Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2020
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/28755 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B67HY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Décembre 2018 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2016F00471
APPELANTE :
SCP BTSG² en la personne de Maître [E] [X] agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société DANIEL PECHON
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, Assisté de Me Olivier PECHENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0899
INTIMÉE :
SAS RICHARDSON, agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège,
Immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le numéro 054 800 958
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
COMPOSITION DE LA COUR :
    En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2020, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre et Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère.
    Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Mme Michèle PICARD, Présidente de chambre
Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre
Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère
           Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Hanane AKARKACH
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.
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FAITS ET PROCÉDURE :
La SAS Richardson, commercialisant des articles de plomberie, chauffage et climatisation était en relations commerciales avec la SAS Daniel Pechon ayant pour activité l'installation, la rénovation et la maintenance en génie climatique.
Au cours de l'année 2013, la société Pechon a connu des difficultés financières et a mis en place une procédure de délégation de paiement aux termes de laquelle le maître de l'ouvrage payait directement entre les mains de la société Richardson les achats qu'elle effectuait dans le cadre des chantiers qui lui avaient été attribués.
Des comptes ont été ouverts pour trois chantiers, ainsi qu'un compte courant sans délégation.
S'estimant créancière de la société Pechon, la société Richardson l'a assignée, le 15 mars 2016, devant le tribunal de commerce de Bobigny en paiement des différentes factures.
Par jugement du 22 novembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Pechon et désigné la SCP BTSG, en la personne de Me [X] en qualité de mandataire liquidateur.
Par assignation en intervention forcée du 16 février 2018, délivrée à la SCP BTSG, la société Richardson a demandé que sa créance soit fixée au passif de la société Pechon à la somme de 228 859,01 euros.
Par jugement du 4 décembre 2018 le tribunal de commerce de Bobigny a fixé la créance de la SAS Richardson au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pechon à la somme de 194 834,40 euros et condamné la SCP BTSG aux dépens.
Le 24 décembre 2018, la SCP BTSG a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 21 mars 2019, la SCP BTSG, prise en la personne de Me [X], ès qualités, demande à la cour d'infirmer le jugement critiqué, de débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes et de fixer la créance de la société Richardson au passif de la liquidation judiciaire de la société Pechon à la somme de 56 202,84 euros.
Me [X] ès qualités estime qu'il n'existe pas de preuve de la réalité de la créance de la société Richardson, que certaines des factures ont déjà fait l'objet d'un règlement par le maître de l'ouvrage dans le cadre de la délégation de paiement, que le relevé de compte client et le montant des virements ne coïncident pas.
Il ajoute que les bons de commande et les bordereaux de livraison n'ont pas été émargés par la société Pechon ainsi qu'il était prévu dans le cadre des accords de bonification conclus en 2001, qu'ils ne sont donc pas probants et il reproche au tribunal d'avoir inversé la charge de la preuve.
Il reconnaît que la société Pechon est redevable à la société Richardson de la somme de 56 202,84 euros.
Il rappelle que le défaut de contestation des factures par le dirigeant de la société Pechon ne suffit pas à établir leur régularité, que celui-ci avait émis des réserves sur la phase de contrôle de la conformité de la facturation et que la société Richardson n'est pas fondée à exciper des relations commerciales existantes pour s'exonérer des procédures expressément convenues entre les parties.
Il ajoute que la société Richardson n'a pas respecté, pour les années 2014 et 2015 l'accord de bonification conclu en 2001, reconduit tacitement et dont rien n'indique qu'il aurait été résilié.
Par ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 17 juin 2019, la SAS Richardson demande à la cour de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a reconnu l'existence de sa créances mais de le réformer que le quantum de celle-ci et, statuant à nouveau, de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Pechon à la somme de 228 895,01 euros à titre chirographaire et de lui accorder le bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Richardson fait valoir que l'appelante ne contestait pas devoir les factures préalablement à la première instance, qu'elle tient les pièces originales à disposition de l'appelante et qu'elles ont toutes été communiquées en copie.
