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27/02/2020 | FRANCE | N°19/12264

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 27 février 2020, 19/12264


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2020



(n° 60 , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12264 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAET5



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Mai 2019 -Président du TGI de PARIS - RG n° 19/51409





APPELANTE



SCI ALYASMEEN PROPERTIES (FRANCE) agissant poursuites et

diligence en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avoca...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2020

(n° 60 , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12264 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAET5

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Mai 2019 -Président du TGI de PARIS - RG n° 19/51409

APPELANTE

SCI ALYASMEEN PROPERTIES (FRANCE) agissant poursuites et diligence en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté par Me Véronique HENDI, avocat au barreau de PARIS, toque : D882

INTIMES

M. [J] [D] [S]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assisté par Me Sandy WIRTZ, du cabinet PINSENT MASONS FRANCE LLP avocat au barreau de PARIS, toque : R 020,

Mme [C] [S] NEE [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assistée par Me Sandy WIRTZ, du cabinet PINSENT MASONS FRANCE LLP avocat au barreau de PARIS, toque : R 020,

SDC DE L'IMMEUBLE [Adresse 1] représenté par son Syndic, le Cabinet [G] lui-même pris en la personne de tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité

Chez son syndic le Cabinet [G]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Assistée par Me Mélanie EVAIN, Cabinet CASSEL avocat au barreau de PARIS, toque : K49,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2020, en audience publique, rapport ayant été fait par Monsieur Thomas RONDEAU, Conseiller conformément aux articles 785, 786 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique DELLELIS, Présidente

Madame Hélène GUILLOU, Présidente

Monsieur Thomas RONDEAU, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Lauranne VOLPI

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Véronique DELLELIS, Présidente et par Lauranne VOLPI, Greffière,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique en date du 29 septembre 2005, les époux [S] ont acquis un appartement au cinquième étage de l'immeuble situé au [Adresse 4].

Par lettre recommandée en date du 13 novembre 2018, la société Alyasmeen Properties France, propriétaire d'un appartement au quatrième étage de cet immeuble, a adressé aux consorts [S] une mise en demeure d'avoir à lui communiquer les factures d'acquisition, d'installation et d'entretien des blocs de climatisation situés sur leur balcon, ainsi que des stores électriques, volets roulants et portes-fenêtres installés sur la façade de l'immeuble.

Par acte du 27 décembre 2018, la SCI Alyasmeen Properties France a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ainsi que les consorts [S] devant le président du tribunal de grande instance de Paris, aux fins de :

- ordonner aux époux [S] l'enlèvement, à leurs frais, des blocs de climatisation situés sur le balcon de l'appartement, des portes-fenêtres installées en sus des portes-fenêtres initiales côté [Adresse 4] et des stores électriques situés sur la façade côté [Adresse 4], et ce sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard, ainsi que la remise en état des façades ;

- condamner les consorts [S] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et leur condamnation aux entiers dépens.

Par ordonnance de référé du 27 mai 2019, la juridiction saisie a :

- constaté la prescription de l'action engagée par la SCI Alyasmeen Properties France à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, le cabinet [U], Monsieur [J] [D] [S] et son épouse, Madame [C] [M], aux fins de supprimer les installations de climatisation, des portes-fenêtres et du volet roulant ;

- déclaré la SCI Alyasmeen Properties France irrecevable en son action ;

- débouté Monsieur [J] [D] [S] et son épouse, Madame [C] [M], de leur demande en dommages-intérêts ;

- condamné la SCI Alyasmeen Properties France à payer aux époux [S] la somme globale de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI Alyasmeen Properties France à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, le cabinet [U], la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI Alyasmeen Properties France aux dépens de l'instance ;

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit.

Le premier juge a fondé cette décision notamment sur les motifs suivants :

- les équipements dont la suppression est demandée sont visibles de la rue, le point de départ de la prescription doit donc être fixé au jour de leur installation ;

- il résulte d'un courrier en date du 20 décembre 2018 de la notaire chargée de la vente de l'appartement aux époux [S], de l'acte de vente en date du 29 septembre 2005 et des étiquettes collées sur les équipements que ceux-ci étaient présents au jour de l'acquisition de l'appartement ;

- ces équipements existant donc depuis plus de dix ans, la SCI Alyasmeen Properties France doit être déclarée irrecevable en son action.

Par déclaration en date du 17 juin 2019, la SCI Alyasmeen Properties France a fait appel de cette ordonnance, en ce qu'elle a :

- constaté la prescription de l'action engagée par la SCI Alyasmeen Properties France à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, le cabinet [U], Monsieur [J] [D] [S] et son épouse, Madame [C] [M], aux fins de supprimer les installations de climatisation, des portes-fenêtres et du volet roulant ;

- déclaré la SCI Alyasmeen Properties France irrecevable en son action ;

- condamné la SCI Alyasmeen Properties France à payer aux époux [S] la somme globale de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI Alyasmeen Properties France à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, le cabinet [U], la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI Alyasmeen Properties France aux dépens de l'instance ;

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit.

