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26/02/2020 | FRANCE | N°17/21441

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 26 février 2020, 17/21441


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2020



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21441 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QB2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 14/05053





APPELANTE



SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG agissant en la person

ne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 349 545 103

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21441 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QB2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 14/05053

APPELANTE

SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 349 545 103

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant

Assistée de Me Thierry DOMAS de la SELAS BDD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R046, avocat plaidant

INTIMÉE

SCI AGATHE RETAIL FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 487 633 588

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653, avocat postulant

Assistée de Me Hervé FRASSON GORRET de la SELARL FRASSON - GORRET AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2009, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Elisabeth GOURY, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique en date du 03 septembre 2007, la SCI VADIM a cédé à la SCI AGATHE RETAIL un ensemble immobilier à usage commercial sis à QUINCY- SOUS-SENART (91), au lieudit La Marnière d'un contenance de 2ha 00a 09ca comprenant deux bâtiments distincts, un bâtiment d'environ 6 156,67 m² SHON comprenant 4 locaux distincts 'étant précisé que des travaux de restructuration sont actuellement en cours' et un bâtiment actuellement loué à la société BRICORAMA de 5 230m²SHON, l'ensemble immobilier comportant un parking, moyennant un prix de 14 789 930,97 euros HT.

La SCI AGATHE RETAIL a loué le local n°4 à usage commercial d'une SHON de 1354,50m² à la société JMS par acte authentique en date du 29 mai 2008 avec en sus la jouissance commune d'emplacements de parking et de locaux techniques à usage commun.

La SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG est venue aux droits de la SCI VADIM par effet d'une transmission universelle de patrimoine du 20 novembre 2008.

Par avenant en date du 9 mars 2009, le local a été donné à bail à la société M2SM sous l'enseigne PRICE LE DISCOUNT, substituée dans les droits de JMS, avec effet au 02 février 2009, pour un loyer annuel de 148 995 euros HT/HC, avec remise partielle de loyers les premières années, pour une durée de neuf années dont six années fermes.

Par acte d'huissier en date du 26 janvier 2011, la société M2SM, évoquant des inondations récurrentes des lieux loués, a assigné à jour fixe la SCI AGATHE RETAIL, devant le tribunal de grande instance d'EVRY aux fins de voir prononcer la résiliation du bail aux torts du bailleur et de voir condamner la SCI AGATHE RETAIL à lui verser diverses sommes en indemnisation de son préjudice.

Par acte d'huissier en date du 10 mars 2011, la SCI AGATHE RETAIL a assigné la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG en garantie, demandant que les deux procédures soit jointes et que celle-ci soit condamnée à la garantir d'éventuelles condamnations a son encontre.

Par jugement en date du 30 juin 2011, le tribunal, qui a refusé la jonction, a notamment:

- prononcé la résiliation du bail aux torts de la bailleresse,

- condamné la SCI AGATHE RETAIL à verser la somme de 200 000 € à la société M2SM en réparation de son préjudice,

- condamné la SCI AGATHE RETAIL à verser la somme de 37 248,75 € à la société M2SM en remboursement de son dépôt de garantie,

- condamné la société M2SM à verser la somme de 342 602,22 € à la SCI AGATHE RETAIL au titre des loyers et charges échus arrêtés au 10 mars 2011, outre 30.058,61 € au titre des intérêts contractuels,

- ordonné la compensation entre les sommes réciproquement dues,

- rejeté les autres demandes.

Par ordonnance en date du 10 janvier 2013, le juge de la mise en état a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes présentées dans la présente instance concernant l'appel en garantie de la SCI AGATHE RETAIL à l'encontre de la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG, en attente de la décision d'appel dans l'affaire opposant la société M2SM à la SCI AGATHE RETAIL.

Par arrêt en date du 2 octobre 2013, la cour d'appel de Paris a confirmé la décision de première instance, sauf à condamner la société M2SM à verser à la SCI AGATHE RETAIL la somme de 108 200,90 € au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation échus arrêtés au 25 octobre 2011.

Par ailleurs, dans le cadre d'une autre instance opposant la SCI AGATHE RETAIL à la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG et à des entreprises de construction ainsi que des assureurs, par arrêt du 8 novembre 2012, la cour d'appel de Paris statuant en référé a désigné un expert judiciaire, dont le rapport a été rendu le 4 février 2013.

