dans le cadre de l'activité et des obligations du mandataire et de l'agent commercial à l'égard de son mandant ; le mandat non exclusif dont était titulaire M. [R] et les modalités de sa rémunération composée exclusivement de commissions sur les ventes ne constituent pas des éléments de nature à lui permettre de soutenir valablement qu'il était dans une dépendance économique à l'égard de la société PV Senioriales Promotion et Commercialisation alors qu'il était maître de son temps de travail et de l'activité qu'il consacrait à la prospection, son revenu moyen sur les années 2012 à 2014 étant de 197.735 euros soit, selon observation de la société, plus de trois fois supérieur à la rémunération annuelle brute du directeur régional M. [E], dont les bulletins de salaire sont communiqués.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la preuve de l'existence d'un lien de subordination de M. [R] à l'égard de la société PV Senioriales Promotion et Commercialisation n'est pas rapportée et il convient en conséquence de le débouter de sa demande de requalification de son mandat d'agent commercial en contrat de travail.

Du rejet de la demande de requalification en contrat de travail, découle celui des demandes de rappel de salaire, de congés payés et de versement aux organismes compétents des cotisations sociales attachées à l'emploi de salariés.

Doivent de même être rejetées comme sans objet les demandes de résiliation judiciaire du contrat, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préavis et congés payés afférents, de DIF et d'indemnité de licenciement et de remise de documents conformes.

Sur les autres demandes

L' exercice régulier d'une voie de recours sans que soient établi objectivement un abus, une intention malveillante ou de nuire à l' encontre de celui contre qui elle est exercée, ce qui est le cas en l' espèce, ne peut s' agissant que de la mise en 'uvre d'un droit, donner lieu à dommages intérêts ; la demande de la société PV Senioriales Promotion et Commercialisation à ce titre doit donc être rejetée.

M. [R], qui succombe en son recours, sera condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la société intimée la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement,

REJETTE toutes autres demandes des parties,

CONDAMNE M. [R] aux dépens ainsi qu'à payer à la société PV Seniorales Promotion et Commercialisation la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/03466
Date de la décision : 03/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°18/03466 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-03;18.03466 ?
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