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27/02/2020 | FRANCE | N°19/16470

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 27 février 2020, 19/16470


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 2





ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2020





(n° 64 , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16470 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAR6Y





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 1er juillet 2019 -Président du TGI de PARIS - RG n° 19/52715








APPELANTE





SARL ECOMAR p

rise en la personne de son gérant domicilié [...]


[...] )








Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055


Assistée par Me François VITER BO, avocat au barreau de PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2020

(n° 64 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16470 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAR6Y

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 1er juillet 2019 -Président du TGI de PARIS - RG n° 19/52715

APPELANTE

SARL ECOMAR prise en la personne de son gérant domicilié [...]

[...] )

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée par Me François VITER BO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1410

INTIMÉE

SCCV LES HAUTS DE RIVIERE ROCHE représentée par son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, [...]

[...] )

Représentée et assistée par Me Nathalie VIGOUROUX-COSTA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0531

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique DELLELIS, Présidente

Mme Hélène GUILLOU, Présidente

M. Thomas RONDEAU, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Thomas RONDEAU dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Lauranne VOLPI

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Véronique DELLELIS, Présidente et par Lauranne VOLPI, Greffière,

EXPOSÉ DU LITIGE

Aux termes d'un acte d'engagement du 22 décembre 2015, la SARL Ecomar s'est vue confier la réalisation de travaux, dans le cadre d'un programme de construction à Lamentin (Martinique) dont la SCCV Les Hauts de Rivière Roche est maître de l'ouvrage.

Dans différents courriers et en dernier lieu par courrier du 11 février 2019, la SARL Ecomar a mis en demeure la SCCV Les Hauts de Rivière Roche de procéder au règlement des sommes qu'elle estimait lui restant dues, soit 462.607,31 euros et de fournir la garantie de paiement obligatoire de l'article 1799-1 du code civil.

La SARL Ecomar a opéré une saisie conservatoire, non contestée par la SCCV Les Hauts de Rivière Roche, à hauteur de 463.510,16 euros.

Une autre mise en demeure en date du 20 février 2019 s'étant révélé infructueuse, la SARL Ecomar a, par acte d'huissier délivré le 20 mars 2019, fait assigner la SCCV Les Hauts de Rivière Roche en référé devant le président du tribunal de grande instance de Paris à qui elle a demandé de :

- condamner la SCCV Les Hauts de Rivière Roche à verser par provision à la SARL Ecomar la somme de 462.607,31 euros, avec intérêts au taux légal majoré de sept points à compter du 15 mai 2018 pour les situations de travaux de janvier et février 2018 et du 15 septembre 2018 pour le décompte définitif ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner la SCCV Les Hauts de Rivière Roche à lui remettre à la SARL Ecomar la caution solidaire délivrée par un établissement de crédit prévu par l'article 1799-1 du code civil, sous astreinte de 800 euros par jour de retard, passé un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et en l'absence de paiement des sommes précitées ;

- la condamner à lui payer à la SARL Ecomar une somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

La SCCV Les Hauts de Rivière Roche a demandé, outre de déclarer les demandes irrecevables et de constater qu'elles se heurtaient à une contestation sérieuse, subsidiairement, de condamner la demanderesse au principal à lui payer la somme provisionnelle de 755.592 euros au titre des pénalités de retard arrêtées au 28 février 2018, outre 198.000 euros au titre de la violation des dispositions relatives à la sécurité, d'ordonner la compensation, de condamner la SARL Ecomar à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance de référé contradictoire du 1er juillet 2019, le président du tribunal de grande instance de Paris a :

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir quant aux demandes en paiement formées ;

- condamné la SCCV Les Hauts de Rivière Roche à produire à la SARL Ecomar la preuve de la souscription de la caution prévue à l'article 1799-1 du code civil, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente et dans une limite de 10.000 euros ;

- condamné la SCCV Les Hauts de Rivière Roche à payer à la SARL Ecomar la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la SCCV Les Hauts de Rivière Roche aux dépens ;

- rejeté toute autre demande.