Elle expose que leur relation d'affaires ancienne avait conduit à la mise en place d'usages simplifiés permettant des commandes par téléphone sans exiger systématiquement de bons de livraison, les parties procédant à un pointage mensuel.
Elle rappelle que le montant des marchandises commandées pouvait être supérieur au montant de la délégation et que dans ces conditions une facture apparaissait en partie comme réglée dans le cadre de la délégation et inscrite en compte pour le surplus.
Elle conteste l'analyse des factures litigieuses effectuée par l'appelant, relevant qu'une modification manuscrite unilatérale ne lui est pas opposable, que les bons de livraison ont été signés par des personnes habilitées, que les paiements reçus par délégation n'ont pas couvert en totalité certaines factures, que certaines dettes ont été expressément reconnues en première instance.
Elle expose que si l'accord de bonification conclu en 2001 était reconductible tous les ans, le volume d'achat était renégocié annuellement et que la situation délicate de la société Pechon a conduit à mettre fin à cet accord en 2011.
Elle sollicite la somme totale de 173 709,82 euros au titre des quatre comptes clients, outre la somme de 33 314,21 euros au titre des pénalités de retard et la somme de 17 370,98 euros correspondant à l'indemnité contractuelle conformément à ses conditions générales.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 16 janvier 2020.
MOTIFS
En application de l'article 1315 alinéa 1 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il appartient donc à la société Richardson de rapporter la preuve de l'obligation de payer contractée par la société Daniel Péchon.
Il incombe ensuite au liquidateur judiciaire de la société Daniel Péchon de rapporter la preuve du paiement de cette obligation.
Il faut observer que la relation professionnelle qui liait les deux parties conduisait la société Daniel Péchon à passer chaque mois plusieurs dizaines de commandes de petits matériels de construction. La fréquence de ces commandes et la relation d'affaires existant entre les parties depuis plus de quinze ans expliquent suffisamment que certaines commandes n'aient pas été formalisées par écrit sans que cette circonstance suffise à exclure la réalité de telles commandes.
En outre, si les parties avaient conclu en 2001 un contrat annuel de bonification aux termes duquel le fournisseur devait réunir l'ensemble des document afférents à chaque commande (bon de commande, bon de livraison, facture) en contrepartie d'une somme versée par la société Daniel Péchon, aucun élément de fait ne permet de retenir que ce contrat a été renouvelé au-delà de 2012 de sorte que l'inexécution des diligences qu'il prévoyait est indifférente à l'application des règles de preuve indiquées ci-dessus.
Enfin, dans le contexte relationnel de confiance existant entre les parties et qui est corroboré par l'attestation circonstanciée rédigée par le dirigeant de la société Richardson dont les termes ne sont pas démentis, la société Daniel Péchon ne saurait contester utilement la qualité du préposé qui a signé pour son compte ou porté son cachet sur les bons de livraison.
Les pièces versées aux débats établissent les faits suivants :
- compte 015.58283 (chantier de [Localité 6])
Etayées par des bons de commande et des bons de livraison signés, les factures versées aux débats traduisent l'engagement contractuel non contesté de la société Daniel Péchon, sans que puisse être retenue une mention manuscrite unilatérale émanant de la société Daniel Péchon qui s'en prévaut.
Le liquidateur judiciaire de la société Daniel Péchon ne justifie pas que la société Richardson a reçu directement du maître de l'ouvrage des paiements supérieurs aux montants qui ont été portés au compte de la société Daniel Péchon.
Partant, la somme de 13 288,65 € reste dûe au créancier.
- compte 015.58088 (chantier de [Localité 5])
L'appelante ne discute pas la réalité des prestations qui ont donné lieu aux factures versées aux débats accompagnées de bons de commande et/ou de bons de livraison signés ou portant le cachet de la société Daniel Péchon, mais soutient que deux paiements n'ont pas été pris en compte.
