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26/02/2020 | FRANCE | N°18/02163

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 26 février 2020, 18/02163


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2020



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02163 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B45B3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/14625





APPELANTE



SCI [Adresse 1]

agissant en la personne de son gérant

domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2020

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02163 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B45B3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/14625

APPELANTE

SCI [Adresse 1]

agissant en la personne de son gérant domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant Me Jacqueline AUSSANT, avocat au barreau de PARIS, toque: E1638

INTIMÉ

Syndicat des copropriétaires [Adresse 3]

représenté par son Syndic la SARL PHILIPPE POSTIC dont le siège est [Adresse 2]

c/o SARL PHILIPPE POSTIC [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre-Henry HANOUNE, avocat au barreau de PARIS, toque: C202

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2019, en audience publique, rapport ayant été fait par Madame Nathalie BRET, conformément aux articles 785, 786 et 907 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

Mme Muriel PAGE, Conseillère

Mme Nathalie BRET, Conseillère

Greffier, lors des débats : Amédée TOUKO-TOMTA

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Loup CARRIERE , Président de chambre , Conseillère et par Amédée TOUKO-TOMTA, Greffier présent lors de la mise à disposition.

***.

.

FAITS ET PROCÉDURE

L'immeuble sis [Adresse 3] est régi par un règlement de copropriété reçu par Me [I] en date du 22 novembre 1971. Ce règlement a été modifié notamment le 24 mars 1977 et le 22 juin 2007.

Le syndic de la copropriété est le cabinet [W] [S].

L'immeuble comprend trois corps de bâtiments. Le bâtiment A donne sur la première cour. Le bâtiment B est contigu au bâtiment A et à la première cour. Les bâtiments B et C donnent sur la deuxième cour.

Selon une attestation notariée du 21 mars 2008, la société RK Immobilier a vendu à la société civile immobilière (SCI) [Adresse 1] plusieurs lots dans cet immeuble :

- le lot 4:

' dans le bâtiment A, au rez-de-chaussée, première porte à gauche dans la cour, locaux à usage d'atelier,

' au sous-sol, locaux à usage d'ateliers reliés aux locaux du rez-de-chaussée par un escalier intérieur,

- le lot 321: dans le bâtiment B, au rez-de-chaussée, à gauche dans la cour, attenant au bâtiment A, un local à usage d'atelier,

- 1e 1ot 323 : dans le bâtiment B, au sous-sol, une réserve. Ce lot possède son unique accès par l'intermédiaire du lot 4. Les lots 4 et 323 sont indissociables.

Les lots 321 et 323 ont été créés dans le cadre du modificatif du règlement de copropriété, en date du 22 juin 2007, par la suppression du lot 141, remplacé par les lots précités.

Le lot 141 avait lui-même été créé, lors du modificatif du règlement de copropriété du 24 mars 1977, par la suppression du lot 101.

Sur le plan antérieur au règlement de copropriété du 22 juin 2007, le lot 4 est composé d'un atelier situé au rez-de-chaussée du bâtiment A et d'un atelier contigu situé dans la première cour. Celui-ci comporte un escalier pour accéder au sous-sol. Il sera nommé 'appentis' pour la suite de l'arrêt.

L'appentis du lot 4 est contigu d'un côté, à une façade du bâtiment A et, à l'intérieur de ce bâtiment, à l'atelier du lot 4, et du côté adjacent, à une façade du bâtiment B et, à l'intérieur de ce bâtiment, au lot 101 (devenu 321 et 323).

La partie de la cour dans laquelle est situé cet appentis est en forme de U. L'appentis est dans l'angle formé par une façade du bâtiment A et une façade du bâtiment B. A l'opposé, l'autre angle est formé par deux façades du bâtiment A, et un passage existe entre le mur de l'appentis et cette deuxième façade du bâtiment A pour accéder à une porte du bâtiment A.

Les lots 4, 321 et 323 sont loués, avec les lots 5, 6, 7, 8 et 102 situés au rez-de-chaussée de l'immeuble, à la société Fleux (dont le gérant, M. [R], est également associé de la SCI 14 Saint Sauveur) qui y exploite un fonds de commerce de décoration.

