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26/02/2020 | FRANCE | N°17/09886

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 26 février 2020, 17/09886


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2020



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/09886 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3Z5S



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/03726





APPELANT



Monsieur [N] [B] [J]

[Adresse 2]

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Représenté par Me David MARTINS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB05





INTIMEE



SARL SCANDELLA PAYSAGE

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Fl...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/09886 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3Z5S

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/03726

APPELANT

Monsieur [N] [B] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me David MARTINS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB05

INTIMEE

SARL SCANDELLA PAYSAGE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Flore ASSELINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0563

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Anna GAVAGGIO

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre et par Nasra SAMSOUDINE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé du litige

Monsieur [N] [B] [J], engagé à compter du 3 mars 2003 par la société Nouvelle Conception en Travaux Publics (NCTP), devenue la société SCANDELLA PAYSAGES le 31 décembre 2008, par contrat écrit à durée indéterminée, en qualité de Conducteur d'engins, classification ouvrier, niveau III, position II, au dernier salaire mensuel brut de 2.035 € incluant une prime d'assiduité ainsi qu'une prime de paniers et de déplacement, a été licencié pour faute grave par lettre du 8 décembre 2014 énonçant le motif suivant :

'Alors que vous étiez affecté sur un chantier situé dans la forêt des [Localité 6] à [Localité 5] dans le département de Seine et Marne, votre chef de chantier, Monsieur [X], vous a demandé, le 26 novembre 2014, de prendre le tracteur à chenilles pour alimenter ledit chantier en piquets. Vous avez alors catégoriquement refusé d'exécuter cette tâche en précisant que ce n'est pas à 50 ans que vous alliez vous mettre à conduire ce tas de ferraille. Le Chef de chantier vous alors proposé, le jour même, pour vous rassurer, de vous former aux manettes ce que vous avez expressément refusé. Le lendemain, soit le 27 novembre 2014, vous avez réitéré votre refus d'utiliser le tracteur à chenilles devant Monsieur [G], gérant. Lors de votre entretien préalable, nous vous avons demandé de nous expliquer les raisons pour lesquelles vous avez refusé d'exécuter cette tâche. Vous avez alors indiqué n'avoir jamais utilisé ce matériel et ne pas savoir le man'uvrer. Nous vous rappelons toutefois que la conduite du tracteur à chenilles ne nécessite aucune formation préalable. Seul le permis de conduire associé à une autorisation de conduite délivrée par l'employeur sont nécessaires. En outre, Monsieur [X], le chef de chantier, vous a proposé de vous former aux manettes pour vous rassurer ce que vous avez refusé. Surtout, vous avez été embauché dans notre entreprise en qualité de conducteur d'engins et la prise en main de ce genre d'engins ne devait en conséquence vous poser aucune difficulté particulière. Vous avez également affirmé que le tracteur ne répondait pas aux normes de sécurité en raison du fait qu'il ne possédait ni arceau ni ceinture de sécurité. Là encore, nous vous rappelons que ce tracteur a été homologué par les mines et qu'il dispose du document ' barré rouge ' qui autorise sa mise en circulation. Contrairement à ce que vous indiquez, la présence d'un arceau et d'une ceinture de sécurité n'est pas nécessairement exigée. Le tracteur à chenilles que nous vous avons demandé de conduire permet au conducteur de s'éjecter de l'engin si celui-ci venait à se retourner pour éviter que vous ne vous retrouviez bloqué dessous. Ce dispositif est parfaitement conforme aux règles de sécurité. Vous nous avez encore indiqué que vous ne vouliez pas mettre votre vie ou celle de vos collègues en danger. Nous vous avons alors rappelé que le chantier sur lequel vous interveniez était organisé avec plusieurs postes de travail, que vous étiez chargé, en conduisant le tracteur à chenille, d'alimenter vos collègues en piquets en réalisant des allers-retours entre le lieu de stockage et le lieu de pose, que vous n'auriez donc pas eu à travailler à proximité de vos collègues et qu'il était en conséquence extrêmement peu probable qu'une fausse man'uvre de votre part puisse engendrer des dégâts corporels. Vous nous avez enfin indiqué que vous reveniez d'un accident de travail et que conduire ce tas de ferraille aurait pu provoquer de nouvelles douleurs. Lorsque vous avez repris votre travail le 25 novembre 2014, votre médecin traitant n'a pas demandé d'aménagement de votre poste de travail, nous n'avions en conséquence aucune restriction à prendre en compte dans le cadre de votre affectation. Enfin, vous savez parfaitement que votre refus d'assumer la tâche qui vous était confiée à fortement ralenti le chantier sur lequel vous étiez affecté et les autres salariés présents sur ce chantier ont été particulièrement choqués de votre attitude. Compte tenu de ce qui précède, votre refus d'exécuter la tâche qui vous était confiée était totalement injustifiée. Ce refus infondé s'inscrit plus généralement dans une attitude extrêmement négative de votre part : Monsieur [E], qui vous assistait lors de l'entretien, est lui-même parvenu à un tel constat. A plusieurs reprises ces derniers temps, vous vous êtes mis en faute en refusant d'effectuer le travail qui vous était confié ou en adoptant une attitude incompatible avec l'exercice de vos fonctions : absence de port des EPI, lenteur dans votre travail, relations exécrables avec les autres salariés etc. Jusqu'à présent, nous avons été très indulgents à votre égard, privilégiant la communication et les mises en garde orales, mais vos agissements auraient parfaitement justifié des sanctions disciplinaires. De plus, lorsque Monsieur [E] vous a demandé lors de l'entretien, si vous souhaitiez toujours travailler dans notre entreprise, vous n'avez pas répondu. Dans ce contexte de comportement très négatif, votre refus réitéré d'assumer une tâche parfaitement conforme à vos fonctions de conducteur d'engins, est constitutif d'une insubordination manifeste qui caractérise une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise... '.