Par ordonnance en date du 7 juillet 2014, l'affaire a été remise au rôle du tribunal de grande instance d'EVRY.

Par un jugement du 12 octobre 2017, le tribunal de grande instance d'EVRY a :

- condamné la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG à verser une indemnité de cent mille euros (100.000 euros) à la SCI AGATHE RETAIL, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision;

- débouté la SCI AGATHE RETAIL du surplus de ses demandes;

- débouté la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- dit que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens qu'elle a exposés dans la procédure ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 22 novembre 2017, la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 20 août 2018, la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG demande à la cour:

Vu les articles 1134, 1643 du Code civil.

Vu le contrat de vente du 3 septembre 2007 entre les SCI AGATHE RETAIL France et VADIM.

- Réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau :

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG à verser une indemnité de 100.000 € à la SCI AGATHE RETAIL outre intérêts au taux légal à compter de la décision ;

- Déclarer la SCI AGATHE RETAIL France irrecevable et mal fondée en son appel incident,

- Débouter la SCI AGATHE RETAIL France de toutes ses demandes, fins et conclusions visant la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que sa demande au titre de l'article 700 du CPC,

Statuant à nouveau :

- Condamner la SCI AGATHE RETAIL France à payer à la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG la somme 100.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 10.000€ par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner la SCI AGATHE RETAIL FRANCE aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL BDL AVOCATS conformément à l'article 699 du CPC.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 18 mai 2018, la SCI AGATHE RETAIL France demande à la cour de :

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance d'EVRY du I2 octobre 2017,

Vu l'appel régularise par la COMPAGNIE DE PHALSBOURG,

Vu les pièces produites,

1) Sur l'appel principal

- Déclarer la COMPAGNIE DE PHALSBOURG non fondée en son appel.

- La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SCI AGATHE RETAIL France.

- La condamner à lui verser la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

- La condamner en tous les dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

2) Sur l'appel incident

Vu les pièces produites,

Vu les articles 1641 et suivants du Code Civil,

Vu l'article 1792-1-2° du Code Civil,

- la SCI AGATHE RETAIL France recevable et fondée en son appel incident.

Y faire droit.

Reformer la décision entreprise.

- Déclarer la SCI AGATHE RETAIL France recevable et fondée en sa demande en garantie à l'encontre de la COMPAGNIE DE PHALSBOURG.

- Dire que la COMPAGNIE DE PHALSBOURG ne peut invoquer la clause exclusive de garantie figurant à l'acte de vente.

- Dire que celle-ci ne peut recevoir application en cas de comportement fautif ou dolosif du vendeur.

- En tout état de cause, constater que la COMPAGNIE DE PHALSBOURG, venant aux droits de la SCI VADIM, a engagé sa responsabilité vis-a-vis de la SCI AGATHE RETAIL France sur le fondement de l'article 1792-1-2° du Code Civil.

- Dire qu'en sa qualité de constructeur, la COMPAGNIE DE PHALSBOURG devait livrer un ouvrage conforme et exempt de défauts,

- Constater en conséquence qu'elle a engagé sa responsabilité vis-a-vis de la SCI AGATHE RETAIL France.

- Dire qu'elle doit réparer le préjudice subi par la SCI AGATHE RETAIL France.

- La condamner en conséquence a relever et garantir la SCI AGATHE RETAIL France des condamnations prononcées a son encontre par le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'EVRY en date du 30 juin 2011, et confirmé par la Cour, à savoir:

- 200 000 € au titre du préjudice soi-disant subi par la SOCIETE M2SM ;

- 37 248,75 € au titre du dépôt de garantie qui a dû être remboursé.

- les intérêts de droit à compter du jour de la demande, outre capitalisation par application de l'article 1343-2 du Code Civil.

- Dire que la COMPAGNIE DE PHALSBOURG a également engagé sa responsabilité vis-a- vis de la SCI AGATHE RETAIL France pour être à l'origine de la résiliation du bail aux torts exclusifs du bailleur.

- Dire en conséquence que la COMPAGNIE DE PHALSBOURG devra indemniser la SCI AGATHE RETAIL France du montant des loyers et charges non perçus pour la période du 26 octobre 2011 au 2 février 2015, et ce dans la mesure ou le bail avait été conclu pour une période ferme de six ans a compter du 1er février 2009

- Condamner en conséquence et a ce titre la COMPAGNIE DE PHALSBOURG à verser à la SCI AGATHE RETAIL France la somme de 711 633,21 € TTC a ce titre, outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande et capitalisation.