Le premier juge a fondé cette décision notamment sur les motifs suivants :

- l'article 8.6 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) prévoit que toute contestation qui viendrait à naître à propos de la validité, l'interprétation, l'exécution, le règlement et la résolution du marché, y compris celles qui auraient pris naissance après l'exécution, la résiliation du marché, sera résolue par voie d'arbitrage en application des dispositions des articles 1442 et 1471 du code de procédure civile ;

- s'il résulte de l'article 8.8 des CCAP ou de la norme AFNOR NF P03-001 à laquelle se sont soumises les parties que l'arbitrage pourrait n'être qu'optionnel, l'interprétation de ces diverses clauses excède en toute hypothèse les pouvoirs du juge des référés ;

- il en va de même de l'examen par le juge des référés de la demande reconventionnelle et en compensation ;

- à titre surabondant, le point de savoir si les créances concernées sont exigibles, au regard de l'applicabilité de la procédure de décompte général définitif ou des dispositions de l'article 5.1 du CCAP s'agissant des demandes d'acomptes, relève également d'une interprétation du juge du fond ;

- en revanche, l'obligation pour le maître de l'ouvrage de souscrire la garantie prévue à l'article 1799-1 du code civil n'est pas sérieusement contestable, étant d'ordre public et ne rentrant pas dans les prévisions de l'article 8.6.

Par déclaration en date du 8 août 2019, la SARL Ecomar a fait appel de cette décision en ce qu'elle retient que la demande en paiement d'une provision formée par la SARL Ecomar se heurte à une contestation sérieuse et renvoie à mieux se pourvoir quant à la demande en paiement formée à titre de provision et du chef de quantum de la condamnation sous astreinte à produire la preuve de la souscription de la caution prévue à l'article 1799-1 du code civil.

Au terme de ses conclusions récapitulatives n° II d'appelante notifiées le 14 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SARL Ecomar demande à la cour, au visa des dispositions des articles 808 et 809 alinéa 2 du code de procédure civile et de l'article 1799-1 du code civil :

- d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant condamné la SCCV Les Hauts de Rivière Roche à produire la caution prévue à l'article 1799-1 du code civil ;

- d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a plafonné à 10.000 euros le montant de l'astreinte ;

statuant à nouveau,

- de condamner la SCCV Les Hauts de Rivière Roche à verser à la SARL Ecomar, par provision, la somme de 462.607,31 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal majoré de sept points de pourcentage par application des dispositions de la norme NFP03-001 à compter du 15 mai 2018 pour les situations de travaux de janvier et février 2018 et du 15 septembre 2018 pour le solde ;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

- de la débouter de l'intégralité des demandes, fins et prétentions et en particulier de son appel incident ;

- de la condamner à lui remettre la caution solidaire délivrée par un établissement de crédit et prévue par l'article 1799-1 du code civil, sous astreinte de 800 euros par jour de retard, passé un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et l'absence de paiement des sommes lui restant dues ;

- de la condamner à lui verser à la SARL Ecomar la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, dont distraction sera ordonnée au profit de Maître Frédéric Ingold, avocat à la cour d'appel de Paris, outre les dépens comprenant le coût des mesures de saisie conservatoire et des constats d'huissiers.

La SARL Ecomar fait valoir en substance les éléments suivants :

- s'agissant de la compétence matérielle du juge des référés, la notion de contestation sérieuse ne s'applique qu'à l'existence de l'obligation et non aux pouvoirs du juge des référés quant à la la clause d'arbitrage ;

- l'arbitrage n'est en réalité qu'optionnel, compte tenu de l'article 8.8 du CCAP et de la norme AFNOR NF P03-001 ;

- la situation financière de la société devient précaire, de sorte que l'urgence caractérisée commande le prononcé de mesures provisoires ;

- la créance est liquide, certaine et exigible ;

- la prétendue créance de compensation n'est ni certaine ni liquide, s'agissant d'une clause pénale et d'une créance douteuse, le retard n'étant pas imputable à la Sarl Ecomar, faute de justificatifs probants ; il n'y pas eu non plus de mise en demeure préalable conforme à la norme AFNOR précitée ;

- l'astreinte doit être comminatoire et obliger l'intimée à s'exécuter.