La SCI 14 Saint Sauveur occupe également en qualité de locataire les lots 1, 2, 3, 201 et 202 situés au rez-de-chaussée appartenant à la société Croix Saint Maurice.

Au mois de septembre 2006, la précédente propriétaire des lots 4, 321, 323, la société RK Immobilier, a démoli l'appentis, sur ordre de 1'architecte des bâtiments de France, en application du plan de sauvegarde de mise en valeur du Marais classant cet immeuble parmi 'les immeubles dont la démolition pourra être imposée sauf en cas de maintien des activités industrielles, artisanales ou commerciales'.

Ces travaux de démolition ont été réalisés grossièrement puisque, à la date de la vente à la SCI Saint Sauveur, des pans de mur subsistaient et les murs de façades n'avaient pas été remis en état.

L'assemblée générale des copropriétaires du 22 mai 2007 a :

- rejeté la résolution visant à autoriser la société RK Immobilier à réaliser une clôture constituée d'un muret de 30 cm de haut avec enduit ciment peint ton façade et grille en acier en fer forgé,

- rejeté la résolution visant à autoriser la société RK Immobilier à réaliser quatre puits de lumière dans le sol de la cour,

- rejeté la résolution visant à autoriser la société RK Immobilier à réaliser des portes-fenêtres suivant les ouvertures existantes,

- autorisé ce projet avec des fenêtres au lieu de portes-fenêtres,

- autorisé la société RK Immobilier à réaliser une ouverture de deux trémies dans le plancher du rez-de-chaussée pour l'accès aux caves,

- autorisé la société RK Immobilier à boucher l'ancienne trémie d'accès au sous-sol située dans la cour et à reconstituer à l'identique de l'existant antérieur (dessins de pavés),

- autorisé la société RK Immobilier à réaliser le ravalement de façade sur cour au droit des éléments modifiés dans la première cour et dans la deuxième cour.

Ces travaux n'ont pas été réalisés par la société RK Immobilier.

L'assemblée générale des copropriétaires du 25 avril 2013 a refusé les résolutions 9 et 10:

- résolution 9 'A la demande de la SCI 14 Saint Sauveur, Création d'un jardin dans l'emprise du lot 4 (art 25)

L'assemblée générale autorise la SCI 14 Saint Sauveur propriétaire du lot n°4, à procéder à la création d'un jardin clôturé par un muret en partie basse surmonté d'une clôture métal de style en partie haute, selon le dossier technique joint à la convocation, étant précisé que lesdits travaux seront réalisés aux frais exclusifs de la SCI 14 Saint Sauveur sous son entière responsabilité par des entreprises qualifiées et dûment assurées.

Il convient de préciser que ce projet a été validé par l'architecte des Bâtiments de France'

- résolution 10 'A la demande de la SCI 14 Saint Sauveur, Réouverture des portes-fenêtres donnant sur la cour (art 25)

L'assemblée générale autorise la SCI 14 Saint Sauveur propriétaire du lot n°4, à procéder à la réouverture ainsi qu'à la restauration des portes-fenêtres donnant sur le jardin, selon le dossier technique joint à la convocation, étant précisé que lesdits travaux seront réalisés aux frais exclusifs de la SCI 14 Saint Sauveur sous son entière responsabilité par des entreprises qualifiées et dûment assurées'.

Par contre, cette même assemblée a adopté la résolution 11 :

- résolution 11 'A la demande de la SCI 14 Saint Sauveur, Création d'une trémie dans le local constituant le lot n°321 donnant accès au lot 323 (art 25)

L'assemblée générale autorise la SCI 14 Saint Sauveur à procéder à l'ouverture d'une trémie dans le lot n°32l au rez-de-chaussée afin de permettre l'accès au lot n°323 situé au sous-sol, selon le dossier technique joint à la convocation, étant précisé que lesdits travaux seront réalisés aux frais exclusifs de la SCI I4 Saint Sauveur sous son entière responsabilité par des entreprises qualifiées et dûment assurées'.