Au terme de ses conclusions récapitulatives remises le 12 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SCI Alyasmeen Properties France demande à la cour, au visa des articles 808 et 809 du code de procédure civile, de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 2227 du code civil, de :

à titre principal,

- dire et juger que toutes les constructions que sont les doubles portes fenêtres, la climatisation et les volets roulants, effectués sur toutes les façades et balcons du 5 ème étage du bien situé au [Adresse 1] et appartenant aux époux [S], sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, empiètent sur les parties communes et constituent une appropriation de celles-ci ;

en conséquence,

- dire et juger recevable l'action de la SCI Alyasmeen Properties France à l'encontre des époux [S] en raison de la prescription trentenaire ;

- dire et juger bien fondée l'action de la SCI Alyasmeen Properties France à l'encontre des époux [S] ;

- condamner les époux [S] à restituer les parties communes injustement appropriées par eux à savoir les façades et les balcons et ordonner la remise en état des façades et des balcons situés au [Adresse 4] et à ce leurs frais exclusifs et sous astreinte de 500 euros par jour de retard et sous la surveillance et l'agrément d'un bureau d'études chargé de contrôler la conformité aux règles de l'art des opérations de restitution et de remise en état ;

à titre subsidiaire,

- dire et juger que les opérations de carottage et les percements à de nombreux endroits des façades, non autorisées par l'assemblée générale des copropriétaires, constituent une atteinte irrégulière et indétectable aux parties communes que sont toutes les façades et tous les balcons de l'immeuble situé au [Adresse 2] ;

- dire et juger que les unités de climatisation et leur installation, non autorisées par l'assemblée générale des copropriétaires, constituent une atteinte irrégulière et indétectable aux parties communes que sont toutes les façades et tous les balcons de l'immeuble situé au [Adresse 2] ;

- dire et juger que l'installation des doubles portes fenêtres édifiées sur les balcons, non autorisées par l'assemblée générale des copropriétaires, constituent une atteinte irrégulière et indétectable aux parties communes que sont toutes les façades et tous les balcons de l'immeuble situé au [Adresse 2] ;

- dire et juger que l'installation des volets roulants édifiés sur les balcons, non autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires, constituent une atteinte irrégulière et indétectable aux parties communes que sont toutes les façades et tous les balcons de l'immeuble situé au [Adresse 2] ;

- dire et juger recevable l'action de la SCI Alyasmeen Properties France à l'encontre des époux [S], la prescription décennale commençant à courir à compter du jour où la SCI Alyasmeen Properties France a connu ou aurait dû connaître les constructions litigieuses ;

- dire et juger que les époux [S] ne rapportent pas la preuve de la connaissance par la SCI Alyasmeen Properties France de chacune des constructions et installations prises individuellement ;

- dire et juger bien fondée l'action de la SCI Alyasmeen Properties France à l'encontre des époux [S] ;

en conséquence,

- ordonner l'enlèvement par les époux [S], à leurs frais, des blocs de climatisations situés sur les balcons de l'appartement et ce sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard ;

- ordonner l'enlèvement par les époux [S], à leurs frais, des portes fenêtres installées en sus des portes fenêtres initiales et ce sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard ;

- ordonner l'enlèvement par les époux [S], à leurs frais, des stores électriques situés sur les façades et ce sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard ;

- ordonner la remise en état de toutes les façades et de tous les balcons ainsi que leur rebouchage sous la surveillance et l'agrément d'un Bureau d'Etudes chargé de contrôler la conformité aux règles de l'art de ladite remise en état ;

en tout état de cause,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le tribunal de grande instance de Paris en date du 27 mai 2019 ;

- ordonner aux époux [S] de communiquer le nom des entreprises ayant effectué toutes les constructions illégales sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- débouter les époux [S] de toutes leurs demandes ;

- débouter le cabinet [U] es qualité de syndic représentant le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de toutes ses demandes ;

- condamner les époux [S] à verser à la SCI Alyasmeen Properties France la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le Cabinet [U] es qualité de syndic à verser à la SCI Alyasmeen Properties France la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les époux [S] et le Cabinet [U] es qualité de syndic aux entiers dépens.

La SCI Alyasmeen Properties France fait valoir en substance les éléments suivants :

sur les constructions effectuées par les consorts [S],

- les consorts [S] ne peuvent contester avoir carotté de nombreuses trouées sur les façades pour faire passer des tuyaux d'alimentation et de climatisation et installer des volets roulants, percé en de nombreux points la dalle du balcon afin de fixer les climatiseurs et percé les façades pour fixer des doubles portes-fenêtre, ce qui porte atteinte à l'intégrité et à la solidité de l'immeuble ;

- ces constructions ont été effectuées dans les parties communes, ce qui entraine donc une emprise et une appropriation de celles-ci ;

- aucune autorisation n'a été sollicitée pour ces travaux auprès de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble, ce qui montre la volonté des époux [S] de s'affranchir des règles légales et de mettre les copropriétaires devant le fait accompli ;

- l'immeuble dans lequel les travaux ont eu lieu est un immeuble haussmannien ; les époux [S] se sont en outre également affranchis de toute demande d'autorisation aux bâtiments de France ;