Par conclusions d'intimé contenant appel incident notifiées le 13 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SCCV Les Hauts de Rivière Roche demande à la cour, au visa des articles 122 et 124 du code de procédure civile :

à titre principal,

- de confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a condamné la SCCV Les Hauts de Rivière Roche à produire à la SARL Ecomar la preuve de sa souscription de la caution prévue à l'article 1799-1 du code civil sous astreinte de 100 euros par jour et en ce qu'elle l'a condamnée à payer 2.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

statuant à nouveau sur ce point,

- de débouter la SARL Ecomar de sa demande de remise de la caution sous astreinte et de sa demande portée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

subsidiairement, pour le cas où la cour réformerait l'ordonnance du 1er juillet 2019 en ce qu'elle a renvoyé les parties à mieux se pourvoir quant aux demandes en paiement formées,

- de dire la SARL Ecomar irrecevable en toutes ses demandes ;

- de constater que les demandes de la SARL Ecomar se heurtent à une contestation sérieuse ;

- en conséquence se déclarer incompétent pour en connaître et inviter SARL Ecomar à mieux se pourvoir ;

- en tout état de cause, de la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

- de déclarer la société SCCV Les Hauts de Rivière Roche recevable et bien fondé en ses demandes ;

- en conséquence, de condamner la SARL Ecomar à lui payer la somme provisionnelle de 755.592,00 euros au titre des pénalités de retard arrêtées au 28 février 2018 et celle de 198.000,00 euros au titre de la violation des dispositions relatives à la sécurité ;

- pour le cas où la cour entrerait en voie de condamnation contre la société SCCV Les Hauts de Rivière Rochet, d'ordonner la compensation entre les deux condamnations ;

dans tous les cas,

- de condamner la SARL Ecomar à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- de la condamner aux entiers dépens.

La SCCV Les Hauts de Rivière Roche fait valoir en substance les éléments suivants :

- la SARL Ecomar n'a pas suivi la procédure d'arbitrage obligatoire de l'article 8.6, ce qui la prive du droit d'agir ;

- une clause compromissoire, même à la supposer ambiguë, constitue bien une contestation sérieuse, ou à tout le moins rend la SARL Ecomar irrecevable en ses demandes ;

- les décomptes présentés par la SARL Ecomar n'ont pas été approuvés et n'ont pas été contresignés, le décompte général définitif ne pouvant non plus être approuvé puisqu'antérieur à toute réception ou résiliation ;

- le retard de 136 jours commande l'application des pénalités de retard de l'article 8.1.1.1 du CCAP ;

- l'inspection du travail a fait fermer plusieurs postes pour non-respect de la législation relative à l'hygiène, la sécurité et la signalisation du chantier ;

- la situation financière de la SARL Ecomar et la saisie conservatoire qu'elle a pratiquée ne justifient pas du caractère d'urgence invoqué ;

- la saisie conservatoire à hauteur de 463.510,16 euros rend inutile la production de la caution prévue par l'article 1799-1 du code civil.

SUR CE LA COUR

L'article 809 alinéa 2, devenu 835 alinéa 2, du code de procédure civile, dispose que le président du tribunal peut, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En application de l'article 1448 du code de procédure civile, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.