Or, il ressort sans ambiguïté du compte client détaillé produit par la société Richardson que les virements reçus aux mois d'octobre 2014 et janvier 2015 y ont été portés pour les sommes de 23 428,11 € et 11 483,93 € et il ne peut être soutenu avec sérieux que la société Daniel Péchon, en difficulté financière, aurait payé dès le mois d'octobre 2014 des factures établies au cours du même mois et payables au 15 décembre. Il est donc manifeste que les paiements pré-cités effectués par la société Daniel Péchon ou pour le compte de celle-ci se rapportent à des fournitures distinctes de celles qui font l'objet de la déclaration de créance litigieuse.
Seule la somme de 1 229,57 € portée au crédit du compte avec la mention 'OD Litige S/FR' n'est pas explicitée par la société Richardson et doit être déduite de la créance déclarée en l'absence de preuve de l'obligation correspondante contractée par la société Daniel Péchon.
La créance retenue est donc de 22 080,33 €.
- compte n°015.57986 (chantier de [Localité 7])
De même que pour le précédent compte, ce n'est pas sans une certaine malice que le liquidateur judiciaire de la société Daniel Péchon soutient que le paiement de 8 762,82 € enregistré le 15 février 2015 sur ce compte correspond aux factures établies à la même date, non encore exigibles et dont les montants diffèrent. Pour les motifs indiqués ci-dessus, la contestation élevée par l'appelante est donc rejetée.
La société Daniel Péchon souligne elle-même que ce compte fait apparaître à son crédit diverses sommes sous le libellé 'OD', dont elle ne conteste pas la pertinence et qui corrobore une gestion rigoureuse du compte par la société Richardson.
Enfin, il n'est pas justifié que la facture n°1193 a fait l'objet d'un paiement direct par le maître de l'ouvrage pour la somme de 1 492,84 €.
En conséquence, la créance de la société Richardson s'élève à la somme de 57 544,05 €.
- compte n°15.40178 (compte courant non affecté)
Aucunes des factures qui sont tout autant étayées que les précédentes ne font l'objet de contestation sur le caractère contractuel des obligations ainsi contractées par la société Daniel Péchon, le liquidateur judiciaire faisant seulement valoir que certaines des factures ont déjà été acquittées. Or, ainsi qu'il a été retenu pour les autres comptes, il n'est pas justifié de paiements intervenus en sus de ceux qui sont mentionnés dans le compte détaillé tenu par la société Richardson et qui ne peuvent assurément pas être imputés aux factures litigieuses.
La créance de la société Richardson est donc retenue à hauteur de 90 528,48 €.
En conséquence, réformant le jugement dont appel il convient de fixer la créance totale de la société Richardson à la somme de 172 480,25 € TTC en principal après déduction d'un paiement direct de 10 961,26 € reçu depuis lors.
Conformément à l'article L 441-6 du code de commerce, cette somme est augmentée d'un intérêt calculé au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points à compter de la date d'exigibilité de chaque facture pour la période du 22 décembre 2015 au 22 novembre 2017 comme sollicité par l'intimée.
En revanche, à défaut de produire ses conditions générales de vente, la société Richardson est mal fondée en sa demande portant sur une indemnité contractuelle.
Succombant dans ses prétentions, la société BTSG ès qualités supporte les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande que la somme de 3 000 € soit accordée à la société Richardson en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
RÉFORME le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
FIXE la créance de la société Richardson au passif de la liquidation judiciaire de la société Daniel Péchon à la somme de 172 480,25 € TTC en principal, augmentée des intérêts calculé au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points à compter de la date d'exigibilité de chaque facture et pour la période du 22 décembre 2015 au 22 novembre 2017 ;
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes ;
CONDAMNE la société Daniel Péchon prise en la personne de son liquidateur judiciaire aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Richardson la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente
Hanane AKARKACH Michèle PICARD