- le caractère de voie de fait et l'existence du trouble manifestement illicite du fait des constructions irrégulièrement entreprises donne compétence au juge des référés pour ordonner la restitution par les époux [S] des parties communes qu'il se sont illégalement appropriées ainsi que la remise en l'état des balcons et façades à leurs frais ;

sur la recevabilité à agir de la SCI Alyasmeen Properties,

- une action contre des constructions tendant à réaliser une emprise sur les parties communes constitutives d'une appropriation partielle de celles-ci, y compris lorsque les parties communes sont affectées d'un droit de jouissance privatif, constitue une action réelle, soumise à la prescription trentenaire ;

- le point de départ de la prescription trentenaire est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

- il ressort du règlement de copropriété que les façades et balcons sont des parties communes, faisant partie du gros oeuvre des bâtiments ;

- les époux [S] se sont par leurs constructions annexé toutes les façades ainsi qu'une partie du balcon ;

à titre subsidiaire, sur la recevabilité à agir de la SCI Alyasmeen Properties France au titre de l'action personnelle,

- la charge de la preuve incombant aux époux [S], qui invoquent la prescription de l'action de la SCI Alyasmeen Properties France, leur impose de rapporter les preuves distinctes que la SCI Alyasmeen Properties France avait connaissance depuis plus de 10 ans de chacune des construction qui sont indépendantes les unes des autres ;

- le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d'exercer l'action ;

- la connaissance de l'existence des constructions ne peut se déduire de la visibilité des constructions, qui est subjective, mais de la délivrance de l'information ;

- la SCI Alyasmeen Properties France, comme les autres copropriétaires de l'immeuble, n'a eu connaissance de ces constructions que lors d'une réunion du conseil syndical en date du 22 mai 2018 dans l'appartement des époux [S] concernant le ravalement de l'immeuble, comme le confirment les attestations de deux autres copropriétaires de l'immeuble, qui affirment également que les installations ne sont pas visibles depuis la rue ;

- les époux [S] n'apportent aucun élément permettant de prouver qu'ils avaient transmis à la SCI Alyasmeen Properties France des informations relatives aux constructions ;

- ces constructions ont été faites en toute clandestinité, sans aucune autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, et cachées par les époux [S] aux autres copropriétaires ;

- il ressort des photographies communiquées par les époux [S] qu'aucune des installations n'est visible depuis la rue à l'oeil nu, et que les portes-fenêtres et volets roulants ne sont visibles qu'avec un téléobjectif professionnel de haute résolution comme ceux utilisés pour obtenir les photographies émanant du site Google Maps et du constat d'huissier ;

- les époux [S] affirment que la prescription court à partir de la réalisation des constructions, ce qui est faux ;

- ils affirment également que les travaux dateraient de 1990, sans en apporter la preuve ;

- le refus de communication des factures de constructions et de travaux, qui permettraient de leur donner une date certaine, constitue un aveux du fait que ce sont les époux [S] qui ont ordonné les constructions ;

- le titre de propriété des époux [S] ne mentionne pas l'existence des volets roulants et des portes-fenêtres, alors que ce ne sont pas des immeubles par destination puisque les époux [S] ne sont pas propriétaires de la façade ;

- les photographies des unités de climatisation portant les dates 2004, 2005 et 2016, prouvant qu'elles ont été fabriquées à ces dates et non antérieurement à 1990 ;

- la consultation du cabinet Cassel, mandaté par le syndic de copropriété pour se prononcer sur la possibilité d'une action contre les constructions non autorisées et concluant à la prescription de l'action, se basait sur le postulat non prouvé que ces travaux datent de 1990 ;

- la lettre de M. [Y], architecte de l'immeuble depuis trois ans, affirme que ces dispositifs sont en place depuis plus de 20 ans sans en justifier ;

- l'attestation de la notaire représentant les anciens propriétaires de l'appartement est contredite par l'acte de vente de cet appartement, qui ne mentionne ni les volets roulants ni les portes-fenêtres ;

- l'attestation de l'exploitant d'un restaurant situé au rez-de-chaussée de l'immeuble qui allègue se souvenir de l'existence en 1992 des installations en question, est contestable au vu de l'ancienneté de ses souvenirs et de sa communauté d'intérêt avec les époux [S], qui ont mis à sa disposition plusieurs caves ;

sur l'ordonnance critiquée,

- les époux [S] ont communiqué au tribunal lors des plaidoiries une photographie tirée du site Google Maps, prise par un téléobjectif grand angle professionnel de haute résolution, et dont aucune copie n'a été adressée préalablement à la SCI Alyasmeen Properties France ;

- le tribunal s'est fondée sur cette pièce irrecevable, dont le rejet a pourtant été sollicité à la barre, sans se prononcer sur cette demande d'irrecevabilité ;

sur le comportement de la SCI Alyasmeen Properties France,

- la SCI Alyasmeen Properties France a toujours respecté les procédures légales, sollicitant une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour réaliser une ouverture dans son appartement, et installant une porte-fenêtre à l'intérieur de l'appartement, qui n'empiète donc pas sur le balcon et ne dénature pas la façade ;

- les précédents propriétaires de l'appartement de la SCI Alyasmeen Properties France ont obtenu l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour installer sur le toit de l'immeuble une climatisation ;

sur les demandes des époux [S],

- aucune atteinte à la vie privée n'a été effectuée lors de la prise des photographies au domicile des époux [S], en présence des membres du conseil syndical et de la représentante des époux [S], prises de l'extérieur et non dans les parties privatives de l'appartement ;

- les photographies ne sont pas trompeuses, elles sont corroborées par le constat d'huissier ;

- exercer une voie de recours ne peut aucunement être la source d'une procédure abusive ou dilatoire, et l'appel de la SCI Alyasmeen Properties France repose sur des éléments sérieux qui ne manifestent aucune intention dolosive ou malicieuse.