Il résulte de l'article 1449 du même code que l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n'est pas constitué, à ce qu'une partie saisisse une juridiction de l'Etat aux fins d'obtenir une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire. Sous réserve des dispositions régissant les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires, la demande est portée devant le président du tribunal judiciaire ou de commerce, qui statue sur les mesures d'instruction dans les cas prévues à l'article 145 et, en cas d'urgence, sur les mesures provisoires ou conservatoires sollicitées par les parties à la convention d'arbitrage.

L'article 1799-1 du code civil dispose que le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues, garantie qui prend la forme soit d'un crédit, soit d'une caution.

En l'espèce, il faut relever :

- que l'article 8.6 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) prévoit que toute contestation qui viendrait à naître à propos de la validité, l'interprétation, l'exécution, le règlement et la résolution du marché, y compris celles qui auraient pris naissance après l'exécution, la résiliation du marché, sera résolue par voie d'arbitrage en application des dispositions des articles 1442 et 1471 du code de procédure civile ;

- qu'il en résulte que le contrat signé entre les parties, contrairement à ce que fait valoir la SARL Ecomar, prévoit bien une clause compromissoire, imposant le recours à une procédure d'arbitrage pour les différends relatifs au paiement, l'article 8.6 étant à cet égard sans ambiguïté ni interprétation possible, comme en atteste l'usage de l'expression 'seront résolues par voie d'arbitrage' ;

- que le fait que l'article 8.8 stipule que 'les différends et litiges qui n'auraient pu être réglés par les dispositions du présent marché, ou par l'éventuel arbitrage prévu à l'article 8.5 [en réalité 8.6] ci-avant, seront portés devant les Tribunaux du siège social du maître de l'ouvrage' est sans effet sur les stipulations claires de l'article 8.6 ; que l'article 8.8 ne concerne que la compétence territoriale ; que l'usage de l'expression ' arbitrage éventuel' se limite à rappeler l'existence de conditions posées à l'application de la clause compromissoire dans le texte de l'article 8.6, sans que l'on puisse en déduire le caractère facultatif de l'arbitrage, en cas de différend quant au paiement ;

- que, de même, l'accord des parties pour se soumettre à la norme AFNOR NF P03-001, qui indique simplement en ses articles 21-1 et 21-3 que les litiges qui ne seraient pas résolus par voie d'arbitrage sont portés devant le tribunal compétent, ne saurait faire échec à une stipulation claire imposant le recours à l'arbitrage ;

- qu'en application de l'article 1449 du code de procédure civile, le président du tribunal peut cependant, en cas d'urgence, statuer sur les mesures provisoires ou conservatoires sollicitées par les parties à la convention d'arbitrage ;

- que la SARL Ecomar produit à cet égard une attestation de son expert-comptable du 30 octobre 2019 (pièce 12), selon laquelle cette société connaît de graves difficultés depuis deux ans, avec une perte cumulée de 1.478.779 euros essentiellement due au chantier litigieux, faisant peser un risque sur les 27 salariés, de sorte qu'il y a urgence à obtenir le règlement de la créance ;

- que cette attestation suffit à caractériser l'urgence, au sens de l'article 1449 du code de procédure civile, et permet de saisir le juge des référés aux fins de mesures provisoires même en présence d'une clause d'arbitrage, l'existence d'une saisie conservatoire au profit de la SARL Ecomar n'étant pas de nature à enlever à une demande en provision son caractère d'urgence ;

- qu'il faut toutefois aussi que le président du tribunal constate le caractère non sérieusement contestable de l'obligation, pour qu'il puisse accueillir, en tant que juge des référés, la demande de provision ;

- que la SCCV Les Hauts de Rivière Roche observe valablement, à cet égard, que la demande de provision à hauteur de 462.607,31 euros TTC se heurte en son principe à des contestations sérieuses ;

- que la somme sollicitée correspond à la fois aux situations 22 de janvier 2018 et 23 de février 2018, ainsi qu'au décompte général de l'appelante du 17 juillet 2018 ;