Par acte d'huissier en date du 2 octobre 2013, la SCI 14 Saint Sauveur a assigne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, la société cabinet [W] [S], pour obtenir l'autorisation de procéder à la réalisation de ces travaux, sur le fondement des articles 25 b et 30 de la loi du 10 juillet 1965.

Par jugement contradictoire du 8 décembre 2017 (RG 13/14625), le tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté la SCI 14 Saint Sauveur de toutes ses demandes,

- condamné la SCI 14 Saint Sauveur à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 3] une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI 14 Saint Sauveur aux dépens, dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société 14 Saint Sauveur a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 22 janvier 2018.

La procédure devant la cour a été clôturée le 27 novembre 2019.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 25 novembre 2019 par lesquelles la société 14 Saint Sauveur, appelante, invite la cour, au visa des articles 1-8-25 b et 30 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965, 1240 et suivants du code civil, à :

- dire que les demandes d'autorisation de travaux formées par la société Saint Sauveur relèvent des dispositions des articles 25 b et 30 alinéa 4, lesdits travaux portant atteinte aux parties communes et à l'aspect extérieur de l'immeuble,

- dire que les demandes d'autorisation de travaux formées par la société Saint Sauveur ont fait l'objet d'un refus lors de l'assemblée générale du 25 avril 2013 du fait du rejet des résolutions 9 et 10,

En conséquence,

- déclarer la société Saint Sauveur recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 8 décembre 2017,

- infirmer le jugement rendu le 8 décembre 2017 (RG 13/14625) en toutes ses dispositions,

- autoriser la société Saint Sauveur à procéder à la création d'un jardin clôturé par un muret en partie basse surmonté d'une clôture métal de style en partie haute tels que décrits aux plans et descriptifs des travaux joints à la convocation à l'assemblée générale du 25 avril 2013,

- autoriser la société Saint Sauveur à procéder à la réouverture des portes-fenêtres donnant sur le jardin ainsi qu'à leur restauration telles que décrites aux plans et descriptifs des travaux joints à la convocation à l'assemblée générale du 25 avril 2013,

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le syndicat des copropriétaires à payer à la société Saint Sauveur une somme de 50.000 euros au titre des dommages et intérêts,

- condamner le syndicat des copropriétaires à payer à la société Saint Sauveur une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du cpc,

- condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du cpc ;

Vu les conclusions en date du 22 novembre 2019 par lesquelles le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], intimé ayant formé appel incident, invite la cour, au visa des articles 9, 26 et 30 de la loi du 10 juillet 1965, 9 et 10 du règlement de copropriété, à :

- dire l'appel de la société Saint Sauveur mal fondé,

- dire que le projet d'aménagement soumis aux copropriétaires ne porte pas sur la création d'un jardin,

- dire que la cour ne peut pas accorder une autorisation judiciaire d'une nature différente de celle qui a été demandée à l'assemblée générale,

- dire que compte-tenu du jugement du 8 décembre 2017 RG n°11/00087 qui a décidé que

l'emprise de l'ancien appentis est une partie commune, l'aménagement de cet espace

constitue nécessairement une appropriation d'une partie commune ne pouvant être autorisée

en vertu des articles 25 b et 30 de la loi du 10 juillet 1965,

- dire que le projet d'aménagement de la cour constituerait une atteinte à la destination de l'immeuble et aux droits des copropriétaires,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société Saint Sauveur de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Saint Sauveur à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Sur la demande d'autorisation de créer un jardin

Il résulte de l'article 30 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965 que lorsque l'assemblée générale refuse l'autorisation prévue à l'article 25 b [ 'l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci'], tout copropriétaire peut être autorisé par le tribunal de grande instance à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d'amélioration visés à l'alinéa 1er, tels que la transformation d'un ou de plusieurs éléments d'équipement existants, l'adjonction d'éléments nouveaux, l'aménagement de locaux affectés à l'usage commun ou la création de tels locaux, sous la condition qu'ils soient conformes à la destination de l'immeuble ;