Les époux [S], par conclusions d'appel n°2 remises le 20 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demandent à la cour, sur le fondement des articles 122, 809, 202, 32-1, 559 et 700 du code de procédure civile, de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 1240 nouveau du code civil, de :

- confirmer l'ordonnance du 27 mai 2019 ;

- dire les demandes de la SCI Alyasmeen Properties France irrecevables en raison de la prescription des actions engagées ;

- débouter la SCI Alyasmeen Properties France en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SCI Alyasmeen Properties France au paiement d'une amende civile de 10.000 euros en raison du caractère abusif de la présente procédure ;

- condamner la SCI Alyasmeen Properties France à verser à Monsieur et Madame [S] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par eux à raison du caractère abusif de la présente procédure ;

- condamner la SCI Alyasmeen Properties France à verser à Monsieur et Madame [S] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI Alyasmeen Properties France aux entiers dépens.

Les époux [S] exposent en résumé ce qui suit :

sur l'irrecevabilité des demandes tirées de la prescription,

- la SCI Alyasmeen Properties France soutient que son action est une action réelle, relevant donc du délai de prescription trentenaire ; cependant une action n'est considérée comme réelle dans ce contexte que lorsque les constructions en question constituent une véritable appropriation ou emprise sur les parties communes ;

- selon le règlement de copropriété, les balcons, fenêtres et volets de l'appartement des consorts [S] ne constituent pas des parties communes, mais sont leur propriété exclusive ;

- même s'il était considéré que les balcons, fenêtres et volets sont des parties communes, il ne s'agirait pas d'une appropriation, l'installation d'unités de climatisation ne donnant pas un caractère privatif au balcon, et le percement des murs pour transformer une fenêtre en porte-fenêtre et ajouter des volets roulants ne constituant pas une appropriation mais seulement une transformation irrégulière, dont la demande de rétablissement est soumise à la prescription décennale ;

- l'action de la SCI Alyasmeen Properties France est donc une action personnelle, soumise à la prescription décennale ;

- la SCI Alyasmeen Properties France n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les installations auraient été réalisées par les consorts [S] après l'achat de l'appartement en 2005 ;

- il ressort de l'acte de vente de l'appartement, des attestations de la représentante de la SCI Poupijo et d'un copropriétaire de longue date de l'immeuble et du constat d'huissier en date du 10 octobre 2019, entre autres éléments concordants, que ces équipements ont été installés antérieurement à l'achat de l'appartement ;

- le point de départ du délai de prescription est le jour de la commission de l'infraction au règlement de copropriété, soit la date de réalisation des travaux ;

- les équipements étant visibles depuis la rue, il est impossible que la SCI Alyasmeen Properties France n'ait découvert leur existence que tardivement ;

- c'est de mauvaise foi que la SCI Alyasmeen Properties France prétend que les percements de la façade par ces derniers poserait un danger pour la solidité de la façade, bénéficiant elle-même d'un système de climatisation installé par le précédent propriétaire en 2002 et endommageant le mur par des fissures ;

- les attestations de deux copropriétaires de l'immeuble fournies par la SCI Alyasmeen Properties France sont de complaisance et sont contredites par les éléments apportés par les consorts [S] ;

sur le caractère abusif de la procédure,

- le droit d'ester en justice dégénère en abus lorsque la partie a conscience du caractère infondé de sa demande, et qu'elle ne peut se méprendre sur l'existence de ses droits ;

- il ressort d'une note en date du 29 juin 2018 du cabinet d'avocat Cassel mandaté par le syndicat des copropriétaires, dont un résumé figurait dans l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires communiqué le 3 décembre 2018 que toute action visant à obtenir la dépose des équipements était prescrite, et la SCI Alyasmeen Properties France ne pouvait donc se méprendre sur la prescription de son action ;

- la SCI Alyasmeen Properties France a contesté la véracité des nombreux éléments apportés par les consorts [S] par des affirmation mensongères et non fondées, sans cacher leur volonté de nuire à ces derniers ;

- la SCI Alyasmeen Properties France a versé au dossier des photographies prises dans le domicile des consorts [S] sans autorisation de ces derniers, ce qui constitue une violation du droit au respect de leur vie privée, et sont trompeuses et insuffisantes ;

- les procédures engagées par la SCI Alyasmeen Properties France ont contraint les consorts [S] à engager des frais importants pour mettre fin à ces accusations malveillantes, et entretiennent un climat délétère dans les relations de voisinage :

sur les frais et dépens,

- il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts [S] les frais irrépétibles qu'ils ont dû engager pour défendre leurs droit, il convient donc de condamner la SCI Alyasmeen Properties France à leur verser la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic le cabinet [R], par conclusions d'intimé remises le 17 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, de :

- le dire et juger recevable et bien fondé en ses présentes conclusions ;

en conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 27 mai 2019 rendue par le tribunal de grande instance de Paris ;

- débouter la SCI Alyasmeen Properties France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

y ajoutant,

- de la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure d'appel ;

- de la condamner aux entiers dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic le cabinet [R] expose en résumé ce qui suit :

- les installations dont il est demandé la suppression existent depuis plus de dix ans ;

- elles sont visibles depuis la rue, contrairement aux affirmations de l'appelante.