- Dire que la procédure engagée par la SCI AGATHE RETAIL France n'a pas de caractère abusif.

- Débouter la COMPAGNIE DE PHALSBOURG tant de sa demande de dommages et intérêts que de sa demande sur le fondement de l'article 700 du CPC.

- Condamner la COMPAGNIE DE PHALSBOURG a verser la somme de 15 000 € à la SCI AGATHE RETAIL France au titre de l'article 700 du CPC.

- La condamner en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 07 mars 2019.

MOTIFS

Sur la clause d'exclusion de garantie du contrat de vente

L'appelante fait valoir que le jugement entrepris s'est fondé sur une expertise qui a été annulée le 31 octobre 2017 en ce qu'il n'a pas été répondu à ses dires ; que le jugement du 31 octobre 2017 a relevé que l'expert judiciaire ne mettait pas le tribunal en mesure de déterminer si les désordres qui ont été constatés sont issus des interventions des locateurs d'ouvrage dans le cadre des travaux de réhabilitation de 2006/2007, qu'il s'agisse de vérifier qu'une intervention sur l'ouvrage a participé au dommage ou s'il n'existait pas une cause extérieure aux désordres, ce qui cause un grief aux parties dont la responsabilité est recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil. Elle expose qu'il n'est pas établi que les défauts auxquels il aurait dû être remédié au moment des travaux réalisés par la société VADIM sont antérieurs à la vente ; que le sinistre subi en juillet 2007 est sans rapport avec ceux subis en 2009 par les locataires qui sont en lien avec le développement de la zone commerciale et l'insuffisance des réseaux publics ; que dans ces conditions la clause d'exclusion de garantie doit jouer. Elle soutient que la requérante fonde son action sur les dispositions de l'article 1641 et suivants du code civil s'agissant des défauts de la chose vendue, dispositions qui ne sont pas d'ordre public et auquel il peut être dérogé entre vendeur et acheteurs de la même spécialité comme en l'espèce ; qu'au surplus il n'est pas démontré l'existence d'un vice caché. Elle conteste que la SCI VADIM aux droits de laquelle elle se trouve aurait eu connaissance des désordres avant la vente de sorte que la clause d'exclusion de garantie est opposable à la SCI AGATHE RETAIL France ; que c'est l'inertie de la SCI AGATHE RETAIL France conjuguée à la répétition des sinistres entre 2009 et 2011 qui a entraîné la résiliation du bail.

L'intimée fait valoir que la société VADIM a fait des travaux de restructuration de l'immeuble avant la vente ; que la clause d'exclusion de garantie ne peut pas jouer car le local qui était le seul occupé en 2007 au niveau bas de l'immeuble a fait l'objet d'une inondation avant la vente dont elle n'a pas été informée ; que la société VADIM n'a pas fait les travaux nécessaires sur le réseau d'évacuation des eaux pluviales sous dimensionné ; que la venderesse a fait réaliser à son insu postérieurement à la vente un bassin de rétention dans l'objectif de remédier aux inondations dont elle savait qu'elles pouvaient se reproduire.

Selon l'article 1641 du code civil : 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.'. L'article 1642 du code civil dispose que ' Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.'.

Par application de l'article 1643 du code civil : 'Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.'.

Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices et il ne peut donc se prévaloir d'une clause de non garantie des vices cachés. Par exception à ce principe, une clause excluant la garantie du vendeur est valable dans une vente conclue entre professionnels de la même spécialité.

Toutefois la clause de non garantie des vices cachés est inopposable à l'acquéreur si le vendeur avait connaissance du vice.

Et l'acheteur professionnel de la même spécialité que son vendeur peut néanmoins exiger de celui-ci la garantie dès lors que, techniquement, il ne pouvait pas déceler les défauts de l'immeuble au moment de la vente ou que les défauts n'ont été découverts que par des investigations qui ne sont pas d'usage.

L'acte du 3 septembre 2007 contient une clause d'exclusion de garantie ainsi stipulée '17.2.1 Etat de l'immeuble:

L'acquéreur prendra l'immeuble dans ses état et consistance au jour de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exercer aucun recours ni répétition contre le vendeur, soit en raison du mauvais état dudit immeuble, des vices de construction apparents ou cachés, de défaut de solidité des murs (. . .).