En l'espèce, l'assemblée générale du 25 avril 2013 a refusé à la SCI 14 Saint Sauveur l'autorisation de procéder à la création d'un jardin, dans la partie gauche de la cour, à l'emplacement de l'ancien appentis détruit ;

'Sur le régime juridique applicable au lot 4

Aux termes de l'article 38 de la loi du 10 juillet 1965, 'En cas de destruction totale ou partielle, l'assemblée générale des copropriétaires dont les lots composent le bâtiment sinistré peut décider à la majorité des voix de ces copropriétaires, la reconstruction de ce bâtiment ou la remise en état de la partie endommagée. Dans le cas où la destruction affecte moins de la moitié du bâtiment, la remise en état est obligatoire si la majorité des copropriétaires sinistrés la demande. Les copropriétaires qui participent à l'entretien des bâtiments ayant subi les dommages sont tenus de participer dans les mêmes proportions et suivant les mêmes règles aux dépenses des travaux' ;

Aux termes de l'article 41 de la même loi, 'Si la décision est prise, dans les conditions prévues à l'article 38 ci-dessus, de ne pas remettre en état le bâtiment sinistré, il est procédé à la liquidation des droits dans la copropriété et à l'indemnisation de ceux des copropriétaires dont le lot n'est pas reconstitué' ;

Aux termes de l'article 2 de la même loi, 'Sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé. Les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire' ;

Le classement des différentes parties de l'immeuble en parties privatives et communes, tel qu'il résulte du règlement de copropriété est une donnée contractuelle ; il ne peut être remis en cause qu'à l'unanimité ;

En l'espèce, le règlement de copropriété stipule dans son article 3 relatif à la définition des parties privatives que 'Les locaux et espaces qui, aux termes de l'état descriptif de division ci-après établi, sont compris dans la composition d'un lot, sont affectés à l'usage exclusif du propriétaire du lot considéré et comme tels constituent des parties privatives. Il en est de même pour les accessoires desdits locaux tels notamment:

- les carrelages, dalles et en général tous revêtements,

- les plafonds et les parquets à l'exception des gros oeuvres qui sont 'parties communes',

- les cloisons intérieures avec leurs portes,

- les enduits des gros murs et cloisons séparatives,

...

- les verrières couvrant partie des lots 4, 101 et 202, dont l'entretien, la réparation et la réfection seront à la charge de ces lots, chacun en ce qui le concerne,

- et en résumé, tout ce qui est inclus à l'intérieur des locaux, la présente désignation n'étant qu'énonciative et non limitative' ;

Il ressort des pièces du dossier et notamment des constats d'huissier que l'appentis litigieux était, sur un côté, contigu à la façade du bâtiment A, sur le côté adjacent, contigu à la façade du bâtiment B ; ses deux autres côtés étaient constitués de murs, donnant sur la première cour, surmontés d'un toit et, à l'intérieur, le sol était recouvert de carrelage ;

Il convient de considérer, au vu du règlement de copropriété, que l'intérieur de l'appentis mais aussi les deux murs donnant sur la cour, le toit constitué d'une verrière et le carrelage du sol étaient des parties privatives de l'immeuble ;

Il ressort des constats d'huissier que la démolition de l'appentis n'a concerné que les parties privatives et que notamment les murs de façade du bâtiment A et du bâtiment B, parties communes, n'ont pas été détruits au sens de l'article 38 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Ainsi la démolition de l'appentis ne relève pas des articles 38 et 41 de la loi du 10 juillet 1965, applicables uniquement en cas de destruction simultanée de parties communes et de parties privatives d'un bâtiment ;

Et il importe peu que, du fait du plan de sauvegarde du Marais, il soit impossible de reconstruire un immeuble à l'emplacement de l'ancien appentis ;

La SCI 14 Saint Sauveur reste propriétaire du lot 4, selon les délimitations correspondant à l'ancien appentis pour la partie située dans la cour, et il n'y a pas lieu d'envisager la liquidation de ses droits préconisée par l'article 41 précité ;