Au terme de ses conclusions récapitulatives II remises le 27 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SCI Alyasmeen Properties France demande à la cour, au visa des articles 808 et 809 du code de procédure civile, de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 2227 du code civil, de :

à titre principal,

- dire et juger que toutes les constructions que sont les doubles portes fenêtres, la climatisation et les volets roulants, effectués sur toutes les façades et balcons du 5 ème étage du bien situé au [Adresse 1] et appartenant aux époux [S], sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, empiètent sur les parties communes et constituent une appropriation de celles-ci ;

en conséquence,

- dire et juger recevable l'action de la SCI Alyasmeen Properties France à l'encontre des époux [S] en raison de la prescription trentenaire ;

- dire et juger bien fondée l'action de la SCI Alyasmeen Properties France à l'encontre des époux [S] ;

- ordonner la restitution des parties communes illégalement appropriées par les époux [S], à savoir les façades et les balcons situées au [Adresse 4] et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- dire et juger que la restitution des parties communes sera effectuée aux frais exclusifs des époux [S] et sous la surveillance et l'agrément d'un bureau d'études chargé de contrôler la conformité aux règles de l'art des opérations de restitution et de remise en état et les éventuelles conséquences nées de l'appropriation des parties communes ;

à titre subsidiaire,

- dire et juger que les opérations de carottage et les percements à de nombreux endroits des façades, non autorisées par l'assemblée générale des copropriétaires, constituent une atteinte irrégulière et indétectable aux parties communes que sont toutes les façades et tous les balcons de l'immeuble situé au [Adresse 2] ;

- dire et juger que les unités de climatisation et leur installation, non autorisées par l'assemblée générale des copropriétaires, constituent une atteinte irrégulière et indétectable aux parties communes que sont toutes les façades et tous les balcons de l'immeuble situé au [Adresse 2] ;

- dire et juger que l'installation des doubles portes fenêtres édifiées sur les balcons, non autorisées par l'assemblée générale des copropriétaires, constituent une atteinte irrégulière et indétectable aux parties communes que sont toutes les façades et tous les balcons de l'immeuble situé au [Adresse 2] ;

- dire et juger que l'installation des volets roulants édifiés sur les balcons, non autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires, constituent une atteinte irrégulière et indétectable aux parties communes que sont toutes les façades et tous les balcons de l'immeuble situé au [Adresse 2] ;

- dire et juger recevable l'action de la SCI Alyasmeen Properties France à l'encontre des époux [S], la prescription décennale commençant à courir à compter du jour où la SCI Alyasmeen Properties France a connu ou aurait dû connaître les constructions litigieuses ;

- dire et juger que les époux [S] ne rapportent pas la preuve de la connaissance par la SCI Alyasmeen Properties France de chacune des constructions et installations prises individuellement ;

- dire et juger bien fondée l'action de la SCI Alyasmeen Properties France à l'encontre des époux [S] ;

en conséquence,

- ordonner la démolition, aux frais des époux [S], des blocs de climatisations situés sur les balcons de l'appartement et ce sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard ;

- ordonner la démolition, aux frais des époux [S], des portes fenêtres installées en sus des portes fenêtres initiales et ce sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard ;

- ordonner ordonner la démolition, aux frais des époux [S], des stores électriques situés sur les façades et ce sous astreinte de la somme de 500 euros par jour de retard ;

- ordonner la remise en état de toutes les façades et de tous les balcons ainsi que leur rebouchage sous la surveillance et l'agrément d'un Bureau d'Etudes chargé de contrôler la conformité aux règles de l'art de ladite remise en état ;

en tout état de cause,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le tribunal de grande instance de Paris en date du 27 mai 2019 ;

- ordonner aux époux [S] de communiquer le nom des entreprises ayant effectué toutes les constructions illégales sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- débouter les époux [S] de toutes leurs demandes ;

- débouter le cabinet [U] es qualité de syndic représentant le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de toutes ses demandes ;

- condamner les époux [S] à verser à la SCI Alyasmeen Properties France la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le Cabinet [U] es qualité de syndic à verser à la SCI Alyasmeen Properties France la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les époux [S] et le Cabinet [U] es qualité de syndic aux entiers dépens.