- que les situations 22 et 23 (pièces 3 et 4), si elles n'ont pas été réglées dans le délai de 45 jours prévu pour les acomptes dans l'acte d'engagement, font l'objet de contestations sérieuses par l'intimée, qui précise ne pas les avoir approuvé comme ne correspondant pas à des travaux effectivement réalisés ;

- que la SCCV Les Hauts de Rivière Roche justifie à cet égard de ce que, dès les mois d'octobre et de novembre 2017, elle s'inquiétait auprès de l'appelante du retard conséquent apporté au chantier estimé à cinq mois en novembre 2017 (notamment dans les courriels des 25 octobre et 23 novembre 2017, pièces 6 et 8) ;

- qu'au demeurant, les stipulations de l'article 5.1 de l'acte d'engagement de la société appelante, relatives au délai de 45 jours, ne précisent pas les conditions dans lesquelles les créances concernées sont exigibles ;

- qu'il résulte en outre de l'article 19.5.1 de la norme AFNOR NF P 03-001 applicable que le décompte définitif est valablement remis dans le délai de 60 jours à dater de la réception ou de la résiliation ;

- que le décompte général présenté par la SARL Ecomar à la date du 17 juillet 2018 (pièce 6-1) a cependant été établi, sans que la réception ait été prononcée, ni qu'une résiliation soit intervenue ;

- que la procédure de vérification du décompte général définitif n'a pu dès lors être enclenchée, comme l'indique à juste titre la SCCV Les Hauts de Rivière Roche, peu important l'état actuel des bâtiments qui auraient été, selon l'appelante, livrés à leurs occupants.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, la demande de provision ne peut être accueillie, ne reposant pas sur des obligations non sérieusement contestables, le juge des référés, juge de l'évidence, n'étant pas le juge de l'interprétation des contrats.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le premier juge, la demande de provision de la SARL Ecomar se heurtant à des contestations sérieuses, sans qu'il n'y ait lieu, dans ces circonstances, d'examiner les demandes subsidiaires de la SCCV Les Hauts de Rivière Roche en paiement de provision et en compensation.

Concernant la condamnation de l'intimée à remettre à l'appelante la caution solidaire délivrée par un établissement de crédit, prévue par l'article 1799-1 du code civil, le premier juge a exactement observé que la SCCV Les Hauts de Rivière Roche a l'obligation, non sérieusement contestable, en tant que maître de l'ouvrage, de souscrire une telle garantie, d'ordre public.

L'absence de compte entre les parties rend la demande de la SARL Ecomar parfaitement légitime, étant observé que les dispositions relatives à l'arbitrage de l'article 8.6, qui concernent une liste limitative de litiges, ne sauraient concerner une telle demande.

En outre, contrairement à ce que soulève la société intimée, l'existence d'une saisie conservatoire, sur des fondements et dans le cadre d'une procédure distincts, ou le fait que la SCCV Les Hauts de Rivière Roche soit créditrice, ne sont pas de nature à lui permettre de se dégager de ses strictes obligations d'ordre public, qui résultent de l'article 1799-1 du code civil.

Il y a donc lieu de confirmer la décision du premier juge sur ce point, l'absence d'exécution à ce stade commandant toutefois d'augmenter le quantum de l'astreinte, dans les conditions indiquées au dispositif.

A hauteur d'appel, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chacune des parties conservant la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'ordonnance entreprise sauf sur le quantum de l'astreinte assortissant la condamnation de la SCCV Les Hauts de Rivière Roche à produire la preuve de la souscription de la caution prévue à l'article 1799-1 du code civil ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la SCCV Les Hauts de Rivière Roche à produire à la SARL Ecomar la preuve de la souscription de la caution prévue à l'article 1799-1 du code civil, à compter d'un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 400 euros par jour de retard pendant une durée maximale de 90 jours ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel ;

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 19/16470
Date de la décision : 27/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°19/16470 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-27;19.16470 ?
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