L'acquéreur déclare parfaitement connaître l'immeuble ci-dessus pour l'avoir visité préalablement.(...)'.

La cour relève que le jugement entrepris s'est référé pour partie au rapport d'expertise judiciaire du 4 février 2013 de Mme [P], experte désignée par arrêt du 8 novembre 2012 de la cour d'appel de Paris dans une instance opposant la SCI AGATHE RETAIL à la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG et à des entreprises de construction ainsi que des assureurs pour retenir la garantie de la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG. Toutefois ce rapport a été annulé par le tribunal de grande instance

de Paris par jugement en date du 31 octobre 2017, lequel a ordonné une nouvelle expertise, de sorte qu'il ne peut plus être excipé de ce rapport.

En l'espèce, la société VADIM aux droits de laquelle vient la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG a procédé à des travaux de restructuration d'un immeuble consistant principalement en la création de quatre cellules commerciales, deux en étages, deux au rez-de-chaussée courant 2006/2007 comportant devant l'entrée un parking bordé par un mur de soutènement.

Il résulte des termes du jugement du 30 juin 2011 du tribunal de grande instance d'Evry qu'une inondation a eu lieu dans l'intégralité du local commercial 'TONTON TONG' situé en rez-de-chaussée en juillet 2007 suite à des orages violents ; que des inondations ont affecté le local de la société M2SM le 12 mai 2009, le 15 mai 2009, le 23 juillet 2009, le 4 septembre 2009, les 12 et 14 juillet 2010 ayant nécessité l'intervention des sapeurs pompiers.

La SCI AGATHE RETAIL France sollicite d'être garantie par la compagnie de Phalsbourg des condamnations prononcées par jugement du tribunal de grande instance du 30 juin 2011, lequel a retenu sa responsabilité pour manquement à son obligation de délivrance au titre de trois défauts de la chose auxquels elle n'a pas remédié en tant que bailleur :

- le fait que le bien vendu est sujet à des infiltrations d'eau en cas de forte pluie

- le manque de sécurité dû à l'absence d'installation suffisante contre le ravinement d'eaux boueuses devant une sortie de secours située à l'arrière du bâtiment

- une dégradation de l'environnement commercial due à un mur de soutènement du parking qui bascule, soutenu par des tirants précédés d'un grillage.

Il résulte des termes du jugement du 30 juin 2011 que M. [Z] expert désigné à l'initiative de la société M2SM a constaté que 'l'accès principal, tout l'environnement extérieur, y compris le parking est en pente vers l'accès principal du magasin' ; que 'la seule protection empêchant les eaux de pluie de déferler dans la surface commerciale est un caniveau de 0,20x0,15 à l'évidence insuffisant pour une telle configuration' ; que l'expert de l'assureur multirisque a relevé que 'compte tenu de la topographie du terrain, il y a lieu de considérer que le site du magasin en l'état est particulièrement vulnérable à ce genre de sinistre compte tenu de la pente du terrain du parking vers le bas où se situe le magasin de votre assuré'. Le jugement du 30 juin 20011 relève que 'Par courrier en date du 23 avril 2008 la SCI VADIM indiquait avoir mis en place un bassin d'un volume de 15 mètres cubes qui permettra de stocker les eaux de pluie en cas de mise en charge du réseau public et d'en différer le rejet. Ces travaux ont été décidés au regard de la faiblesse du réseau d'évacuation des eaux de pluies.'. Ledit courrier adressé à la SCI AGATHE RETAIL France précise qu'en 'sortie de bassin, l'eau rejetée par les pompes emprunte un caniveau qu'il est nécessaire de maintenir en bon état de vacuité pour assurer un parfait écoulement', ledit courrier ajoutant qu'il a été constaté lors de la réception le 22 avril 2008 que le caniveau était encombré de saletés. Il ressort des termes de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 octobre 2013, confirmant le jugement du 30 juin 2011, qu'il 'était relevé que les inondations résultaient du refoulement du réseau public d'eaux fluviales dans le réseau privatif d'eaux pluviales de la zone commerciale ainsi que des engorgements et de la vétusté du réseau privatif existant de la zone commerciale, que le 7 juin 2011 les mêmes constatations étaient effectués'. Enfin le rapport de la société ALMA du 24 juillet 2009 préconise la création d'un bassin de 300 mètres cubes environ et la création d'une nouvelle canalisation entre ce bassin et le réseau du syndicat intercommunal pour l'assainissement.