Les époux [S], par conclusions d'appel n°3 remises le 28 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demandent à la cour, sur le fondement des articles 122, 910-4, 809, 202, 32-1, 559 et 700 du code de procédure civile, de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 1240 nouveau du code civil, de :

- confirmer l'ordonnance du 27 mai 2019 ;

- dire les demandes de la SCI Alyasmeen Properties France irrecevables en raison de la prescription des actions engagées ;

- débouter la SCI Alyasmeen Properties France en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SCI Alyasmeen Properties France au paiement d'une amende civile de 10.000 euros en raison du caractère abusif de la présente procédure ;

- condamner la SCI Alyasmeen Properties France à verser à Monsieur et Madame [S] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par eux à raison du caractère abusif de la présente procédure ;

- la déclarer irrecevable en ses nouvelles demandes formées par conclusions signifiées les 24 et 27 janvier 2020 en application de l'article 910-4 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI Alyasmeen Properties France à verser à Monsieur et Madame [S] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI Alyasmeen Properties France aux entiers dépens.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic le cabinet [R], par conclusions d'intimé n°2 remises le 28 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, de :

- le dire et juger recevable et bien fondé en ses présentes conclusions ;

en conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 27 mai 2019 rendue par le tribunal de grande instance de Paris ;

- débouter la SCI Alyasmeen Properties France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

y ajoutant,

- de la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure d'appel ;

- de la condamner aux entiers dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 28 janvier 2020.

Au terme de ses conclusions de procédure aux fins de rejet remises le 29 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SCI Alyasmeen Properties France demande à la cour, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, d'ordonner le rejet des conclusions du syndicat des copropriétaires et des époux [S] remises le 28 janvier 2020.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic le cabinet [R], par conclusions de procédure en réponse remises le 29 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile et 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme, de débouter l'appelante de sa demande de rejet d'écritures et, à défaut, de rejeter les conclusions notifiées par l'appelante les 24 et 27 janvier 2020 ainsi que les pièces versées aux débats à cette occasion.

SUR CE LA COUR

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'dire et juger' qui ne sont, en l'espèce, que des moyens et non des prétentions.

Sur les demandes en rejet d'écritures et pièces

En application de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacun soit à même d'organiser sa défense.

L'article 16 du même code indique que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

En l'espèce, il sera rappelé :

- qu'initialement, suite à l'appel de l'ordonnance de référé, le calendrier de procédure prévoyait une clôture le 12 novembre 2019 et une audience de plaidoiries le 27 novembre 2019 ;

- que, le 12 novembre 2019, le conseil de la SCI Alyasmeen Properties France a demandé le report de la clôture, à raison de nouvelles pièces communiquées le 8 novembre 2019 ; qu'il concluait par écritures communiquées le 12 novembre 2019 et communiquait huit nouvelles pièces ;

- que le conseil des époux [S] sollicitait le report de la clôture le 12 novembre 2019, la clôture étant repoussée au 21 janvier 2020 ;

- que le conseil des époux [S] concluait par conclusions remises le 20 janvier 2020, la clôture étant à nouveau repoussée, au 28 janvier 2020 ;

- que, le 22 janvier 2020, l'appelante communiquait trois nouvelles pièces (pièces 17, 23 et 24), puis à nouveau deux nouvelles pièces le 24 janvier 2020 (pièces 25 et 26), avant finalement de reconclure les 24 et 27 janvier 2020, la clôture étant toujours fixée au 28 janvier ;

- que tous les intimés concluaient à nouveau le 28 janvier 2020, jour de la clôture, sans toutefois communiquer de nouvelles pièces.

Dans ces circonstances :

- la SCI Alyasmeen Properties France, en produisant deux jeux d'écritures les 24 et 27 janvier 2020 fondés sur de nouvelles pièces, alors que la clôture était prévue le 28 janvier 2020, a méconnu le principe de la contradiction, en mettant les intimés dans l'impossibilité de répondre aux moyens en temps utile, étant observé que l'appelante laissait notamment pour la première fois entendre, dans lesdites écritures de dernière heure, que les copropriétaires avaient été volontairement induits en erreur, les constructions illégales étant en outre cachées ;

- que mêmes les prétentions ont été modifiées dans ces écritures, l'appelante sollicitant désormais la 'démolition' de structures et non leur 'enlèvement', ce qui, contrairement à ce qu'elle affirme, est de nature à modifier l'exécution des mesures demandées, ou, à tout le moins, est de nature à appeler une réponse des intimés ;

- quant aux intimés, en produisant des écritures le jour de la clôture, ils n'ont pas non plus mis en mesure l'appelante de répondre en temps utile aux moyens développés ;

- que, notamment, les époux [S] n'ont demandé l'irrecevabilité de certaines demandes que le jour de la clôture ;

- que, de même, le syndicat des copropriétaires n'est venu contester certaines des allégations de l'appelante que dans les écritures de dernière heure, notamment sur les visites faites dans l'appartement litigieux ou sur les documents en sa possession.

Ainsi, il y a lieu d'écarter des débats les conclusions de l'appelante des 24 et 27 janvier 2020, les pièces communiquées au soutien de ces écritures, ainsi que les deux jeux de conclusions des intimés remis au greffe le 28 janvier 2020, toutes communications réalisées en violation du principe de la contradiction.

Sur le bien-fondé de l'appel

L'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dans sa version antérieure à la loi du 23 novembre 2018, dispose que les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans.