'L'emprise' de l'ancien appentis, non pas au sens de la superficie prévue par l'article R420-1 du code de l'urbanisme (la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus) mais au sens du volume occupé auparavant par l'ancien appentis, reste une partie privative, malgré la destruction de l'appentis, et il n'est pas constitué du sol d'une partie de la cour, sachant qu'il n'est pas contestable que le sol de la cour est une partie commune ;

Ainsi il convient de considérer que l'emprise de l'ancien appentis est une partie privative de la SCI 14 Saint Sauveur, incluse dans son lot 4 ;

'Sur la demande d'autorisation

Cette emprise étant située dans la partie gauche de la cour de l'immeuble, il y a lieu de considérer que les travaux de création d'un jardin dans cette emprise affectent l'aspect extérieur de l'immeuble et relèvent de la majorité de l'article 25b) ; ils sont donc susceptibles de faire l'objet d'une autorisation judiciaire ;

En application des dispositions précitées, ces travaux affectant l'aspect extérieur de l'immeuble peuvent être autorisés par le juge à condition de ne pas entraîner une aliénation de parties communes, d'apporter une amélioration, même au profit d'un seul copropriétaire, d'être conformes à la destination de l'immeuble et de ne pas causer de préjudice aux autres copropriétaires ;

Concernant la destination générale de l'immeuble, le règlement de copropriété précise, dans son article 2, que l'immeuble est situé dans une zone d'habitation et dans le périmètre de protection de monuments historiques ; l'article 8 (3ème partie, Titre 1, chapitre 1) stipule 'L'immeuble est destiné à usage d'habitation. Toutefois les locaux formant les lots....pourront être utilisés à usage industriel et commercial' ; selon la description des lots, les bâtiments ont six étages comportant principalement des lots à usage d'habitation, le rez-de-chaussée étant en grande partie composé de lots à usage de boutique, atelier, bureau, magasin, ou local commercial ;

Dans le cadre de la résolution 9, présentée à l'assemblée générale du 25 avril 2013, la SCI 14 Saint Sauveur présente son projet comme 'la création d'un jardin clôturé par un muret en partie basse surmonté d'une clôture métal de style en partie haute, selon le dossier technique joint à la convocation' ;

Le dossier technique (pièce 50), commun avec le projet des portes-fenêtres, comprend une description du projet et une insertion graphique ;

La description du projet de création du jardin est 'la réalisation d'un petit muret bas en périphérie de la future courette, enduit Weber et Broutin blanc cassé 001, hauteur identique au sous bassement de la cour, environ 40cm, la fourniture et pose d'une grille métallique coloris gris noir RAL 7021, hauteur 185cm et la création d'un portail double ouvrant à la française, coloris gris noir RAL 7021, largeur 902 cm, hauteur 227cm' ;

Cette description ne comporte pas de précision sur la partie à l'intérieur de cette clôture, toutefois l'insertion graphique à entête 'aménagement de la cour Boutique Fleux' montre un sol uniforme avec un arbre en pot (type if ou cyprès), clôturé par un muret en partie basse surmonté d'une clôture métal de style en partie haute, édifié sur le périmètre de l'ancien appentis ;

Cette insertion graphique correspond à la description du projet dans les conclusions de la SCI 14 Saint Sauveur 'Il suffit de se reporter au montage photographique présenté à l'assemblée générale du 25 avril 2013 pour constater qu'il n'a jamais été envisagé de créer un véritable jardin mais un espace pavé avec installation de pots garnis de végétaux' ;

Concernant la destination de l'immeuble et le fait que selon le règlement de copropriété, il est situé dans le périmètre de protection de monuments historiques, alors que l'ancien appentis a été démoli en septembre 2006, sur ordre de 1'architecte des bâtiments de France, la SCI 14 Saint Sauveur justifie de l'accord de principe de celui-ci sur ce projet ; en effet, l'insertion graphique comporte la mention manuscrite 'Accord de principe le 7 mai 2015" signée par [O] [J], architecte des bâtiments de France ;