Par jugement du 6 juillet 2017, le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY l'a débouté de ses demandes, notamment à titre d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnités de préavis et congés payés y afférents, indemnité légale de licenciement, de rappel de salaires du 27 novembre au 8 décembre 2014 correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire, et de congés payés y afférents, de remise de l'attestation pôle emploi conforme, et de l'exécution provisoire. Il l'a également condamné au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [J] en a relevé appel.

Par conclusions récapitulatives du 5 octobre 2017, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [J] demande à la cour d'infirmer le jugement, et de condamner la Société SCANDELLA PAYSAGE à lui verser les sommes suivantes:

- 30.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4.796 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 479,60 € à titre de congés payés afférents,

- 6.194,59 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 838,02 € à titre de rappel de salaire pour la période du 27 novembre au 8 décembre 2014

correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire,

- 83,80 € à titre de congés payés afférents,

- 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il sollicite la remise d'une attestation POLE EMPLOI conforme au jugement à intervenir, et la condamnation de la société SCANDELLA PAYSAGE aux dépens.

Par conclusions récapitulatives du 28 novembre 2011, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société SCANDELLA PAYSAGE demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Monsieur [J] de ses demandes, et, à titre subsidiaire, dans le cas où la cour estime que son licenciement pour faute grave n'était pas justifié, de retenir un salaire mensuel brut moyen de 2.145,80 € et de condamner la société SCANDELLA PAYSAGE à verser à Monsieur [J] les sommes suivantes :

- 4.291 ,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 429,16 € au titre des conges payes afférents,

- 5.543,32 € a titre d'indemnité de licenciement,

- 838,02 € a titre de rappel de rémunération pour la période de mise a pied conservatoire outre la somme de 83,02 € au titre des conges payes afférents,

- limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a la somme de 12.874,80 €.

En tout état de cause, la société SCANDELLA PAYSAGE sollicite la condamnation de Monsieur [J] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

Principe de droit applicable :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.

Application du droit à l'espèce

En l'espèce, à l'appui de son licenciement, la société invoque deux griefs : le premier ayant trait au refus réitéré de Monsieur [J] d'utiliser le tracteur à chenilles les 26 et 27 novembre 2014 et le second à son attitude extrêmement négative à l'égard de la société.

Monsieur [J] conteste les griefs qui lui sont reprochés, et explique avoir refusé de conduire le tracteur à chenilles en raison du fait qu'il n'avait jamais utilisé un tel tracteur auparavant puisqu'il n'exerçait les fonctions de conducteur d'engins qu'à titre accessoire, que le tracteur ne répondait pas aux normes de sécurité, qu'il avait eu peur pour sa vie et celle de ses collègues, et qu'il n'était apte à conduire le tracteur dans la mesure où il n'avait pas eu de visite de reprise suite à son arrêt de travail couvrant la période du 31 octobre au 25 novembre 2014.

L'employeur verse aux débats plusieurs photographies de Monsieur [J] en train d'utiliser un tracteur à chenilles sur des chantiers, démontrant ainsi que le salarié avait déjà conduit un tel engin, et produit une attestation sur l'honneur de la possession du permis de conduire de Monsieur [J], une autorisation de conduite pour l'année 2014 vérifiée par le Docteur [P], laquelle est nécessaire pour l'utilisation de tracteurs à chenilles.

Il ressort des pièces du dossier, que l'utilisation d'un tracteur à chenilles rentrait dans le champ de ses fonctions, et que titulaire du permis de conduire et de l'autorisation de conduite, Monsieur [J] présentait tous les éléments nécessaires à sa conduite.

En outre, la société verse aux débats l'attestation de Monsieur [G], de laquelle il ressort que Monsieur [J] remettait régulièrement en cause les briefings et méthodologies des chantiers, qu'il manquait de motivation sur les chantiers, qu'il dénigrait systématiquement l'entreprise et son matériel, et que sur le dernier chantier sur lequel il a travaillé, il mettait deux fois plus de temps que ses collègues pour planter des piquets à la mini-pelle, ce qui a engendré des problèmes d'organisation.

Au vu des éléments versés aux débats, le comportement négatif et l'attitude d'insubordination du salarié sont caractérisés, notamment par le refus d'exécuter les tâches confiées, ce qui constitue en l'espèce une faute grave rendant impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise et justifiant son départ immédiat.

En conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé et Monsieur [J] sera débouté de ses demandes, y compris au titre de rappel de salaires correspondant à la mise à pied à titre conservatoire, laquelle était justifiée, et au titre du préavis et de l'indemnité légale de licenciement.

Sur la demande de remise de documents et l'exécution provisoire :

Compte tenu des développements qui précèdent, les demandes tendant à l'application de l'exécution provisoire et à la remise de documents sociaux conformes ne sont pas fondées.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [J] à verser à la société SCANDELLA PAYSAGE la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus des demandes,

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [J].

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/09886
Date de la décision : 26/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°17/09886 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-26;17.09886 ?
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