La loi du 23 novembre 2018 est venue modifier le texte de cet article, qui, dans sa version applicable à compter du 25 novembre 2018, indique que les dispositions de l'article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété ou entre un copropriétaire et le syndicat, étant rappelé que l'article 2224 du code civil prévoit une prescription de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon l'article 2222 du code civil, en cas de réduction du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la nouvelle durée ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

L'article 2227 du même code prévoit que, s'agissant des actions réelles immobilières, elles se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 808 du code de procédure civile, devenu 834, dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 809 alinéa 1, devenu 835 alinéa 1, du code de procédure civile dispose que le président du tribunal peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, devenu 835 alinéa 2, dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, les intimés font valoir que les installations dont il est demandé la suppression existent depuis plus de dix ans et en déduisent, sur le fondement de l'article 42, même antérieur à la loi du 23 novembre 2018, que l'action de l'appelante, personnelle, est prescrite.

Au contraire, l'appelante estime à titre principal que son action, réelle, est soumise à la prescription de trente ans, et, à titre subsidiaire, que la prescription décennale n'est en toute hypothèse pas acquise.

Il faut rappeler que l'action qui tend au respect du règlement de copropriété, et seulement par voie de conséquence à la suppression d'ouvrages affectant les parties communes, est une action personnelle, tandis que l'action qui a pour objet direct et exclusif de restituer aux parties communes ce qu'un copropriétaire s'est indûment approprié est une action réelle.

Il n'est pas contesté par les parties au litige que les installations ont été faites sans l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, étant précisé au surplus que le non-respect par les époux [S] de la règlementation imposée par les bâtiments de France n'est ni démontré, ni pertinent le cas échéant, l'action étant ici entamée par un copropriétaire se plaignant de la violation du règlement de copropriété par un autre copropriétaire.

Au regard de ces éléments, il faut relever :

- que, s'agissant des fenêtres, volets et balcons, le règlement de copropriété prévoit que les parties communes comprennent notamment 'les gaines de cheminées, dans les murs ou adossées, les têtes de cheminée, les ornements extérieurs des façades, moulurations et balcons, les fenêtres des escaliers' (page 9) et qu' 'outre la propriété des parties communes déterminées sous l'article précédent, chaque propriétaire d'appartement [...] aura la propriété exclusive et particulière des locaux lui revenant' (page 10), cette propriété comprenant notamment 'les fenêtres sur rue et sur cour, avec leurs volets et persiennes, garde-corps, balcons et balconnets' ;

- qu'il en résulte, à la lecture combinée de ces dispositions et contrairement à ce qu'indique l'appelante, que si les ornements extérieurs de balcons sont des parties communes, les balcons sont des parties privatives, de même que les fenêtres ;

- qu'à supposer donc que les installations querellées - unités de climatisation sur les balcons, portes-fenêtres, stores électriques - aient été faites en violation du règlement de copropriété, toute action les concernant est soumise au délai de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, en l'absence d'appropriation indue des parties communes ;

- qu'il importe peu que l'installation des climatiseurs aient donné lieu à des percements ou à des carottages dans la façade (pièce 12, procès-verbal de constat d'huissier versé par la SCI Alyasmeen Properties France), comme l'invoque l'appelante ;

- que certes, la façade de l'immeuble est une partie commune ; que, pour autant, les dégradations alléguées de la façade, si elles peuvent constituer des atteintes à des parties communes, ne sont en rien assimilables à une une appropriation indue, ne pouvant être retenue que faire un trou constituerait une annexion de façade, comme indiqué à tort dans les écritures de l'appelante (page 8) ;

- que les époux [S] versent aux débats des pièces qui démontrent l'ancienneté des installations en cause ;

- que l'acte de vente du 29 septembre 2005 stipule en effet que l'appartement est équipé d'appareils de climatisation (pièce 1) ; que le notaire en charge de la vente, par lettre du 20 décembre 2018, indique que les éléments dont la dépose est demandée étaient déjà présents lors de l'acquisition (pièce 3) ;

- que l'attestation de l'ancienne propriétaire, Mme [F], précise que les aménagements des doubles fenêtres, volets roulants et unités de climatisation étaient déjà réalisés dans cet appartement, lors de la vente en septembre 2005 (pièce 5a) ; qu'il faut préciser, face à l'argument de l'appelante selon lequel l'attestation ne respecterait pas les dispositions de forme de l'article 202 du code de procédure civile, qu'une nouvelle attestation conforme de Mme [F] a été produite (pièce 5b) ;

- qu'un autre copropriétaire, M. [N], propriétaire d'un restaurant au rez-de-chaussée de l'immeuble depuis 1992, atteste (pièce 20) que les doubles-fenêtres, les volets roulants et les unités de climatisation étaient déjà présentes à cette date ; que le simple fait que les intimés aient mis à disposition du restaurateur des caves n'est pas de nature à enlever toute portée à l'attestation produite ;

- qu'un constat d'huissier du 10 octobre 2019 (pièce 12) fait état de ce que cinq blocs de climatisation sont datées entre 2004 et 2005, deux blocs de climatisation portant des dates de 2012 et 2016 ; que, s'agissant du remplacement dans le temps des appareils pour entretien, les époux [S] produisent des documents sur l'entretien des climatiseurs, sans que l'on puisse en déduire, pour autant, que ces remplacements auraient pour effet de faire repartir un nouveau délai de prescription (pièces 13 et 14) ;