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le projet, tel qu'apparaissant dans le dossier technique, à travers sa description et l'insertion graphique, est une amélioration pour la SCI 14 Saint Sauveur ; il ne porte pas atteinte à l'harmonie, à l'esthétique ou à l'aspect architectural de l'immeuble ; il est conforme à la destination générale de l'immeuble telle que décrite dans le règlement de copropriété susvisé et il ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires ;

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI 14 Saint Sauveur de sa demande relative à la création d'un jardin et il convient de l'autoriser à créer un jardin clôturé par un muret en partie basse surmonté d'une clôture métal de style en partie haute, selon le dossier technique joint à la convocation à l'assemblée générale du 25 mars 2013, incluant l'insertion graphique intitulée 'aménagement de la cour Boutique Fleux' ;

Sur la demande d'autorisation de réouverture des portes-fenêtres donnant sur la cour

En l'espèce, l'assemblée générale du 25 avril 2013 a refusé à la SCI 14 Saint Sauveur l'autorisation de procéder à la réouverture ainsi qu'à la restauration des portes-fenêtres donnant sur le jardin ;

Les travaux de remplacement ou de modification des travaux antérieurement autorisés dans les parties communes nécessitent une nouvelle autorisation de l'assemblée générale ;

Aussi même si l'existence d'ouvertures antérieures, dans les façades A et B, au niveau de l'emplacement de l'ancien appentis, n'est pas contestée, et si la SCI 14 Saint Sauveur ne produit pas d'éléments justifiant si ces ouvertures correspondaient à des fenêtres ou à des portes-fenêtres, leur réouverture nécessite une autorisation ;

Ces travaux affectant les parties communes relèvent de la majorité de l'article 25b) et sont susceptibles de faire l'objet d'une autorisation judiciaire ;

En application des dispositions précitées, ces travaux affectant les parties communes et l'aspect extérieur de l'immeuble peuvent être autorisés par le juge à condition de ne pas entraîner une aliénation de parties communes, d'apporter une amélioration, même au profit d'un seul copropriétaire, d'être conformes à la destination de l'immeuble et de ne pas causer de préjudice aux autres copropriétaires ;

Dans le cadre de la résolution présentée à l'assemblée générale, la SCI 14 Saint Sauveur présente son projet comme 'la réouverture ainsi que la restauration des portes-fenêtres donnant sur le jardin, selon le dossier technique joint à la convocation' ;

Le dossier technique (pièce 50) décrit, au sujet de la façade A et de la façade B, aux emplacements précédemment recouverts par l'ancien appentis :

- pour la façade A 'Façade gauche en entrant dans la cour :

Réouverture des baies existantes. Installation de portes-fenêtres, en remplacement de portes-fenêtres qui existaient à l'origine. Dépose de la porte métallique existante.

Fourniture et pose de trois portes-fenêtres bois dans le même esprit que les menuiseries extérieures existantes dans l'immeuble. Hauteur 3,20m, largeur 1,12m à 1,32m. Coloris blanc RAL 9010",

- pour la façade B 'Façade au fond de la cour, à gauche du porche :

Pose d'un ensemble vitré, type atelier parisien. Montants métalliques à peindre. Hauteur 3,33m, largeur 4,40m. Coloris blanc RAL 9010" ;

Ce dossier comprend des esquisses représentant trois portes-fenêtres sur la façade A et une baie vitrée sur la façade B, celles-ci apparaissant aussi sur l'insertion graphique intitulée 'aménagement de la cour Boutique Fleux' ;

Au vu de ces éléments, ce projet est une amélioration pour les lots de la SCI 14 Saint Sauveur ;

Toutefois selon les photographies produites au dossier (pièce 7 : constat d'huissier du 10 mars 2008, pièce 10 : constat d'huissier du 22 janvier 2010, pièce 11 : photographies du 1er décembre 2010, pièce 34 : photographie du 15 mai 2015), les ouvertures situées dans les étages sont des fenêtres et les ouvertures situées au rez-de-chaussée, sont, dans la partie gauche de la cour, à côté de l'emprise de l'ancien appentis, une porte, et dans la partie droite de la cour, des fenêtres ; il n'y a aucune porte-fenêtre ; il ressort de la comparaison entre l'insertion graphique et les photographies que le projet de portes-fenêtres porte atteinte à l'harmonie, à l'esthétique et à l'aspect architectural de l'immeuble et en ce sens porte atteinte aux droits des autres copropriétaires ;