Ces éléments mettent en évidence l'insuffisance du réseau d'évacuation des eaux pluviales existant occasionnant lors de fortes pluies l'inondation du local exploité au rez-de-chaussée par la société M2SM.

Le caractère inondable du bâtiment constitue un vice caché qui affecte l'usage de la chose vendue et est de nature à avoir eu une influence sur la volonté de l'acquéreur d'acquérir le bien au prix convenu, ledit bien étant destiné à une exploitation commerciale.

Les inondations survenues dans le local donné à la société M2SM sont comme l'indique l'appelante postérieures à la vente.

Toutefois, il résulte des termes du jugement du 30 juin 2011 que ' Par courrier du 4 juillet 2007, la société PLANET IMPORT exploitant l'enseigne TONTON TONG jouxtant le local occupé par la société M2SM faisait état d'inondation de l'intégralité du magasin suite à des orages violents.'. Ledit courrier était adressé à la société VADIM.

Ainsi contrairement à ce que soutient la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG, il était bien visé en juillet 2007 une inondation du local suite à des orages et non un simple un dégât des eaux ayant des causes internes.

C'est bien pour remédier aux causes de cette inondation dans le local occupé par la société PLANET IMPORT que la société VADIM décidait, alors qu'elle avait vendu le bien immobilier, de procéder en mars 2008 à la mise en place d'un bassin de 15 mètres cube. Ainsi par courriel en date du 27 mars 2008, la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG indiquait avoir compris que 'le réseau public en amont du bâtiment concerné au fil des années est devenu sous dimensionné'; que 'pour prévenir un nouveau sinistre et dans la mesure où nous étions à l'origine du bail, nous avons considéré qu'il était de notre responsabilité de procéder à des travaux permettant de garantir à notre locataire de rester au sec lors de fortes précipitations et à notre acquéreur un bâtiment conforme à sa destination' (...) Nous venons donc de faire réaliser un bassin de retenue des eaux de quelques m3 muni d'une pompe de relevage qui permet d'absorber le trop plein du réseau et d'en maîtriser le débit du rejet'.

Il s'ensuit que c'est également en raison de l'insuffisance du réseau d'évacuation existant que le local exploité par la société PLANET IMPORT a été affecté d'une inondation lors de fortes pluies en juillet 2007, tout comme par la suite le local donné à bail à la société M2SM a été affecté d'inondations survenant lors de fortes pluies ; que la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG ne saurait par conséquent prétendre qu'elle ignorait le problème d'inondation du bâtiment vendu.

La cour d'appel de Paris par arrêt du 28 janvier 2015 dans le cadre du litige opposant la SCI AGATHE RETAIL France à son locataire PLANET IMPORT a certes considéré qu'il n'y avait pas de manquement à reprocher à la SCI AGATHE RETAIL France mais elle a relevé l'ampleur exceptionnelle des pluies d'août 2008 et mai 2009 au vu des informations de Météo France pour considérer que les inondations survenues à ces dates ne mettaient pas en cause l'efficacité des travaux effectués en mars 2008, soit postérieurement à la vente, ce qui ne remet pas en cause l'insuffisance du réseau d'évacuation existant ni le fait que la société VADIM aux droits de laquelle se trouve la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG avait connaissance du caractère inondable du bâtiment vendu dès juillet 2007.

Par conséquent, si la clause de garantie est valable s'agissant comme l'a retenu le jugement entrepris de deux professionnels de même spécialité, le caractère inondable du bâtiment en raison d'un système d'évacuation insuffisant ne pouvait, au moment de la vente du 3 septembre 2007, être connu par la SCI AGATHE RETAIL France qu'en étant informée de l'inondation survenue en juillet 2007 ; qu'il n'est pas établi que le vendeur ait fourni un quelconque élément l'avisant du sinistre de juillet 2007.

Par conséquent, dès lors que le vendeur avait connaissance du caractère inondable du bâtiment sans en avoir informé l'acquéreur de sorte que le vice n'était pas décelable pour lui, la clause de non-garantie des vices cachés stipulée à l'acte de vente ne doit pas recevoir application.

S'agissant du mur de soutènement du parking, il n'est pas démontré que la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG aurait eu connaissance d'un quelconque désordre l'affectant avant la vente.