- qu'il résulte suffisamment de l'ensemble de ces éléments, sans même évoquer les autres moyens de fait, que les installations litigieuses sont à tout le moins antérieures à la vente de l'appartement à M. et Mme [S], intervenue le 29 septembre 2005, de sorte que la SCI Alyasmeen Properties France est prescrite en son action, comme ayant agi après le 29 septembre 2015, l'assignation devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris datant du 27 décembre 2018 ;

- que cette prescription atteint aussi, nécessairement, les trous et percements ayant permis la fixation des équipements - la SCI appelante ne pouvant à cet égard faire une distinction artificielle entre les appareils d'une part et les percements d'autre part pour contester partiellement le moyen de prescription, ni non plus exiger des époux [S] de prouver la date à laquelle ils auraient supposément dû informer la copropriété de chaque trou ou de chaque percement, alors qu'ici il s'agit justement de travaux effectués sans l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ;

- qu'il n'est pas non plus établi que les installations en cause aient été dissimulées à la vue des autres copropriétaires, de sorte que le point de départ de la prescription aurait été retardé ;

- que les époux [S] produisent en effet le constat d'huissier montrant que les installations litigieuses sont visibles depuis la chaussée (pièces 12, constat d'huissier du 10 octobre 2019), de sorte qu'il s'agit d'équipements non dissimulés, que les autres copropriétaires peuvent voir librement ;

- que, face à ce constat d'huissier et des photographies produites, les deux attestations produites par l'appelante, selon lesquelles ces installations ne se remarquent pas du bas de l'immeuble (pièces 14 et 15, attestations de MM. [A] et [E]), ne sauraient emporter la conviction de la cour ; qu'il importe également peu que la question de la licéité des installations ait été abordée seulement, selon l'appelante, lors du conseil syndical du 22 mai 2018, au regard des pièces démontrant leur caractère visible ;

- que la connaissance de travaux non régulièrement autorisés résulte du fait que les installations sont visibles depuis l'extérieur, l'appelante ne pouvant être suivie lorsqu'elle fait valoir que la notion de visibilité serait inopérante ;

- que l'installation d'équipements visibles de tous, en violation supposée du règlement de copropriété, a en effet pour conséquence, au regard ici de la nature des dits équipements, de ne pas retarder le point de départ de la prescription ;

- qu'ainsi, dans la présente affaire, la prescription a bien commencé à compter de leur installation, soit au plus tard le 29 septembre 2005.

Dans ces circonstances, le premier juge a justement considéré que le moyen tiré de la prescription de la demande de suppression des installations litigieuses pouvait être retenu.

En outre, l'appelante, qui agit sur le fondement des articles '808 et 809', devenus 834 et 835, du code de procédure civile, ne justifie en rien d'une quelconque urgence au sens de l'article 834, compte tenu de l'ancienneté des installations, pas plus qu'elle ne peut arguer d'un trouble manifestement illicite ou du caractère non sérieusement contestable des obligations, au regard des contestations élevées en défense, tant sur l'absence d'atteinte portée aux parties communes que sur la prescription, alors même que la SCI a choisi d'agir devant le juge des référés, juge de l'évidence.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, le sort des dépens et des demandes au titre des frais irrépétibles ayant été exactement réglé par le premier juge.

Sera rejetée également la demande formée en appel par SCI Alyasmeen Properties France de voir les époux [S] condamnés à lui communiquer le nom des entreprises ayant effectué les installations, les intimés ayant établi que ces installations étaient déjà présentes lors de l'acquisition de l'appartement, le motif légitime de cette demande, qui s'apparente à une demande de mesure d'instruction au sens de l'article 145 du code de procédure civile, n'étant pas non plus démontré.

Le caractère abusif de la procédure, tel que soutenu par les époux [S], n'est pas démontré, l'appelante ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits et estimer pouvoir les attraire en référé pour solliciter l'enlèvement de plusieurs structures.

Les demandes des époux [S], tant au titre de l'amende civile, qui ne pourrait d'ailleurs qu'être allouée qu'au bénéfice du trésor public, qu'au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive, seront rejetées.

A hauteur d'appel, l'appelante sera condamnée, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à rembourser les frais irrépétibles exposés par les intimés, et sera également condamnée aux dépens, ce dans les conditions indiquées au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats les conclusions de la SCI Alyasmeen Properties France remises le 24 janvier 2020 ;

Ecarte des débats les conclusions de la SCI Alyasmeen Properties France remises le 27 janvier 2020 ;

Ecarte des débats les pièces 17, 23, 24, 25 et 26 de la SCI Alyasmeen Properties France ;

Ecarte des débats les conclusions des époux [S] remises le 28 janvier 2020 ;

Ecarte des débats les conclusions du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic le cabinet [R] remises le 28 janvier 2020 ;

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de la SCI Alyasmeen Properties France en communication sous astreinte des noms des entreprises ayant réalisé les installations ;

Rejette la demande des époux [S] au titre de l'amende civile et des dommages intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la SCI Alyasmeen Properties France à verser à M.et Mme [S] la somme globale de 4.000 euros à hauteur d'appel, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Alyasmeen Properties France à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic le cabinet [R] la somme 2.000 euros à hauteur d'appel, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Alyasmeen Properties France aux dépens d'appel, dont distraction au profit du conseil du syndicat des copropriétaires en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 19/12264
Date de la décision : 27/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°19/12264 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-27;19.12264 ?
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