D'autre part, le lot 4 pouvant, conformément au règlement de copropriété être utilisé à usage industriel et commercial, et étant actuellement occupé par une boutique de décoration, le projet de portes-fenêtres donnera un accès au jardin, aux clients de la boutique ; or ce jardin est adjacent à la cour commune, qui aux termes du règlement de copropriété est une partie commune aux copropriétaires, non ouverte au public, et ce jardin est situé sous les fenêtres des lots à usage d'habitation donnant sur la cour ;

Il en ressort que ce projet n'est pas conforme à la destination générale de l'immeuble telle que décrite dans le règlement de copropriété et porte atteinte aux droits des autres copropriétaires ;

L'argument de la SCI 14 Saint Sauveur selon lequel aujourd'hui le lot 4 est aveugle puisque les anciennes ouvertures qui permettaient d'accéder à l'appentis ont été obturées est inopérant puisque la SCI 14 Saint Sauveur a accès à l'emprise de l'ancien appentis par la cour commune, a accès à la partie du lot 4 située à l'intérieur du bâtiment A, par la porte donnant sur la cour commune, et peut bénéficier de l'autorisation donnée par l'assemblée générale du 22 mai 2007 à la société RK Immobilier de réaliser des fenêtres ;

De même, l'argument de la SCI 14 Saint Sauveur selon lequel la trémie étant rebouchée, l'accès au lot 323 n'est plus accessible depuis un lot lui appartenant, est inopérant en ce qu'il est sans lien avec la question de l'ouverture des portes-fenêtres ;

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI 14 Saint Sauveur de sa demande d'autorisation de procéder à la réouverture des portes-fenêtres donnant sur le jardin ;

Sur la demande de dommages et intérêts de la SCI 14 Saint Sauveur

La SCI 14 Saint Sauveur estime que le refus du syndicat des copropriétaires d'aménagement de l'emplacement de l'ancien appentis procède d'une intention de nuire et porte atteinte à son droit de propriété sur les lots 4 et 323, au motif qu'elle ne peut jouir de ces lots et notamment du lot 323 qui est une réserve en sous-sol antérieurement accessible depuis une trémie située dans l'ancien appentis ;

En l'espèce, il ressort de l'analyse ci-avant que le refus de l'aménagement du jardin n'avait aucune incidence sur l'accès aux lots 4 et 323 ; concernant le refus des portes-fenêtres, celui-ci est sans incidence sur l'accès au lot 323, et il n'empêche pas la SCI 14 Saint Sauveur d'avoir accès à la partie du lot 4 constituée par l'emprise de l'ancien appentis, celle-ci bénéficiant d'un accès par la cour commune ; la SCI 14 Saint Sauveur ne rapporte donc pas la preuve d'un refus d'autorisation abusif par l'assemblée générale ni d'une intention de nuire ;

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI 14 Saint Sauveur de sa demande de dommages et intérêts ;

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à dire que les dépens de première instance et en cause d'appel seront partagés par moitié entre les parties et à rejeter les demandes respectives des parties relatives à l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la SCI 14 Saint Sauveur de sa demande relative à la création d'un jardin, en ce qu'il a condamné la SCI 14 Saint Sauveur aux dépens et à payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant sur les chefs réformés et y ajoutant,

Autorise la SCI 14 Saint Sauveur à créer un jardin clôturé par un muret en partie basse surmonté d'une clôture métal de style en partie haute, selon le dossier technique joint à la convocation à l'assemblée générale du 25 avril 2013, incluant l'insertion graphique intitulée 'aménagement de la cour Boutique Fleux' ;

Dit que les dépens de première instance et en cause d'appel seront partagés par moitié entre la SCI 14 Saint Sauveur et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] ;

Rejette toute autre demande;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/02163
Date de la décision : 26/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°18/02163 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-26;18.02163 ?
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