Il en est de même pour le ruissellement d'eaux boueuses devant une sortie de secours située à l'arrière du bâtiment résultant de l'affaissement du talus après la vente intervenu trois ans aprés la vente.

Il s'ensuit que la clause de non garantie trouve à s'appliquer pour les désordres ayant affecté après la vente le mur de soutènement du parking ainsi que le talus arrière.

Enfin, le fait que la SCI AGATHE RETAIL France ait le cas échéant fait preuve d'une inaction fautive est sans incidence sur le vice caché et relève de l'appréciation du préjudice qu'elle allègue.

Par conséquent, au regard de l'ensemble de ces éléments, la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG ne peut rechercher la garantie de la SCI AGATHE RETAIL France sur le fondement du vice caché que pour ce qui relève du caractère inondable du local exploité par la société M2SM en rez-de-chaussée en cas de fortes pluies en raison d'un réseau d'évacuation des eaux pluviales insuffisant.

Pour les deux autres désordres, il convient dès lors d'examiner si la garantie de la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG peut être recherchée sur le terrain de l'article 1792 du code civil.

Sur la responsabilité de la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG au regard des articles 1792 et suivants du code civil

La SCI AGATHE RETAIL France excipe qu'en tout état de cause, la responsabilité de la Compagnie de Phalsbourg, est celle d'un constructeur indépendamment des clauses et conditions du contrat de vente ; qu'il lui appartenait à ce titre de prendre les dispositions pour éviter les désordres, c'est-à-dire s'assurer que les réseaux existants étaient à même d'évacuer les eaux pluviales même en cas de fortes pluies, de sécuriser le talus arrière et de consolider le mur du parking pour pallier son basculement ; qu'elle n'a pas fait réaliser les travaux nécessaires de nature à éviter les désordres.

La SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG réplique qu'elle n'a procédé qu'à des travaux de réhabilitation d'un immeuble existant qui ne peuvent être assimilés à des travaux de construction d'un ouvrage relevant de l'article 1792 du code civil ; qu'il n'est démontré aucun lien de causalité entre les travaux qu'elle a effectués et les désordres allégués par la SCI AGATHE RETAIL France.

Selon l'article 1792 du code civil, 'Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.'.

Aux termes de l'article 1792-1 du même code, 'Est réputé constructeur de l'ouvrage:

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;

3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.'.

Le vendeur d'un immeuble dans lequel il a été procédé à des travaux de rénovation peut être déclaré responsable, envers les acquéreurs, des désordres affectant cet immeuble, sur le fondement des articles 1792 et suivants, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un contrat de louage d'ouvrage ou de maîtrise d''uvre, dès lors que l'importance des travaux réalisés les assimile à des travaux de construction d'un ouvrage et sans qu'y puissent faire obstacle les stipulations de l'acte de vente.

Il est admis qu'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil n'est pas nécessairement un bâtiment.

La cour relève qu'en raison de l'annulation de l'expertise réalisée par Mme [P], elle ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer sur la responsabilité de la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG au regard des articles 1792 et suivants du code civil ; qu'une nouvelle expertise ayant été ordonnée par jugement en date du 31 octobre 2017 , il convient de surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes des parties en l'attente du dépôt de cette expertise dont les opérations devaient commencer au mois de mars 2018 selon la SOCIETE COMPAGNIE DE PHALSBOURG, sans que cela ne soit contesté par la SCI AGATHE RETAIL France.

Les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

Par arrêt contradictoire,

Dit que la clause d'exclusion de garantie de l'acte de vente en date du 3 septembre 2007 ne s'applique pas pour le vice caché résultant du caractère inondable du local exploité par la société M2SM en rez-de-chaussée en cas de fortes pluies en raison d'un réseau d'évacuation des eaux pluviales insuffisant,

Sur les deux autres désordres pour lesquels la garantie de la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG est recherchée, sursoit à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire ordonnée par le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 31 octobre 2017,

Sursoit par conséquent à statuer sur les demandes formées par les parties,

Ordonne la radiation de l'affaire du rôle,

Dit qu'elle sera rétablie sur simple justification du dépôt du rapport d'expertise susvisé ou, le cas échéant, si les opérations d'expertise ne devaient finalement pas aboutir, de la justification de notes aux parties ou de la cessation des opérations d'expertise ;

Réserve les dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/21441
Date de la décision : 26/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°17/21441 : Radie l'affaire pour défaut de diligence des parties


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-26;17.21441 ?
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